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L'Auberge des glycines: Roman
L'Auberge des glycines: Roman
L'Auberge des glycines: Roman
Livre électronique419 pages6 heures

L'Auberge des glycines: Roman

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À propos de ce livre électronique

Propriétaire de l'Auberge des Glycines et amante d'un homme riche, la vie d'Emma Célérier change lorsqu'un curieux visiteur arrive à l'auberge...

La pimpante Auberge des Glycines jouit d’une excellente réputation. Emma Célérier, âgée d’une trentaine d’années, en est devenue propriétaire après avoir rencontré René Bachou. Cet homme marié, riche et autoritaire, capable de violence autant que d’amour, est tombé éperdument amoureux de la jolie et douce femme. Mais, au lieu de lui proposer une union, il lui a offert une corbeille : une propriété et de quoi vivre par elle-même. Elle est ainsi devenue la maîtresse officielle de René, assez influent dans son pays pour qu’un tel statut soit connu et toléré, dans une complicité silencieuse dont seuls les gens de pouvoir peuvent bénéficier. Ainsi va la vie d’Emma, jusqu’au jour où un pensionnaire inattendu arrive à l’auberge.
Roger Poux aborde ici un thème souvent occulté dans les campagnes : celui de la toute-puissance d’un homme riche et pourvu de relations qui s’affranchit des normes de conduite.

Cette histoire palpitante et passionnée nous offre des personnages romanesques inoubliables dans un cadre bucolique et nous entraîne au cœur de la vérité des êtres.

EXTRAIT

Emma s’avança sur la route. L’après-midi s’achevait, une douce fraîcheur montait des prés. Elle se tourna vers son auberge. Maupas avait terminé seulement aujourd’hui la dernière touche à la peinture de la façade, peaufinant l’enseigne « L’Auberge des Glycines ». Modifiant un reflet qui ne lui convenait pas, presque agaçant dans un même geste sans cesse répété. Presque contrariant par une réflexion qu’il avait répétée deux ou trois fois.

— A votre place, je n’aurais pas choisi un nom pareil pour une auberge avec trois chambres aussi belles et aussi confortables. J’aurais plutôt pensé à l’Hôtel des Voyageurs ou j’aurais pris un nom semblable à ce qui se fait maintenant dans le guide Michelin.
Il avait dit ça en la regardant de son air finaud avant de grimper sur son échelle double et de commencer à dessiner l’enseigne.

Emma n’aimait pas beaucoup Maupas. Il avait une façon déplaisante de la détailler. Ses petits yeux porcins s’attardaient un peu trop sur sa poitrine, malgré sa face ronde et rose coiffée d’un bonnet en forme de calotte qui lui donnait une apparence bon enfant. Mais Maupas n’avait pas son pareil pour dessiner les lettres des enseignes et surtout pour gâcher le plâtre, ce qui lui valait ce surnom de « plâtrier ». En parlant de lui à Lessac et autour, on disait « le plâtrier », certains allant jusqu’à le saluer par ce surnom sans qu’il s’en offusque. Sa renommée se renforçait avec son art de réaliser des décors. C’était de cela qu’il était fier plus que du reste, et il ne se vantait pas quand il disait qu’on le réclamait jusqu’à Limoges. Son épouse tenait l’Auberge du Foirail à Lessac. Un établissement dont la table était assez réputée pour que chaque dimanche et chaque jour de foire on y refusât des clients. Le talent d’un cuisinier qui passait pour être l’amant de Raymonde Maupas y était pour beaucoup. Le plâtrier disait en plaisantant publiquement être le plus grand cocu de Lessac et, par manque de modestie, sachant que l’exagération en comédie permet de parler de sujets bien réels sans qu’on les prenne au sérieux, il trouvait bon de préciser « comme le plus grand que la terre eut jamais porté ». Pour ce mépris de sa vie privée plus que pour la manière dont il la dévisageait, Emma éprouvait pour Maupas un sentiment qui n’était pas loin de l’aversion et qu’elle manifestait par une attitude très réservée.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Originaire des Charentes, Roger Poux a exercé le métier d’instituteur dans l’Oise. À la retraite, il est revenu sur ses terres charentaises pour y puiser la matière de ses romans. Il vit aujourd’hui à Tusson.
LangueFrançais
ÉditeurLucien Souny
Date de sortie12 avr. 2019
ISBN9782848867700
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    Aperçu du livre

    L'Auberge des glycines - Roger Poux

    AubergeGlycinesPageTitre.jpg

    À Danielle

    I

    Emma s’avança sur la route. L’après-midi s’achevait, une douce fraîcheur montait des prés. Elle se tourna vers son auberge. Maupas avait terminé seulement aujourd’hui la dernière touche à la peinture de la façade, peaufinant l’enseigne « L’Auberge des Glycines ». Modifiant un reflet qui ne lui convenait pas, presque agaçant dans un même geste sans cesse répété. Presque contrariant par une réflexion qu’il avait répétée deux ou trois fois.

    — A votre place, je n’aurais pas choisi un nom pareil pour une auberge avec trois chambres aussi belles et aussi confortables. J’aurais plutôt pensé à l’Hôtel des Voyageurs ou j’aurais pris un nom semblable à ce qui se fait maintenant dans le guide Michelin.

    Il avait dit ça en la regardant de son air finaud avant de grimper sur son échelle double et de commencer à dessiner l’enseigne.

    Emma n’aimait pas beaucoup Maupas. Il avait une façon déplaisante de la détailler. Ses petits yeux porcins s’attardaient un peu trop sur sa poitrine, malgré sa face ronde et rose coiffée d’un bonnet en forme de calotte qui lui donnait une apparence bon enfant. Mais Maupas n’avait pas son pareil pour dessiner les lettres des enseignes et surtout pour gâcher le plâtre, ce qui lui valait ce surnom de « plâtrier ». En parlant de lui à Lessac et autour, on disait « le plâtrier », certains allant jusqu’à le saluer par ce surnom sans qu’il s’en offusque. Sa renommée se renforçait avec son art de réaliser des décors. C’était de cela qu’il était fier plus que du reste, et il ne se vantait pas quand il disait qu’on le réclamait jusqu’à Limoges. Son épouse tenait l’Auberge du Foirail à Lessac. Un établissement dont la table était assez réputée pour que chaque dimanche et chaque jour de foire on y refusât des clients. Le talent d’un cuisinier qui passait pour être l’amant de Raymonde Maupas y était pour beaucoup. Le plâtrier disait en plaisantant publiquement être le plus grand cocu de Lessac et, par manque de modestie, sachant que l’exagération en comédie permet de parler de sujets bien réels sans qu’on les prenne au sérieux, il trouvait bon de préciser « comme le plus grand que la terre eut jamais porté ». Pour ce mépris de sa vie privée plus que pour la manière dont il la dévisageait, Emma éprouvait pour Maupas un sentiment qui n’était pas loin de l’aversion et qu’elle manifestait par une attitude très réservée.

    — Vous préféreriez peut-être Le Chêne Vert comme auparavant ? Il est mort depuis longtemps, ce chêne vert planté, paraît-il, au temps de louis XVI, et je n’ai pas envie d’en mettre un. Son feuillage est trop triste. Tandis que les Glycines qui ornent ma façade attirent le regard du plus loin que l’on arrive et on sait où l’on est.

    Il fallait reconnaître que Maupas avait un sacré coup de pinceau. Les lettres jaunes, rehaussées d’un ocre qui les faisait jaillir en relief sur le fond bleu marine du support de l’enseigne, illuminaient une façade rajeunie et pimpante. Elle avait dû discuter sur le bleu ciel des volets parce que le peintre prétendait que la couleur naturelle du bois ferait plus d’effet.

    — C’est une auberge, ici, Maupas. Je veux qu’on la remarque de loin.

    — Et les murs ?

    — Elles ne sont pas belles mes pierres ? Du granit, que l’on dirait sorti des carrières de Meuzac sans avoir été trié. Chaque moellon a gardé des éclats de mica qui scintillent au soleil du matin.

    — C’est plutôt la mode, en ce moment, de les recouvrir de crépi de couleur.

    — Bon Dieu, Maupas, arrêtez, vous me faites suer avec votre crépi ! Moi, je veux qu’on voie le travail et la patience de ceux qui ont passé des jours à tailler et à ajuster les pierres. C’est du vrai limousinage d’autrefois. Et puis, en mémoire de la vieille Henriette qui les a vues toute sa vie, on les garde.

    Maupas ne s’était pas vexé. Il avait même esquissé un drôle de sourire qui, pour ceux qui le connaissaient, signifiait « dans le fond, c’est toi qui as raison ».

    Le bruit d’une fenêtre que l’on ouvre la fit se retourner.

    — Le travail de Maupas est parfait. En même temps, tu as eu raison pour les couleurs : le bleu attire de loin les yeux des passants et les lettres flambent comme des dorures. Henriette serait sûrement contente si elle pouvait voir ce que tu réalises. Quand nous parlions toutes les deux de moderniser son auberge, elle me répétait comme avec du regret : « Si j’étais plus jeune… »

    Emma s’avança vers Alice Audoin, son unique voisine de l’autre côté du carrefour.

    — C’est bien que vous me disiez ça. J’avais vu la même façade en bas des Monédières et, sur le coup, je m’étais dit en observant des voyageurs assis devant : « Si je fais repeindre ma façade, c’est comme cela qu’elle sera. » Mais j’avoue que Maupas m’a fichu un doute en insistant comme il l’a fait. En plus, au début, il trouvait que le nom était mal choisi. Il croit que c’est moi qui l’ai trouvé. J’aurais dû lui avouer que c’était grâce à vous, l’idée des glycines. En même temps, vous savez à quoi ça me fait penser ? Aux photos de Rustica !

    Penchée au-dessus de son appui de fenêtre, Alice souriait. La fierté naïve d’Emma l’émouvait. Celle-ci se hissa sur la pointe des pieds pour l’embrasser. Au contact de la joue fraîche sous la chevelure teinte suffisamment pour dissimuler sa blancheur et conserver la blondeur de la jeunesse, Emma se fit une fois de plus la réflexion que cette femme avait sûrement été très jolie.

    — Les beaux jours arrivent et ce n’est pas trop tôt. Tu penses que tu auras autant de monde que l’an dernier ?

    — J’ai les Durieux qui m’ont écrit, ils viendront une semaine au mois d’août dans la première quinzaine quand leur usine sera en congé.

    — Je me souviens. C’est cette famille avec leurs deux enfants qui avaient monté leur tente dans ton pré.

    — Je ne vous en aurais pas parlé avant d’être sûre, mais, s’ils avaient pu s’installer chez vous, ça m’aurait rendu service. Quand je veux étendre les draps de la lessive, leur tente me gêne et en plus leurs enfants ne trouvent rien de mieux pour jouer à cache-cache.

    — Tu sais bien que tu peux me demander tout ce que tu veux. J’ai aussi mes deux chambres pour des voyageurs qui arrivent à l’improviste.

    — Avec mes trois chambres refaites à neuf et équipées d’un cabinet de toilette, je crois que je pourrai répondre à la demande. La renommée de l’étang de la Forge avec sa pêche et la baignade est de plus en plus grande et nous attire du monde.

    Elles se souriaient d’une amitié complice. L’auberge et la maison d’Alice Audoin étaient les deux seules habitations d’un carrefour dont le nom de Fargeas était affiché en lettres blanches sur un minuscule panneau planté à cinquante mètres du croisement. Sur la nationale 20, en direction de Brive, au sommet d’une côte, à un embranchement, un panneau indiquait « Lessac 4 kilomètres » et en dessous, en plus petit, « Fargeas », lançant ainsi une invitation discrète à emprunter un autre itinéraire : Fargeas. Seuls, ceux qui connaissaient la région ou qui l’habitaient savaient que c’était un raccourci qui permettrait d’arriver à Lessac après avoir suivi une route étroite déconseillée aux camions et aux autobus, et rencontré Fargeas, niché dans un paysage de haies, de rigoles et de prés, presque contrarié de dévoiler un étang troublé par les coassements des grenouilles et le saut des carpes. Les touristes ou les promeneurs qui s’étaient imaginé trouver un hameau d’une certaine importance, comme il n’est pas rare en Limousin, avaient la surprise de passer seulement entre deux maisons : d’un côté, une auberge ornée de deux glycines courant au-dessus des ouvertures de la façade avec un trottoir surélevé baptisé terrasse par sa propriétaire et, de l’autre, une coquette habitation qui se souvenait d’avoir été une ferme à cause de l’énorme grange accolée à un pignon, si gigantesque qu’elle semblait la pousser sur la rue. On négligeait le panneau d’une route partant sur la droite et signalait le village de Puyvallon. En prenant cette direction, on serait parvenu au bout de deux kilomètres à une petite agglomération avec une école. Puyvallon dépendait de Lessac et, si le hameau avait encore son école, c’était en raison de son éloignement du bourg et du grand nombre de fermes et de lieudits à sa proximité.

    — On dirait Charles qui arrive là-bas.

    Placée un peu plus haut qu’Emma, Alice venait d’apercevoir, débouchant du tournant venant de Lessac, le tombereau et le cheval de Charles Boyer.

    — Zut, moi qui croyais en avoir fini et pouvoir nettoyer un peu après le départ de Maupas, ce n’est pas encore !

    — Il est certainement en fin de tournée et tu ne pourras pas faire autrement que lui proposer un verre qu’il prendra le temps de boire en te racontant ses histoires.

    — Si ce n’était qu’un verre…

    Les deux femmes regardaient l’attelage s’approcher au pas du grand cheval. Elles ne pouvaient pas distinguer le conducteur installé sur une sellette accrochée au brancard de gauche.

    Charles Boyer s’assoupissait, la journée avait été longue. Sa tête dodelinait au rythme de son tombereau, frôlant presque la croupe du grand cheval. L’après-midi ne semblait plus finir, mais il ne regrettait pas d’avoir décidé de livrer en dernier le colis destiné à Emma Célérier. Bien sûr, un conseil avisé lui aurait soutenu qu’organiser sa tournée pour la distribution de la messagerie qu’il avait prise ce matin en gare de Lessac en ayant comme objectif d’aller à l’auberge de Fargeas seulement en fin d’après-midi était assez invraisemblable, puisque, en étant chez le potier de Puyvallon le matin, il n’aurait qu’à emprunter la traverse par les bois de Glandier et il serait à moins de dix minutes de l’auberge. Ce conseilleur aurait ignoré que Charles se faisait un plaisir d’achever sa tournée de cette façon. Enfin disponible, il pouvait s’attarder autant qu’il voulait dans un lieu où il oubliait beaucoup des choses ennuyeuses meublant sa vie.

    Personne à Lessac et dans la zone que Charles Boyer desservait en messagerie arrivant en gare de Lessac n’aurait pu dire depuis combien de temps on voyait cet étrange transporteur distribuer tout ce que la poste ne pouvait pas apporter. Charles avait été mobilisé en 1939. Fait prisonnier, il était revenu en 1945 pour reprendre l’activité qu’il avait abandonnée six ans auparavant. S’il avait eu le permis de conduire, il aurait pu bénéficier, comme d’autres exerçant la même profession, d’aides pour acquérir un camion. Il n’avait nullement songé à passer son permis et avait repris la route et les chemins pour livrer les colis encombrants, commandés par correspondance par des particuliers ou par des commerçants, que le chemin de fer déposait à la gare. Il avait seulement demandé à Lazérat, le garagiste, de monter des roues de camion à la place des roues en bois de son tombereau pour permettre à son cheval de tracter sans trop d’effort et améliorer son confort personnel sur les chemins cahoteux. Cette seule activité ne l’aurait pas fait vivre sans les quelques champs et prés – héritage de ses beaux-parents – qui leur donnaient la possibilité d’avoir quelques vaches avec leurs veaux et des moutons. Adeline, une grande femme maigre et pas très propre, complétait les revenus du ménage en vendant les volailles et les lapins qu’elle élevait.

    Il aperçut Emma, plantée au milieu de la route ; elle avait dû reconnaître l’attelage et attendait sa livraison. C’était vraiment un beau brin de femme, la Emma Célérier ! Chaque fois qu’il venait à l’auberge,Charles se formulait cette pensée. Ce n’était pas un de ces coureurs de jupons, piliers de bistrots, mais un homme sensible à la beauté de cette femme et au parfum qui émanait d’elle quand elle se penchait pour servir. Une fois, il avait osé, parce qu’ils étaient seuls, lui demander ce qu’elle utilisait comme parfum. Elle l’avait regardé, très surprise, puis lui avait donné un nom qu’il avait oublié aussitôt.

    — Vous voulez en offrir à votre femme, monsieur Charles ?

    — Oh ! elle… je ne crois pas qu’elle aimerait.

    Avec une certaine tristesse, il avait pensé à Adeline qui ne prenait même pas la peine de changer de blouse quand elle revenait des étables et attendait la fin de la semaine pour changer ses dessous.

    Comme s’il avait retenu la liste et l’ordre des destinataires des colis de son chargement, le cheval s’immobilisa à la hauteur de l’auberge.

    — Tu te rends compte de ce que cette bête est intelligente ! On dirait qu’elle savait que j’avais quelque chose pour toi.

    Charles s’était laissé glisser de son siège pour se poser sur la route. Sa trogne rougeaude, ornée d’un énorme nez piqueté comme une fraise, s’éclairait d’un large sourire, découvrant des chicots épars et ses yeux ne pouvaient dissimuler le plaisir de se trouver là.

    — Bonjour quand même, ma belle.

    Venant de Charles Boyer, l’expression « ma belle » et le tutoiement ne surprenaient pas Emma, pas plus qu’elle ne s’en offusquait. Depuis qu’ils se connaissaient, cet homme n’avait jamais eu à son égard le moindre geste ou la moindre réflexion équivoques. Elle s’était peu à peu habituée à sa façon de s’installer à une table près de la fenêtre pour entamer une conversation qui pouvait très bien se transformer en monologue, tellement Charles ne semblait pas attendre de réponses particulières et ne paraissait pas s’apercevoir qu’Emma n’était plus derrière son bar ou avait disparu dans la cuisine.

    — Dis donc, ta caisse est foutrement lourde ! J’ai eu un mal de chien à obtenir que le chef de gare me donne la main pour l’installer dans mon tombereau. En plus, tu as vu ce qu’il y a de marqué ? Très fragile. Heureusement que mon « camion » est monté sur caoutchouc ! C’est de la porcelaine ?

    La première fois que Charles avait utilisé le terme de camion pour désigner son tombereau, Emma l’avait regardé avec surprise, mais, en constatant le sérieux du ton et du bonhomme, elle n’avait fait aucun commentaire.

    — Comme si vous ne le saviez pas ! Vous avez forcément lu le bordereau de livraison. A votre avis, chez Havilland, ils fabriquent quoi ?

    — Fichtre tu te mets bien !

    — Ne vous méprenez pas, Charles, c’est du déclassé et en vente directe. Je ne pouvais pas passer à côté d’une aussi belle affaire.

    — Je n’ai pas pensé à mal, ma cocotte. Je ne sais pas assez faire la différence entre les porcelaines. Pour moi, c’est du pareil au même. Quand ça tombe, ça se casse. Que ce soit de la première qualité ou du deuxième choix !

    Lorsque Charles Boyer l’avait appelée pour la première fois « ma cocotte », elle avait failli le remettre à sa place très vertement, se disant qu’il ne faudrait pas qu’il recommence. Puis elle s’était rendu compte que son langage fleurissait d’expressions destinées aux femmes sans qu’il ait la moindre arrière-pensée. En parlant d’Alice qu’il tenait en grande estime et amitié, n’avait-il pas dit un jour qu’il évoquait de vieux souvenirs qu’elle avait été une belle poulette ?

    — Tu pourras me prêter la main ? A moins que le plâtrier soit encore ici.

    — Non, il est reparti. On va se débrouiller tous les deux.

    Charles admira la force de la jeune femme quand elle l’aida à faire glisser le colis jusqu’au bord du plateau et qu’ils le transportèrent dans la salle déserte à cette heure.

    — Je le déballerai plus tard. Installez-vous à votre table, dites-moi ce que je vous dois et je reviens vous servir.

    Une fois assis près de la fenêtre, Charles jeta un coup d’œil vers son attelage. Le cheval avait déplacé le tombereau de manière à pouvoir brouter l’herbe du talus. Il aperçut alors Alice Audoin, encore accoudée à sa fenêtre, et se rendit compte que, tout à l’heure, il avait été assez malotru pour l’ignorer et ne pas la saluer. Aussi vite que lui permettaient ses membres qui avaient tendance à s’engourdir, il se leva et sortit.

    — Où est-ce que vous allez, comme ça ?

    Emma s’inquiétait de le voir partir aussi précipitamment sans attendre d’être servi.

    — Réparer l’irréparable.

    Incapable d’interpréter le sens de la réponse, Emma pensa que Charles avait peut-être un problème avec son cheval et eut envie de rire quand elle le vit traverser la route à grandes enjambées pour s’approcher d’Alice. Elle connaissait suffisamment sa voisine pour comprendre que les mimiques de Charles l’amusaient et avait maintenant saisi le motif de la sortie précipitée du voiturier. Lorsqu’il revint prendre sa place à la table près de la fenêtre, elle fit l’ignorante et, de son air le plus candide, lui demanda ce qu’il avait d’aussi important à déclarer à Alice.

    — Tout à l’heure, quand je suis arrivé avec mon char, je n’ai pas vu que vous étiez toutes les deux à causer et je ne l’ai pas saluée. Passer devant Alice sans lui dire bonjour et sans lui demander des nouvelles de sa santé, ça ferait partie des choses qui ne se font pas.

    — Vous l’aimez donc tant que ça ?

    Emma souriait, moqueuse.

    — Tu sais bien qu’on est bien depuis toujours, et puis… entre nous, il y a le défunt Georges, son mari. Un grand monsieur, celui-là, et instruit ! Tu ne peux pas savoir parce que tu ne l’as pas connu. Le meilleur vétérinaire de tout le canton. Mais tout ça c’est du passé et, le passé, c’est passé. Sers-moi ma chopine pour que je pense à autre chose.

    — C’est du bergerac qu’on m’a livré cette semaine. Vous me direz comment vous le trouvez. Mais vous avez tort de croire que je ne m’intéresse pas à l’histoire d’Alice.

    C’était une invitation très claire à laquelle Charles ne pouvait pas résister.

    — T’as une minute ?

    Un autre jour, elle aurait répondu non. Mais aujourd’hui, sans savoir pourquoi ou alors c’était la nouvelle façade de l’auberge, ou bien encore cette douceur de l’air prélude à la belle saison, elle eut envie d’entendre Charles Boyer et ses histoires à dormir debout. Et puis, il y avait cette lueur dans les yeux du bonhomme. Elle devinait que ce qu’il avait à lui apprendre serait intéressant.

    — Assieds-toi, si tu ne crains pas ma compagnie.

    A nouveau, cette étincelle nostalgique et inhabituelle.

    — Georges Audoin et moi, on était du même âge, la classe comme on disait quand on a montré notre affaire, à poil devant le sous-préfet de Saint-Yrieix et les maires du canton. Excuse-moi, j’oubliais que t’es une dame et que je ne devrais pas te parler de cette façon. Mais tu comprends, au conseil de révision, en nous faisant mettre tout nus, la République nous met à égalité. C’est même sans doute le seul moment. Après, les riches ou les instruits, ils reprennent leur place. Georges faisait des études et moi j’étais roulier comme mon père. Mais cette différence entre nous, eh bien, elle n’a jamais paru exister ! Le Georges Audoin avait oublié d’être fier et se souvenait des copains de la communale. Enfin, passons. Quand la guerre est arrivée, il était installé vétérinaire à Lessac et marié avec Alice qu’il avait ramenée de Paris. T’as eu l’occasion de t’apercevoir que c’est une dame. Mais pas comme les mijaurées de chez nous qui font des manières sans en avoir le dessous et tout ça parce qu’elles ont décroché un mari qui les fait vivre à rien faire.

    Encore une des expressions de Charles, mais elle ne voulait pas l’interrompre.

    — On est partis le même jour. Lui avec des galons sur l’épaule parce qu’il était officier de réserve et moi en troufion. On s’est retrouvés à Dunkerque, dans le bordel de la débâcle – excuse pour le mot, mais c’était exactement ça. Quand je dis qu’on s’est retrouvés, c’est façon de parler, puisqu’il était couché avec d’autres sur le plateau d’un camion. On l’avait trouvé mort au fond d’un trou d’obus. Ça m’a foutu un drôle de coup quand je l’ai reconnu en passant devant avec la colonne de prisonniers des frisés dont j’étais. Quand je suis revenu en 45, j’ai su qu’Alice habitait à Fargeas dans la maison des Audoin et vivait de sa pension de veuve de guerre et de ses travaux de broderie. Chaque fois que je la rencontre, ou que je passe par là, je ne manque pas de la saluer, et dans nos yeux on se souvient de Georges, même si on ne parle pas de lui. Tu comprends, des fois, il arrive qu’on n’a pas besoin de faire des discours, puisqu’on sait ce que l’autre pense.

    — Elle m’a parlé parfois de son mari, mais jamais beaucoup, et moi, je n’ai jamais osé la questionner.

    — Dis donc, il est plutôt fameux, ton petit vin !

    Charles ne s’attardait jamais sur un sujet triste ou sentimental. Emma pensait en avoir compris la raison dès qu’elle eut appris à le connaître. Sous son aspect rugueux et teinté du vin qu’il aimait un peu trop, il avait une façon d’interpréter un événement ou la moindre situation avec l’intuition de subodorer le moment de s’arrêter dans un propos ou de s’effacer afin de laisser sa place.

    — Vous ne m’avez pas dit combien je vous devais pour le transport.

    — Mets-le sur mon compte, il faut que je voie avec le bordereau de livraison. J’ai eu une journée chargée et beaucoup de clients. Et puis, ça nous donnera l’occasion de nous revoir. Allez, ma jolie, porte-toi bien ! Je m’en retourne, Adeline va encore me rouspéter.

    Habituée aux départs de Charles qui prenait le temps de remettre sa chaise en place, de baguenauder devant le panneau d’affichage de petites annonces des festivités de la commune, de lui crier « A la revoyure ! » en refermant la porte, Emma s’apprêtait à procéder au rangement avant de fermer. Ce soir, René serait là et elle ne servirait pas de dîners. Mais Charles parut tout à coup avoir oublié ce qu’il venait de dire à propos de son intention de reprendre la route et se resservit un autre verre du pichet abandonné sur la table, indifférent au rangement qu’Emma entreprenait en empilant les chaises sur les tables pour passer la serpillière, espérant peut-être que cette activité rappellerait à son hôte qu’il était temps de rejoindre Adeline.

    II

    La Vedette roulait un peu trop vite sur la petite route de Lessac à Fargeas, et la paysanne, face à lui, les bras en croix pour protéger son troupeau de moutons, était totalement inconsciente du danger et de l’inutilité de son sacrifice. Les pneus hurlèrent, la voiture effectua un dérapage spectaculaire avant de s’immobiliser à quelques mètres de la femme. En reconnaissant René Bachou derrière le pare-brise, le visage courroucé changea d’expression et se fit souriant.

    Puisqu’il était immobilisé, René ouvrit la portière et sortit de sa voiture. Odette Bru ne saurait jamais à quel point il avait cru qu’il ne pourrait pas l’éviter. Il savait aussi qu’il était tout à fait inutile de lui crier sa peur et c’est d’un ton penaud qu’il s’excusa :

    — Pardonne-moi si je t’ai fait peur, mais, tout en roulant, je pensais à autre chose et je ne me rendais pas compte de la vitesse.

    Bien que d’une taille normale de femme, Odette Bru paraissait petite et frêle en face de René. Son mètre quatre-vingt-dix et surtout ses cent vingt kilos lui donnaient une apparence gigantesque augmentée, par la très ample blouse noire des marchands de bestiaux.

    — Vrai, René, tu roules comme un fou et je suis pas la seule à me plaindre ! T’es un vrai danger sur la route.

    — Bah, dans nos campagnes, on n’est pas encore habitués aux nouvelles voitures. Ils ne connaissent encore que celles d’avant guerre, et pas les nouveaux modèles comme la mienne. N’empêche, il faudrait que tu penses que la vie d’un mouton vaut moins que la tienne. Sans mes freins et sans mes réflexes, j’aurais pu te culbuter…

    Il eut un sourire avant d’ajouter :

    — Remarque bien que je ne détesterais pas le faire, mais pas avec mon auto.

    En parlant de sa voiture et de sa conduite, René Bachou s’exprimait avec beaucoup de fierté. Voir les gens se retourner sur son passage lui apportait une grande satisfaction. Il ne doutait pas qu’il y eût parmi eux des envieux et le savoir le rendait presque heureux.

    — Tu changeras donc jamais !

    Odette le regardait en souriant. Il aimait bien qu’on lui reconnaisse sa réputation, bien que, ces derniers temps, il ne pensât plus à courtiser la première femme qui lui plut. Il se pencha pour embrasser Odette et s’amusa à la soulever, ce qui la fit rire. Dans sa blouse bleu ciel, les jambes nues, elle était presque coquette avec sa coiffure parfaitement maintenue en chignon par un gros peigne. Au contact de sa joue, il avait pu deviner son léger parfum. Celui-là même qu’elle utilisait quand il la faisait danser au bal du comice.

    — Où est-ce que tu vas, aussi pressé ?

    Qu’Odette, qui avait sensiblement la cinquantaine comme lui, lui posât cette question avec un petit sourire entendu, presque complice, ne le dérangeait nullement. Personne n’ignorait en le voyant emprunter la direction de Fargeas qu’il s’arrêterait à l’auberge comme presque tous les soirs à cette heure-ci. Le pays était au fait que c’était lui qui avait avancé l’argent pour qu’Emma Célérier achetât Le Chêne Vert, l’auberge d’Henriette Lavaud, quand celle-ci s’était retirée dans sa maison à côté de la poste à Lessac. Les naïfs disaient que c’était un prêt. Les plus critiques du comportement de René Bachou, cet important expéditeur en viande limousine à destination des halles de Paris, répétaient d’un air entendu que c’était une avance à fonds perdus consentie à celle qui était notoirement sa maîtresse. Il savait que l’interrogation n’était là que pour la forme et n’hésita pas à répondre.

    — Je veux voir le travail de Maupas à l’auberge avant qu’on lui règle sa facture.

    — En revenant de Saint-Yrieix ce matin, avec Paul, on a fait le détour, exprès pour voir, et je peux te dire que les vacanciers qui passeront par là cet été la verront de loin.

    — C’est justement ce qu’on veut. Est-ce qu’il a fini de peindre l’enseigne ?

    — Justement, c’est pour ça qu’on s’est arrêtés, en voyant Maupas sur son échelle. Une fameuse idée ! C’est toi qui l’as eue ?

    — Non et tu t’en doutes, c’est Emma.

    Il mentait, préférant attribuer ce trait d’imagination à « l’amour de sa vie » plutôt qu’à Alice Audoin qui leur avait suggéré d’utiliser les Glycines, une décoration que tout le monde admirait en passant devant l’auberge.

    La façon dont René venait de s’exprimer en s’incluant dans le paiement d’une dépense de l’auberge et dans l’appréciation de l’ouvrage n’avait pas surpris Odette qui, voyant que son troupeau ne se dispersait pas et s’intéressait aux herbes des talus, en profita pour entreprendre René sur son commerce. Il pourrait passer à la ferme ; ils avaient deux beaux veaux à vendre.

    — On les amènerait bien à la prochaine foire de Lessac, mais, si, entre nous, on a les mêmes arrangements que la dernière fois, ça nous éviterait la peine du déplacement et des marchandages. On n’ose à peine le croire quand on compare le prix que les bouchers nous en proposent et celui auquel ils nous vendent leur viande !

    L’élevage des Bru était renommé et leurs bêtes régulièrement primées à Saint-Yrieix. René était conscient qu’il valait mieux faire affaire directement avec eux, même en acceptant de payer un prix normal.

    Il remonta dans sa voiture après avoir promis de venir à la ferme sans tarder. Maintenant, il était impatient d’arriver à Fargeas et de retrouver Emma. Il avait eu une semaine très chargée et n’avait pas eu la possibilité de se rendre régulièrement à l’auberge selon son habitude. A midi, au téléphone, elle lui avait dit que Maupas allait en terminer avec la façade. Il avait donc déplacé un rendez-vous, fait avertir Elise, sa femme, qui ne répondait jamais au téléphone dans la journée, qu’il rentrerait tard et qu’elle ne l’attende pas pour dîner. Tandis qu’il pensait à Emma, ses doigts se refermèrent sur le volant et il sentit monter en lui son violent désir pour cette femme.

    Il y avait à peu près deux ans de cela. A cause d’une grève des PTT, privant tout le monde de courrier et de téléphone, il avait été contraint de prendre une chambre aux As du Volant, un routier sur la nationale 20, afin d’être présent sur un important marché auquel il avait l’habitude de se rendre. Il avait une mallette pleine de billets et il ne pouvait pas dormir n’importe où. Il connaissait cet hôtel-restaurant ainsi que le patron. Il n’avait jamais vu Emma auparavant. Il en était certain parce que, une femme comme celle-là dans un endroit où il avait ses habitudes, il l’aurait remarquée. C’est elle qui lui servit le repas du soir et il essaya d’engager la conversation, mais elle se montra distante, répondant brièvement aux questions de celui qui tentait de savoir depuis quand elle était là, d’où elle venait, et ignorant toutes ces petites approches qu’un homme effectue pour attirer l’attention d’une femme. En l’observant dans ses allées et venues dans la salle, il remarqua que des chauffeurs plaisantaient avec elle, mais que leurs plaisanteries la laissaient indifférente. Certains eurent ce geste que l’on croit pouvoir se permettre avec des filles de salle : attarder une main sur le bras ou l’épaule de la serveuse, la retenir par la taille… Et chaque fois, sans cesser de sourire, elle les repoussait.

    Après le repas, la salle étant à peu près déserte, il avait discuté avec le patron, installé derrière son bar, et, sans avoir l’air d’être particulièrement intéressé, il l’avait interrogé sur la nouvelle serveuse. Il apprit qu’il avait découvert « cette perle » tout à fait par hasard, dans la Creuse. Devant son beau-frère qui tient un café à l’entrée d’Aubusson, il s’était ouvert de ses difficultés pour trouver du personnel de salle. Le nombre de routiers avait considérablement augmenté ces derniers temps avec les cartes supplémentaires délivrées aux transporteurs après la fin de la guerre. En même temps, plusieurs marques de poids lourds avaient conçu des chaînes de montage pour fabriquer des camions aptes aux longues distances ; on ne parlait plus que de Berliet, Bernard ou Unic, des camions et des semi-remorques capables de charger des tonnages énormes en effectuant jusqu’à deux voyages par semaine de Limoges à Paris, et, les déplacements s’allongeant et remplaçant le train, les restaurants routiers avaient de plus en plus de clientèle. Une clientèle exigeante qui voulait à la fois bien manger et être servie rapidement.

    Sur l’indication de son beau-frère, il avait dégoté – c’était son expression – Emma dans une famille de petits paysans. Elle était l’aînée et avait trois frères. Sa mère étant décédée en couches pour le dernier, elle l’avait remplacée pour tenir le ménage de la ferme et aider aux travaux sans jamais se marier.

    René n’avait pas pu s’empêcher de montrer son étonnement en soulignant la beauté de la jeune femme.

    — On a du mal à le croire et c’est exactement ce que je me suis dit en la rencontrant pour la première fois.

    Le patron avait ainsi abondé dans son sens. Puis, devançant la question que René allait sans doute lui poser, il ajouta qu’elle ne voulait plus rester à la ferme parce que après la mort de son père, l’aîné des garçons s’était marié et sa femme habitait dans la maison. Il y avait une femme en trop.

    Dans le mois qui suivit, René se fournit plusieurs prétextes pour faire halte dans le routier et, peu à peu, il fit connaissance avec Emma.

    Il n’était pas habitué à ce qu’une femme lui résiste ou, quand cela arrivait, il s’en désintéressait. Il n’avait pas envie de s’imposer l’effort d’une conquête en pensant que leur liaison ne durerait pas. A la maison, Elise s’était soumise à son devoir d’épouse. Il ne l’avait jamais assez aimée pour essayer d’en faire sa maîtresse. D’ailleurs, l’aurait-elle accepté ? Fortement imprégnée de sa religion et appliquant sans faillir ses principes, elle considérait que subir l’empire des sens, était commettre le plus horrible des péchés.

    Par son métier, René avait souvent l’occasion de faire des rencontres et l’opportunité de trouver des femmes acceptant de satisfaire cet homme généreux qui leur proposait sans détour de coucher avec lui. La plupart ne rechignaient pas sur son argent ou sur les cadeaux et après il les oubliait.

    Avec Emma, ce fut différent. D’abord distant et seulement aimable, il ne voulut jamais qu’elle crût qu’il la considérait comme une fille de salle. Il lui fit des compliments sur

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