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Le lycée Oscar Wilde
Le lycée Oscar Wilde
Le lycée Oscar Wilde
Livre électronique267 pages6 heures

Le lycée Oscar Wilde

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À propos de ce livre électronique

Au lycée Oscar Wilde, quatre jeunes profs déjantés laissent volontairement courir le bruit qu'ils flirtent avec leurs élèves de Terminale dans le seul but de pimenter le quotidien de l'établissement. Mais cette année, un coup de foudre va réellement se produire entre l'un des profs et son élève. Va-t-il céder à la tentation, au risque de voir les rumeurs se retourner contre lui ?

LangueFrançais
ÉditeurPauline SLF
Date de sortie25 janv. 2011
ISBN9791090269002
Le lycée Oscar Wilde
Auteur

Pauline SLF

Adepte de la fiction contemporaine et du roman feel-good, j'écris avec passion pour vous offrir de beaux moments de lecture.

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    Aperçu du livre

    Le lycée Oscar Wilde - Pauline SLF

    Le lycée Oscar Wilde

    By Pauline S.L.F

    Smashwords Edition

    Copyright 2023 Pauline S.L.F

    Smashwords Edition, License Notes

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    Le lycée Oscar Wilde était réputé pour offrir la meilleure section littéraire de toute la région. Devant l’agaçante prédominance des classes scientifiques, Serge Clapant, proviseur de l’établissement depuis une dizaine d’années, avait fait le pari de redorer le blason du baccalauréat littéraire, autrement appelé bac L, en recrutant de brillants professeurs agrégés, fraîchement sortis de la faculté. Étant proche du maire de la ville, Clapant avait convaincu ce dernier qu’avec une équipe pédagogique de qualité et quelques moyens supplémentaires mis à la disposition des classes littéraires, le lycée Oscar Wilde deviendrait une référence locale, et les élèves se battraient pour obtenir une place en section L. Son projet paraissant excentrique mais cohérent, le proviseur reçut donc l’autorisation d’attirer les meilleurs profs du pays avec des conditions de travail idéales et quelques avantages comme, par exemple, un ordinateur portable dernier cri, des salles de cours équipées de tableaux numériques, ou la prise en charge de leurs repas à la cafétéria du lycée. Après avoir réalisé son casting de rêve, Clapant n’eut pas à attendre longtemps avant de récolter les fruits de son projet fou. À l’issue de la première année, la section littéraire du lycée Oscar Wilde obtint cent pour cent de réussite au bac, et battit un record en termes de nombre de mentions. Les demandes d’inscriptions augmentèrent dès l’année suivante, et le succès ne fit que croître. Une totale réussite pour ce proviseur qui rêvait de notoriété et de reconnaissance.

    Cela faisait maintenant quatre ans que Serge Clapant pouvait se vanter de diriger un établissement possédant l’une des meilleures classes littéraires du pays. Et pourtant, c’était plein d’angoisse et de ressentiment qu’il franchissait les portes de son lycée tous les matins. En effet, son casting de rêve lui avait apporté la gloire, la fierté, la satisfaction, mais aussi de quoi malmener sa tension artérielle. Quatre ans plus tôt, le concours qui devait permettre de recruter les professeurs agrégés manquants donna lauréats quatre jeunes hommes. Ils avaient exactement le même âge, mais venaient de régions différentes et ne se connaissaient pas. Dès leur arrivée, ils avaient formé un solide quatuor. Les quatre profs s’étaient liés d’amitié, passaient tout leur temps libre ensemble, et avaient le don de s’attirer les foudres de leurs collègues. D’une part, ils étaient brillants. Les élèves et leurs parents ne juraient que par eux, et les résultats obtenus au bac dans leurs matières frôlaient l’excellence. D’autre part, ils se comportaient comme quatre ados irresponsables, plus dissipés que les élèves eux-mêmes, et se moquaient ouvertement du règlement ainsi que de ceux qui le respectaient. Leur souffre-douleur favori étant le proviseur lui-même, bien évidemment. Auprès des autres professeurs et de l’équipe pédagogique, le quatuor littéraire ne générait que jalousie et agacement. Auprès des lycéens, ils étaient élevés au rang de dieux vivants. Et Serge Clapant en avait des ulcères à l’estomac. À vrai dire, depuis quatre ans qu’ils enseignaient ici, le lycée se trouvait embarrassé de rumeurs bien dérangeantes. Ces bruits de couloirs, connus des élèves comme des professeurs, hantaient l’établissement, alimentaient les conversations, et n’engendraient aucune lassitude de la part de ceux qui les colportaient. Bien que rien ne puisse jamais être prouvé, on soupçonnait le quatuor littéraire de flirter avec les élèves de Terminale.

    La rentrée des profs avait lieu la veille de la rentrée scolaire officielle. Comme chaque année, Mylène Fourmaux, l’assistante lèche-bottes du proviseur, accueillait les enseignants un par un, leur indiquait où s’asseoir et rappelait qu’à l’issue de la réunion, un pot serait organisé dans la salle des professeurs. Comme chaque année, au moment au Clapant commença son discours, tous purent constater que quatre chaises demeuraient inoccupées.

    - Bien, grogna-t-il sèchement. Puisque nous n’accueillons pas de nouveaux enseignants cette année, je ne vais pas m’attarder à vous expliquer le pourquoi de ces quatre chaises vides.

    Un murmure traversa la pièce, mélange de ricanements et de soupirs. Serge Clapant continua son traditionnel discours, rappela que chacun trouverait son emploi du temps dans son casier, et invita l’ensemble de ses collègues à se rendre en salle des professeurs pour le pot de bienvenue. Alors que les collègues, heureux de se retrouver, papotaient en petits groupes, Mylène vint trouver son cher proviseur pour leur traditionnelle séance d’indignation collective.

    - Ils sont vraiment incorrigibles, n’est-ce pas ? lança-t-elle en tendant un kir à Clapant.

    - Cela fait quatre ans qu’ils enseignent ici, soupira-t-il. Et depuis, j’ai l’impression que ce lycée s’est transformé en une gigantesque cour de récréation.

    - Et toutes ces rumeurs à propos des élèves ! marmonna-t-elle discrètement. L’année dernière, encore, cela n’a pas cessé. Je suis certaine que d’ici moins d’un mois, certains enseignants viendront nous dire qu’ils ont surpris des conversations dérangeantes.

    - Il n’y a pas de preuves, Mylène, grinça-t-il nerveusement. Aucun d’entre eux n’a été pris en flagrant délit. Je suis comme vous. Je ne serais pas étonné que toutes ces rumeurs soient vraies. Mais en l’absence de preuves, nous sommes impuissants.

    - Et si nous les surveillions de plus près ? Si on installait des caméras dans les classes ? Ou des micros à la table qu’ils se sont attribuée dans la salle des profs ?

    - Vous êtes bien naïve, Mylène. Il serait parfaitement illégal de mettre quoi que ce soit en place. Ces cancres échappent à tout. Au fond, ce sont eux qui nous surveillent, pour qu’on ne mette pas le nez dans leurs histoires. À tout niveau, ils sont meilleurs que nous. Mais qui sait ? Peut-être que cette nouvelle année scolaire sera marquée par un grand changement.

    Malgré son demi-sourire d’homme blasé, Serge Clapant était inquiet. Le quatuor littéraire lui pourrissait la vie depuis quatre ans. Il ne voyait pas pourquoi cette année ferait exception.

    Lou Guérinaux était nouvelle. Ses parents ayant divorcé pendant l’été, elle avait dû faire un choix difficile. Papa, ou Maman ? À la fin de son année de Première littéraire, ses professeurs avaient conseillé à l’adolescente de présenter son dossier au lycée Oscar Wilde, lui affirmant qu’elle avait le niveau pour intégrer la prestigieuse section littéraire. Effectivement, Lou reçut une lettre au début du mois de mai, lui indiquant que ses résultats lui permettaient d’entrer en Terminale littéraire à Oscar Wilde. Son père ne pouvant pas déménager loin de son entreprise, la mère de Lou décida alors de s’installer à proximité du lycée avec sa fille. Il était hors de question que l’adolescente passe à côté d’une telle opportunité. Lou adorait les jours de rentrée. C’était le jeu de la première impression : choisir une coiffure, choisir une tenue, choisir un collier, choisir une façon de porter son sac… Elle aurait pu se sentir terriblement angoissée à l’idée d’être nouvelle. Mais non. Au contraire, cette perspective la soulageait. Elle avait l’impression de tout recommencer à zéro. Lou était de taille moyenne, avait de longs cheveux blond vénitien et des yeux verts. Après une longue réflexion devant l’armoire de sa chambre, elle avait opté pour un pantalon en lin noir, un débardeur ivoire à larges bretelles, des sandales caramel, et une parure de bijoux ocre. Elle avait choisi de nouer ses cheveux en chignon, et prit finalement une besace noire ou lieu du traditionnel sac à dos. Il n’y avait que sept-cent mètres entre le nouvel appartement qu’elle occupait avec sa mère, et le lycée Oscar Wilde. Pendant le trajet, elle fit le point sur les quelques détails essentiels de cette première journée : repérer les toilettes, le panneau d’affichage, les casiers, une ou deux filles sympas, et surtout, repérer les salles de cours. En passant la grande grille du lycée, Lou se sentit tout de suite observée. Rien de plus normal, lorsqu’une nouvelle tête faisait son apparition. Elle suivit les indications postées un peu partout et comprit vite qu’elle devait se rendre au rez-de-chaussée, en salle n°2 dont la porte serait ornée de l’inscription « TL2 ». La section littéraire comptait deux classes par niveau : une classe pour les hispanisants, une autre pour ceux qui avaient choisi l’allemand, l’italien ou le russe en deuxième langue vivante. La répartition ne changeait donc pas entre la Première et la Terminale. Les élèves retrouvaient les mêmes profs et les mêmes camarades pour leur dernière année de lycée. Jamais Lou n’avait connu de salle de classe aussi moderne. Son vieux lycée prêt à s’écrouler lui semblait tout à coup bien loin. Voyant que toutes les tables étaient individuelles, elle ne se posa pas de question et s’installa à la seule place libre du deuxième rang. Une femme d’une cinquantaine d’années, petite et très maigre, se tenait à côté du bureau et semblait ignorer si elle devait s’asseoir ou rester debout. Quand tous les élèves furent arrivés, elle s’éclaircit la voix et se lança.

    - Bonjour à tous. Je suis ravie de vous accueillir pour votre dernière année de lycée, et non la moindre. Pour les nouveaux qui ne me connaissent pas encore, je suis Madame Jacquet, votre professeure d’espagnol, et professeure principale de la TL2. Tout le monde fait bien de l’espagnol en deuxième langue ? Parfait. Je vais maintenant vous donner votre emploi du temps. Le planning de ces deux premiers jours de cours va quelque peu différer par rapport à ce que je vous distribue, en raison de l’indisponibilité de certaines salles de cours au premier étage. Tout rentrera dans l’ordre dès jeudi prochain. Concernant les professeurs, il n’y a pas de changement par rapport à l’année dernière, et vous devez déjà savoir qui vous enseignera la philo.

    Pendant que Madame Jacquet faisait apparaître l’emploi du temps sur le tableau numérique, une petite brune fit un signe à Lou.

    - Tu es nouvelle ? chuchota-t-elle en souriant.

    - Oui. Et toi ?

    - Je suis là depuis la Seconde. Tu viens d’où ?

    - Saint-Exupéry.

    - Le lycée qui tombe en ruine ?

    - Ouais, c’est ça.

    - Ça doit te changer, alors. Bienvenue à Oscar Wilde !

    Madame Jacquet se remit à parler. Les deux filles se tournèrent immédiatement vers le tableau, soucieuses de ne pas se faire reprendre dès le premier jour pour bavardages. Lou sen sentait ravie qu’une élève prenne la peine de lui parler.

    - Comme je l’ai évoqué tout à l’heure, cette classe accueille trois nouveaux élèves. Il y a donc Axel Corlau, Lou Guérinaux, et Agathe Clerc. Les autres, vous étiez déjà tous ensemble l’année dernière. Je compte donc sur vous pour intégrer rapidement vos nouveaux camarades à votre classe.

    Madame Jacquet distribua la traditionnelle fiche de renseignements à remplir illico. Pendant que tous s’exécutaient, Lou reçut un nouveau sourire de la part de la petite brune qui se trouvait à sa gauche. Après avoir revu en détails le règlement intérieur, l’accès à la bibliothèque, à la salle informatique et à la cafétéria, la prof principale quitta sa classe en leur souhaitant un bon déjeuner, et une bonne reprise des cours l’après-midi même.

    La petite brune qui souhaitait prendre Lou sous son aile s’appelait Florie. Elle lui présenta son amie Julia, une grande blonde toute frisée, qui elle-même tenait à s’occuper de l’autre nouvelle arrivante de la classe : Agathe. Les quatre filles s’installèrent ensemble autour d’une table dans un coin de la cafétéria, un peu à l’écart du brouhaha. En allant remplir son plateau, Lou fut surprise de trouver aussi bien des sandwichs et des pizzas que des salades et des soupes. Après avoir échangé quelques banalités, Agathe demanda aux anciennes si les profs étaient aussi exceptionnels que ce qui se disait. Florie et Julia échangèrent un regard malicieux et pouffèrent de rire, laissant Lou et Agathe dans l’incompréhension. Florie se lança.

    - Côté cours, c’est clair que tous les profs sont excellents, et le niveau est très haut. Mais le secret de cette section littéraire, c’est ce qu’on appelle « le quatuor ». Nos matières principales sont assurées par quatre profs qui vont énormément vous surprendre. Ceux-là, pour être exceptionnels, ils sont exceptionnels !

    - C’est-à-dire ? demanda Lou, intriguée.

    - Déjà, ils sont super jeunes, expliqua Florie. À peine trente ans. Ensuite, ils sont beaux à tomber par terre. Et, pour finir, ils sont complètement déjantés.

    - Deux plus que les autres, rectifia Julia.

    - Comment ça, déjantés ? demanda Agathe.

    - On vous laisse voir par vous-mêmes, conclut Florie. Vous savez, pour les rumeurs ?

    Agathe et Lou s’échangèrent un regard surpris, puis se tournèrent vers leurs camarades qui se firent une joie de constater qu’elles n’étaient au courant de rien.

    - En fait, il y a plein de bruits qui courent comme quoi les profs du quatuor sortent avec leurs élèves, chuchota malicieusement Florie. Mais rien n’a jamais été prouvé.

    - C’est un peu facile de lancer une rumeur pareille si le prof est jeune et plutôt beau mec, fit remarquer Agathe.

    - C’est sûr, admit Julia. Mais il y a eu quelques histoires un peu mystérieuses, toujours avec des élèves de Terminale. On entend énormément de choses. Certaines élèves se vantent de tout un tas de trucs, et d’autres nient en bloc.

    - Ça me semble un peu ridicule, tout ça, dit Lou.

    - Nous aussi, on trouve ça grotesque, répondit Florie. Mais déjà, l’année dernière, on avait parfois de drôles de sensations. On les a vus échanger des regards avec des élèves de Terminale, traîner dans la bibliothèque à proximité de groupes de filles… C’est compliqué. Ce ne sont que des rumeurs. Mais depuis le temps qu’elles durent, tout le monde se dit qu’il doit quand même y avoir un peu de vrai là-dedans.

    Malgré l’aspect caricatural de ce genre de bruits de couloir, Lou se sentait intriguée. Dans son ancien lycée, une telle mascarade n’aurait jamais pu se produire. À Saint-Exupéry, les profs avaient plutôt l’âge de flirter avec la retraite, et non avec leurs élèves. Elle ne connaissait pas encore le quatuor. Difficile pour elle d’imaginer quoi que ce soit. Lou demanda alors plus de détails sur le contenu des rumeurs. Julia répondit.

    - Voilà ce qui se dit : en début d’année, ils repèrent chacun une ou deux filles qu’ils trouvent attirantes. Ils ne font ça qu’avec les Terminale car ils sont sûrs de ne pas les recroiser l’année d’après. Personne ne redouble, en section littéraire. Donc, après avoir choisi leurs cibles, ils font tout pour flirter discrètement avec. Ça commence par des regards, des petits contacts physiques, des allusions dans les corrections de copies… Pour la suite, deux courants s’affrontent. Certains disent qu’ils arrêtent tout juste avant le premier baiser, prétextant que c’est trop dangereux et qu’il ne faut surtout pas aller plus loin. D’autres affirment qu’ils n’ont aucune limite, qu’ils ont déjà poussé le flirt jusque sous la couette. Mais les filles qui ont été soupçonnées d’avoir eu une relation avec un des profs ont toujours démenti. Donc, mystère.

    - Et vous, vous les trouvez si attirants que ça ? demanda Agathe.

    - Bah, franchement… ouais, déclara Florie en ayant presque l’air de s’excuser. Ne nous médiatrice pas trop vite. On en reparlera quand on les aura eus tous les quatre.

    - En plus, renchérit Julia, on commence par ton préféré : le prof d’anglais.

    - Son préféré à elle, c’est le prof de lettres, ajouta Florie.

    Les quatre filles quittèrent la cafétéria, pressées d’entamer leur première heure de cours avec un des membres du quatuor. Florie et Julia avaient hâte de retrouver leurs profs chéris, Lou et Agathe se sentaient plus curieuses que jamais de découvrir les fameux acteurs de cette comédie juvénile.

    La vérité sur les rumeurs qui hantaient les couloirs du lycée Oscar Wilde était la suivante : lors de leur arrivée, quatre ans plus tôt, le quatuor littéraire avait provoqué un véritable cataclysme auprès de la population féminine de section L. Les jeunes filles bavaient littéralement devant leurs profs, et ne craignaient pas de leur faire de l’œil. Tant que cela ne tombait pas dans le harcèlement, elles savaient qu’elles ne risquaient rien. Au début, le quatuor fut surpris et flatté par tous ces regards, ces douces provocations, constatant que certaines élèves n’avaient franchement pas froid aux yeux. Ils avaient commencé à répondre occasionnellement à ces regards, juste pour s’amuser. Puis, au fil du temps, ils étaient littéralement tombés dans le jeu de la séduction. Tout ceci ne passant pas inaperçu, des rumeurs avaient très vite vu le jour. Le tabou de la relation prof-élève faisant fantasmer le monde depuis toujours, les langues de vipères se firent un plaisir d’amplifier le phénomène en racontant que certains de ces petits flirts oculaires avaient franchi la barrière interdite de la relation physique. Évidemment, c’était totalement faux. Jamais les profs n’avaient échangé plus qu’un regard ou un frôlement de peau avec une élève, aussi séduisante et provocante soit-elle. Mais le quatuor, agacé par la morosité qui régnait au sein de l’équipe pédagogique, constatait que ces scandaleux bruits de couloir créaient une ambiance électrique et passionnante, aussi bien chez les élèves que chez les profs. Ayant pris goût aux semblants d’amourettes platoniques qui rythmèrent leur première année d’enseignement à Oscar Wilde, le quatuor décida de renouveler l’opération à chaque rentrée, afin d’entretenir les rumeurs ainsi que leurs conséquences sur l’atmosphère qui les entourait. En début d’année, ils repéraient donc les jolies élèves qu’ils ne laissaient pas indifférentes, et se lançaient dans ce petit jeu bien agréable qui leur flattait l’égo.

    Anthony Cressard avait coutume de dire que l’intérêt de l’adolescence, c’était qu’on pouvait la faire durer autant qu’on le voulait. Pour sa part, il souhaitait rester adolescent jusqu’à ce qu’il se réveille avec l’envie de fonder une famille. Quand on le voyait descendre du bus avec ses jeans délavés, ses vieilles baskets, ses tee-shirts grunges et sa tignasse blonde ébouriffée, il était très difficile de penser que le jeune homme entrait dans le lycée pour y donner des cours, et non pour y assister. Ayant subi les remarques continuelles de Clapant et le regard menaçant des autres enseignants pendant trois ans, il avait opté l’an dernier pour un accessoire qui, selon lui, allait déjà assez à l’encontre de ce qu’il était : un cartable en cuir noir des plus classiques, se portant à la main. Son vieux sac à dos troué recouvert de dessins à caractère hard-rock n’était pas du goût de tout le monde. Le cartable, d’accord. Mais qu’on ne vienne pas lui demander de changer de chaussures ou de coupe de cheveux. Son adulescence, Anthony la revendiquait encore plus que son titre de professeur agrégé d’anglais.

    En traversant le couloir du rez-de-chaussée pour se rendre en cours, Cressard passa devant le bureau de Serge Clapant. Une petite vitre permettait au proviseur de garder un œil sur les allées et venues, même depuis son bureau. En voyant passer le prof d’anglais, son ulcère à l’estomac le titilla légèrement.

    - En voilà un ! grommela-t-il avec mépris. C’est bel et bien reparti.

    Le temps que Cressard traverse la classe jusqu’au

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