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Renaissance
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Livre électronique372 pages5 heures

Renaissance

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À propos de ce livre électronique

Cassandre est une jeune adolescente tiraillée entre l’école et l’envie de s’évader. Le soir du bal, raccompagnée par Victor, elle vivra une expérience traumatisante et funeste. Sa mère, dans un dernier souffle, lui confiera une lettre, la suppliant de fuir.

Dans sa fuite, Cassandre sera secourue par Asgal un gardien elfe qui l’invitera à le suivre en Irlande. Elle s’interrogera sur cet être mystérieux ainsi que sur l’univers onirique qu’elle doit rejoindre.

C’est là-bas qu’elle fera la connaissance de Brucie et du peuple des Tylwyth teg. Elle comprendra quel rôle déterminant elle aura dans la guerre qui s’annonce contre les ombres.

Son destin tout entier bascule… bercée entre rêves, magie et contes réels, saura-t-elle faire les bons choix?
Réussira-t-elle à trouver son chemin ?
LangueFrançais
Date de sortie28 juin 2019
ISBN9782897869106
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    Aperçu du livre

    Renaissance - Lauriane Pernez

    bonjour.

    1

    Tu vois ce vide au-dessus de nos têtes ?

    C’est Dieu… Le silence, c’est Dieu, l’absence c’est Dieu.

    Dieu, c’est la solitude des hommes.

    Jean-Paul Sartre

    Début décembre 2014

    Je me réveille fébrile, j’ai mal dormi. J’enfouis la tête sous l’oreiller et tape dans le vide à la recherche du réveil. Il chante Happy de Pharrell Williams. Je regarde le cadran numérique, il est 7 h 30.

    « Happy, tu parles. »

    Comme chaque matin, je suis ronchonne. Je pourrais rester toute la journée sous ma couette, surtout avec le temps qu’il fait dehors. Je me redresse et j’aperçois, de ma fenêtre, la neige qui tombe, paralysant le cours du temps. Je ne me rappelle pas la dernière fois où il a neigé à Cleveland. D’ordinaire, la température en cette période avoisine plus les 1 °C, mais aujourd’hui ce n’est pas le cas.

    « Il doit bien faire - 4 °C. »

    Depuis plusieurs semaines, je fais beaucoup de cauchemars. Malheureusement, je n’arrive jamais à me souvenir de mes mauvais rêves. D’ordinaire, j’ai un sommeil profond, mais à l’approche de mon anniversaire, je suis angoissée. Dans quelques jours, je fêterai mes 17 ans et j’ai le sentiment amer que quelque chose va changer. Mais, en ce moment, ce qui m’inquiète le plus, c’est l’arrivée du bal de Noël. Je n’ai pas non plus envie d’aller en cours aujourd’hui, l’idée de devoir supporter les caprices de « sainte Catherine », une fille de l’école, m’irrite au plus point. Je dis « sainte », mais personne n’est dupe sur son attitude. Elle passe son temps à rabrouer les élèves. Elle se croit supérieure et ne se prive pas pour le faire savoir. Il n’y a que les professeurs qui l’adorent. Mais quand on a un papa qui travaille au conseil d’administration de la ville, il est plus noble de garder les yeux fermés et de céder aux caprices de « Sa Majesté » … Cela a vraiment le don de m’énerver !

    Actuellement, à l’école, tout le monde est en mode « bal ». Ils me donnent tous le tournis avec leurs préparatifs. Entre les filles qui sont à la recherche de « la robe » et les garçons qui font la roue comme des paons devant elles, ça me donne la nausée.

    J’entends du bruit en provenance de la cuisine… C’est ma mère ! Si je ne me lève pas tout de suite, elle va encore me faire une crise en répétant : « Pourquoi diable ne veux-tu pas aller en cours, Cassandre ? Tu as le chic pour tout dramatiser. »

    Ma mère est une femme adorable, mais elle ne comprend pas pourquoi je n’ai pas envie de m’intégrer à l’école. Je ne me sens pas en phase avec les autres élèves, qui passent leur temps à discuter de sujets d’ados. Avec Séphora et Mat, mes deux amis, nous partageons la même vision du monde, à savoir les études, et surtout la littérature. Oh ! Et il y a aussi la nature. J’adore aller me promener en forêt, il n’y a que là que je me sens vraiment moi-même.

    Quand je suis dans la forêt, j’ai le sentiment de lui appartenir. Il s’y dégage tant de paix, il n’y a aucune mauvaise intention : la nature cohabite avec ses habitants en parfaite harmonie.

    « Si seulement je pouvais en dire autant des gens », pensé-je en passant la main dans mes cheveux.

    Je secoue la tête pour revenir à la réalité. Je me décide enfin à me lever et suis saisie d’un frisson glacé à l’instant où je soulève la couette.

    — Mince, ça gèle, m’écrié-je en sortant promptement du lit.

    J’attrape des vêtements propres dans mon armoire et je me dirige vers la salle de bain.

    « Après une bonne douche chaude, je serai sûrement de meilleure humeur. »

    Je sors de la chambre sur la pointe des pieds : je n’ai pas envie que ma mère me fasse une remarque. Ma tentative est vaine, bien sûr, et je l’entends déjà qui râle :

    — Cassandre, tu es levée ?

    — Oui, maman. Je me douche et je descends.

    Je l’entends qui se met à chantonner Love Never Felt So Good de Michael Jackson et Justin Timberlake. Elle a toujours été une grande « fan » du Roi de la pop.

    « Ouf, j’ai évité le pire. »

    Elle est toujours joyeuse le matin, contrairement à moi, parce qu’elle se couche de bonne heure le soir… tandis que je préfère la nuit, c’est propice au calme et à la méditation. Je m’endors souvent après minuit.

    « Normal que tu sois fatiguée. »

    Je lève les yeux au ciel dans un long soupir. Maman déteste quand je fais ça, mais parfois elle a le don de me rendre dingue. En même temps, à ce moment précis, elle ne me voit pas… Alors, tant mieux.

    Je me faufile dans la salle de bain et dépose mes affaires sur la chaise en bois qui se trouve près de la porte. J’ôte mon pyjama et j’ouvre le robinet de la douche. Une vapeur chaude enveloppe maintenant la pièce… C’est le moment idéal pour entrer dans la douche.

    Je me délecte sous l’eau brûlante qui glisse sur ma peau et me réchauffe. J’essaie, pendant ce moment de pur bonheur, de me souvenir de ces mauvais rêves qui m’ont tourmentée, mais rien n’y fait… Je reste amnésique !

    Je ferme l’eau, j’attrape une serviette avec laquelle j’essuie mon corps, puis je l’enroule sur ma tête comme un turban. Avec le sèche-cheveux, je tente de faire disparaître la buée qui s’est posée sur le miroir, puis je sèche mes cheveux ; ceux-ci sont longs et fins et tombent jusqu’à mes fesses.

    Après avoir terminé ce rituel, je m’observe un instant dans le miroir. La fille que j’y vois ne me plaît pas du tout. Mes yeux sont cernés et j’ai les traits tirés. On pourrait croire que j’ai passé la nuit à faire la fête.

    Tout le monde me dit que je suis plutôt jolie… mais, à mon humble avis, c’est juste de la politesse. J’ai la peau blanche, bien trop blafarde, ce qui fait ressortir la couleur sombre de mes yeux verts. En plus, le marron de mes cheveux accentue la pâleur de ma peau. Je soupire de désespoir.

    Je suis pourtant grande, mince et d’allure athlétique, malgré le fait que je ne pratique aucune activité sportive.

    J’avoue, parfois, que j’aimerais ressembler à Catherine. Elle est, malgré tout, la fille la plus populaire du lycée, ce qui ne l’empêche pas d’être une vraie pimbêche. Elle est magnifique : grande, blonde aux yeux bleus… Tous les garçons veulent sortir avec elle. En revanche, je ne jalouse pas son QI, car à part faire partie de l’équipe des cheerleaders et de se trouver le mari idéal (par idéal, j’entends riche), elle n’a aucune ambition professionnelle quant à son avenir.

    Je finis de m’habiller tout en essayant d’imaginer ce que serait ma vie si j’étais à la place de cette enragée de Catherine. Je passe mon jean ainsi que mon pull noir en laine que j’adore, même si lui aussi fait ressortir la lividité de ma peau. J’arrange mes cheveux, après quoi, j’applique ma BB crème, un trait de khôl noir sous les yeux et une touche de mascara pour me donner bonne mine. Un dernier coup d’œil dans le miroir.

    « C’est déjà mieux », me dis-je en hochant la tête.

    Je dévale quatre à quatre les marches de l’escalier et j’entre dans la cuisine.

    Maman se tient derrière l’îlot central, elle lave la vaisselle de papa qui est déjà parti au travail. Quand elle me voit entrer, elle fait un large sourire et je cours l’embrasser.

    Comme chaque matin, elle m’a préparé des pancakes et un bon café fumant. Je m’installe sur le tabouret du bar, sans omettre de la remercier.

    Je scrute mon assiette, l’air dans le vague. Je n’ai pas d’appétit et je vais sûrement me faire disputer. Mais au lieu d’avaler le succulent petit-déjeuner de maman, je sirote mon café et je me prends à rêver.

    À dire la vérité, je suis comme toutes les filles de mon âge, un peu fleur bleue. Dans mon for intérieur, j’aimerais aller au bal et me faire inviter par un garçon. Le problème, c’est que je ne suis encore jamais sortie avec quelqu’un. Je pense que tous les mecs m’ont fuie, se disant que je n’en valais pas la peine.

    Pourquoi te fais-tu autant de mal ? Tu es une belle personne.

    « Oh, la ferme ! »

    Et voilà que, maintenant, je me dispute avec moi-même. La douce voix de ma mère me ramène à la réalité. Je suis un peu désorientée, surtout en remarquant son regard qui n’est pas aussi rieur que d’habitude.

    « Oups, ça va barder… »

    — Comme d’habitude, tu n’as rien mangé… tu me désespères, Cassandre ! Comment veux-tu être en forme ? Tu n’as pas faim ?

    — Si, j’ai faim, mais…

    Je ne veux pas l’ennuyer avec mes problèmes d’ado perturbée. Alors que je tente de trouver un pauvre argument, ma mère me coupe aussitôt, agacée :

    — C’est quoi, alors ? Je te jure, des fois, tu as le don de me mettre dans une colère noire. Quel est le problème ?

    — Rien, maman, je t’assure.

    — Tu fais encore des cauchemars ? C’est ça ?

    Son intonation s’est radoucie et je la sens soucieuse à présent. Elle me sourit, les yeux remplis de tendresse et d’amour.

    « Ah ! Ma mère. »

    J’ironise, bien sûr. Elle me connaît trop. Et comme je n’ai pas envie de partir fâchée ce matin, je lui fais un sourire afin de la rassurer.

    — On ne peut vraiment rien te cacher, maman. J’ai très mal dormi et je t’avoue que je n’ai pas envie de manger pour le moment.

    — Il faut te nourrir, les cours sont épuisants et tu dois prendre des forces. Mange, insiste-t-elle.

    — Oui, sergent-chef maman, lui dis-je sur le ton de la plaisanterie, en secouant la tête.

    Ma mère m’exaspère, elle croit toujours mieux que tout le monde ce qui est bon pour moi. Je la regarde finir de nettoyer la cuisine et, comme d’habitude, je ne trouve aucune ressemblance frappante entre nous.

    Elle est petite et un peu enveloppée, avec un joli visage magnifié par un petit nez en trompette qui lui donne un air sympathique. Ses cheveux sont courts, blonds avec quelques nuances de roux.

    Et puis, j’adore son humour. Elle arrive toujours à dédramatiser une situation qui semble sur le point d’exploser. Elle est comme ça, et en même temps, c’est sûrement mieux, considérant son emploi : elle travaille aux ressources humaines d’une grande succursale, et me dit souvent, en rentrant le soir, qu’elle a l’impression d’être dans une cour de maternelle.

    « Et on nous demande de grandir… Sans rire. »

    Une fois de plus, maman me sort de ma rêverie en me tendant une banane. Elle paraît contrariée, mais ne crie pas.

    — Pour la route… Comme toujours, tu n’as rien avalé à part ton café. Franchement, ma chérie, tu es énervante, prends cette banane et mange-la sur le chemin de l’école… Et dépêche-toi, s’il te plaît, tu vas être en retard, me dit ma mère d’un air finalement résigné.

    Je regarde l’horloge accrochée au mur de la cuisine, près du réfrigérateur.

    « Mince, 8 h 45, j’ai cours dans 15 minutes. »

    D’un bond, je me lève, j’attrape mon sac et cette fichue banane et me dirige en courant vers la porte d’entrée tout en enfilant mon manteau, qui était suspendu à la rambarde de l’escalier. En posant le pied dehors, alors que j’entends maman me souhaiter de passer une bonne journée, je manque de chuter sur le verglas qui s’est formé sur le perron pendant la nuit.

    Je me rattrape de justesse, dans une contorsion originale, et ne prends même pas le temps de dire au revoir à ma mère.

    « Fille indigne. »

    Voilà que ma conscience me sermonne maintenant. Je décide de ne pas y prêter attention.

    Je marche à toute allure en direction de l’école, ne prenant pas le temps de regarder les gens qui se pressent devant moi. Cela me vaut quelques bousculades. Sur mon passage, j’entends certaines personnes mécontentes. Je m’excuse bêtement tout en avançant prestement, même si j’imagine qu’eux aussi peuvent faire attention.

    Aujourd’hui, l’air est glacial. À chaque expiration que je fais, un nuage de vapeur blanc sort de ma bouche ; je sens que mon nez est rougi par le froid. Il me tarde d’arriver et je ris intérieurement à cette pensée.

    « Moi qui ne voulais pas aller en cours ce matin. »

    Quand j’arrive enfin devant l’établissement, je m’aperçois que je ne suis pas la seule à être en retard. D’autres élèves se pressent devant l’entrée. Je cours dans le dédale des longs couloirs insipides, jusqu’à trouver ma classe. Ce matin, je suis en cours d’histoire avec M. Mackintosh. Il ne supporte pas les élèves qui n’arrivent pas à l’heure. Le dernier a tellement été humilié qu’on a bien cru qu’il allait pleurer.

    « Pauvre Fred. Pourtant, ce n’est pas son genre, lui qui est si timide. Si c’était moi, c’est évident que je n’arriverais pas à me maîtriser. »

    Je me glisse dans l’entrebâillement de la porte, juste à temps avant qu’elle se ferme.

    « Ouf, c’était moins une. »

    Je m’installe au bureau et je me détends en reprenant ma respiration. La classe est ordinaire : les murs sont jaunes et vieillots et le mobilier un peu rustique. Par contre, j’adore cette salle, car, de ce côté de l’établissement, nous avons une vue splendide sur le parc.

    M. Mackintosh nous parle de l’invasion romaine et de toutes leurs stratégies de guerre.

    « Ils étaient plutôt intelligents, ces Romains. »

    Quelques filles, sur ma droite, regardent des photos de magazines afin de définir la robe parfaite pour le bal. Je les observe, ne comprenant pas cette lubie. Je secoue la tête en signe de désapprobation.

    « Franchement, à cette allure, elles ne finiront pas avec leur exam en poche. »

    M. Mackintosh se tient debout devant l’immense tableau noir. Il est très enthousiaste et parle avec verbe lors de certains passages :

    — La « guerre des Gaules » est menée par Jules César entre 58 et 51-50 avant Jésus-Christ afin d’assurer la sécurité de la République. En effet, si toute la Méditerranée est sous le contrôle de Rome à l’époque du début de la guerre, il faut composer avec la menace des invasions barbares. C’est pour contrer celles-ci que Jules César entame ce qui sera reconnu comme l’un de ses plus grands succès militaires. La bataille d’Alésia, en 52 avant Jésus-Christ, constitue le point tournant de la guerre des Gaules, et mène finalement à la conquête romaine de la Gaule.

    Le vent qui souffle entre les arbres est assez fort pour me distraire un instant ; j’en oublie presque le cours. À ma gauche se trouve une fenêtre au travers de laquelle je plonge mon regard. Les arbres sont grands, majestueux, tranquilles, figés par le froid, ce qui leur donne un sentiment de sérénité… Je me prends à rêvasser sur une citation de Sartre : Tu vois ce vide au-dessus de nos têtes ? C’est Dieu… Le silence, c’est Dieu, l’absence c’est Dieu. Dieu, c’est la solitude des hommes.

    J’aimerais aller dehors et humer ce calme, m’asseoir sur l’épais manteau de neige pour ne faire plus qu’un avec cet environnement lumineux.

    — Mademoiselle Cassandre ? s’exclame d’un air autoritaire M. Mackintosh en tapant sur mon pupitre avec sa lourde règle en bois. Excusez-moi de vous réveiller !

    — P… pardon ?

    — Pouvez-vous me dire, s’il vous plaît, jeune fille, comment se nomme la formation de l’infanterie romaine ?

    « Il est vraiment agaçant, celui-là, voilà près de 30 minutes que les filles jacassent sur tout et n’importe quoi et c’est à moi qu’il s’en prend. »

    Il me regarde fixement de ses petits yeux ronds et, du haut de son mètre soixante-cinq, se donne une attitude de dictateur.

    M. Mackintosh a un style très british, ce qui est normal, puisqu’il vient de Londres. En revanche, il n’en a pas l’élégance. Ses cheveux noirs lui collent au front et son nez allongé lui donne un visage disgracieux. Je sens qu’il s’impatiente : il commence à taper du pied ; il vaut mieux que je réponde.

    — Oui, c’est le triplex acies, monsieur.

    « Et toc. »

    Je suis victorieuse, bien contente de connaître l’histoire. Le groupe de Catherine cancane toujours. Je sais qu’elles parlent de moi. Elles me dévisagent, mais la pire d’entre elles reste Catherine. Si elle avait une arme, je crois qu’elle s’en servirait contre moi.

    « Cette fille est dingue. »

    — Bien, me félicite M. Mackintosh.

    Il me lance un regard entendu, me faisant comprendre que je dois rester concentrée si je ne veux pas subir son courroux. Il me fait rire, je sais bien qu’il n’est pas si méchant, il tient juste à la réussite de ses élèves.

    La cloche sonne, il faut vite changer d’endroit. Maintenant, nous allons en cours avec Mme Gram, professeure de physique et chimie. Les élèves s’affolent et crient. Je suis bousculée par une fille, c’est Catherine.

    « Mais qu’est-ce que j’ai bien pu lui faire à celle-là pour qu’elle me harcèle autant ? »

    Elle rit en se retournant vers moi.

    — Tu ne peux pas regarder où tu marches, pauvre idiote ? me lance-t-elle d’un ton cinglant.

    « Mais elle se prend pour qui ? »

    Au lieu de rentrer dans une dispute interminable, je préfère l’ignorer et passer mon chemin. Les élèves sont médusés par la scène, mais tous restent immobiles. Personne n’ose l’affronter.

    2

    Je ne veux désormais collectionner Que les moments de bonheur.

    Stendhal

    La matinée s’achève paisiblement. Ce dernier cours m’a beaucoup plu, nous avons étudié l’eau. C’est ainsi que j’ai appris qu’à 0 °C l’eau change et passe de l’état liquide à l’état solide et qu’à 100 °C elle passe de l’état liquide à l’état gazeux. La nature est tout de même bien faite.

    C’est enfin l’heure de la pause-déjeuner. Avec Séphora et Mat, mes meilleurs amis, nous prenons la direction du self¹. C’est un endroit immense : il peut contenir jusqu’à 2 200 élèves. Les murs sont blancs, la pièce est austère et les tables rectangulaires sont prévues pour accueillir huit personnes. Le self est un lieu de cohue et de cacophonie ; je n’aime pas cette atmosphère, qui me rend nerveuse.

    Une foule d’élèves se presse pour être servis les premiers. Si on arrive derniers, le choix de nourriture est restreint, tout le monde le sait. Heureusement, ce n’est pas notre cas. Aujourd’hui, je prends juste du poulet, des frites et une pomme, puis je vais m’asseoir avec mes amis déjà attablés.

    — Alors, Cassandre, avec qui vas-tu au bal ? me lance Séphora d’un ton enjoué.

    Son air d’inquisition me fait rire. Bien que petite, et d’apparence fragile, Séphora est une tornade, avec un tempérament de pitbull, alors il vaut mieux lui répondre sans attendre :

    — Mais avec personne… Tu plaisantes, n’est-ce pas ? Je n’ai vraiment pas l’intention d’y aller.

    — Enfin, tu sais bien que tout le monde y sera. Tu auras l’air de quoi si tu ne montres pas le bout de ton joli petit nez ? En plus, j’ai entendu dire que le beau Victor veut t’y inviter…

    — Victor ? lui dis-je, d’une voix surprise.

    Je me sens rougir, mal à l’aise de montrer mon intérêt pour ce garçon.

    — Hou ! Cassandre a le béguin, ma parole, s’exclame Mat, l’air taquin.

    — Ne te fous pas de moi, Mat ! Il ne m’attire pas du tout ! En plus, il est insupportable !

    Je suis sortie de mes gonds et Mat, surpris par mon attitude, éclate de rire avec Séphora. Je les suis, de bon cœur, une fois ma colère dissipée.

    Victor Walker est un des élèves les plus sexy de l’école : grand, athlétique, mais surtout intelligent ; il a tout pour lui. Il est arrivé à la mi-novembre et n’a pas tardé à se faire beaucoup d’amis.

    « Je préfère mourir que d’y aller avec lui, me lancé-je, boudeuse. Après tout, il peut sortir avec qui il veut, alors pourquoi moi ? Un pari, sûrement. »

    — Écoute-moi bien, mademoiselle l’intello, tu viens… point final ! me lance Séphora sèchement.

    — On verra bien…

    Nous finissons notre repas en parlant des vacances qui approchent. Séphora reste à Cleveland ; ses parents ont trop de travail pour partir. Mat va en Pennsylvanie rendre visite à son oncle et à ses cousines. Quant à moi, je pars pour la France, direction la Bretagne, près de ma forêt préférée, la Brocéliande.

    Ma famille est native de France. Mes parents sont venus vivre à Cleveland quand j’avais cinq ans. Mon père avait été recruté par le Glenn Research Center afin de développer des technologies liées à l’astronautique. Il aurait voulu être astronaute, mais il n’a pas pu s’orienter vers cette carrière, étant donné qu’il est asthmatique. Il est donc devenu ingénieur : il définit des plans d’engins spatiaux.

    Il me tarde de retourner là-bas et de retrouver mes racines. Je prévois camper avec mes parents dans la forêt de Brocéliande, un lieu mythique, notamment grâce à la légende du roi Arthur.

    Quand j’étais enfant, ma mère me contait tout plein d’histoires mêlées de magie et de mystère. Il y a, par exemple, la légende du roi Arthur, qui commence par son père. Uther Pendragon, chef des armées de Bretagne, part en Irlande avec Merlin afin de rapporter les pierres de Stonehenge. À son retour en Bretagne et à la suite d’une vision, dans laquelle Uther voit une comète en forme de dragon, il découvre son frère, Ambrosius, empoisonné. De ce fait, Uther devient roi et fait du dragon son insigne. Arthur devient roi quelques années plus tard en brandissant l’épée Excalibur, grâce aux forces surnaturelles et de l’aide du grand magicien Merlin. Ce dernier pouvait contrôler le vent, la pluie et le feu. On le disait aussi prophète. Il aide le roi Arthur dans ses quêtes, notamment celle du saint Graal, et en combattant des puissances maléfiques et terrifiantes, telles que le géant du mont Saint-Michel ou le Chapalu, un chat monstrueux sorti du lac de Lausanne en Suisse.

    Brocéliande est également un lieu enchanteur peuplé de fées. On y retrouve la plus célèbre des fées, Morgane, dont la beauté était sans nom. Elle maîtrisait le passage entre deux mondes, deux univers où le temps ne s’écoule pas de la même manière. C’était une magicienne hors pair, mais aussi une grande guérisseuse, puissante, capable de voler sous la forme d’un oiseau.

    Maman me parlait également d’autres créatures fantastiques et mystérieuses, telles que les trolls, les elfes ou encore le taureau bleu qui protégeait les habitants contre les menaces environnantes. Cette histoire vient d’un conte que j’écoutais chaque soir, bien calée contre le corps rassurant de maman. Le livre entre les mains, maman me racontait, d’une voix apaisante, l’histoire d’Yzole, une petite fille tourmentée par sa belle-mère.

    Chaque soir, Yzole dormait seule dans l’étable de la propriété familiale ; cependant, elle ne s’en plaignait pas, car elle y retrouvait son meilleur ami, un vieux taureau bleu qui la consolait. Et dès qu’elle pleurait, le taureau l’invitait à regarder derrière ses oreilles afin d’y trouver des tartines de pain beurré. Mais un jour, Yzole a entendu sa marâtre dire qu’elle allait abattre le taureau, alors les deux amis, pris de panique, décidèrent de s’enfuir loin.

    À chaque étape de leur chemin, en traversant la forêt, le taureau avertit sa jeune amie du danger, de ne pas se tromper de route et de ne surtout jamais faire tomber une seule feuille des arbres. Yzole obéit, mais elle finit par succomber à la beauté d’une feuille en or. Quand elle l’attrapa, Yzole oublia la mise en garde du taureau. Aussitôt, trois lions sortirent de chaque côté du sentier. Le taureau parvint à les tuer un à un et, alors que le dernier d’entre eux fut vaincu, le majestueux taureau bleu s’effondra au pied d’Yzole en lui murmurant :

    « Tous les ennuis sont terminés. Tu mettras sur moi de la terre et des pierres bleues comme on en trouve dans la forêt et tu te souviendras de l’endroit où nous sommes. Chaque fois que tu auras besoin de quelque chose, tu viendras ici sur ma tombe et tu me le demanderas. Et tout ce que tu me demanderas, je te le donnerai.² »

    Cette bouleversante histoire m’emportait loin dans mon imaginaire dès lors que je l’entendais.

    Plus tard, quand mes angoisses m’emportaient, maman me confiait qu’il ne faut pas hésiter à faire appel au taureau bleu, car celui-ci viendra toujours en aide à celui qui l’appelle.

    Je raffole de ces légendes et, aujourd’hui encore, je me prends à en rêver. Je voudrais pouvoir croire que ces êtres existent et qu’ils jouent un rôle capital dans notre univers.

    La sonnerie annonce la fin de la journée. Finalement, elle n’a pas été si terrible que ça. La neige ne tombe plus, mais l’air est toujours aussi saisissant. Je prends mon sac en bandoulière et le cale sur mon épaule. Quand je suis prête à franchir la grande porte afin de rentrer chez moi, je suis interpellée par une voix. Je sens mon visage s’empourprer quand mes yeux croisent ceux de mon interlocuteur.

    — Cassandre, salut, tu vas bien ?

    « Oh, mon Dieu ! »

    Victor se tient devant moi ; il est incroyablement beau. Ses yeux bleus brillent de malice. Il passe la main dans son épaisse chevelure noir corbeau.

    « J’y glisserais bien mes doigts moi aussi », pensé-je en me mordillant le bas de la lèvre.

    Je dois avoir l’air mal à l’aise, car il ne peut s’empêcher de me faire son plus beau sourire, ce qui me faire fondre.

    — Victor ! lui dis-je, en me ressaisissant.

    Je tente de prendre un air surpris et désintéressé.

    « Tu parles… »

    Là, c’est lui qui se peint de malaise, et je suis ravie de l’effet que je semble lui prodiguer.

    — Je voulais savoir … tu as prévu d’aller avec quelqu’un au bal ?

    — Non, je n’y vais avec personne, lui dis-je d’une façon qui se veut désinvolte. Mais, tu sais, le bal ne m’intéresse pas et je n’ai pas prévu d’y aller. Pourquoi ?

    Il paraît soulagé par ma réponse et se met aussitôt à me sourire. Il est vraiment splendide. J’aperçois Catherine du haut des marches, qui nous fixe de son regard inquiétant.

    « Je vais me faire arracher la tête. »

    Je réalise que je me moque de ce qu’elle pourrait me faire. Victor ne parle qu’à moi, et je prends un malin plaisir à la voir se morfondre. Je me reconcentre sur lui. Il se met à parler rapidement :

    — Très bien ! Je pensais te demander de m’accompagner… et j’espère que tu ne vas pas me dire non ! Sinon, je vais devoir me mettre à genou et ça me sera terriblement douloureux, puisque je me suis blessé au foot cet après-midi…

    Victor est devenu rapidement le capitaine de l’équipe de foot de l’école et, malgré son entrée scolaire tardive, il a fait mouche auprès du coach. Quelquefois, avec Mat et Séphora, on va les regarder jouer. C’est un sport de brutes, mais tous ces muscles transpirant nous inspirent.

    Son attitude m’étonne ! Je ne comprends pas pourquoi un garçon comme lui voudrait s’afficher avec une fille comme moi.

    — Tu n’y vas pas avec la belle Catherine ? Elle voudrait sûrement que tu l’invites. Regarde comme elle te dévisage, lui

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