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Un Casse en Enfer: Paris des Limbes, #2
Un Casse en Enfer: Paris des Limbes, #2
Un Casse en Enfer: Paris des Limbes, #2
Livre électronique264 pages3 heures

Un Casse en Enfer: Paris des Limbes, #2

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À propos de ce livre électronique

Après sept siècles de captivité (dans une tapisserie), Zagan ne rêve que de profiter des plaisirs terrestres : grands crus, cuisine gastronomique, et peut-être quelques vacances au soleil. Certainement pas de retourner en enfer pour se mêler de politique.
Pourtant, dans l'Abîme la révolte gronde. Les traîtres sont sur le point de s'emparer de l'arme absolue : le sceau de Salomon. S'ils réussissent, Zagan est fichu. Il doit prendre le taureau — et les démons — par les cornes et descendre régler ses comptes en Enfer.
Après des siècles d'absence, ses alliés se font rares et les obstacles nombreux. Surtout s'il traîne derrière lui un chaton caractériel, un vampire photophobe et une secrétaire décidée à l'assassiner.
La partie est loin d'être gagnée.

Ce roman contient également: des démons, des anges, une secrétaire un peu trop à l'aise avec les poisons, quelques divinités égyptiennes et un train pas comme les autres .

LangueFrançais
Date de sortie29 mai 2023
ISBN9791095394594
Un Casse en Enfer: Paris des Limbes, #2

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    Aperçu du livre

    Un Casse en Enfer - C. C. Mahon

    1

    LE MIDAS DU LAIT EN POUDRE

    Minuit.

    Le Monoprix était le seul îlot de vie dans ce quartier parisien endormi.

    Au-dessus du supermarché s’empilaient sept étages d’un immeuble de béton, laid et aussi avenant qu’un mur de prison. Une lumière jaune pisse filtrait entre les volets rouillés du premier étage.

    Devant la porte en verre de l’immeuble, un adolescent boutonneux fumait une cigarette, l’air blasé dans son survêtement de marque. Zagan plissa le nez en traversant le nuage de fumée. Le gosse toisa Zagan, détaillant son costume de luxe et son écharpe en cachemire avant de tendre la main pour lui barrer le passage.

    — T’es qui, et qu’est-ce que tu viens foutre ici ?

    Visiblement, la haute couture italienne n’impressionnait plus.

    — Zagan, président des Enfers. C’est pour un casse.

    Le gosse fronça ses sourcils broussailleux et son menton fit un bond en avant.

    — Kesstud… ?

    Il jeta sa cigarette au sol et porta la main à sa poche.

    Zagan l’attrapa à la gorge et le claqua contre le mur. Bruit clair d’une caboche vide contre un parement de pierre, et la sentinelle s’effondra comme un paquet de linge sale. Zagan rajusta le col de son manteau de laine vierge, enjamba l’obstacle, et pénétra dans l’immeuble.

    L’ascenseur puait la clope, et Zagan regretta d’avoir eu la flemme de monter un étage à pied.

    Dans le couloir, la moquette marron foncé était si élimée qu’elle n’étouffait plus grand-chose. Les richelieus de Zagan éveillèrent un écho mat, et une silhouette se redressa à l’extrémité du couloir.

    Le type était à peine plus vieux que son collègue. De l’adolescence, il avait conservé une silhouette dégingandée et un visage marqué par l’acné. Il montait visiblement la garde, debout à côté d’une porte semblable à toutes celles de l’étage — métallique, bordeaux et percée d’un judas.

    Comment ce gosse poussé en graine espérait-il empêcher quiconque d’entrer ? Zagan ne prit pas le temps de lui poser la question. Il claqua des doigts, et l’ado s’effondra à son tour.

    Une pichenette ouvrit le vantail à la volée. Une exclamation sourde fusa, suivie d’un bruit de chute. Le guignol qui se tenait derrière la porte se l’était prise en plein nez.

    Zagan enjamba le corps inerte et pénétra dans l’antre des trafiquants de drogue.

    L’antre en question était un appartement vieillot et mal entretenu. L’air empestait le tabac froid et le fond de poubelle. Au sol, le Lino semblait jaune, à moins qu’il ne soit simplement sale. Plusieurs couches de crasse ornaient les murs. Sur la gauche, Zagan aperçut la salle de bain, qu’un malade avait un jour décidé de couvrir de moquette lie-de-vin du sol au plafond. Zagan pouvait comprendre qu’un tel décor pousse son occupant à la drogue. Même en enfer on n’aurait pas osé tant de laideur.

    Un claquement retentit au fond de l’appartement : quelqu’un venait de renverser une chaise. Une fenêtre crissa. En trois enjambées Zagan rejoignit sa proie.

    — Kevin Bernard ?

    L’interpellé se figea, à cheval sur l’appui de fenêtre, et tourna un visage de fouine vers Zagan. Derrière sa frange blonde, ses yeux papillonnèrent un instant.

    — Oui ? couina-t-il.

    Il portait une tenue de sport, mais sa poitrine creuse et ses cannes maigres n’avaient probablement jamais pratiqué d’activité physique.

    Zagan l’attrapa par le col et le ramena à l’intérieur. L’odeur de la peur vint se mêler aux parfums fétides de l’appartement.

    — Il ne faut pas jouer au-dessus du vide, tu risquerais de te faire très mal.

    Il reposa Kevin au milieu de l’appartement, entre le canapé défoncé et la table de cuisine sur laquelle s’empilaient des douzaines de briques de poudre pâle et mortelle.

    — Alors comme ça c’est toi, le nouveau Cador de Paname ? fit Zagan.

    — Le… quoi ?

    — Le minable qui a décidé de se passer de ma protection, a rallié une bande de dealers à la petite semaine, a incendié mon night-club, et estropié mes hommes.

    Un éclair de compréhension passa dans le regard de Kevin.

    — Ah. Ça. Vous êtes monsieur Mathieu ?

    — Il paraît, marmonna Zagan.

    À dire vrai, Mathieu avait vidé les prémisses un an plus tôt, et Zagan se servait de son corps et de son identité.

    — Ça fait un an, protesta le dealer. Vous n’êtes pas passé à autre chose ?

    — Dix mois, corrigea Zagan. La vengeance est un plat qui n’a pas de date de péremption, comme vous aimez à le rappeler.

    — Moi ? J’ai jamais…

    — Les humains. C’est bien ce que vous dites, non ? « La vengeance est un plat qui…

    — « Qui se mange froid, » compléta Kévin.

    — Vraiment ? J’étais persuadé… Bref. Évidemment que je suis passé à autre chose. À vrai dire tu es le dernier de la liste. Maintenant je préfère tenir les gens responsables de leurs actions. C’est très satisfaisant, et bien plus rémunérateur. Et puis la drogue, c’est pas vraiment en accord avec le libre arbitre. Et je suis très « libre-arbitre ».

    Le dealer lui renvoya un regard vide.

    Comment ce type avait-il pu se hisser au sommet du trafic de drogue de l’Ouest parisien ?

    J’ai éliminé tous les trafiquants compétents, et la lie est remontée à la surface. À propos de lie… Je m’ouvrirais bien une bonne bouteille en rentrant. Un rouge bien charpenté pour aller avec mon chocolat au piment.

    — Euh… Monsieur Mathieu ? appela l’humain d’une voix tremblante.

    À la mention de son identité officielle, Zagan sortit de sa rêverie.

    — Oui ? Où en étions-nous ?

    — Vous… alliez partir ?

    — C’est ça !

    Le soulagement déferla sur le visage pointu du dealer.

    — Donc… Sans rancune ? fit-il. Puisque vous avez arrêté le trafic de drogue de toute façon…

    Zagan soupira. Dans la poitrine de Kevin il pouvait sentir le cœur battre à toute vitesse, les artères déformées par la pression du sang.

    Ces humains sont si fragiles. Une simple panne dans la pompe centrale, et tout est fini.

    Il désigna la table de cuisine et les paquets de poudre entassés dessus.

    — Tu sais ce que c’est ?

    — Mon stock d’héroïne ?

    — Plus maintenant.

    — Vous… Bien sûr. Allez-y, prenez ce que vous voulez !

    Zagan fit remonter son sourcil gauche vers la naissance de ses cheveux bruns.

    — Moi ? Que veux-tu que je fasse avec trente kilos de lait pour bébé prématuré ?

    Le dealer écarquilla les yeux, puis secoua la tête.

    — J’vous jure, c’est de la première qualité !

    — Plus maintenant. À partir de cet instant toute la drogue qui te passera entre les mains se transformera immédiatement en lait pour prématuré. C’est valable pour tes subordonnés, associés, et toute personne qui pourrait manipuler de la drogue pour toi. Tu connais Midas ?

    — Les pots d’échappement ?

    Zagan se massa les paupières. Ces humains l’épuisaient.

    Il se tourna vers la table de cuisine et repéra la boîte à chaussures coincée entre deux tas de lait en poudre. Un signe de l’index, et les liasses de billets qu’elle contenait traversèrent la pièce jusque dans sa main.

    — Merci pour ce don. J’ai aussi siphonné tes comptes à la Banque Postale. J’en ferai bon usage.

    Kevin poussa un hurlement de bête blessée.

    — Mon fric !

    Mais déjà Zagan se dématérialisait.

    2

    CYANURE ET PORCELAINE DE CHINE

    Zagan se rematérialisa dans la réserve de son restaurant, entre les sacs de farine et les cageots de pommes de terre. En traversant les cuisines il vola un macaron au yuzu — son préféré — sous les reproches résignés de sa cheffe pâtissière.

    Le sous-sol de l’immeuble avait bien changé en dix mois. Après l’incendie déclenché par Kevin Bernard et ses petits camarades, Zagan s’était débarrassé du club de strip-tease de Mathieu et de sa décoration de mauvais goût. Finis les néons rose fluo et les miroirs au plafond ; Zagan avait investi dans les nappes blanches et les lustres en cristal. Il avait perdu une partie de son ancienne clientèle, mais son amour de la bonne bouffe et quelques pots-de-vin bien placés lui avaient bâti une nouvelle réputation, plus gastronomique.

    La salle de restaurant était encore bien pleine malgré l’heure tardive, et Zagan repéra quelques habitués. Un député bedonnant l’arrêta au passage.

    — Très bien, cette reconversion. Mais… Je peux avoir une petite heure avec Tatiana, en dessert ?

    Le député ponctua cette question d’un clin d’œil salace qui fit rigoler les lobbyistes dînant à sa table.

    — Tatiana, qui s’appelle en fait Juliette, est partie en école de commerce.

    — Vraiment ? Tant mieux pour elle. Rita, alors ?

    — Claudine a ouvert une épicerie bio dans son village d’origine.

    — Allons, il vous reste bien une fille ou deux ?

    — Six, en cuisine. J’espère que vous appréciez leur travail.

    Zagan abandonna le député dépité et embarqua dans son ascenseur personnel. Ici ni odeur de tabac ni moquette élimée, mais une cabine de bois et fer forgé dont les parois de verre sans tain permettaient de voir sans être vu. Zagan préférait rester discret.

    Derrière sa modeste table de bois poli, Anastasia gardait l’entrée du bureau de Zagan, tel un Cerbère blond. Et avec une seule tête. Et humaine. Un Cerbère, mais humaine.

    Une secrétaire, quoi.

    Il la salua, et elle lui adressa un regard dur.

    Je me demande si elle pardonnera un jour ce que Mathieu lui a fait vivre.

    Zagan avait présenté ses excuses au nom de Mathieu, et il avait recommencé chaque fois qu’Anastasia avait tenté de l’empoisonner.

    Mais combien d’excuses peuvent faire oublier des années d’esclavage ?

    Les filles reconverties au restaurant semblaient avoir tourné la page. Mais elles étaient arrivées bien après Anastasia.

    Zagan haussa les épaules et poussa la porte de son bureau.

    La lumière dorée d’une lampe baignait l’antichambre.

    Jérôme, le fidèle chauffeur de Mathieu, somnolait dans un fauteuil Louis XV — pas l’option la plus confortable pour un homme dans la soixantaine, si Zagan avait compris comment fonctionnaient les organismes humains.

    Zagan attrapa dans sa veste la liasse de billets récupérés chez Kevin et s’en servit pour donner un petit coup sur le crâne de Jérôme. Ce dernier bondit sur ses pieds avant même d’être totalement réveillé. Zagan dissimula un sourire et fourra la liasse dans les mains du chauffeur.

    — Pour les bébés prématurés. Répartis ça équitablement entre les associations. Et puis va te coucher. Je ne sortirai plus cette nuit.

    Jérôme empocha les billets, esquissa un semblant de salut plus ou moins militaire, et partit en se frottant les yeux.

    — Fais-moi monter une bonne bouteille en sortant ! appela Zagan.

    — J’ai mis un Château-Margot à décanter sur votre bureau, marmonna Jérôme. Avec une boîte de chocolats.

    — Anastasia…

    — N’a pas approché. J’ai vérifié.

    Brave homme.

    Un parfum de cire d’abeille et de vieux cuir flottait dans le bureau.

    Zagan se laissa tomber dans son fauteuil de direction, un modèle en cuir sombre raccord avec la déco « club anglais » de la pièce, et nettement plus confortable que les chaises baroques de l’antichambre. Il se servit un verre de vin, admira la robe rouge sombre dans son verre de cristal, et alluma son ordinateur.

    Dans le moteur de recherche, il tapa « acheter une île aux Maldives », choisit un chocolat — noir et amère comme il l’aimait — et commença à écumer les petites annonces. Il aurait bientôt débarrassé Paris des drogues dures qui y faisaient tant de ravages. Il méritait quelques vacances au soleil. Autant profiter de ces joyaux or et turquoise avant que l’océan ne les engloutisse.

    Trois petits coups résonnèrent à la porte du bureau, et Zagan oublia les Maldives.

    — Je vous ai fait un café, annonça Anastasia, comme si l’ingestion de caféine était une activité normale au milieu de la nuit. Ce qui, il fallait le reconnaître, était le cas chez Zagan.

    Elle posa une minuscule tasse en porcelaine de Chine blanche et bleue à côté du clavier, et le démon renifla l’arôme qui s’en dégageait.

    — C’est de l’amande que je sens ? Encore du cyanure ?

    — Pas du tout.

    — Belladone ? Ciguë ?

    — Rien ! Ça fait au moins deux semaines que je n’essaie plus de vous empoisonner. Vous auriez pu le remarquer !

    — Hum. Certaines choses sont difficiles à oublier.

    — Mais la prière résout tous les problèmes, annonça Anastasia sur le ton de la confidence. Vous devriez essayer.

    Elle lui adressa un sourire de sainte et repartit à petits pas mesurés.

    Zagan lorgna son café.

    Eau bénite ?

    — Ah ! fit Ana depuis la porte.

    Zagan redressa la tête en sursaut.

    — Vous avez un visiteur, poursuivit la secrétaire. C’est le jeune monsieur Richard. Je fais entrer ?

    « Le jeune monsieur Richard » n’était plus. Pour être exact, ce fils de bonne famille avait cédé son enveloppe charnelle à Kip, un obscur démon de quatrième zone. Kip avait réussi, allez savoir comment, à s’extraire de l’Abîme quelques mois plus tôt, et depuis passait ses nuits à chouiner chez Zagan.

    Kip se laissa choir dans le fauteuil destiné aux visiteurs avec un soupir à fendre l’âme — si quelqu’un dans la pièce en eut possédé une. Il avait conservé la garde-robe du « jeune monsieur Richard », un mélange de jeans haute couture pré-troués (véritable ode à la fainéantise humaine) et de vestes en cuir pour faux rockers. En fait, il n’y avait rien de réel chez le personnage — depuis ses cheveux blonds décolorés jusqu’à ses bottines en cuir de veau façon serpent, en passant par sa montre aviateur qui n’avait jamais vu un cockpit. Même son air blasé était en toc : quand Kip oubliait de jouer les vieux routards revenus de tout, il laissait voir un enthousiasme enfantin face aux plaisirs du monde moderne.

    Zagan fit glisser son expresso en direction du démon.

    — Que me vaut le plaisir de ta visite ?

    Kip attrapa la tasse et la vida d’une gorgée. Zagan examina son visage poupon, à la recherche d’une réaction à un poison — sans en trouver trace.

    — Dis, fit Kip, tu veux pas lever le pied ?

    Zagan sentit à nouveau son sourcil gauche grimper vers la naissance de ses cheveux, et ne fit rien pour l’en empêcher.

    — Tu pourrais être plus précis ?

    — Ta guerre contre la drogue, là. C’était marrant quand tu bottais les fesses des vendeurs de crack du 20e. Mais la coke dans le 1er arrondissement ? Sérieux ? On est entre bonnes gens, là. On peut bien se détendre un peu.

    — Tu es un démon : tu n’as pas besoin de ça pour planer.

    — Mais ma copine, si. Et depuis qu’elle est à sec elle a rejoint une secte de tarés qui fume de l’herbe pour parler avec le Léviathan.

    Zagan se demanda s’il avait bien compris, avant de décider de passer outre. Converser avec un monstre primordial n’était pas la pire idée qu’il eut entendue depuis son retour sur Terre.

    — Ce ne sont pas les humaines qui manquent. Tu en trouveras bien une autre pour jouer avec un jeune homme plein aux as comme toi.

    Kip fit la moue.

    — J’aimais bien celle-ci. Elle a un humour de dingue et une souplesse digne d’une prêtresse d’Amon… Tu peux pas faire une exception à ta lutte anti-drogue ? Ou me prêter une de tes cocottes ?

    — Il n’y a plus de prostituées ici.

    — Je te trouve bien collet monté. En quoi le sexe pose-t-il problème au libre arbitre ?

    — Quand la fille qui le pratique est retenue prisonnière par un salaud de proxénète. Si tu veux une prostituée, trouve une indépendante. Les humains ont inventé Internet pour ce genre de choses.

    — Si j’avais su, je serais resté en enfer, marmonna Kip.

    Zagan flanqua Kip à la porte et

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