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Le destin de la sirène
Le destin de la sirène
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Livre électronique288 pages4 heures

Le destin de la sirène

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À propos de ce livre électronique

À son dix-huitième anniversaire, Lily Sanderson deviendra une simple fille. Elle sera toujours une fille de la mer, il va sans dire, mais elle devra signer la renonciation
qui scellera le départ de princesse Waterlily de Thalassinie. Il ne restera plus que Lily qui vit sur terre, fréquentant le garçon qu’elle aime, et tentant de maîtriser l’art d’être humaine une fois pour toutes. Maintenant que Lily et Quince sont ensemble, liés ou non par la magie de la mer, elle est presque satisfaite d’abandonner sa place dans la succession royale de la Thalassinie. Toutefois, lorsqu’elle croit avoir tout planifié comme il faut, les vagues commencent à s’agiter dangereusement. Le père de Lily envoie une certaine cousine qui adore créer des raz de marée habiter sur terre avec elle. Mais qu’a fait Dosinia cette fois pour se faire exiler de la Thalassinie, prise dans sa forme terrapède, alors que tout le monde sait à quel point elle déteste les humains? Et pourquoi, pourquoi, pourquoi fait-elle les beaux yeux à Brody, l’ancien objet d’adulation de Lily? L’écume des vagues rugissantes apparaît avec un triton venu du passé de Lily, Tellin, refaisant surface pour lui demander quelque chose qui embrouille son horizon. Entre son avenir avec Quince sur terre et sa loyauté envers son royaume sous la mer, Lily est bousculée d’un courant à l’autre. Trouvera-t-elle le moyen de concilier son amour, son devoir et ses propres rêves? La suite du Baiser de la sirène de Tera Lynn Childs offre une nouvelle romance remplie de plaisir, de soleil et d’aventures sous-marines où les émotions coulent à flot.
LangueFrançais
Date de sortie18 juil. 2014
ISBN9782897338947
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    Aperçu du livre

    Le destin de la sirène - Tera Lynn Childs

    large.

    1

    E n ce moment, je suis la seule héritière du trône de la Thalassinie, l’un des royaumes sous-marins les plus prospères du monde entier. Je suis une princesse sans égale dans la plupart des sept mers, et dans toute autre étendue d’eau, d’ailleurs. L’éducation que j’ai reçue m’a préparée non seulement à exercer l’ensemble des fonctions liées à mon titre, mais aussi à devenir reine de mon royaume. Je suis respectée, admirée et, vraiment, vraiment aimée de (presque tous) mes concitoyens.

    Une sirène et une princesse, tout-en-un. Voilà le rêve de toutes les petites filles humaines.

    Or, à mon dix-huitième anniversaire, dans 18 jours (pas que je fasse le compte), je ne serai plus qu’une simple fille. En fait, toujours une sirène, bien sûr, mais une sirène ordinaire, sans plus.

    À minuit, après le bal organisé pour mon anniversaire, je signerai la renonciation qui scellera la fin de la princesse Lys d’eau. À la princesse succédera Lily Sanderson, une fille toute simple qui vit sur terre et fréquente le garçon qu’elle aime, tout en tentant de maîtriser l’art d’être humaine une fois pour toutes. Mais ma nouvelle vie apporte également son lot de soucis : l’université, la carrière, l’avenir, les examens, la recherche d’emploi, la moyenne générale à conserver et un million d’autres trucs qui étaient loin d’apparaître sur mon sonar lorsque mon plan se résumait à retourner en Thalassinie après la remise des diplômes, le mois prochain.

    Je me sens parfois submergée par tout cela, ce qui explique peut-être pourquoi je suis en train de griffonner des cœurs et des bulles et des L + Q = POUR TOUJOURS plutôt que de recopier les notes que monsieur Kingsley inscrit au tableau.

    — Il devrait être illégal de donner un cours de trigo si tard dans la journée, se plaint Quince, qui est assis à côté de moi.

    Tirée en sursaut de mes rêveries, je cache vite mes notes avec mon manuel avant de lever les yeux vers Quince. Il est concentré, tout comme je devrais l’être, sur notre professeur et l’équation écrite au tableau. Je soupire de soulagement. Je ne devrais pas être gênée de mes griffonnages d’amour. Après tout, nous formons officiellement un couple maintenant. J’ai donc tous les droits. Mais je ne veux quand même pas qu’il croie que je suis encore plus éperdument amoureuse de lui qu’avant.

    De la façon la plus désinvolte possible, j’ouvre mon cahier sur une page blanche, puis je tente (je fais semblant) de me concentrer sur les maths. Or, mon attention se porte encore sur Quince.

    La tête penchée sur mon manuel, je jette un autre coup d’œil en biais à son beau visage. Parce que je le peux, surtout, mais aussi parce qu’il est très agréable à regarder. On ne remarque pas vraiment de défauts en observant sa mâchoire carrée, ses cheveux blond cendré et ses yeux d’un bleu antillais. Des yeux qui me rappellent l’endroit d’où je viens.

    Avant le baiser accidentel et le lien qui nous a unis, il s’assoyait une rangée derrière, du côté opposé de celui où se trouve Brody, le garçon dont j’étais amoureuse il n’y a pas si longtemps. Lorsque je suis revenue à Vue-sur-mer et que nous avons commencé à nous fréquenter officiellement et pour de bon, Quince a obligé Brody à changer de place pour pouvoir s’asseoir à côté de moi. Je n’aurais jamais pensé que Brody se laisserait faire ainsi, mais j’en suis bien contente. C’est le seul cours que j’ai avec Quince et je préfère qu’il soit près de moi.

    — Oui. J’ai une idée, lance Brody de la rangée derrière. Nous pourrions lancer une pétition contre la trigo.

    Quince rit. Il est beaucoup plus gentil avec Brody depuis que j’ai cessé de fantasmer ridiculement et sans raison sur son adversaire, et que j’ai commencé à sortir avec lui à la place.

    Détachant son attention du tableau, Quince se tourne vers moi et m’aperçoit qui le fixe — ou plutôt, qui le lorgne. Même si, étant sa copine officielle, je peux me permettre de le fixer autant que j’en ai envie (d’accord, de le lorgner), je n’arrive toujours pas à contenir l’émotion qui fait rougir mes joues d’une couleur qui, j’en suis certaine, est aussi vive que le rouge de l’anémone de mer.

    — Tu me regardes, princesse.

    Un sourire reconnaissant se dessine sur ses lèvres douces.

    — Tu sais que ça pourrait être mal interprété.

    — Ah oui, on pourrait croire que je t’aime vraiment maintenant ? le taquiné-je.

    Il secoue sa tête et se penche vers moi.

    — Non, que tu essaies d’avoir une meilleure vue sur Benson, derrière moi.

    Il fait un signe de la tête en direction de Brody. Il sait que je suis agacée au plus haut point lorsqu’il fait exprès d’appeler Brody par le mauvais nom. Mais j’apprends à ne pas mordre à l’hameçon. J’opte plutôt pour la riposte.

    Je tourne mon regard vers le tableau et prends un air innocent.

    — Qu’est-ce qui te fait croire que ce serait une mauvaise interprétation ?

    Quince se rapproche encore plus et dit :

    — Tu es revenue pour moi, non ?

    — Je…

    Heureusement, la cloche sonne la fin de la sixième période et m’évite de lui trouver une réponse. Je suis devenue plus agile dans nos échanges, mais je suis loin d’avoir un sens de la répartie aussi aiguisé que le sien.

    Tous les élèves, Quince et moi inclus, se dépêchent à ranger leurs livres dans leur sac à dos ou leur sac à ban­doulière pour ensuite se précipiter dans le couloir avant que monsieur Kingsley se rappelle de nous assigner un devoir.

    — J’aurais aimé que tu aies aussi la période d’étude maintenant, dis-je tandis que nous nous faufilons dans la foule. Ce serait bien que nous la passions ensemble.

    — Moi aussi, me répond-il, avant de poser doucement sa main au bas de mon dos pour me guider vers une ouverture dans le flot d’élèves. Entre mon travail et tes activités parascolaires, je n’ai pas eu l’occasion de te voir très souvent depuis ton retour.

    — Je sais.

    Je me rapproche de lui pour éviter un sac à dos rempli au maximum de sa capacité.

    — Ce sera plus simple lorsque l’école sera terminée.

    — Je vais alors commencer à travailler à temps plein, rétorque-t-il.

    — Ce sera plus simple quand même, insisté-je. Plus de devoir à faire avant l’université.

    Enfin, si je suis acceptée. Mes notes sont plus que médiocres, en partie parce que la plupart des matières sont complètement étrangères au monde marin, et aussi parce que je n’ai jamais envisagé de faire des études supérieures. Je n’avais pas besoin de diplôme pour gouverner la Thalassinie. Maintenant, tout cela a changé, et, cette semaine, lors de ma rencontre avec la conseillère scolaire, j’ai appris que si je veux être admise à l’université, n’importe quelle université, je devrai obtenir d’excellents résultats aux SAT, ces tests d’aptitude déterminant l’entrée dans les universités américaines. C’est la seule façon d’y arriver. J’ai donc fait appel à mes amis humains les plus brillants et je me suis inscrite à un cours intensif de préparation aux examens, mais je ne me fais pas d’illusions sur les notes que j’obtiendrai. Les examens, ce n’est pas du tout ma force.

    — Tu seras acceptée, m’assure Quince, me prouvant une fois de plus qu’il arrive à lire dans mes pensées, même sans le lien magique. Et si jamais ce n’est pas le cas, ajoute-t-il en passant son bras autour de mes épaules, tu pourras toujours me remplacer à la cour à bois.

    — Ha, ha ! je réponds en lui envoyant un bon coup de coude dans les côtes.

    — Ne fais pas cette tête, princesse.

    Il me tire vers lui, probablement pour m’empêcher de lui décocher un autre coup.

    — Ne t’en fais pas, tu réussiras.

    — Quoi, tu es voyant maintenant ?

    — Ne le savais-tu pas ? demande-t-il sérieusement. Il doit s’agir d’une séquelle du lien.

    Je soupire. Si seulement c’était vrai. Si seulement papa n’avait pas brisé complètement le lien, Quince aurait encore la magie de la mer dans le sang. Si seulement.

    Je me penche vers lui, respirant l’odeur du cuir et du dentifrice à la menthe.

    Mais je ne peux rien changer au passé. Je peux simplement me contenter d’être ici, avec lui. D’ailleurs, le temps que nous passons ensemble n’est pas si rare, contrairement à ce qu’il semble penser. Depuis mon retour sur terre, à l’école, à Vue-sur-mer ; depuis que je l’ai rejoint, la semaine dernière, Quince m’accompagne à mes cours lorsqu’il peut et me conduit à l’école, matin et soir, sur sa belle motocyclette, que j’appelle aussi « piège mortel ». Il lui est même arrivé quelques fois de venir à la maison pour partager des biscuits et un verre de lait au retour de la cour à bois, où il travaille à temps partiel. J’ai trouvé en lui un copain des plus dévoués — ce que je n’aurais jamais imaginé au cours des trois années où il me torturait et me tourmentait dès qu’il en avait l’occasion. Qui aurait cru qu’il était secrètement amoureux de moi ?

    J’ai beaucoup de chance d’être avec lui.

    Et le mieux dans tout ça ? Il croit, lui aussi, qu’il a beaucoup de chance d’être avec moi.

    Nous venons d’arriver dans le couloir qui mène à mon cours et au vestiaire des garçons lorsqu’un grondement se fait entendre.

    Au début, ce n’est qu’un bruit, un rugissement sourd, profond, comme si la Terre elle-même gémissait. Tout le monde dans le couloir est surpris. Nous nous arrêtons tous pour regarder autour de nous, incertains de ce qu’est ce bruit étrange et inconnu.

    Puis vient la secousse. Le sol se met à trembler, un peu comme lorsqu’une vague déferle sur la plage et se retire en emportant le sable sous nos pieds, sauf que je suis debout sur des carreaux de linoléum, et non sur du sable.

    — Bon sang, que se passe-t-il ?

    Le cri de Quince perce le rugissement et les hurlements des élèves en panique.

    La porte de la classe près de nous se ferme violemment.

    — Je ne sais pas, je réponds en empoignant sa main. On dirait… un tremblement de terre.

    Les portes des casiers en métal claquent sans arrêt et les néons au plafond clignotent au rythme des secousses.

    C’est fou. Il n’y a pas de tels séismes en Floride. Et surtout pas dans le sud de la Floride. Des ouragans ? Oui. Des tornades ? À l’occasion. Des hordes de requins-tueurs au large de la côte ? Malheureusement. Mais des tremblements de terre ? Jamais. Et surtout pas d’une telle amplitude. L’école entière est secouée en ce moment.

    — Viens, m’ordonne Quince en me tirant vers le gymnase. Il faut se réfugier sous le cadre d’une porte.

    Nous ne sommes pas les seuls à avoir eu cette idée. De nombreux élèves au regard terrifié sont déjà entassés sous les cadres de métal beige des quatre portes doubles qui donnent sur le gymnase des garçons. Il reste juste assez de place pour que nous réussissions à nous engager dans la dernière embrasure.

    J’ignore pourquoi Quince sait ce qu’il faut faire dans une telle situation (j’imagine qu’il est le type de gars qui s’y connaît dans ce genre de truc) et pourquoi c’est sous le cadre d’une porte qu’il faut se réfugier, mais je suis soulagée. Les tremblements de terre ne font aucunement partie de mon expérience de vie. J’ai vécu quelques séismes sous-marins, mais ils sont très différents. En général, ils provoquent beaucoup de bruit de même que des courants plus forts qu’à l’habitude. Si l’épicentre se trouve à proximité, il arrive que le fond marin vibre légèrement. Nos biens peuvent tour­billonner dans tous les sens, mais nos édifices ne tremblent pas. Rien de comparable.

    Nous évitons de construire nos habitations sur des lignes de faille ; nous n’avons donc pas à nous inquiéter de ce qui arriverait si l’épicentre se trouvait directement sous la Thalassinie.

    Par contre, il se peut fort bien que le séisme d’aujourd’hui soit ressenti par mon peuple. Après tout, le royaume ne se trouve pas si loin de la côte. Si l’école est secouée de la sorte, qui sait jusqu’où les secousses se propagent. Je vais envoyer un goéland messager lorsque je rentrerai à la maison, juste pour vérifier.

    — C’est peut-être une bombe, gémit un élève de première année effrayé qui se trouve à côté de moi.

    — Ou un terroriste, lui répond son amie à bout de souffle. C’est peut-être un attentat.

    — Ce n’est pas un attentat, leur dis-je en voulant les calmer, tout en m’efforçant de ne pas lever les yeux au ciel devant ce mélodrame.

    Quince se penche vers eux et leur sourit de façon rassurante.

    — Ce n’est qu’un tremblement de terre. Ce sera fini dans…

    Avant qu’il n’ait le temps de terminer sa phrase, le rugissement cesse et le sol se stabilise.

    Un silence sinistre s’installe dans le couloir, où nous demeurons tous figés, sous le choc, dans un moment de confusion. Même les lumières au plafond ne clignotent plus. Je parie que l’École secondaire Vue-sur-mer n’a jamais été aussi tranquille durant les heures de cours. Puis, en moins d’une seconde, le brouhaha reprend, les élèves toujours ébranlés se remettent à jacasser et s’agitent pour se rendre à leur cours.

    Quince dit :

    — C’était…

    — … étrange, terminé-je.

    Quince et moi restons là, main dans la main pendant un long moment, comme si nous attendions quelque chose. Qu’une autre tuile nous tombe sur la tête, peut-être. Une alarme d’incendie, un tsunami ou juste une autre secousse. Il semble improbable que cet événement soit tout simplement… terminé.

    Après quelques minutes, il nous paraît évident qu’il s’agissait d’un incident unique.

    Les haut-parleurs de l’interphone émettent un son grinçant, puis on entend : « À tous les élèves : veuillez vous diriger immédiatement vers votre salle de cours pour la septième période. À tous les professeurs qui donnent un cours à la septième période : veuillez imprimer votre liste de présence et l’envoyer au secrétariat lorsque tous les élèves seront arrivés en classe. » Un bruit perçant se fait entendre (ils devraient vraiment demander à Ferret, le spécialiste du son de l’équipe des nouvelles, de vérifier le micro), suivi d’un silence, puis du message suivant : « Les professeurs qui ont maintenant une période libre, veuillez vous présenter au bureau du directeur pour recevoir des directives plus détaillées. Voilà, c’est tout. »

    — Ça va ? me demande Quince d’une voix un peu bizarre.

    — Oui, je réponds en lâchant sa main contre mon gré. Nous devrions y aller.

    — Retrouvons-nous ici après la période.

    Il me donne vite un baiser avant de se retourner et d’entrer dans le gymnase.

    Je marche d’un pas rapide pour me rendre à ma classe d’étude, deux portes plus loin, en me demandant si tous les autres se sentent aussi déstabilisés que moi.

    L’administration passe la première moitié de la période à rassurer les élèves en leur répétant que tout va bien, que la situation est maîtrisée à Vue-sur-mer et que les cours doivent se dérouler comme à l’habitude. Mais ce n’est pas si simple, étant donné les interruptions quasi constantes des messages qui retentissent bruyamment dans les haut-parleurs. Lorsque Brody se pointe, 20 minutes avant la fin des cours, je n’ai réussi à lire qu’un seul paragraphe (très court) de mon livre Une paix séparée.

    — Bonjour, Monsieur Parsnicky ! lance Brody au surveillant de la période d’étude. Je viens chercher Lily.

    Monsieur Parsnicky, l’entraîneur de l’équipe féminine de basketball de première année, hausse les épaules et me fait un vague signe de la main avant de m’indiquer la porte. Il ne lève même pas les yeux de son livre de tactiques de jeux suffisamment longtemps pour remarquer le laissez-passer jaune dans la main de Brody.

    — L’équipe des nouvelles ? demandé-je en insérant une feuille remplie de griffonnages dans mon livre pour marquer ma page et le ranger ensuite dans mon sac à dos.

    J’aime ce livre, mais je suis tout de même soulagée de ne pas avoir à en relire un autre mot en ce moment.

    Brody fait un signe de tête affirmatif, suivi de ce sourire charmeur qui avait l’habitude de faire palpiter mon cœur et faiblir mes jambes. Maintenant, je ne fais que lui rendre son sourire. Il est curieux de voir à quel point les choses peuvent changer en quelques jours.

    — Le directeur Brown désire que nous préparions un reportage spécial sur la sécurité en cas de séisme pour les annonces de lundi, m’explique Brody alors que nous arrivons dans le couloir. Tout va bien, ne paniquez pas, respectez les directives en cas d’urgence.

    — Il veut donc que nous réitérions tout ce qu’ils nous répètent depuis les 30 dernières minutes, je réponds. De la propagande scolaire sur la sécurité.

    — C’est à peu près ça.

    Depuis que je suis camérawoman pour l’équipe des nouvelles, nous avons fait une cinquantaine de reportages spéciaux. La plupart portent sur des sujets insignifiants, comme les danses qui ont lieu à l’école et les vedettes sportives. Très peu de ces reportages peuvent être qualifiés de Vue-sur-mer-gate¹·, comme dit Brody, c’est-à-dire des enquêtes où l’on découvre des scandales de notation injuste ou le dossier criminel d’un professeur, par exemple. (En passant, madame Elliott a été innocentée peu après notre enquête.) Et le reste de nos reportages est constitué d’annonces imposées par l’administration dans une tentative de faire cesser le vandalisme sur les casiers — des graffitis, plus exactement — ou la rage au volant dans le stationnement, par exemple.

    Mais, dans les faits, ils n’ont pratiquement aucun effet.

    Les reportages insignifiants ne me dérangent pas (après tout, je ne suis que l’œil derrière la caméra), mais j’aimerais bien avoir l’occasion de travailler sur des projets véritablement utiles. Réaliser des entrevues sur le réchauffement océanique avec des biologistes de la vie marine. Ou préparer un exposé sur le déversement illégal de déchets au large des côtes, qui est plus fréquent que ce que l’on croit. Ou même diffuser quelques conseils sur la conservation de l’eau. Quelque chose qui peut faire une certaine différence pour la planète.

    Lorsque nous arrivons au studio, Ferret et Amy, notre spécialiste de l’imagerie informatisée, sont déjà en train de préparer l’équipement.

    — J’ai trouvé notre caméraman, annonce Brody.

    — Camérawoman, corrigé-je tout en lançant mon sac à dos sur le plancher avant de me diriger vers la caméra vidéo.

    Celle-ci est orientée vers un écran vert grâce auquel Amy peut ajouter n’importe quel arrière-plan nécessaire pour le bulletin d’information.

    — C’est quoi, le plan ? demandé-je en retirant l’étui protecteur de la caméra et en allumant l’appareil.

    — Donne-moi une minute, je vais peaufiner le texte de monsieur Brown, répond Brody.

    Il se laisse tomber sur la chaise devant l’ordinateur pour ouvrir le fichier.

    — Nous n’avons pas beaucoup de temps pour réaliser ce projet. Lily, peux-tu préparer le téléprompteur ?

    Nous vaquons tous à nos tâches respectives et, pendant que j’installe le téléprompteur pour Brody, je pense à ce discours sur la sécurité et à quel point il sera nul, même après les améliorations apportées par notre commentateur de nouvelles. Notre reportage devrait plutôt porter sur les causes et les effets du séisme. Ne pourrions-nous pas éduquer les élèves au lieu de leur faire perdre leur temps ?

    — Brody, dis-je en me tournant vers lui. J’ai une idée.

    — Je t’écoute, Lil, me répond-il sans lever les yeux de l’écran.

    — Nous pourrions abréger le discours sur la sécurité de monsieur Brown pour ajouter une entrevue avec un expert, suggéré-je.

    Brody lève les yeux.

    — Qui as-tu en tête ?

    — Je ne sais pas, j’admets. Un des professeurs de sciences, peut-être ? Ou…

    — Mademoiselle Molina, m’interrompt Brody en bondissant sur ses pieds. Elle enseigne les sciences de la Terre.

    — Et elle agit aussi comme mentor pour le club de l’environnement, ajouté-je.

    — Parfait, concluons-nous en chœur.

    Il y a deux semaines, j’aurais cru qu’il s’agissait là d’un signe cosmique ou quelque chose du genre. Aujourd’hui, je crois tout simplement que nous sommes sur la même longueur d’onde, pour une fois.

    — Amy, peux-tu sortir la toile de fond pour les entrevues ? demande Brody en se dirigeant vers la porte. Je vais aller chercher mademoiselle Molina. Veillez à ce que tout soit prêt à notre retour. Cette fois-ci, ce sera une course contre la montre.

    Nous disposons en effet de très peu de temps.

    Il disparaît dans le couloir et les autres membres de l’équipe et moi nous dépêchons à tout mettre en place. Lorsqu’il revient avec mademoiselle Molina, nous sommes prêts.

    — Bonjour, Mademoiselle Molina ! lancé-je de derrière la caméra tandis que Brody lui indique où se placer pour l’entrevue.

    — Allô, Lily, me répond-elle avec un sourire.

    J’étais dans sa classe en première année. Elle

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