La revanche du myope
Par Marc-André Pilon
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À propos de ce livre électronique
Eh bien, pas moi, foi de Pierre-Antoine Gravel-Laroche ! Je suis peut être un nerd irrécupérable, souffre-douleur d'un certain Yannick Brisebois-Taillefer, mais rien ne m'empêchera de prendre la situation en main et de retrouver madame Maheu, ma prof de sciences ultra-canon.
Le plus difficile sera de mener mon enquête de front tout en essayant de séduire la belle M-P… Par contre, si je retrouve madame Maheu, je serai un héros. Et tout le monde sait que les filles craquent pour les héros, même s'ils ont de grosses lunettes et une coupe champignon ! Yesssss !
Je dois toutefois t'aviser que mon histoire ne renferme aucun vampire sexy, aucun sport extrême sur balai volant, aucun superpouvoir, aucun dragon qui parle... Non. Mais une guerre de bouffe générale, un vol de voiture complètement raté, une bataille digne du dernier Rocky… Ça oui !
Alors ! Qu'est-ce que tu attends ? Dépêche-toi d'ouvrir ce livre et de plonger dans mon aventure ! Mais ne fais pas comme moi : essaie de garder ton maillot, surtout si tu plonges devant tous tes camarades de classe…
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Aperçu du livre
La revanche du myope - Marc-André Pilon
Marc-André Pilon
Édition
Les Éditions de Mortagne
Case postale 116
Boucherville (Québec)
J4B 5E6
Distribution
Tél. : 450 641-2387
Téléc. : 450 655-6092
Courriel : info@editionsdemortagne.qc.ca
Tous droits réservés
Les Éditions de Mortagne
© Ottawa 2011
Dépôt légal
Bibliothèque et Archives Canada
Bibliothèque et Archives nationales du Québec
Bibliothèque Nationale de France
1er trimestre 2011
Conversion au format ePub : Studio C1C4
ISBN 978-2-89662-228-3
Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Programme d’aide au développement de l’industrie de l’édition (PADIÉ) et celle du gouvernement du Québec par l’entremise de la Société de développement des entreprises culturelles (SODEC) pour nos activités d’édition. Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC. Membre de l’Association nationale des éditeurs de livres (ANEL)
À Marc-André Gravel,
qui a été le premier à voir au-delà
de mon apparence de nerd fini.
À Émilie, pour tout le reste
I
26 janvier
Ce matin-là, j’entrai dans ma classe de sciences de deuxième secondaire. Sans me douter une seule seconde que ma vie s’apprêtait à être complètement chamboulée… Premier indice suspect : sur le seuil de la porte se tenait notre nouveau directeur, monsieur Lugosi. Une créature que le docteur Frankenstein lui-même n’aurait pas reniée :
— Chers élèves, membres de cette grande expérience qu’est l’éducation, je suis ici pour vous annoncer que madame Maheu sera absente pour une durée indéterminée.
Bizarre ! Depuis quand le directeur vient-il lui-même souligner une absence ? En tout cas, j’aurais peut-être dû me dire quelque chose du genre sur le coup, mais il y avait tellement de changements étranges depuis son arrivée à la direction qu’on ne les remarquait plus… Et être dans la lune durant ses discours était devenu un art maîtrisé par la plupart des élèves. Moi y compris.
— En attendant, nous vous laissons entre les mains inexpertes d’une suppléante quelconque, ajouta-t-il.
Alors, voilà, c’était la grande nouvelle : ma prof n’était pas là.
(Ici, vous pouvez ajouter un effet sonore du genre « ta daaaaaah ».)
Jusqu’à maintenant, vous me direz qu’il n’y a pas grand-chose d’excitant. Vous avez raison. En fait, sur le coup, on était même contents. Pas qu’on détestait madame Maheu, au contraire ! Jeune trentaine, cheveux blonds, corps mince. Plusieurs gars se trouvaient quelques atomes crochus avec, disons, le caractère scientifique de son cours… Mais, que voulez-vous, quand un prof est malade, c’est toujours la fête !
Cependant, et j’allais le comprendre plus tard, il s’agissait du premier maillon d’une chaîne d’événements mémorables…
— Merci de votre écoute merveilleuse. Et n’oubliez pas : Soumission, Obéissance et Sourire, conclut-il en souriant d’une manière qui aurait fait belle figure dans Les Dents de la mer 8.
Après son annonce lourde de sous-entendus, le directeur quitta notre classe de sa démarche qui rappelait un cortège funèbre.
Une petite boule de papier mouchoir pleine de salive vint alors atterrir avec soin derrière mon oreille. Les trompettes de la suppléance étaient officiellement sonnées ! Je me réfugiai derrière une tranchée de bureaux.
— NERD !
Ce cri de guerre appartenait à Yannick Brisebois-Taillefer, le dur à cuire de notre petit collège privé. Sa bande était en formation tactique au fond de la classe, prête à charger avec sa flotte d’avions en papier. Bien entendu, l’insulte m’était destinée et j’étais la cible.
Bon, aussi bien vous l’avouer dès maintenant, alors que ça fait moins de trois pages qu’on se connaît, je suis un nerd. N-E-R-D, nerd. Pas juste un simple nerd, LE nerd de l’école. Celui qui a de bonnes notes, mais qui, en plus, possède la tête de l’emploi. Pour résumer, disons simplement que : 1) je porte des lunettes gigantesques qui laissent sous-entendre que mes joues et mon front sont également myopes ; 2) j’ai une coupe champignon (coupe vénéneuse séparant deux petites mottes de cheveux pendouillant de chaque côté du crâne grâce à une raie parfaite) ; et 3) l’appareil dentaire pour cheval que je porte secrètement la nuit n’a pas encore fait son effet. Bref, tout ce qu’il faut pour se rendre compte que l’habit fait le moine dans une école laïque…
On entendit ensuite une longue flatulence provenant de la chaise de l’enseignante. Une dame entre deux âges, triste d’être elle-même, s’y trouvait. Elle venait de poser son humble derrière sur le fameux sac à pet en caoutchouc. C’est toujours moins pire que la non moins célèbre punaise, non ?
— Qu’est-ce qu’on va faire ? On fait pas le poids !
Ça, c’était la voix un peu paniquée de Jonathan Leroux-Tremblay. Jo, c’est mon meilleur ami, un crack en informatique. Son nom tente subtilement de masquer que c’est un Chinois adopté.
— T’en fais pas, répliquai-je, on en a vu d’autres !
Les lunettes couvertes de bouts de Kleenex gluants (pourquoi ne viennent-elles pas avec des essuie-glaces ?), je trouvai un peu de combativité au fond de moi et lui conseillai :
— Prends nos notes de cours, mets-les en boule, puis donne-les-moi !
Nos apprentissages se mirent alors à voler de leurs propres ailes. Francis Lebœuf-Haché fut atteint en plein front. Cette brute épaisse était le bras droit de Yannick, le bras qui frappe. Lui aussi aurait aimé avoir les cheveux longs et un manteau de cuir pour montrer à tout le monde qu’il est un bad boy ou un killer (ou n’importe quelle expression anglaise qui fait aussi tough). Mais tous les deux étaient aux prises avec le même uniforme alternant tristement des rayures bleues, vertes et blanches, en plus d’être contraints au même règlement capillaire : ne pas avoir un cheveu dépassant le lobe de l’oreille. C’est ça, la vie de collège privé…
— Tu vas nous le payer cher, maudit nerd ! s’égosilla Yannick du fond de la classe.
— Donne ton prix ! répondis-je, du tac au tac.
En passant, mon vrai nom est Pierre-Antoine Gravel-Laroche. P.-A. pour les intimes, Nerd pour tous les autres. Eh oui ! On peut voir tout de suite que mes parents n’ont pas réfléchi en joignant la destinée de leur nom de famille… Je me dis pour me consoler qu’ils trouvent peut-être que c’est un nom qui rock ! (C’est avec des blagues comme ça qu’on reste célibataire…)
— Attrapez ça !
Jo leur lança une feuille pliée avec dextérité, véritable étoile de ninja entre ses mains. La suppléante au teint grisâtre ne disait rien. Elle avait renoncé à toute tentative de discipline et, passivement, nous regardait comme si nous étions les animaux d’un zoo. Si elle avait eu une distributrice d’arachides en classe, je crois bien qu’elle nous en aurait lancées. Dommage ! Je commençais à avoir faim… Pour sa défense, il faut dire que les autres élèves étaient également affairés à ne pas suivre les règlements. Il valait donc mieux se taire que de tenter de nous contrôler. Ce Viêtnam scolaire dura un bon bout de temps. Aucun camp n’eut la victoire. Chacun se proclama victorieux.
La première cloche du midi se fit alors entendre. Oui, je dis bien la première, car on en a deux maintenant. Je ne sais pas à quoi elle sert, mais en tout cas, elle arrive cinq minutes avant l’autre. Il faut tout de même continuer le cours et tenter de ne pas trop saliver. Vous vous rappelez que je vous disais tantôt qu’il y avait eu beaucoup de changements depuis l’arrivée de notre nouveau directeur ? En voilà un. Et cette modification aurait dû me mettre la puce à l’oreille… Mais que voulez-vous, je n’y avais pas réfléchi. C’est ce qu’on appelle l’insouciance de l’adolescence (ça rime).
La deuxième cloche sonna et le troupeau se rua vers sa moulée.
C’est en marchant vers la cafétéria que je la vis : Marie-Pierre Larose-Deschamps, la plus belle fille du collège. Elle se dirigeait vers moi. On aurait dit qu’elle avançait au ralenti, les cheveux flottant dans le vent, une chanson particulièrement sirupeuse jouant en arrière-plan.
Cette fois, j’étais décidé, j’allais lui parler. La Saint-Valentin approchait à grands pas rythmés et, avec elle, la danse organisée par l’école… mais aussi la possibilité de se faire une blonde ! Je ne pouvais pas manquer cette chance ! Cette année, c’est moi qui allais danser un slow avec M.-P. sur la chanson Hotel California, en laissant subtilement mes mains passer de ses hanches à ses fesses pendant le long solo de guitare.
La voilà qui arrivait maintenant à ma hauteur. Je prononçai les premiers mots qui me vinrent en tête :
— Qu’est-ce qu’il y a à la café, ce midi ?
— Je sais pas, lis le menu !
Wow ! Quel imbécile ! C’était tout ce que j’avais trouvé à lui dire. Pas étonnant qu’elle m’ait répondu aussi sèchement. Tout de même, elle m’avait parlé. Un son avait traversé ses lèvres pulpeuses ! « C’est un petit pas pour moi, mais un grand pas pour notre relation ! » pensai-je, un peu dans la lune. Certains auraient pu croire qu’il y avait un froid entre nous, mais ce serait exagéré. En fait, il n’y avait rien entre nous. Rien du tout. Je comptais bien me rattraper et prouver que le crapaud pouvait enfin trouver sa princesse.
Un peu sonné, je la regardai s’éloigner, ses longs cheveux blonds ondulant dans son dos.
— Pas facile, hein ?
Andréanne Carrière-Desroches. Que me voulait-elle, celle-là ? Elle était toujours assise à côté de moi, partout. Dans la classe, à la salle d’études. Sûrement un hasard alphabétique inexplicable. Elle poursuivit :
— Il faudrait d’abord qu’elle ait une raison de te trouver cool.
C’était la première fois qu’Andréanne me parlait. Je ne lui avais jamais porté attention avant. C’était une fille avec un look plutôt quelconque : petite, cheveux bruns, yeux bruns, broches. Elle n’était pas laide. Elle était tout simplement… ordinaire. Tandis que je la remarquais, un peu étonné qu’elle m’adresse la parole, Andréanne continuait son monologue :
— Une fille comme M.-P. va t’aimer seulement si les autres t’aiment. C’est pas le genre à prendre la décision d’elle-même.
Qu’est-ce qu’elle en savait ?
— T’es bien gentille avec tes conseils, mais je pense pas que ce soit de tes oignons. Et quand je me mets à parler de légumes, c’est vraiment la café qui m’appelle ! Bye, là !
Hum… voici la recette miracle pour rester sans amis : les repousser quand ils essaient de vous aborder.
— Ça tombe bien, répondit-elle à mon jeu de mots de légume (pourri), je m’en vais manger moi aussi.
Et elle se mit en tête de me suivre. Une vraie sangsue, cette fille-là ! En plus, elle continuait de me parler de ma vie amoureuse (ou plutôt, de l’absence de celle-ci…).
— Alors, comme ça, t’as un œil sur M.-P. !
Dans le genre subtil, on repassera.
— À mes heures… Pourquoi ? Ça t’intéresse ? demandai-je, irrité.
— Non, c’est juste que je trouve que t’as pas grand chance !
Une chose est sûre, elle n’avait pas peur de la franchise.
— Qu’est-ce qui te fait dire ça ? l’interrogeai-je en relevant uniquement mon sourcil gauche.
— Bien, t’as pas remarqué qu’elle sort toujours avec les plus beaux gars de l’école ?
J’avais remarqué. Qu’est-ce qu’elle insinuait ? Que je n’étais pas beau ? Bon, au fond de moi, je le savais. Mais de se le faire confirmer, ce n’était vraiment pas pareil. Par une fille, en plus !
— Je vois pas de quoi tu parles, répliquai-je.
— Hum… tu dois être plus myope que je le pensais !
Si elle voulait être mon amie, c’était bien mal parti. Mais au moins, je me promenais dans les couloirs de l’école avec une fille. Peut-être qu’elle m’aiderait sans s’en rendre compte à répandre la rumeur que je n’étais pas atteint d’une maladie mortelle et contagieuse. Ou peut-être qu’elle pourrait simplement m’aider à rendre M.-P. jalouse. Il me semblait avoir lu quelque part que c’était un bon truc avec les filles.
À la cafétéria, Jo m’avait réservé une place et m’y attendait. Vous auriez dû voir sa face quand je me suis pointé avec une demoiselle !
— Andréanne, je te présente Jo.
— C’est toi qu’on appelle « Jaune-athan » ? demanda-t-elle.
— Euh… oui.
Décidément pas très gênée, la fille ! Oser appeler mon ami asiatique comme ça, devant lui ! Mais c’était dit avec tellement de candeur qu’il aurait été difficile de lui en vouloir. Et Jo, pris par surprise, passa plutôt le midi à être « Rouge-athan » tellement il devint écarlate. Tout de même, on pouvait voir à son petit sourire gêné qu’il était plutôt content de la franchise d’Andréanne. En effet, Jo détestait les hypocrites. Pour mon ami, éviter de lui rappeler sa condition immigrante avec un silence stratégique était bien pire que de lui en parler tout bonnement, comme si de rien n’était…
Entre deux bouchées, Andréanne entra dans le vif du sujet :
— Que pensez-vous de la disparition de madame Maheu ?
— Disparition ? Tu y vas pas un peu fort ? !
Jo et moi nous étions exclamés simultanément et nous nous regardions, incrédules. La moutarde lui était-elle montée au nez ?
— « Absente pour une durée indéterminée » : vous trouvez pas ça louche ?
— Pas vraiment, Andréanne. Madame Maheu doit faire une dépression, comme tous les autres profs !
— Elle est trop jeune pour ça, P.-A. En plus, les élèves l’aiment, elle ! On n’a rien fait pour qu’elle pète les plombs.
Elle avait raison et l’avenir allait le lui prouver au centuple, mais que pouvait-on y