Une tante formidable
par Cécile Debon 3 – RÉSUMÉ : Depuis que Lizzie s’occupe de ses neveux pour rendre service à sa sœur partie en déplacement professionnel à l’étranger, la vie de la jeune romancière n’est pas de tout repos. Chloé, la plus jeune, refuse d’aller à l’école autrement que dans l’un de ses déguisements, Milo concocte des inventions aux résultats souvent catastrophiques et Évangeline, l’aînée, veut se rendre au collège avec une tenue beaucoup trop courte et un maquillage aguicheur. C’en est trop pour Lizzie qui lui lance son verre de jus d’orange au visage. Elle s’excuse auprès de l’adolescente, mais celle-ci reste de marbre. La romancière en vient à admirer sa sœur, ce qui lui donne l’idée d’écrire un livre sur sa famille. (Voir Veillées nos 3500 et suivants.)
Emoustillée par ce nouveau challenge, je m’empresse de retrouver mon ordinateur. L’inspiration qui me boudait depuis des lustres revient vers moi à la vitesse d’un cheval au galop, matérialisé par l’envolée de mes doigts sur les touches du clavier. Les mots s’enchaînent les uns après les autres à une vitesse déconcertante. Totalement absorbée dans mon travail, je ne m’aperçois pas de la présence d’Évangeline. Prise au dépourvu par le son de sa voix, je sursaute.
– Paraît que je tiens ce sale caractère de mon père. Ce n’est pas ce qu’il m’a légué de mieux.
Je me retourne. Elle se tient sur le seuil du bureau, le visage vierge de tout maquillage et le corps de nouveau paré de son uniforme d’adolescente : blue-jean, T-shirt et baskets. Je l’accueille avec un sourire, bien sincère, celui-là.
– Pour tout te dire, à ton âge, je n’étais pas non plus à prendre avec des pincettes. La moindre remarque me faisait démarrer au quart de tour. Je passais mon temps à me prendre le bec avec tes grands-parents. En fait, comme je n’étais pas à l’aise dans ma peau, j’étais persuadée que le monde entier me détestait. Moi aussi, j’aurais amplement mérité le surnom de Miss Ronchonchon.
Mes propos font naître une mimique amusée sur les lèvres de ma nièce. Du bout des doigts, elle repousse la mèche bleue lui balayant le front, puis vient s’asseoir sur le pouf posé non loin du secrétaire que je squatte. Elle incline la tête vers ses mains, posées sur ses genoux. Celles-ci s’entrecroisent et se décroisent, traduisant une vive nervosité. Ça a l’air de cogiter dur à l’intérieur de son crâne. Dans un murmure, elle laisse enfin échapper un aveu.
– Moi non plus, je ne suis pas très à l’aise dans ma peau. Je me sens insignifiante. La preuve, c’est qu’il ne remarque même pas mon existence. Le maquillage et la robe, c’était pour attirer son attention.
Levant un sourcil étonné, je questionne :
– C’est qui « il » ?
Elle marque une seconde d’hésitation et finit par confesser :
– Marc, un garçon de ma classe.
Dans un certain sens, j’apprécie pleinement cette trêve entre nous. Tout comme je lui sais gré de se dévoiler ainsi. Toutefois, si on aborde maintenant les histoires de cœur, voilà un domaine qui dépasse mes compétences. Autant me demander de décrypter un texte en hébreu. Pourtant, je vois bien dans sa façon de
