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Le baiser de la sirène
Le baiser de la sirène
Le baiser de la sirène
Livre électronique324 pages4 heures

Le baiser de la sirène

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À propos de ce livre électronique

Lily a un secret, et ce n’est pas qu’elle rêve jour et nuit du beau Brody Bennett, un dieu de la natation qui fait chavirer son coeur. L’identité de sirène de Lily est un secret qui ne peut être découvert, puisqu’elle n’est pas qu’une simple sirène; elle est une princesse thalassinienne. Il y a trois ans, lorsque Lily a appris que sa mère était humaine, et non sirène, elle a finalement réalisé pourquoi elle ne se sentait pas tout à fait chez elle en Thalassinie. Elle est donc allée vivre sur terre, puis a commencé à fréquenter l’école secondaire de Ville des Mers, espérant trouver quel monde était vraiment le sien. Évidemment, la vie sur terre compte ses ennuis, comme l’arrogant motard amateur de Lily, son voisin Quince Fletcher, mais elle offre également un avantage inégalé: Brody. Le problème, c’est que les sirènes ne sont pas vraiment du type à fréquenter un garçon sans se poser de questions. Dès l’instant où elles se «lient» à quelqu’un, c’est pour la vie. Lorsque Lily tente de gagner le coeur de Brody et s’enlise dans un cas d’erreur sur la personne de la taille d’un tsunami, elle connaît un drame interpersonnel ayant la force d’un raz de marée. Elle découvre alors, entre deux battements de queue, qu’on ne vogue jamais dans les contes de sirènes comme on l’avait prévu, le vent dans les voiles.
LangueFrançais
Date de sortie3 juin 2014
ISBN9782897338510
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    Aperçu du livre

    Le baiser de la sirène - Tera Lynn Childs

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    Copyright © 2010 Tera Lynn Childs

    Titre original anglais : Forgive my Fins

    Copyright © 2014 Éditions AdA Inc. pour la traduction française

    Cette publication est publiée en accord avec HarperCollins Publishers, New York, NY

    Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

    Éditeur : François Doucet

    Traduction : Noémie Grenier

    Révision linguistique : Féminin pluriel

    Correction d’épreuves : Nancy Coulombe, Katherine Lacombe

    Conception de la couverture : Matthieu Fortin

    Photo de la couverture : © 2010 Leslie Ann O’Dell

    Mise en pages : Sébastien Michaud

    ISBN papier 978-2-89733-849-7

    ISBN PDF numérique 978-2-89733-850-3

    ISBN ePub 978-2-89733-851-0

    Première impression : 2014

    Dépôt légal : 2014

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque Nationale du Canada

    Éditions AdA Inc.

    1385, boul. Lionel-Boulet

    Varennes, Québec, Canada, J3X 1P7

    Téléphone : 450-929-0296

    Télécopieur : 450-929-0220

    www.ada-inc.com

    info@ada-inc.com

    Diffusion

    Canada : Éditions AdA Inc.

    France : D.G. Diffusion

    Z.I. des Bogues

    31750 Escalquens — France

    Téléphone : 05.61.00.09.99

    Suisse : Transat — 23.42.77.40

    Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99

    Imprimé au Canada

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    Participation de la SODEC.

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

    Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

    Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

    Childs, Tera Lynn

    [Forgive my fins. Français]

    Le baiser de la sirène

    (Le baiser de la sirène ; t. 1)

    Traduction de : Forgive my fins.

    Pour les jeunes de 13 ans et plus.

    ISBN 978-2-89733-849-7

    I. Grenier, Noémie. II. Titre. III. Titre : Forgive my fins. Français.

    PZ23.C44Ba 2014 j813’.6 C2014-940726-2

    Conversion au format ePub par:

    Lab Urbain

    www.laburbain.com

    Pour Sarah, parce qu’elle m’a prise avec elle.

    1

    L ’eau me calme. C’est comme du chocolat ou du thé chaud ou de la crème glacée au dulce de leche . Après une journée pourrie, je verrouille la porte de la salle de bain, je remplis la vieille baignoire rétro de tante Rachel d’eau fumante et de sels de bain, puis je m’enfonce dans un monde où tous mes problèmes s’évaporent.

    Certains jours, ça ne suffit pas.

    — Le lui as-tu demandé ?

    Serrant le téléphone contre mon épaule, je prends une poignée de mousse et souffle dessus, la laissant atterrir sur mon ventre. Je peux choisir d’ignorer la question, n’est-ce pas ? Surtout si ni elle ni moi n’aimerons la réponse.

    — Lily… insiste Shannen.

    Lorsque la mousse s’échoue dans l’eau et se dissout en une mince couche écumeuse, je soupire.

    L’objectif même de mon bain consiste à me faire oublier ma journée désastreuse, y compris le sujet de la question de Shannen, mais il me semble maintenant impossible de l’atteindre. Même si je me sens légèrement plus détendue que lorsque j’ai glissé dans l’eau, il y a 20 minutes, rien ne peut balayer complètement ce souvenir.

    Dommage que les sels ne puissent changer le passé.

    — Non, j’admets dans un grognement de frustration. Je ne le lui ai pas demandé.

    — Je croyais que nous nous étions mises d’accord, rétorque-t-elle sur un ton exaspéré. Tu allais le lui demander en trigo lorsque Kingsley vous aurait fait échanger vos papiers.

    — Je sais, nous nous étions mises d’accord, avoué-je, mais…

    — Mais quoi, Lily ? m’interrompt-elle. Tu n’as plus beaucoup de temps devant toi.

    — Je le sais bien.

    Purée, comme je le sais ! Le sable s’écoule rapidement dans mon sablier ; le bal des étudiants arrive à grands pas.

    En renversant la tête contre le rebord courbe et gracieux de la baignoire, je laisse mes cheveux traîner sur le plancher. Une longue étendue de blond indiscipliné qui défie toutes les méthodes de dressage. Je pourrais aussi bien avoir une éponge de mer sur la tête, puisque même des quantités colossales de revitalisant ou de sérum antifrisottis n’arrivent pas à dompter les effets de l’humidité floridienne.

    — Mais Kingsley ne nous a pas fait faire le troc habituel, expliqué-je. Il nous a demandé d’échanger nos copies vers l’arrière plutôt qu’avec notre voisin d’à côté.

    Shannen émet un grognement, et j’arrive à imaginer l’air de dédain sur son visage.

    — Je déteste lorsqu’il participe à un atelier de développement professionnel, commente-t-elle. Chaque fois qu’il en revient, il essaie quelque chose qui ne fonctionne jamais.

    — Je sais, agréé-je, m’accrochant à ce fil de pensées divergent dans l’espoir naïf qu’il nous fera toutes les deux oublier notre sujet initial.

    Je ne lève pas le nez sur les tactiques d’évitement. Je jetterais tellement Kingsley aux fauves pour me sauver d’un autre discours sur le thème du bonheur quotidien.

    — C’était un vrai fiasco, continué-je en me redressant légèrement, un peu plus confiante en ma stratégie de distraction. Les cousins Danfield ont interchangé leurs places, et la plupart des étudiants ont fini par évaluer leur propre copie. Kingsley nous a félicités de nos bonnes notes.

    Les bonnes notes ne sont pas chose courante dans ma vie. Shannen, qui a de bonnes chances de prononcer le discours d’adieu de la promotion, essaie de m’aider, mais je n’apprends manifestement rien par osmose ou association ou quoi que ce soit d’autre. Est-ce ma faute si toutes ces matières sont comme une langue étrangère pour moi ? Mon cerveau n’est tout simplement pas conçu pour l’étude scolaire. Le seul cours que j’ai presque la certitude de réussir est le cours d’art. Et c’est seulement parce que madame Ferraro m’aime bien. Tout le reste pourrait aussi bien être un cours avancé de physique nucléaire.

    Par ailleurs, dernièrement, nous avons tous été préoccupés par la danse de La folie du printemps, et non par les travaux à rendre la semaine prochaine. Avec la danse qui aura lieu dans quelques jours (c’est-à-dire trois), il semble beaucoup plus urgent de s’y préparer que d’écrire un essai sur La ferme des animaux.

    Ce soir, par contre, je préférerais parler de travaux scolaires. Ou de produits de beauté. Ou de nuées de méduses meurtrières. De n’importe quoi, sauf du sujet qu’elle aborde. J’ai chamboulé le plan… une fois de plus. La dernière chose dont j’ai besoin en ce moment, c’est de Shannen qui me dit encore…

    — Tu es une poule mouillée, Lily Sanderson.

    — Je suis une poule mouillée.

    Fils de perche.

    Je remue brièvement ma nageoire caudale, aspergeant mes épaules des sels de bain à la lime. Il s’agit de la même accusation que j’entends chaque semaine depuis trois ans. On pourrait croire que je me lasserais de l’entendre, que je rassemblerais mon courage et que je passerais enfin à l’acte. Le problème, c’est que… elle a raison. Je suis une poule mouillée.

    Surtout en ce qui concerne Brody Bennett.

    Nous, les sirènes, sommes une bande de lâches. Le fait de garder notre existence totalement secrète rend la lâcheté une quasi-nécessité. Si nous ne fuyons pas assez rapidement au premier signe de l’approche d’un navire, nous pourrions nous retrouver sur la couverture du journal L’Éclair de la semaine suivante. Nous sommes une espèce du genre « fuyons maintenant et discutons plus tard ».

    Mais avec Brody, c’est comme si mes réactions de fuite s’apparentaient à une toute nouvelle espèce d’invertébrés. Je peux élaborer tous les plans du monde et me préparer solidement à les exécuter, dès qu’il entre dans mon champ de vision, je me ferme comme une huître. J’ai de la chance si j’arrive encore à respirer, imaginez si je lui faisais part de mes sentiments ! Les hormones sont cruelles à ce point, voyez-vous.

    Malgré tout, le rappel constant de sa lâcheté peut pousser une fille au bord de la folie. Pendant une seconde (une demi-seconde, en réalité), j’envisage de déballer la seule chose qui ferait sans aucun doute dérailler le sermon de Shannen une fois pour toutes.

    Mais j’ai entendu les histoires.

    Je sais ce qui se produit lorsqu’un humain apprend qu’une sirène est une sirène. J’aime Shannen comme une sœur, mais je ne peux prendre ce risque. Je ne peux me mettre en péril, ainsi que toute ma famille et tout mon règne, seulement pour éviter une conversation désagréable. Même si j’ai affreusement envie de lui confier la vérité, mon devoir passe avant notre amitié.

    Shannen comprendrait.

    Alors, au lieu de déballer mon sombre secret — qui n’est pas si sombre en ce moment, car mes nageoires émeraude et doré reluisent sous l’eau salée —, je ressasse la vérité pathétique.

    — J’ai essayé, Shan.

    Ma tête se renverse de nouveau contre la baignoire de porcelaine avec un grand toc bien mérité.

    — J’ai vraiment essayé. Cette fois, j’étais à un poil de le faire. J’ai pris une grande respiration, j’ai dit son nom, puis…

    — Puis, quoi ?

    — Quince Fletcher m’a lancé une boule de papier sur la tête.

    J’ai dû faire appel à chaque once de ma volonté, de même que la cloche de fin de cours, pour me retenir de bondir de ma chaise, présenter mes excuses à Brody en sautant par-dessus lui, et réduire Quince en bouillie d’algues à force de coups de poing. Les Océaniens forment un peuple pacifique, mais ce garçon me fait regretter de ne pas avoir carte blanche sur le trident de papa pour cinq bonnes minutes. J’ai imaginé des moyens plutôt créatifs de fermer le clapet de Quince.

    — Le chien, opine Shannen, c’est croire qu’il s’est autoproclamé l’emmerdeur de ta vie.

    — Tu l’as dit.

    Je frotte lestement l’éponge de bain sur mes écailles.

    — Pourquoi se donne-t-il même la peine de m’ennuyer ? Ses deux passe-temps consistent à travailler sur ce désastre de motocyclette et à me tourmenter.

    Le truc, c’est que je ne comprends même pas pourquoi il est si dévoué à m’irriter constamment. Ce n’est pas comme si je lui avais fait quoi que ce soit, à part déménager dans la maison d’à côté. Au début, nous sommes presque devenus amis… jusqu’à ce qu’il se mette à me traiter comme son ennemie.

    Les garçons sont loin d’être aussi déroutants dans l’océan.

    — Il devrait — un bip-bip interrompt Shannen — diversifier.

    — Attends une minute.

    Je me trémousse pour me redresser à demi dans la baignoire.

    — J’ai un autre appel.

    Tante Rachel s’est lassée de mes bains qui noient les circuits du téléphone du deuxième étage après lui avoir ruiné trois téléphones. Le dernier remplacement n’offre même pas l’affichage de l’appelant, et elle a juré que c’était le dernier qu’elle achèterait. Si je brise celui-ci, il n’y a plus de téléphone dans la baignoire. Aussi, je fais très attention de ne pas lâcher prise sur le récepteur en appuyant sur la touche.

    — Oui, allô ?

    — Tu devrais fermer les rideaux avant de prendre un bain, princesse, annonce une voix grave et moqueuse.

    — Quoi ? glapis-je en me raidissant subitement dans la baignoire.

    La serviette de bain la plus proche est soigneusement pliée sur la toilette… à l’autre bout de la pièce. D’un puissant battement de queue, je me lance sur le côté et j’atterris sur les carreaux froids du plancher, avant de m’élancer vers la serviette. Je viens tout juste de la jeter par-dessus mes nageoires lorsque j’entends un rire rugir dans le récepteur sur le plancher. Sourcillant, je le saisis brusquement.

    — Hilarant, hurle-t-il, toujours en riant. Tu m’amuseras toujours, princesse.

    « Argh ! » Je frappe violemment le plancher au moyen du téléphone, espérant que les coups endommagent les tympans de celui qui se trouve à l’autre bout du fil.

    — Pourquoi ?

    Mon rythme cardiaque emporté par ma houle émotive décline à un battement normal tandis que je considère le téléphone, qui a subi quelques ébréchures dans l’expression de ma colère, puis les rideaux complètement tirés devant la fenêtre de la salle de bain. Je porte le récepteur à mon oreille tout en ignorant le rire qui s’y reproduit inlassablement, et je demande :

    — Pourquoi aimes-tu tant me torturer ?

    — Parce que, arrive à dire Quince entre ses gloussements, tu rends la chose si facile.

    Empoignant la serviette maintenant imbibée, je la lance contre le mur opposé et l’observe glisser lentement jusque dans le panier à linge sale. La chatte de tante Rachel, Prithi, miaule de mécontentement de l’autre côté de la porte.

    — Toi, dis-je en me hissant à la baignoire, tu n’es qu’un ignoble (me retournant, je plonge prudemment dans l’eau) et répugnant (même tiède, l’eau est paradisiaque) griffon hydrothermal visqueux.

    Je presse le téléphone entre l’oreille et l’épaule avant d’ouvrir mes mains sous l’eau pour faire remonter la température au degré presque bouillant qui m’est si apaisant.

    Il ricane de nouveau avant de répondre.

    — C’est nouveau, ce genre de gag.

    — J’en ai des dizaines d’autres sous ma manche, lui assuré-je en m’affaissant contre la paroi de la baignoire, les yeux fermés. Tu veux les entendre ?

    L’eau salée m’enveloppe et calme mes nerfs tendus. Légèrement.

    — Un jour, peut-être, répond-il, je te rappellerai ton offre.

    — Moule mouillée, marmonné-je, les yeux toujours fermés, puis je m’imagine de retour à la maison, les courants chauds du Gulf Stream tournoyant autour de moi alors que je flotte dans mon coin préféré de l’océan : la rive peu profonde juste à l’est de la Thalassinie, où une forêt de gorgones et de coraux en cornes d’élans m’offre le camouflage idéal pour me prélasser pendant des heures et observer les bateaux de pêche colorés voguer au-dessus de ma tête.

    C’est là où réside mon bonheur. Je n’y ai jamais emmené personne, pas même papa. Je préfère attendre d’y emmener quelqu’un de spécial. Un jour, j’y emmènerai Brody.

    Lorsque j’ai le mal du pays, je nous y imagine, tous les deux.

    — Admets-le, princesse, dit Quince d’une voix qu’il croit assurément railleuse, selon moi, tu serais morte d’ennui sans moi.

    — Sans toi, répliqué-je, souhaitant qu’il y ait plus que quatre mètres et deux carreaux de vitre me séparant de cette peste de voisin, j’aurais un cavalier pour aller à La folie du printemps.

    Silence soudain. La base de ma nuque me picote.

    — Un cavalier ? répète-t-il.

    Mes yeux s’ouvrent subitement.

    Je n’ai pas voulu révéler ce bout d’information. L’eau réchauffée m’a trop détendue. Je ne peux pas baisser ma garde une seule seconde lorsque je parle à Quince.

    — Tu ne comptes pas courir la langue pendue derrière Benson le moron, non ?

    — Bennett, corrigé-je sèchement avant de pouvoir me maîtriser.

    Puis je rectifie :

    — Je ne sais pas de quoi tu parles.

    — Je crois que tu le sais…

    — En fait, dis-je résolument, je ne sais pas pourquoi je suis toujours en train de te parler.

    — Tu es toujours en train de me parler, répond-il avant que je ne puisse appuyer sur la touche d’appel en attente, parce que je peux t’aider à mettre le grappin sur ton amourette.

    — Ha ! lancé-je brillamment, enchaînant d’un rire hystérique.

    Comme si la peste de mon existence pourrait m’aider un jour. Comme s’il pourrait m’aider.

    — Bel essai, Quince.

    — Tss-tss, fait-il comme si j’avais fait le mauvais choix. Très bien, lorsque tu seras prête à accepter mon aide, tu sauras où me trouver.

    Ouais, dans la maison d’à côté, en train de m’épier dans la salle de bain.

    — Je préférerais ne pas le savoir, avoué-je. Hé ! Comment savais-tu que j’étais dans la salle de bain, en passant ?

    Silence du côté vicieux de la ligne.

    — Allô ?

    Purée d’espadon ! Je voulais être celle qui lui raccrocherait au nez, cette fois !

    Un bip retentit dans le téléphone, me rappelant que Shannen m’attend toujours. J’aurais dû savoir qu’elle n’abandonnerait pas la partie. Nous n’avons pas clos le dossier « Demander à Brody de m’accompagner à la danse ». Elle ne rate jamais une occasion de me faire savoir que j’ai foiré et comment je peux faire mieux la prochaine fois.

    Je me demanderais pourquoi je lui parle encore si elle n’était pas ma meilleure amie humaine.

    Clic, je retourne vers elle.

    — Je suis de retour.

    — Qui était-ce ?

    — Personne, je réponds sincèrement.

    — Quince.

    Ce n’est pas une question.

    — Peu importe, dis-je tout en battant distraitement le fond de la baignoire de la nageoire. Termine donc de me réprimander pour que je puisse aller dormir.

    Shannen ignore mon commentaire boudeur.

    — Que voulait-il ?

    — La même chose que d’habitude : me pincer comme un crabe araignée.

    Je ne vais tout de même pas lui parler de l’offre qu’il m’a faite — ni du fait qu’il m’épie depuis sa salle de bain. Après avoir vécu trois ans à côté de ce pervers, j’ai arrêté de supplier ma tante de déménager. Dans quelques semaines à peine, je retournerai en Thalassinie pour terminer mes études et apprendre comment diriger le peuple aux côtés de mon père. Je ne verrai plus jamais ce mollusque dégoûtant. Il ne sera plus qu’un souvenir lointain, voire cauchemardesque.

    — Il devait bien vouloir quelque chose en partic…

    N’étant pas d’humeur à discuter de Quince, je reviens au sujet qui la fera assurément déraper dans une digression.

    — Je crois que je vais parler à Brody avant le début des cours, demain.

    Elle change de direction instantanément.

    — Tu ferais mieux, avertit-elle. Le temps file. La danse est vendredi.

    — Oui, je…

    — C’est dans trois jours.

    — Je le sais.

    Je m’assois, me tortillant et glissant sur la porcelaine pour tirer le bouchon du drain.

    — Mais comme il vient tout juste de rompre avec Courtney, je ne crois pas qu’il ait eu le temps de pêcher à la traîne et d’attraper une remplaçante.

    Je peux presque sentir son lourd soupir.

    — Je suis trop fatiguée pour argumenter contre tes phraséologies vagues, dit-elle. As-tu choisi ton déguisement ?

    L’eau tourbillonne doucement dans le drain, laissant une fine pellicule de savon salé sur ma peau et mes écailles au fur et à mesure qu’elle s’écoule.

    — Non, je réponds tout en vidant un gobelet d’eau sur ma poitrine afin de me rincer. Je te l’ai déjà dit : je n’y vais pas costumée. C’est stupide. Je ne suis pas une g…

    Je me retiens de dire « guppy qui suit le banc ». Même après trois ans, il m’est difficile de taire mon argot aquatique.

    — Je ne suis pas une gamine.

    — Tu dois de déguiser, insiste Shannen. C’est une danse costumée. Une tradition de Vue-sur-mer.

    — Je trouverai quelque chose, dis-je pour la contenter.

    L’eau glougloute tandis que les derniers centimètres s’apprêtent à disparaître dans le drain.

    — Ton costume doit refléter le thème « Au fond des mers ».

    — Non, il…

    — J’ai trouvé ! s’écrie Shannen, l’excitation perçant sa voix. Je sais exactement ce que tu porteras.

    — Vraiment ? demandé-je futilement, attrapant un carré éponge drapé sur le bord de la baignoire pour essuyer les traces de savon laissées sur mes écailles. Quoi ?

    — Tu devrais te déguiser en… (elle marque une longue pause pleine de suspens) sirène !

    Je laisse échapper le téléphone. Puis, je me remue pour le soulever avant que le dernier centimètre d’eau ne grille les circuits. Tante Rachel n’en achèterait pas un autre, cette fois, c’est certain.

    — Non, dis-je, alors que l’eau dégoutte du téléphone, le crépitement de l’électricité me chatouillant l’oreille. Non, ce n’est pas une bonne idée.

    — Penses-y. Nous pourrions toutes les deux nous déguiser en sirènes, propose-t-elle. Nous en parlerons au dîner, demain.

    Je dépose le récepteur encore dégoulinant sur son socle, les cordons étirés sous la porte de la salle de bain de la prise de téléphone dans le couloir, puis je m’affaisse de nouveau dans la baignoire vide.

    Oubliant Shannen, Quince et Brody — quoique, je ne peux jamais oublier complètement Brody —, je me concentre sur ma métamorphose. La plupart du temps, je change de forme sans trop d’effort. Mais comme je suis loin de la mer, j’utilise mes pouvoirs de moins en moins. Réchauffer l’eau de mon bain. Refroidir mon jus au lever. Me métamorphoser pour prendre un bain, quelques fois par semaine. Rien à voir avec ce que je fais à la maison. Parfois, je me sens plus près de chez moi, rien qu’à sentir la transition.

    En puisant dans les pouvoirs magiques de mon peuple, des pouvoirs accordés par Caphira, la nymphe de la mer de Poséidon, notre lointaine ancêtre, je visualise mes écailles iridescentes se dissoudre complètement pour laisser place à la peau rosée. Pourquoi n’ai-je pas eu la chance de naître avec la peau basanée ?

    Malgré tout, j’aime la sensation de retrouver mes jambes. Après avoir passé les 14 premières années de ma vie avec des nageoires, il est étonnant de constater à quel point je me sens bien dans ma forme terrapède. Trois années sur terre, et j’ai l’impression d’être née ici. Je suppose que c’est parce que maman était humaine.

    Je me demande ce qu’elle penserait de moi, allongée ici dans la baignoire de sa sœur et rêvant au garçon que j’aime ? Serait-elle fière ? Déçue ? Heureuse que j’accepte avec enthousiasme ma moitié humaine ? J’imagine que je ne le saurai jamais.

    Au moment où je remue mes orteils au bout vert lime, j’entends un grésillement suivi d’un grand crac… puis les lumières s’éteignent.

    Prithi miaule.

    — Lily ! lance tante Rachel au bout du couloir. As-tu encore utilisé le téléphone dans la baignoire ?

    Me couvrant le visage à deux mains, je me demande si au départ c’était une bonne idée de quitter la mer. L’école secondaire est peut-être extraordinaire pour les humains, mais ce n’est pas un endroit pour les sirènes.

    2

    R ien n’échappe à l’examen minutieux du miroir de la salle de bain. Surtout au lever. Surtout sous la lumière compacte et fluorescente du luminaire de tante Rachel.

    L’éclairage cruel blanchit ma peau déjà pâle, faisant ressortir les taches de rousseur sur mon nez et mes épaules. Mon éponge de mer blonde ressemble plus à une auréole de barbe à papa jaune qu’à des cheveux.

    Je tire vivement sur mon tiroir à maquillage, faisant percuter les plateaux de tubes et de poudres compactes contre la devanture. L’application du maquillage doit être une chose que les filles humaines apprennent à la maternelle, car après trois ans de pratique, le seul produit que je maîtrise est le brillant à lèvres. Et même ce cosmétique ne fait pas toujours l’effet escompté.

    Je dévisse le bouchon du rose chatoyant et passe l’applicateur sur mes lèvres.

    — Lily, m’interpelle tante Rachel du bas de l’escalier, tu as un message de ton père.

    Sous le coup de la surprise, ma main tressaille et trace un trait de rose collant sur ma joue, avant de laisser échapper l’applicateur sur le devant de mon chandail. Il atterrit sur le dos poilu de Prithi.

    Génial. Deux heures passées à choisir la tenue parfaite pour inviter un garçon au bal et voilà que je dois me changer.

    — Une minute ! lancé-je tout en pelant l’applicateur du dos de Prithi.

    Je le rince dans le lavabo. Heureusement, la plus grande partie du brillant avait taché mon chemisier ; il n’y en avait donc presque pas sur le dos de la chatte.

    Après avoir jeté un regard furtif à la fenêtre masquée

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