Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

Vivre, Aimer, Danser...: L'Histoire de Natalya, #1
Vivre, Aimer, Danser...: L'Histoire de Natalya, #1
Vivre, Aimer, Danser...: L'Histoire de Natalya, #1
Livre électronique327 pages4 heures

Vivre, Aimer, Danser...: L'Histoire de Natalya, #1

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Il suffit parfois d'une belle rencontre pour tout changer.

 

Jusqu'à l'année dernière, Natalya n'avait qu'un seul but dans la vie : réussir son examen d'entrée dans une prestigieuse école de New York pour devenir danseuse étoile. Mais tous ses rêves ont été brisés quand son père est mort dans un accident de voiture.

 

Depuis, la jeune femme est rongée par la culpabilité et a du mal à progresser dans sa vie. Heureusement, elle rencontre Tonio, un séduisant footballeur. Le jeune homme est persuadé qu'elle peut encore devenir danseuse à condition de sortir de la déprime et de la souffrance. La patience et le charme du jeune sportif finissent par la faire sortir de sa coquille.

 

Mais Tonio a aussi ses secrets et ses problèmes qui risquent bien de faire sombrer un peu plus la jeune femme.

 

Le destin a réuni ces deux êtres blessés par la vie… avant de les éloigner ?

LangueFrançais
Date de sortie15 déc. 2016
ISBN9781540197016
Vivre, Aimer, Danser...: L'Histoire de Natalya, #1
Auteur

Elodie Nowodazkij

Elodie Nowodazkij crafts sizzling rom-coms with grumpy book boyfriends and the bold, funny women who win their hearts. Sometimes, she even writes stories that scare the crap out of her. Raised in a small French village, she was never far from a romance novel. At nineteen, she moved to the U.S., where she found out her French accent is here to stay. Now in Maryland with her husband, dog, and cat, she whips up heartwarming, hilarious, and hot romances. Ready to take the plunge? The water’s delightfully warm.

En savoir plus sur Elodie Nowodazkij

Auteurs associés

Lié à Vivre, Aimer, Danser...

Titres dans cette série (2)

Voir plus

Livres électroniques liés

Histoires d'amour pour jeunes adultes pour vous

Voir plus

Articles associés

Avis sur Vivre, Aimer, Danser...

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    Vivre, Aimer, Danser... - Elodie Nowodazkij

    Petit message pour mes lecteurs

    CHERS LECTEURS,

    Merci infiniment à vous d’avoir choisi UN, DEUX, TROIS. Je sais que vous avez le choix entre des TONNES de livres, et je suis sincèrement reconnaissante que vous ayez décidé de lire le mien.

    Je croise les doigts pour qu’il vous plaise.

    Après votre lecture, si vous avez quelques minutes à me consacrer, n’hésitez pas à laisser une évaluation.

    Enfin, j’adore recevoir des e-mails de mes lecteurs : authorelodienowodazkij@gmail.com..

    Encore merci !

    Elodie

    5 mois plus tôt

    DU SANG.

    Il y a du sang partout. Sur la neige. Sur mes mains. Du sang qui coule de mon sourcil gauche. Du sang dans ma bouche. Je sens son goût métallique sur ma langue, je le sens s’engouffrer dans tout mon corps, des flots de sang. Une douleur vive part de mon cou, descend jusqu’à ma main et chaque partie de mon corps est engourdie par le froid. Je frissonne sans pouvoir me contrôler. Des flocons de neige tombent sur mon visage, mouillant mes lèvres. J’ai la gorge qui brûle, comme si j’avais passé des heures à hurler ou à pleurer. Les ombres des arbres qui m’entourent se referment sur moi, m’emprisonnent.

    Ma respiration s’accélère.

    Comme dans un flash, je revois un camion. Puis des klaxons, des roues qui crissent. Et papa qui me hurle de m’accrocher à mon siège.

    Papa.

    « Papoushka ? » Je l’appelle mais ma voix est trop faible.

    Rien.

    La peur s’empare de moi et je tourne lentement la tête de l’autre côté.

    Papa !

    Son corps est dans une position étrange, sa jambe est placée à un angle qui ne semble pas naturel et il a le bras levé au-dessus de la tête. On pourrait penser qu’il s’est évanoui ou qu’il dort mais ses yeux clairs si bleus—comme les miens—sont grands ouverts.

    Je murmure : « Papoushka, » mais il ne bouge pas.

    « Papoushka ! » Ma voix se brise. Quelqu’un va nous trouver. Les secours vont arriver. Ils vont s’occuper de nous.

    Je serre les dents et millimètre par millimètre je me rapproche de lui. Ma main touche la sienne et je glisse mes doigts entre les siens.

    Sa peau est chaude. Tout va bien. Il va bien.

    « Ça va aller, Papoushka. Tu n’as rien, » lui dis-je dans un état second. « Tu n’as rien. » Je répète cette même phrase encore et encore, jusqu’à ce que tout se trouble autour de moi, jusqu’à ce que la douleur soit si forte que je me laisse submerger.

    Et je ferme les yeux.

    1.

    LA MUSIQUE DE CHOPIN est la bande-son de ma vie.

    Papa jouait ses valses les plus déchirantes, Maman me fredonnait ses nocturnes en berceuse quand j’étais enfant, et mes jambes me démangent de faire des arabesques chaque fois que j’entends les Polonaises opus 40. Chopin a été mon échappatoire, le véhicule de mes rêves d’avenir, de mes désirs — jusqu’à m’ôter la peur d’ambitionner un jour de danser le rôle de Cendrillon au théâtre Bolchoï de Moscou.

    Mais ça, c’était avant.

    La mélodie lancinante du Prélude opus 25 de Chopin m’oppresse. Cette œuvre s’appelle aussi Suffocation. Ça lui va bien. Maman l’écoute en boucle. Elle est affalée sur la table au fond du salon. Il n’y a qu’une seule lampe qui fonctionne et la pénombre s’installe autour d’elle tandis qu’elle enchaîne les verres de vodka.

    – Maman, tu as besoin de dormir, lui dis-je pour la cinquième fois.

    Elle se noie dans l’alcool comme s’il n’y avait pas de lendemain, et peut-être est-ce là ce qu’elle espère. Sa tête balance d’un côté à l’autre. Elle est déjà loin. J’ai manqué mon rendez-vous chez le médecin aujourd’hui parce qu’elle était trop ivre pour conduire. J’ai dû encore mentir pour elle. Dr Gibson m’a crue et nous avons repris rendez-vous dans quinze jours. Il a accepté que je fasse du bénévolat au centre communautaire pour enseigner la danse classique aux petits tant que je suivais ses recommandations (porter ma genouillère, faire des exercices de musculation et ne pas sauter). Il a même transmis mon nom à la responsable des bénévoles du centre. Elle cherchait une étudiante, mais je l’ai convaincue durant l’entretien de me donner ma chance, même si je n’ai que dix-sept ans. Si je m’en sors bien avec les enfants samedi prochain, j’irai leur donner un coup de main tous les week-ends pendant quelques heures.

    Maman se lève en titubant, la bouteille à la main.

    – Je veux que tu dégages de ma vue, crache-t-elle en me repoussant.

    Je n’aurais pas trébuché avant. Après tout, l’équilibre est tout pour une ballerine, mais ma genouillère rend mes mouvements erratiques et maladroits. Je m’effondre dans les étagères qui contiennent les ouvrages des auteurs préférés de ma babouchka : Tolstoï et Shakespeare. Elle adorait Anna Karénine et Roméo et Juliette. Elle riait toujours en lisant un pamphlet sarcastique que Tolstoï a écrit au sujet de Shakespeare, et elle pouvait parler de littérature pendant des heures. Si ma babouchka était là, elle aurait peut-être su parler à maman. Mais en même temps, je suis soulagée qu’elle n’ait pas vu notre famille exploser en vol après l’accident.

    « Tout est de ma faute ! »

    Les mots de maman s’enfoncent dans mon cœur comme un poignard, car je sais que je ne peux pas la convaincre du contraire.

    « Tout est de ma faute, gémit-elle. Je l’ai tué ! »

    Sa voix monte crescendo.

    « Je ne veux pas te voir ! Sors d’ici ! »

    Mon estomac se noue. Elle a beau me repousser, j’ai toujours la même réaction : j’ai envie de la réconforter, de lui dire qu’elle n’est pas responsable.

    Je suis responsable.

    – Tu n’étais pas dans la voiture, dis-je en prenant ma voix la plus douce. J’y étais. Tu n’as rien fait du tout.

    – Je t’ai demandé de sortir d’ici !

    Maman me hurle en pleine face, mais je ne bouge pas. Même si sa folie furieuse me fiche une peur bleue, elle ne me frappe jamais. Pas une seule fois, même ivre morte, depuis l’accident.

    – Écoute, maman.

    – Toi, écoute ! Elle pointe un doigt tremblant vers moi, son visage habituellement si gracieux est déformé par le masque du désespoir : son mascara se fond dans une traînée de larmes, ses yeux bleus, un peu plus clairs que ceux de papa et les miens, sont bouffis, et sa bouche capable de si charmants sourires n’est plus qu’une fine ligne pincée. « Je veux que tu disparaisses. Si seulement tu ne lui avais pas demandé de te ramener. »

    Je ne voulais pas qu’il me reconduise ce jour-là, mais il ne m’avait pas laissé le choix. Je voulais savoir pourquoi il était tellement en colère. Je voulais qu’il me parle. Et je devais repartir à l’École. Il comprenait à quel point c’était important pour moi, et il avait insisté pour m’emmener afin que je ne rate pas mon vol.

    « Si seulement... » Elle ne finit pas sa phrase. Au lieu de cela, elle descend un autre verre. « Va-t’en ! »

    Je touche le collier que mes parents m’ont offert pour mes treize ans. Suspendu à la chaîne en argent, il y a un pendentif que j’avais convoité pendant des semaines : des chaussons de danse avec un diamant rose pâle. Papa m’avait dit qu’il serait mon porte-bonheur. Je le portais pour mes premiers spectacles à l’École des Arts de la Scène. Je l’avais sur moi le jour où j’ai décroché mon premier rôle important. Mais il ne nous a pas protégés de l’accident. Le toucher me calme et me brûle en même temps, mais je n’ai pas le courage de l’enlever.

    Je fais une nouvelle tentative :

    – Maman...

    – Je l’ai tué !

    Elle hurle si fort que tout le quartier doit l’entendre. Notre voisinage ne compte qu’une quinzaine de maisons, mais les gens vivent là depuis toujours. Lorsque nous avons emménagé dans la maison de ma babouchka il y a deux semaines, tout le monde nous a accueillies à bras ouverts, et nous a offert des tartes aux pommes et des ragoûts. Maman a fait son numéro habituel : elle a remercié les gens chaleureusement avant de descendre la moitié d’une bouteille de vodka une fois la porte refermée.

    Cette maison m’évoquait avant les plaisirs de l’été et les longs moments passés avec ma meilleure amie, Becca, et avec mes parents qui faisaient semblant de bien s’entendre pour ne pas inquiéter ma grand-mère ou leurs amis. Mais ce n’est pas l’endroit où j’aurais choisi de revenir après tout ce qui est arrivé. Ma babouchka est morte en janvier en léguant la maison à mes parents. J’ai demandé à maman pourquoi on ne pourrait pas commencer une nouvelle vie ailleurs, très loin. Elle m’a répondu que les larmes n’ont cure de l’endroit où l’on est, que la tristesse vous suit partout, et qu’au moins, dans la petite ville où elle a grandi et où nous avons passé tous nos étés, ses amis pourraient l’aider à trouver du travail. Effectivement, elle a décroché un poste d’assistante à mi-temps dans le cabinet d’avocats du père de Becca et elle commence demain. Rester dans notre maison du Maine était de toute façon devenu trop coûteux. Une autre bonne raison de s’installer à Everbird dans le New Jersey, selon elle.

    Je sens la tension m’oppresser la poitrine, mais pleurer ne changera rien. Elle n’est plus en état de m’écouter, peu importe ma colère ou ma détresse.

    – Je suis désolée, murmuré-je.

    J’attrape mon manteau, mon sac à dos et je ferme la porte sans prendre la peine de dissimuler ma cicatrice sous du fond de teint comme j’ai l’habitude de le faire. Quand la voiture s’est écrasée contre l’arbre, des éclats du parebrise sont entrés sous ma peau et ont arraché une partie de ma joue gauche. L’opération chirurgicale a laissé une cicatrice rouge, qui prend naissance au milieu de la joue et remonte jusqu’à l’oreille. Mais en ce moment précis, je me fiche bien de mon visage. J’ai juste besoin de me réfugier dans le seul lieu capable d’apaiser mes pensées et de tarir le flot de tristesse qui se déverse dans mes veines comme un torrent sans fin. Le lac situé à un kilomètre de la maison a toujours été mon endroit préféré en été. C’est là que Becca m’a appris à nager, là où nous nous sommes fait le serment d’être « sirènes pour la vie ». C’est là où j’allais répéter en cachette le soir quand tout le monde était couché, et là où j’ai les meilleurs souvenirs de mes parents. Avant que l’alcoolisme ne transforme ma mère en monstre, avant leurs bagarres et avant l’accident qui a tué mon père et mes rêves.

    Le raccourci pour aller au lac de la maison est un chemin de terre très mal éclairé, mais je connais la route par cœur. Je presse le pas sur le chemin, réglant mon iPod sur les morceaux les plus enjoués de Chopin. Mais je n’arrive pas étouffer la voix de maman. Elle résonne dans ma tête. Tout est de ma faute ! Je sais qu’elle se trompe, car ce n’est pas elle qui l’a tué. C’est moi. Si seulement je n’avais pas eu cette dispute avec lui dans la voiture. Si seulement je l’avais averti de l’arrivée du camion. Je ravale un sanglot et arrache ma genouillère pour marcher plus vite. Au début, mon genou est raide, mais au moins, je peux étendre ma jambe et allonger ma foulée.

    La seule vue du lac m’apaise et me soulage. L’endroit est très fréquenté en été, mais par cette fraîche soirée de septembre, il n’y a personne. Les lumières qui éclairent le rivage vacillent, et les grands arbres dessinent des ombres fabuleuses au sol. Un parasol rose est abandonné près du banc à côté de l’aire de pique-nique. Je monte le volume de mon iPod, m’installe sur le banc et fouille dans mon sac à dos. Mes pointes portent les marques d’usure des années passées, et j’ai beau frotter, il y a une tache qui ne veut pas partir.

    Les souvenirs affluent quand je les chausse : mon père qui me tend un bouquet de lys après chacun de mes récitals, la troupe de l’École des Arts de la Scène qui se faufile en douce dehors pour manger des glaces, les sorties en canot l’été sur le lac avec Becca et ma babouchka, les heures et les heures de barre fixe.

    Tout cela n’existe plus.

    La danse a toujours été mon moyen de m’évader de la réalité : les disputes de plus en plus fréquentes de mes parents, la mort de ma babouchka seule à l’hôpital parce que personne ne m’avait dit qu’elle était malade, ma peur de laisser quiconque s’approcher trop près de moi.

    La danse a toujours été mon avenir.

    Danser a toujours été qui je suis. Alors même si je ne peux plus danser comme avant, même si je ne peux pas faire porter trop de poids sur mon genou, je suis convaincue que je vais remonter au sommet, que je vais prouver au Dr Gibson et aux autres qu’ils se sont trompés en affirmant que je ne pourrais sans doute jamais remonter sur scène. Juilliard a reporté mon audition et le directeur de l’École des Arts de la Scène m’a dit qu’il gardait une place pour moi si je voulais revenir. Si je pouvais revenir.

    Je me sers du banc comme d’une barre fixe, plie lentement les genoux, dans l’alignement des orteils. Talons en appui ferme sur le sol, je descends le plus bas possible en étirant mes muscles, mais sans réaliser mieux qu’un demi-plié. Je m’échauffe pendant dix minutes, concentrée sur ces mouvements familiers. Les étoiles se reflètent sur l’eau ; ce serait le décor idéal pour une représentation du Lac des Cygnes. J’aimerais pouvoir me mettre en position de grand jeté, sentir le vent me porter dans les airs, mais j’ai mieux à faire que de mettre en péril les progrès que j’ai réalisés. La dernière fois que j’ai essayé, ma rotule a failli lâcher. Mes deux genoux ont été brisés dans l’accident de voiture, mais ma jambe pivot a le plus souffert.

    Alors, je me contente de piquer mon pied pour faire des petits pas de bourrée. Je vais de plus en plus vite, jusqu’à ce que je heurte un rocher. La peur me coupe le souffle. Pour éviter d’atterrir sur ma mauvaise jambe, je me laisse tomber sur les fesses.

    Papa disait souvent qu’il existe un proverbe russe pour chaque situation. Chaque fois que j’étais déçue parce qu’une répétition s’était mal passée, je l’appelais. Il me demandait alors si j’avais donné le meilleur de moi-même. Quand je répondais oui, il me demandait ensuite si j’avais appris quelque chose, puis il disait Na bezryb'ye i rak–ryba, ce qui signifie quand le poisson manque, l’écrevisse est un poisson. C’était sa façon à lui de me dire « un tiens veut mieux que deux tu l’auras. »

    Je répète ces mots dans ma tête tout en traçant des cercles autour de mon genou d’un doigt fébrile, guettant le moindre signe de gonflement.

    – Tu vas bien ?

    Il y a un garçon dans l’ombre, avec un accent et une belle voix de baryton.

    2.

    J’ESSUIE MES YEUX, ne voulant pas paraître aussi désespérée que je le suis. J’ai de qui tenir. Maman ne montre jamais ses émotions au monde extérieur. Elle ne les montre qu’à moi.

    – Est-ce que j’ai l’air d’aller bien ?

    Je tente un regard timide, qui me vaut un petit rire en retour. La sueur perle à son front, et il tient un ballon de foot en équilibre sur son pied. Son survêtement arbore le logo du Lycée des Cèdres — l’école où je rentre demain.

    – Laisse-moi t’aider, dit-il en me tendant la main, mais je reste au sol. Tu as dû faire une chute sacrément douloureuse.

    Je lève lentement les yeux vers lui. Mon regard se pose sur ses épaules larges et quand il atteint son visage, une vague de chaleur me submerge. Non seulement il est beau, mais il me regarde comme s’il me voyait, comme s’il savait qui se suis, visiblement troublé.

    – Douloureuse pour mon ego, surtout.

    J’ignore sa main tendue et je balance mon poids sur ma jambe gauche, mais je vacille et m’écroule lamentablement.

    – Va doucement.

    Il s’assoit à côté de moi, l’inquiétude dans ses yeux sombres semble sincère. Je lève les doigts vers mon visage, mais les rabaisse quand je réalise que je ne pourrais pas masquer ma cicatrice à moins de garder la main sur ma joue. Le garçon avance plus près et j’essaie de ne pas le regarder. Un tatouage s’échappe de sa chemise et grimpe le long de son cou : esperanza, le mot espagnol qui signifie espoir, je crois.

    « Tu es Nata, n’est-ce pas ? »

    Je grimace. Il sait qui je suis, ce qui explique la pitié sur son visage.

    « Natalya. » Mon ton est sec.

    « Becca m’a parlé de toi. »

    Il me donne un petit coup de coude et je le regarde, ne sachant pas quoi dire. Becca m’a appris à nager ici même. Nous avons aussi passé des heures sur le lac, à rêver de notre avenir. Elle allait devenir une avocate célèbre, j’allais être une prima ballerina assoluta — titre suprême distinguant des ballerines exceptionnelles. Même maman, qui a eu une très grande carrière, n’a jamais atteint le rang de prima ballerina assoluta. Il n’a été décerné qu’à douze danseuses étoiles sur plus d’un siècle.

    Becca a encore la possibilité de réaliser son rêve.

    « Vous vous êtes vues la semaine dernière, non ? »

    Il lève un sourcil comme pour m’inviter à participer à la conversation.

    Je hoche la tête, ne faisant pas totalement confiance à mes cordes vocales pour le moment. Becca est passée à la maison jeudi dernier, après que j’ai multiplié les excuses pour ne pas la voir depuis que nous avons emménagé ici, il y a deux semaines. C’est la première année où nous ne passons pas l’été ici, mais après l’accident, je suis restée à l’hôpital pendant quinze jours, puis j’ai enchaîné deux mois de rééducation intense. Becca est passée à l’improviste, alors que maman gisait inconsciente sur le carrelage de la salle de bain. La conversation était malaisée. Nous avions l’habitude de nous parler comme si on se voyait tous les jours et non trois mois par an. Mais depuis l’accident, je suis devenue introvertie. L’école commence demain et la seule pensée de me frotter aux autres, même si c’est juste dans les couloirs, me rend malade. Le centre communautaire est différent. Mademoiselle Morrow, la responsable du centre, m’a dit que les enfants étaient tout excités d’apprendre quelques pas. Elle restera avec moi dans la classe, et même si la perspective de laisser maman seule deux heures le samedi matin me fiche une trouille bleue, j’ai besoin de faire ça. Elle passe la plupart des week-ends retranchée dans sa chambre à boire et ronfler de toute façon.

    « Je m’appelle Antonio, au fait. Tu peux m’appeler Tonio. » Il me tend la main et cette fois, je la prends. Quand nos doigts se touchent, mon corps entier est secoué de frissons. Une lueur brille dans ses yeux et il garde ma main dans la sienne jusqu’à ce que je me dégage de son emprise.

    Il s’éclaircit la voix.

    « Becca parle souvent de toi. L’autre jour, elle a même dit à ma petite sœur que tu pouvais voler dans les airs. »

    Mes lèvres esquissent un sourire.

    – C’est ce que j’ai dit à Becca la première fois que j’ai réussi un grand jeté. Que j’avais l’impression de voler. Je n’arrive pas à croire qu’elle se souvient de ça.

    – Maintenant, ma sœur rêve d’apprendre à danser.

    Tonio rigole. Mes yeux se posent sur ses lèvres. Il devrait y avoir une loi pour interdire à ce garçon de sourire. Je m’efforce de regarder ailleurs.

    – Le centre communautaire propose des cours de danse.

    – Karina veut vraiment apprendre le ballet. Il n’y avait personne cette année pour enseigner la danse classique, dit-il.

    – Il y a quelqu’un maintenant. Enfin, peut-être. Je fais un essai samedi prochain.

    – Vraiment ? C’est génial. Je vais dire à ma mère d’inscrire Karina.

    Il change de position, étendant une jambe devant lui.

    « ça doit te faire bizarre de vivre dans la maison de ton abuelita. »

    – Abuelita ?

    – Ta grand-mère, traduit-il. La mienne vit en Colombie.

    Je peux parler pendant des heures de la meilleure façon d’exécuter un rond de jambe, comment faire en sorte que seule la jambe impulse le mouvement, tout en conservant une pose gracieuse. Mais je ne peux pas parler avec lui de ma grand-mère, ni de la sienne, ni d’autres sujets dont il semble vouloir discuter.

    – Je dois y aller, dis-je.

    Mais avant que je tente à nouveau de me relever, Tonio me touche le bras.

    « Je suis désolé pour l’accident.

    – Tu n’y es pour rien. C’est ce qu’on dit d’habitude, non ?

    – Ça dépend de ce que tu as envie de dire. C’est ça qui devrait compter le plus. » Il passe une main dans ses cheveux noirs courts et hausse les épaules. « On dit aussi que pleurer peut parfois aider. » Il me fait un clin d’œil. « Au cas où tu ne le verrais pas, je suis quelqu’un de très profond. Une sorte de philosophe. » Il me regarde. « Et en plus, je suis super mignon. Becca a dû te parler de moi. Je suis sûr qu’elle a essayé de te convaincre de sortir avec nous. »

    Elle a essayé de me convaincre de sortir avec elle le jeudi où elle est passée à la maison, et elle a parlé d’un garçon mignon qui devrait me plaire, mais elle n’a pas précisé qu’il pouvait faire craquer une troupe entière de ballerines. Mignon n’est pas le mot que j’utiliserais pour le décrire. Sexy est plus approprié, avec sa mâchoire puissante et la petite cicatrice au-dessus de son œil. Je sens mes joues s’empourprer et la morve couler de mon nez. Magnifique. Il ouvre la bouche pour ajouter autre chose.

    – Je dois vraiment partir, dis-je en me levant plus doucement cette fois-ci.

    Il fronce les sourcils.

    – Je t’accompagne.

    – Je vais bien, vraiment.

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1