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Carpe Diem
Carpe Diem
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Livre électronique388 pages5 heures

Carpe Diem

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À propos de ce livre électronique

Cassandre vit à présent dans le sanctuaire de Wawona en Californie. Entourée d’Ossion, le chef du sanctuaire, des gardiens et de Damon, Cassandre continue de s’entrainer pour le jour de l’affrontement avec Dragon.

Son séjour à Wawona ne sera pas toujours de tout repos. Heureusement, Damon apaise le coeur de la belle Cassandre et tous deux se rapprochent.

Mais au cours d’un trek destiné à sauver Luna, Cassandre retrouve Victor, qui décide de quitter les ombres et de se lier aux fées de lumière. La relation entre Cassandre et Damon va se compliquer, laissant la jeune femme perplexe sur le choix qu’elle aura à faire entre les deux hommes qui se disputent son amour.

Malgré cet évènement, Cassandre et ses amis se concentrent sur le sauvetage de Luna et
avancent dangereusement vers une issue incertaine...
LangueFrançais
Date de sortie28 juin 2019
ISBN9782898032097
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    Aperçu du livre

    Carpe Diem - Lauriane Pernez

    1

    La grâce est toujours unie à la magnificence dans les scènes de la nature.

    François René de Chateaubriand

    Le voyage en hélicoptère me permet de moins penser aux terribles épreuves que nous venons d’endurer. La perte du sanctuaire en Irlande sera difficile à effacer de nos mémoires ; cependant, pour me donner du réconfort, je m’accroche à l’idée que les ombres ne détruiront jamais ce bel endroit.

    « Elles veulent anéantir l’humanité, pas la terre », songé-je en inspirant profondément, alors que je me laisse emporter dans les cieux.

    Mon Dieu, Gaïa, faites qu’elles ne la détruisent pas, me rejoint ma conscience.

    De la porte de l’appareil, j’observe l’étendue du ciel. Les oiseaux volent en rythme dans un ballet improvisé, et ma très chère Aurora nous survole et s’amuse à taquiner les nuages sans jamais me quitter des yeux.

    Perdre le sanctuaire fut, pour elle, comme elle me l’a avoué avant de partir, un instant déchirant, puisque c’est là-bas qu’elle avait vu le jour. Mais Aurora ne s’éternise pas sur sa tristesse et affronte le moment présent avec panache.

    « Le plus important est que nous ayons tous pu partir sains et saufs, me dis-je en l’observant avec tendresse. Tu es tellement magnifique. »

    Par moment, je la vois nous observer et je la sens s’inquiéter pour moi. Aurora est contre ma décision d’accorder ma confiance à Damon. Elle ne peut s’empêcher de le croire mauvais, puisqu’il est le fils de Dragon, et elle s’accroche à l’idée que, tôt ou tard, je finirai par découvrir son vrai visage.

    En même temps, je ne peux pas lui reprocher d’être méfiante, car, en y repensant, Victor nous a tous bien dupés… et moi la première. Je me sens tellement triste et honteusement idiote en repensant à lui et à cette terrible nuit de l’aveu.

    « Pourquoi as-tu fait cela, Victor ? le questionné-je vainement, emplie d’amertume. J’avais tellement confiance en toi. »

    — Ne cherche pas de réponse pour l’heure, me murmure Brucie, qui a entendu mes pensées. Victor avait ses raisons.

    — Peut-être ! lui dis-je, penaude.

    Brucie me regarde avec compassion et je ressens le besoin de lui faire part de mes sentiments.

    — Mais vous voyez, le problème est que je me sens trahie, grondé-je, avec fracas dans nos esprits.

    Je me sens à la fois triste et coupable et j’abaisse le regard sur le sol de l’appareil.

    Ne sois pas trop dure avec toi-même, me console la reine.

    Je relève les yeux et découvre sur le visage de la reine ce même sourire qui chaque fois me réconforte. Brucie poursuit, toujours plus clémente :

    — Penses-y, Cassandre. Après tout, Victor vous a permis de vous échapper. Peut-être qu’il t’aimait vraiment, mais qu’il ne savait plus comment se sortir de cette situation !

    — Vous avez sans doute raison ! soufflé-je en levant les yeux au ciel. Comme bien souvent d’ailleurs ! continué-je, avec une douce ironie. Nous verrons ce que l’avenir nous dira en ce qui concerne Victor Walker… Si c’est bien le nom qu’il porte !

    Brucie hoche la tête et me sourit encore avec tendresse, sans me juger, comprenant parfaitement mon mal-être. Aimer une personne pour la première fois de sa vie devrait rester un moment merveilleux auquel on aime à rêver.

    Cependant, dès que je repense à Victor et à cette nuit tragique sur le toit de la chapelle en Angleterre, je n’entends que l’horrible aveu qu’il m’a fait et j’en oublie nos merveilleux souvenirs… tel un écho s’abandonnant dans l’obscurité :

    « Je suis un féetaud, Cassandre ! »

    Les mots de Victor éclatent avec fracas dans ma tête, mais malgré la douleur, la colère et la tristesse, je me force à garder espoir ; l’espoir qu’il retrouve la raison et le chemin de la lumière.

    « J’espère qu’avec le temps, songé-je, avec déprime, je finirai par oublier et surtout que j’arriverai à comprendre pour enfin te pardonner. »

    Je m’adosse contre la paroi en verre de l’appareil, laissant ses bourdonnements et ses vibrations me divertir et ainsi changer le cours de mes idées saugrenues. J’essaie d’imaginer dans quel autre endroit merveilleux nous allons atterrir et qui j’y rencontrerai. Je pense aussi à tous mes amis, partis en hâte et effrayés… soit en bateau, soit en nageant ou en volant. Je prie pour que tous arrivent au nouveau sanctuaire sans embûche.

    Alors que je cogite beaucoup, comme d’habitude, me sermonne dame conscience, je regarde Damon et Moon, endormis l’un contre l’autre. Damon a un petit rictus au coin de la bouche quand il dort profondément, tandis que Moon, la tête posée sans le vouloir sur le torse de mon rockeur, laisse échapper de sa bouche un filet de bave.

    En cet instant, je suis heureuse pour Damon ; Gaïa lui a rendu sa lumière et cela me fait un baume au cœur, même si j’avoue ne pas apprécier le rapprochement entre Moon et lui en cet instant. Grâce à Gaïa, Damon a enfin retrouvé un peu de paix…

    Et puis, il a retrouvé sa grand-mère, intervient la voix dans ma tête, ce qui me fait sursauter. C’est un grand cadeau !

    J’élève mes sourcils comme pour approuver cette pensée avant de me dire d’un ton dégoûté :

    « C’est tout de même terrible de penser que Luna a été violée par son propre fils ! »

    Écœurant ! me rejoint ma conscience sur le même ton.

    « Décidément, râlé-je, après avoir verrouillé mes pensées pour ne pas blesser Brucie dans le cas où elle m’écouterait, entre l’odieux viol de ce porc de Larloch et celui de Dragon, Luna a dû désespérer. »

    J’observe Brucie ; elle a le teint pâle, pourtant, elle semble sereine.

    « Pense-t-elle à ça ? me dis-je en secouant la tête, pour m’ôter cette idée farfelue. Sacré karma que celui de Luna… J’espère que Dragon paiera pour ses crimes ! »

    Au moins, tente de me réconforter dame conscience, de ce malheur est né Damon… même si pour lui, ajoute-t-elle d’une voix morne, cela doit être terrible de connaître le lourd secret de sa conception.

    « Un calvaire », lui répliqué-je, presque ironique.

    Damon en sortira plus fort. J’en suis convaincue, me souffle-t-elle alors en m’irradiant d’une lumière interne qui m’apaise aussitôt.

    « Quel être incroyable ! pensé-je convaincue en observant Damon endormi. Je te dois une fière chandelle… Toi qui n’as pas hésité à me sauver d’un destin funeste. »

    À force de tergiverser sur les bons comme les mauvais moments, mon esprit fatigue et je sens la connexion avec ma conscience se perdre. Les clignements de mes paupières se font de plus en plus rapides. Je tente de lutter, mais le sommeil me gagne. Je m’endors sans compassion pour Faltar qui doit maintenir le cap et piloter l’engin sans vaciller.

    • • •

    Quelques longues minutes plus tard, le brouhaha de mes compagnons de route me sort de mes songes. Je grimace tout en m’étirant et bâille le plus discrètement possible. Je vois que Damon et Moon parlent avec frénésie en pointant du doigt l’extérieur de l’hélico.

    — Pourquoi êtes-vous aussi énervés ? les questionné-je en levant un sourcil, intriguée par leurs petits sauts de gamin.

    — Désolé, Cassandre, on t’a réveillée ? me lance Damon chagriné, mais malgré tout amusé par l’expression de mon visage à peine éveillé.

    — Ce n’est pas grave, dis-je en haussant les épaules. Alors ?

    — Regarde ! me dit Moon avec enthousiasme, nous arrivons.

    — Vraiment ! lancé-je, surexcitée en me tournant vers la reine, le regard brillant.

    Brucie me le confirme d’un oui de la tête alors que Damon s’exclame déjà, en me tirant la main :

    — Viens voir ça !

    En arrivant à sa hauteur, ce n’est pas l’agitation de l’extérieur qui attire mon attention dans un premier temps, mais plutôt la chaleur de sa peau contre ma main ainsi que son rire enfantin. Je souris avec hébétement avant de secouer la tête pour enfin voir ce majestueux spectacle.

    Effectivement, je comprends leur joie en apercevant depuis le ciel la grandiose forêt qui se laisse découvrir ; c’est tellement beau que j’en ai le souffle coupé.

    « La grâce est toujours unie à la magnificence dans les scènes de la nature », pensé-je, émue par le tableau qui se dresse sous mes yeux pétillants de frénésie.

    C’est complètement fou de voir ce paysage onirique depuis le ciel ; la forêt est immense et s’étend sur des centaines de kilomètres. Nous pouvons apercevoir des arbres gigantesques qui, depuis l’hélico, nous paraissent tout petits.

    Je me souviens très bien de l’imposante hauteur des séquoias ainsi que de leur grandeur ; cela m’avait procuré tant de sécurité. Et cette image me rappelle mes parents et me renvoie à leur chaleur. Je souris en nous revoyant heureux lors de nos belles et grandes balades.

    Lorsque j’étais venue avec mes parents me promener dans cette étendue boisée, je m’y étais sentie pleinement comblée, mais en cet instant, je me sens privilégiée. Damon m’observe, amusé par mon énergie et ma joie intense. Il me sourit chaleureusement tout en me frottant le haut du dos, ce qui me fait frissonner de plaisir.

    En nous rapprochant de la cime des arbres, nous sommes stupéfaits et ébahis par la beauté de cette nature luxuriante. J’aperçois également plusieurs endroits montagneux, dont les sommets semblent être aiguisés telles des lames de rasoir. Certains sont bruts et d’autres, plus hauts, parsemés de tapis enneigés.

    Plus bas, entre les fentes rocheuses et qui descendent jusqu’au sol, je distingue d’autres arbres et d’épaisses couches de mousse. Il y a également des cours d’eau, des lacs et quelques cascades qui s’y risquent, se frayant un chemin escarpé dans ce dédale boisé et rocheux.

    — C’est magnifique ! m’exclamé-je, avec enthousiasme.

    Mes amis, conquis par cette vision de perfection, me rejoignent dans mon exaltation débordante. La chance était également au rendez-vous : grâce à un temps clément, aucun nuage ne venait troubler ce moment de paix.

    — Tenez-vous bien, nous interpelle Faltar, nous allons atterrir.

    — Très bien, dis-je, de plus en plus pressée de me retrouver au sol.

    Je regarde avec émerveillement l’endroit dont nous nous rapprochons. Grâce à Aurora, que je suis à la trace depuis le début du voyage, je peux apercevoir notre nouveau lieu d’accueil. Ma vision me permet de percevoir au travers de l’épaisse forêt l’endroit précis où elle a atterri.

    Je discerne un lac où s’abreuvent quelques biches et, en regardant aux alentours, je discerne une ourse et son petit qui partent se cacher dans la forêt, sûrement apeurés par le bruit puissant des pales de l’hélicoptère.

    L’hélico tremble un bref instant en amorçant sa descente, puis se stabilise avant de pénétrer avec aisance entre les arbres. Soudain, le choc et les turbines ralentissent ; nous nous sommes posés.

    — ALLEZ, nous commande Faltar avec joie, tout le monde descend !

    Nous sautons hors de l’appareil. Damon me tient par la taille pour m’aider à en descendre.

    « Je préférerais me laisser porter, pensé-je, après avoir verrouillé mes pensées, plutôt que de lui dire que je n’ai pas besoin de son secours. »

    Chaque fois qu’il me touche, je sens un courant électrique circuler dans mon corps et j’adore cette sensation. Du coup, dès que je le peux, j’en profite.

    Je prends Aurora dans mes bras, après qu’elle s’est transformée en mon petit félin adoré et qu’elle eut regardé en tous sens ce lieu magnifique, inspirant et reposant, afin d’écarter tout danger.

    — Alors ? Demande Moon, intriguée. Où se situe le sanctuaire ?

    — Pressée ? Avance Damon en la regardant avec engouement.

    Elle opine de la tête avec agilité.

    — Moi aussi, continue-t-il en me regardant à présent avec malice.

    Je secoue la tête amusée.

    — Nous y sommes, sourit Brucie en regardant Moon. Un voile nous empêche de le voir pour le moment.

    — À cause des humains ?

    — Effectivement, Damon, lui confirme la reine. Comme tu le sais, nous ne pouvons pas nous permettre de nous dévoiler à l’humanité.

    — Oui, coupé-je, alors que Damon s’était contenté d’opiner. Mais d’ailleurs, pourquoi cela ? Osé-je un peu naïvement.

    — Ils ne sont pas prêts à nous rencontrer, Cassandre, intervient Faltar. Et les connaissant, nous savons que la peur et l’incompréhension qu’ils auraient face aux fées ou aux elfes les rendraient dangereux à notre égard.

    — C’est évident ! Coupe Moon avec conviction. L’homme, d’une manière générale, agit toujours de façon excessive, voire radicale, face aux choses qu’il ne maîtrise ou ne comprend pas.

    Je les regarde à tour de rôle sans vraiment être convaincue par leurs arguments.

    « Après tout, pensé-je de guerre lasse, ils savent sûrement mieux que moi ce qu’il est bon de faire. »

    Sur cette pensée, j’obéis sans discuter à Brucie qui nous demande de nous reculer un peu, afin qu’elle puisse ouvrir une porte dans le bouclier. Elle s’exprime en langue elfique, que je reconnais clairement maintenant, puis une douce lumière apparaît, créant une porte ouverte sur un autre univers.

    — Venez, suivez-moi, dit-elle en avançant avec la grâce qui la caractérise.

    — Avec joie, clame Damon, à qui je souris en agitant la tête.

    Nous la suivons sur le chemin de notre nouvelle destinée. Il est évident qu’en pénétrant dans cet espace, je me sens en sécurité et apaisée de toutes ces souffrances qui pèsent lourd sur mes épaules de jeune femme. Seulement, je ne pensais pas que l’énergie ou l’atmosphère régnant ici me serait aussi agréable. Immédiatement, une force chaude et nouvelle m’envahit par vagues.

    Je retourne mon regard vers la porte que Brucie nous a révélée, la lumière de l’entrée n’est plus qu’un petit trou brillant derrière nous, qui finit par s’effacer totalement.

    Dès lors, nous sommes suspendus dans le temps. Il plane ici un silence si profond, que seul nous parvient l’écho de nos pieds frappant le sol à grands coups sourds, tandis que les arbres semblent se pencher sur nous pour nous écouter.

    Je me sens régénérée et investie d’une force purifiante. Mes amis également semblent ressentir le même effet ; comme un « shoot » d’amour nous ouvrant de nouvelles connexions à la terre, nous sommes unis par ce flux inconnu.

    Je vois, de mon regard aguerri, un long chemin de terre arboré d’une arche de roses blanches. Nous le parcourons sur une dizaine de mètres, humant l’odeur délicieuse émanant de cette alcôve romantique.

    Il n’y a pas le moindre mouvement d’air sous la voûte et rien ne vient rompre le silence de cette luminosité diffuse et apaisante qui s’y glisse. Seuls quelques lapins se risquent à briser cet espace de paix, en filant entre nos jambes, jouant et sautant sans que nous les dérangions.

    Au bout du tunnel se dresse devant nous, sur un petit îlot de verdure, un arbre gigantesque, entouré d’un lac à l’eau translucide. Je suis estomaquée de découvrir un tel géant. La forêt se présente comme un lieu où les perceptions se confondent, révélant certaines dimensions cachées du temps et de la conscience.

    — Je vous présente le sanctuaire d’Ossion, clame Brucie en levant les bras face à l’arbre.

    — C’est époustouflant ! Lancé-je.

    — Incroyable, me rejoint Damon. Je n’en avais jamais entendu parler !

    — Nous gardons secrets les sanctuaires les plus importants, nous avoue Brucie. Celui-ci est directement relié au centre de la Terre, créé par notre mère. Il se situe sur une zone tellurique, ce qui nous procure une force vitale régénérante sur le plan physique et le spirituel.

    — Tellurique ? Demandé-je, incertaine.

    — Ce sont des courants électriques naturels associés aux champs magnétiques, m’indique Damon au creux de l’oreille.

    Je frissonne déjà sous l’impulsion de son souffle alors qu’il poursuit :

    — C’est aussi l’énergie de la terre et la force fécondante du cosmos.

    — Oh, soufflé-je, étonnée.

    Damon s’interrompt un instant pour observer l’expression de mon visage alors que les autres continuent d’avancer, puis reprend d’une voix suave tout en souriant, mais surtout sans la moindre moquerie face aux lacunes que j’ai encore concernant cet univers :

    — La magie tellurique agit au plan physique et mental. De cette façon, l’homme ou en l’occurrence nous, les fées et féetauds, acquerrons une grande énergie mentale et spirituelle, ce qui nous permet de développer notre magie.

    « Je pourrais l’écouter me raconter pendant des heures toutes ces histoires », songé-je en le regardant avec envie.

    — Intéressant, lui dis-je en me retournant vers lui après avoir secoué ma tête pour ne pas partir dans mes pensées farfelues.

    — Oui, poursuit-il en se rapprochant davantage, ce qui me procure aussitôt une forme d’énergie magnétique. C’est aussi pour ça que l’emplacement est important dans la pratique de la magie.

    « Je trouve toutes ces connaissances captivantes, pensé-je en l’observant silencieuse alors qu’il reprend sa place. J’espère qu’il pourra m’en apprendre davantage. »

    — Bienvenue, bienvenue à Wawona, résonne une voix chaleureuse depuis le haut des cimes.

    Je lève les yeux vers ces bonnes paroles alors que l’homme continue :

    — Entrez mes amis, nous vous attendions avec impatience.

    Je plisse les yeux pour mieux distinguer cet homme qui nous interpelle avec ferveur. Je l’aperçois quasiment au sommet du géant ; il est grand, mystérieux et éloquent. Il nous accueille depuis une sorte de balcon issu de la continuité des branches du géant et nous prie d’entrer dans sa demeure. Je reste étonnée devant le style de notre hôte. Ossion, car il ne peut s’agir que de lui, ressemble à s’y méprendre à un Cherokee.

    J’avais bien appris au cours de nos visites avec mes parents dans ces forêts, que des tribus amérindiennes y avaient vécu, mais j’étais loin d’imaginer qu’un jour je serais témoin de cette vision.

    L’homme fée arbore, au gré de ses longs cheveux lisses, noirs comme l’ébène, quelques plumes colorées. Sur son torse nu et parfait brille un collier sur plusieurs rangées, laissant deviner des couleurs chatoyantes sur la plupart des pierres. Une sorte de veste en daim et sans manches termine de l’habiller, rendant le tout assez authentique. Il est incroyablement beau, puissant, et son regard me laisse croire qu’il possède en lui une profonde bonté et sûrement une très grande sagesse.

    « Il me tarde de faire sa connaissance, songé-je, intriguée. Mais où se trouve l’entrée ? »

    Regarde et apprends, revient ma conscience en pleine forme.

    « Regarder quoi ? » dis-je en pensant être folle de continuer à me parler.

    Alors que je me sermonne intérieurement et que je commande à ma conscience de me laisser tranquille, l’homme interrompt mon monologue, je l’avoue peu captivant, en tapant fort dans ses mains.

    C’est là que dans un brouillard, il fait apparaître un escalier de bois, de roses et de lierres. Quelques oiseaux aux abondantes plumes colorées et quelques écureuils malins se mettent à affluer de toute part, comme pour nous indiquer le chemin à suivre.

    — Venez, nous commande Brucie, avec douceur, en posant le pied sur la première marche.

    — Vas-y, me dit Damon, tout sourire. Je te suis.

    — OK, m’extasié-je, charmée.

    Nous suivons notre reine et prenons alors l’escalier d’assaut, depuis l’autre rive. Nous traversons la parcelle d’eau, dans laquelle je devine de magnifiques poissons aux multiples couleurs ainsi que quelques nénuphars, flottant de-ci de-là, parés de fleurs de lotus, sur lesquels s’amusent à sauter des grenouilles pour rejoindre les ronds que les poissons ont créés sur leur passage.

    Nous progressons dans l’escalier qui est robuste et devinons plusieurs paliers à chaque étage du géant, laissant des portes ouvertes à même le bois. Le géant, comme je le surnomme, a donc plusieurs entrées. Cependant, malgré toutes ces ouvertures, la reine continue sa montée. Nous la suivons sans un mot, trop accaparés par la magie du lieu.

    La nature y a repris ses droits ; les lierres remontent avec élégance le long de l’immense rambarde. Quelques fleurs délicates, blanches, jaunes et roses viennent s’ouvrir entre ces épaisses feuilles. Le sol de l’escalier, parsemé de mousse, me laisse ressentir sa robustesse. Je vois d’ici l’infini d’un ciel au bleu limpide et laisse la caresse du soleil glisser sur mes bras.

    Je me sens investie par la joie et l’amour ; je suis tellement heureuse d’être ici que j’en oublie notre périple et ne ressens pas de fatigue en grimpant sur ce long chemin. Damon semble apaisé et observe avec le même sentiment l’étendue d’un amour omniprésent qui s’offre à nous en ce lieu.

    — Il me tarde de rencontrer tous les habitants du géant Wawona et d’arriver au sommet afin de faire la connaissance d’Ossion, soufflé-je à mon compagnon avec l’impatience d’une enfant au matin de Noël.

    Il me tarde aussi, me souffle Damon avec le même entrain en me prenant la main.

    2

    Les folies sont les choses qu’on ne regrette jamais.

    Oscar Wilde

    Malgré mon engouement pour cet endroit, le dernier palier à franchir me paraît interminable et rudement fatigant. Le géant doit bien faire une hauteur de 100 mètres, et même si la vue reste incroyable, la chaleur et les tensions accumulées durant notre ascension commencent à alourdir mes jambes, ce qui m’empêche de profiter pleinement de cet instant.

    Heureusement, je perçois le dernier niveau et, comme d’habitude, mon cœur s’affole entre l’excitation de rencontrer nos hôtes et la peur de ne pas me sentir à ma place.

    Au moment où Brucie s’écarte de mon champ de vision, une fois que j’ai atteint le balcon, je découvre l’homme qui nous a accueillis depuis son perchoir un peu plus tôt. Ossion, qui nous reçoit à bras ouverts avec un sourire plus que chaleureux, est comme je l’avais perçu depuis la terre ferme : grand et athlétique. Sa peau mate brille d’un éclat ensoleillé, ce qui le rend incroyablement beau et mystique. Je me sens telle une petite fille intimidée et angoissée par tant de charisme.

    Ossion part instinctivement à la rencontre de Brucie qu’il enlace avec une affection toute particulière.

    « Ils ont l’air de plutôt bien se connaître ces deux-là ! » pensé-je, avec une pointe de gêne, me demandant si je ne les juge pas un peu trop vite.

    Ils s’étreignent comme de vieux amis, puis, en se relâchant, s’observent avec douceur. Un contact fort et puissant semble les unir et Ossion met un certain temps avant de revenir à nous. Son regard noisette se pose à tour de rôle sur chacun d’entre nous et nous observe avec regret.

    Il sait pourquoi nous sommes là et paraît affecté par notre sort. Cependant, Ossion nous accueille avec sérénité et sagesse en plaçant une main bienveillante sur nos épaules :

    — Bienvenue à tous, s’exprime-t-il d’une puissante, mais affectueuse voix.

    Je souris face à sa bonté et commence à me sentir plus détendue alors qu’il continue toujours avec grandeur :

    — Ici, vous trouverez un peu de repos et apaiserez votre cœur. Wawona, notre arbre originel, est heureux de vous recevoir en sa demeure.

    — Merci, Ossion.

    Brucie incline la tête tandis que nous restons muets, ne sachant comment le remercier de sa bonté.

    — Féline, s’il te plaît ! dit le grand chef en pointant son regard vers une magnifique femme. Conduis nos amis jusqu’à leur chambre.

    — Avec joie, lui répond-elle en s’inclinant avant de nous faire signe de la suivre, alors que Brucie exprime le désir de rester un moment en compagnie d’Ossion. Par ici, suivez-moi.

    Nous reprenons la direction d’un escalier, mais cette fois-ci, depuis l’intérieur de l’arbre. Je me retourne vers la reine. Je suis intriguée, car Ossion et elles sont en communion, le regard fixe et les lèvres scellées. Tous deux semblent se parler par la pensée et me donnent l’impression d’un moment intime tant attendu.

    « Que peuvent-ils se dire ? »

    Cela ne te regarde pas ! Laisse-les, me supplie ma conscience.

    Je décide pour une fois de l’écouter, ne voulant pas être impolie ou trop curieuse, et tourne les talons.

    Féline, que je suis pas à pas, juste derrière mes amis, ressemble à s’y méprendre à Shania Twain, la chanteuse de country. Je la trouve captivante alors qu’elle nous guide en nous contant l’histoire de Wawona. Il se dégage de cette femme une beauté mystérieuse ; son regard noir et profond laisse ressortir une force, mais j’y ressens aussi beaucoup de tendresse. Féline est une oratrice hors pair que j’écoute avec attention, bercée par sa voix mélodieuse et chantante.

    — Au commencement, il n’y avait que l’eau et les ténèbres sur notre terre, alors Gaïa a amené le monde à l’existence. Au centre du monde se tenait le premier séquoia, Wawona, sous lequel était visible l’ensemble des races des animaux dont elle avait également conçu l’existence.

    — Le séquoia serait donc au centre de toutes les formes de vie ? Intervient Damon tout aussi captivé par Féline.

    Irrémédiablement, je me surprends à être jalouse. Féline opine de la tête, sans me donner l’impression d’être attirée par lui, alors je me calme aussitôt. Elle poursuit son récit avec entrain :

    — Ces arbres possèdent également une force, à la fois protectrice et purifiante, et font le lien entre Gaïa et le cosmos. Ces énergies, surtout quand elles sont captées collectivement, nous permettent de nous offrir la résonance de la terre, l’amour de Gaïa et la communion entre nos peuples.

    Tout en buvant ses paroles avec frénésie, j’observe les parois épaisses du géant qui me procure une sensation certaine de sécurité. Des lumières diffuses précèdent nos pas, nous permettant de trouver le chemin qui descend jusqu’à nos chambres.

    La rampe de l’escalier, que ma main n’a pas cessé de caresser, m’électrise. Celle-ci est emplie d’une force, d’un courant magnétique indescriptible qui m’enveloppe de chaleur et de paix.

    — Wawona est donc la première maison du peuple des fées ? Questionné-je, toujours en scrutant chaque petit détail.

    — Oui et non, me dit-elle, avec courtoisie. À chaque pays ou région son royaume.

    Féline s’arrête soudain devant une porte faite d’une végétation tombante, tel un rideau de mousse, et l’écarte de la main avec délicatesse avant de poursuivre sur un ton courtois :

    — Voici vos chambres. De chaque côté du couloir se trouvent plusieurs espaces privés. Vous pouvez choisir celui qui vous convient.

    Nous nous regardons tous avec enthousiasme et partons comme des enfants à la découverte d’un trésor. Je choisis de m’installer dans la première chambre alors que Damon prend celle d’en face.

    Moon part s’isoler au fond du couloir, prétextant ne pas vouloir être dérangée. Avec Damon, nous échangeons un regard complice et amusé, sans vraiment comprendre son attitude, mais décidons de la laisser entrer dans son espace sans l’offenser.

    — Wawona est incroyablement grand, dis-je à Féline en la remerciant. Je ne pensais pas cela possible.

    Féline sourit et semble amusée par mon enthousiasme, mais elle me laisse parler avec bienveillance.

    — Je veux dire… extérieurement, l’arbre paraît immense, mais de l’intérieur, on dirait que vous avez poussé les murs !

    — C’est magique, me dit-elle en agrandissant encore plus son radieux sourire.

    Elle se retourne vers Faltar, sans perdre de son plus bel atout, puis observe le gardien. Faltar, qui est resté plutôt discret jusqu’à présent, la regarde, un peu décontenancé.

    — Suivez-moi, gardien, reprend la belle Apache avec charme. S’il vous plaît, dit-elle en avançant la main vers la sortie. Votre chambre se trouve au niveau inférieur, en compagnie des autres gardiens de votre sanctuaire.

    — Je vous suis avec plaisir, répond-il en s’inclinant.

    — Très bien, dit-elle en s’empourprant légèrement.

    — Je crois que Faltar a le béguin ! Dis-je, aussi discrète qu’un éléphant derrière un arbre en envoyant un clin d’œil à un Damon hilare.

    — Je le crois aussi, continue-t-il de plus en plus amusé face aux grands yeux embrasés du gardien.

    Faltar, se sentant sûrement mal à l’aise face à notre comportement, nous jette un regard assassin qui nous fait instantanément perdre notre rire. Cependant, en raison de sa condition et du rang qu’il occupe face à nous, il ne dit rien. Faltar se contente d’insister d’un regard pincé et noir qui nous paralyse et part en compagnie de Féline afin de prendre possession de ses quartiers.

    Féline est restée classe et n’a pas cherché à enfoncer le clou en lui donnant raison ou en nous suivant sur la même lancée. Après leur départ, Damon me regarde avec douceur en s’avançant ; il est incroyablement

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