L'instituteur impertinent: Récit de vie
Par José Herbert
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À propos de ce livre électronique
Instituteur et secrétaire de mairie pendant presque 30 ans, José Herbert nous livre ses souvenirs sur un ton à la fois drôle et tendre, toujours sincère, souvent impertinent...
Vivez avec lui au rythme de Wambaix, un petit village du Cambrésis... Allez à la rencontre de personnages pittoresques, sympathiques, attachants... Éprouvez les joies et les peines des enfants à l'école, ses « petiots » comme il les appelle... Fâchez-vous comme l'homme et l'instituteur libre et volontaire qu'il a été...
Au fil des pages, retrouvez finalement un peu de vos propres souvenirs d'enfant...
EXTRAIT
Presque cinq ans après le dernier jour de classe en juin 2001, l’école et son environnement hantent encore de façon récurrente certaines phases de ma vie nocturne.
Instit je fus, instit je resterai jusqu’à mon dernier souffle. Si dans la journée je suis à peu près tranquille de ce côté-là, les souvenirs s’emparent de mes nuits, qui devraient pourtant être paisibles étant donné ma situation de retraité coulant des jours heureux après une vie bien remplie. Au contraire, au milieu des brumes et du silence nocturne, je me revois souvent dans les situations qui furent les miennes pendant presque quarante ans : la classe, les élèves, les difficultés à se faire entendre et pire encore, à se faire comprendre... Curieusement les scènes qui peuplent mes nuits ne sont pas celles qui furent les plus faciles. Mesdames et Messieurs, les psys pourraient assurément expliquer tout cela… Moi pas !
À PROPOS DE L'AUTEUR
José Herbert a suivi une carrière d'instituteur primaire, après laquelle il s'est officiellement lancé dans l'écriture. Il compte plusieurs ouvrages à son actif, notamment La messe bleue et Le dernier jour.
En savoir plus sur José Herbert
La messe bleue: Un témoignage tendre et touchant Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes chiens de Pavlov: Une vision déjantée de la société Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe dernier jour: Un roman délicieusement cynique Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSigné la grande faucheuse: Un roman déjanté ! Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
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Avis sur L'instituteur impertinent
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Aperçu du livre
L'instituteur impertinent - José Herbert
De l’utilité d’avoir un nom !
Presque cinq ans après le dernier jour de classe en juin 2001, l’école et son environnement hantent encore de façon récurrente certaines phases de ma vie nocturne.
Instit je fus, instit je resterai jusqu’à mon dernier souffle. Si dans la journée je suis à peu près tranquille de ce côté-là, les souvenirs s’emparent de mes nuits, qui devraient pourtant être paisibles étant donné ma situation de retraité coulant des jours heureux après une vie bien remplie. Au contraire, au milieu des brumes et du silence nocturnes, je me revois souvent dans les situations qui furent les miennes pendant presque quarante ans : la classe, les élèves, les difficultés à se faire entendre et pire encore, à se faire comprendre… Curieusement les scènes qui peuplent mes nuits ne sont pas celles qui furent les plus faciles. Mesdames et Messieurs, les psys pourraient assurément expliquer tout cela… Moi pas !
Pourquoi ce désir soudain de retour en arrière ? Pour faire comme tout le monde : raconter ma vie ? C’est tellement tendance, selon l’expression consacrée ! L’inconvénient est que ma vie est très ordinaire : pas de problèmes familiaux, pas de déviations sexuelles, à ma connaissance, pas d’aventures loufoques, pas de mariages multiples, rien qui puisse intéresser notre sphère… disons… médiatique. Le mot est lâché : médiatique. On constate que chaque feuille du calendrier, outre le saint patron du jour, révèle en effet son lot de nouveaux écrivains. Ecrire est donc si facile ! Il suffit, me semble-t-il, d’avoir un nom. Le secret est là. Ensuite, si l’on ne peut espérer avoir le génie d’un Victor Hugo ou d’un Balzac, qu’à cela ne tienne ! Certains individus se sont fait une spécialité de ce nouveau métier consistant à écrire à la demande de celui qui aura son nom écrit en majuscules sur la couverture. Le bébé ainsi conçu se vend bien en général. Ecrire est donc devenu un moyen comme un autre de se faire une petite fortune, sans trop de difficultés, à condition bien sûr d’avoir…un nom, ce que je n’ai point, hélas, sorti d’un petit village de 350 habitants où j’ai exercé mon métier pendant plusieurs dizaines d’années.
Je me suis aperçu de la supercherie médiatique, une fois de plus, quand, ne sachant que faire un dimanche de mauvais temps, j’attaquai à belles dents une œuvre littéraire signée par l’un de nos grands comiques, connu comme le loup blanc. J’espérais ainsi passer deux ou trois heures de façon agréable, oubliant la grisaille qui sévit parfois de longs jours et de façon pesante sous nos latitudes.
Dès que j’eus parcouru les premières pages du torchon, avalé finalement en une heure, la déception fut au rendezvous. Verdict : nul à pleurer ! Très peu de pages, mal écrites, sans intérêt, sans histoire, sans trame, sans rapport avec le titre accrocheur, évidemment !
Des tranches de vie ordinaires mises bout à bout sans cohérence aucune ! Je me suis dit que l’escroquerie n’était pas loin. Heureusement, et cela me rassura, je n’avais point dépensé un centime pour acquérir ce chef d’œuvre, tandis que d’autres- des dizaines de milliers de personnes sans doute – alléchés par le nom très connu de ce monsieur et la publicité style bourrage de crâne faite autour du livre dans tous les médias du pays, ont voulu se repaître de ce que racontait le grand homme, par ailleurs excellent humoriste à mon humble avis.
À la sortie de l’ouvrage événement en question, l’écrivain (est-ce le mot qui convient ?) dont il s’agit était bien évidemment omniprésent sur nos chaînes de télévision, quotidiennement invité par des présentateurs mielleux et hypocrites dont on se demande s’ils n’ont pas un intérêt financier à la chose, percepteurs qu’ils seraient de quelques sous sur chaque exemplaire vendu.
Non, ce n’est pas l’appât du gain qui me pousse à malmener le clavier de mon ordinateur. Cherchons plutôt du côté de la peur, la terrible peur de vieillir qui assaille tout être normalement constitué. La vieillesse dans laquelle je viens à l’instant d’entrer de plein pied, est responsable de cette boulimie.
Qui ne craint la misérable est un inconscient ! Je le crie haut et fort ! Chaque jour qui passe m’informe des désastres irréversibles causés par la traîtresse. La peur de perdre la mémoire qui l’accompagne, est présente à mon esprit. Je ne veux oublier pour rien au monde les multiples pièces qui, posées avec soin, ont constitué le puzzle de ma vie professionnelle. Les écrire, c’est les fixer à tout jamais dans la mémoire. Le véritable ciment qui rassemble mes souvenirs, ce sont les portraits de personnages typiques et les situations cocasses ayant souvent accompagnées les méandres de mon parcours. Celles-ci ou ceux-là provoqueront de la sympathie, ou une aversion légitime : il faut de tout pour faire un monde !
Une collection de plusieurs tomes me sera sûrement nécessaire pour coucher sur papier les pensées que je traîne depuis si longtemps, à travers le filtre de mes soixante et un balais et de ma carrière d’instituteur secrétaire de mairie dans un petit village du Cambrésis.
Ce fut le déclic. Le soir même je pris le stylo ou plutôt le clavier de l’ordinateur et m’attelai à la tâche. « À cheval ! » me dis-je en cherchant le premier mot de mon récit. J’ai utilisé cette expression à maintes reprises pour signifier à mes élèves, attentifs devant leur maître d’école, qu’il était temps de commencer le travail que je leur avais proposé. Je la destinais maintenant naturellement à moi-même.
Premier contact
J’exerçais, de septembre 1964 à juin 2001, un métier que j’ai qualifié à une certaine époque de métier de fou ! D’abord instituteur dans le Douaisis, Vred puis Auberchicourt, je fus contraint, en 1975, de participer au « mouvement » des enseignants du département du Nord. En effet, l’administration supprimait l’une des dix-huit classes de l’école primaire publique où je pratiquais mes talents d’instit de cours préparatoire. En vertu du principe qui veut que « le dernier arrivé dans un établissement soit le premier à partir », je sollicitai et obtins une place de directeur d’école primaire dans le Cambrésis à partir de septembre 1975. C’est ainsi que, de la condition de citadin, je passai à celle de citoyen rural ou villageois, à Wambaix, 350 habitants, canton de Carnières et arrondissement de Cambrai. Dès mon installation au village, le greffier de la mairie, ancien directeur d’école, désireux de faire valoir ses droits à la retraite, me proposa sa place au greffe de la commune. J’acceptai et pris de cette façon racine, à la rentrée scolaire de 1976, dans ce coin non dénué de charme de la campagne française.
L’école dont j’avais la responsabilité n’avait que deux classes, celle des petits et celle des grands et n’acceptait les enfants qu’à partir de cinq ans. Puis ce fut quatre ans, trois ans et même deux ans, pour conserver un effectif raisonnable de trente à trente-cinq élèves bon an mal an.
Le logement de fonction qui me fut attribué, était délabré, froid et humide. Pas même les toilettes à l’intérieur lorsque nous avons emménagé. Les canalisations d’eau gelaient pendant l’hiver. De la glace ornait les vitres des chambres à coucher. Situation que beaucoup de collègues ont connu, car les logements de fonction ne sont, la plupart du temps, hélas guère entretenus. Manque de moyen de la part des communes ? Non. Manque de volonté de la part des édiles ? Oui, sans aucun doute.
J’ai quitté ce palais en 1983 pour habiter un pavillon que nous avions fait construire, ma femme et moi, dans… le même village où nous sommes toujours installés. Autrement dit, je fus à l’école en tant que directeur de l’établissement scolaire, au bureau de la mairie comme secrétaire et chez moi, à Wambaix, troisième facette du personnage, le civil, le privé, l’homme de la rue, monsieur tout le monde. Privé certes, mais surveillé. Comment peut-il en être autrement ? Le people rural ou villageois n’est pas un vain mot. Il donne matière à commentaires derrière les rideaux des chaumières, au sortir de la messe ou au comptoir de l’unique estaminet, Chez Agnès. La conséquence principale est que je devais prendre garde d’avoir une vie publique wambaisienne exemplaire, m’interdisant les excès et les écarts de conduite, surtout visibles. C’est normal ! Au dix-neuvième siècle, l’instituteur n’avait pas le droit de fréquenter les cabarets, déclarés lieux de perdition. Je n’en étais pas là, quoique…
Le jour de mon arrivée à Wambaix en août 1975, la porte du préau de l’école nous fut ouverte par le garde-champêtre, Guislain, afin que nous puissions débarrasser le coffre de la voiture des premiers objets que nous déménagions. Monsieur Guislain assista à notre déballage jusqu’à son terme, d’un œil bizarre, me semblait-il, soupçonneux, méfiant, interrogateur, sévère peut-être, vu sa fonction. Il ferma ensuite lui-même l’accès au préau. Ce premier contact nous parut glacial. Nous venions de la ville et ignorions totalement qu’à ses portes, certains individus avaient la fonction, comme au temps passé, de garder les champs de la France profonde. Le Douaisis, où nous avions passé la presque totalité de notre vie jusque là était beaucoup plus convivial que cette terre agricole et cléricale du Cambrésis, pourtant limitrophe. Nous avons constaté, dès ce premier contact qu’il n’est pas facile de se faire adopter dans un si petit village. Longtemps, ma femme et moi, sommes restés les étrangers. Cela n’était pas dit ouvertement, mais clairement ressenti !
Quelque temps plus tard, comme le veut l’usage, il me revint de rendre visite au maire de la commune. Visite de politesse et de courtoisie. Monsieur Banse m’accueillit chaleureusement dans la salle à manger du bâtiment principal de son exploitation agricole. La conversation fut dès le départ très difficile car Monsieur le Maire parlait un patois qui m’était totalement inconnu, le patois de Wambaix. Cambrésis et Douaisis sont proches et pourtant si différents. D’autre part, Monsieur le Maire mangeait à belles dents la moitié des mots qu’il prononçait. Par la suite je me suis habitué au dialecte, mais sur le coup, j’ai cru comprendre qu’il me demandait si je pouvais diriger la construction d’une salle des fêtes, le milleclub, que la commune avait reçu il y a longtemps déjà et qui pourrissait en pièces détachées dans la grange d’un agriculteur conseiller municipal. Monsieur le Maire pensait qu’il fallait quelqu’un d’intelligent pour comprendre les multiples plans qui accompagnaient le puzzle de la salle des fêtes. Et qui pouvait être plus intelligent que ce jeune instituteur venu de la ville, avec l’air sympathique et compétent au premier abord ? J’ai donc donné mon accord, bien que sachant à peine tenir un tournevis. On ne peut rien refuser à Monsieur le Maire !
La construction du zénith villageois débuta en juin 1976, année de la terrible canicule. Effectivement, je dus lire des plans et diriger toute une équipe de bénévoles qui s’affairaient sur le site, chaque soir de ce mois au climat tropical. L’ambiance conviviale fut ponctuée de visites des mêmes bénévoles au café d’Agnès la cabaretière car il faisait très chaud et comme chacun sait, chaleur rime avec soiffeur. Je n’étais point habitué à ce comportement et refusais les verres que l’on me proposait, méprisant la bière de luxe et autre pastis dont l’odeur empestait l’haleine de nos ouvriers bénévoles.
Fier comme Artaban, je pris donc la direction de la petite école à deux classes dès la rentrée de septembre 1975. Le premier élève qui se présenta, avec sa maman, pour s’inscrire dans la classe des petits avait cinq ans et se prénommait Laurent. La mère et l’enfant prirent place devant le bureau sur les chaises que je leur présentais. Tout le monde était évidemment intimidé. A l’époque, l’instituteur du village inspirait encore le respect. L’instituteur en question était lui aussi intimidé, c’est normal, mais bien sûr, il ne laissait rien paraître. Je m’aperçus rapidement que le pauvre gamin, affublé par ailleurs d’une timidité maladive, ne voyait presque rien. J’informai la famille qui prit les dispositions nécessaires auprès de l’oculiste. Actuellement, Laurent est presque aveugle. Le papa que je rencontre souvent, m’informe de son état.
Quelques semaines après la première rentrée de septembre, je dus subir une remarque désobligeante de la part de Monsieur le Maire : « Quelqu’un m’a dit que c’était dommage de chauffer les classes alors que vous laissez une fenêtre ouverte dans la journée. » Je dus expliquer à Monsieur le Maire que nous respirions toute la journée un air confiné et pollué par la présence d’une vingtaine de personnes vivant dans un lieu fermé et que par hygiène, il convenait d’aérer le local afin de faire fuir les miasmes porteurs de germes en tous genres. Monsieur le Maire sembla convaincu par mes explications mais à partir de ce jour, je fermai la fenêtre visible de la rue et… j’ouvris la porte qui donnait sur la petite cour intérieure.
Plantons le décor
En 1975, à Wambaix, nous n’avions pas encore quitté le 19ème siècle. Imaginons un village traversé par une chaussée grossièrement pavée, pourtant route départementale, véritable cloaque pendant l’hiver, océan de poussière sous les chaleurs de la belle saison. Les bordures de la chaussée sont inégales et les trottoirs boueux ou poussiéreux, selon la météo. Les maisons sont comme dans tout le Cambrésis, perpendiculaires à la chaussée. Ce sont d’anciennes petites fermes, sans étage, en briques rouges, d’allure médiocre pour un certain nombre d’entre elles. Jadis, deux pièces composaient le logement de part et d’autre d’une petite entrée menant à la cave et au grenier. Depuis, les propriétaires ont agrandi les maisons avec plus ou moins de bonheur et enduit de crépis qui enlaidit souvent l’ensemble en lui ôtant à jamais le caractère historique attaché aux vieilles pierres.
Les bâtiments communaux, école et logement de l’instituteur datent aussi du siècle précédent. Ils ont été mal entretenus. Les boiseries pourrissent. Le mortier qui devait à l’origine tenir les briques part en poussière. Les toitures du presbytère et de l’église laissent passer la pluie. Il pleut sur les fidèles le dimanche matin mais ceux-ci ne se plaignent guère, se bousculant même pour se placer sous les gouttelettes qu’ils savent tombées tout droit du giron divin. Le bâtiment cultuel, bâti à la fin du 18ème, menace de tomber en ruine. Une fissure inquiétante zèbre la construction derrière le chœur. L’oculus situé juste au-dessus du portail d’entrée s’incline dangereusement vers l’avant et attend sa proie pour l’assommer le moment venu. Avouons cependant que mourir sur le porche d’une église serait une fin souhaitée par beaucoup de monde. Passer directement de la vie sur terre au paradis céleste, sans même s’arrêter sur la case souffrances, est un sort enviable de nos jours.
Le château d’eau, lui aussi, est fissuré et l’humidité suinte en permanence de cette longue et fine plaie qui ne veut pas cicatriser. Le bâtiment nous distribue une eau souvent impropre à la consommation car porteuse de colonies importantes de streptocoques fécaux, faute de javellisation efficace.
Le réseau d’éclairage public laisse persister des trous noirs dans toutes les rues, causant la colère des riverains qui, même s’ils ne sortent plus après six heures le soir, exigent que leur portail soit sous les feux de la fée électricité.
Les fils d’eau sont sordides car l’assainissement est un concept inconnu au village. Chacun envoie au caniveau des eaux sales qui véhiculent quelquefois les cheveux des fonds de baignoire, les pâtes et les restes des repas, nourrissant de cette façon la faune sauvage des rues et se transformant en plaque de verglas l’hiver à la grande joie des petiots qui découvrent alors les joies du patinage artistique.
Il n’y a pas de collecte régulière des ordures ménagères. Ce sont les conseillers municipaux, aidés de Guislain, le garde-champêtre, qui prennent en charge ce service. Environ une fois par mois, à condition que la météo soit clémente, c’est-à-dire qu’une pluie continuelle n’ait point rendu les chemins boueux, les élus, avec tracteur et remorque, investissent les rues du village, ramassent les sacs puants contenant les ordures et vont porter le tout à la décharge municipale située hors des murs du village, comme le cimetière, dans le chemin qui fut jadis, paraît-il, emprunté par la carriole du grand Fénelon, archevêque de Cambrai en 1695, prélat, orateur et grand écrivain français.
La décharge municipale, où s’accumulaient depuis des décennies les ordures de la civilisation, est évidemment illégale et donc interdite. Un jour, la commune, mise à l’index, fit venir de la ville un savant hydrogéologue. Celui-ci, après avoir sondé le site pollué, déclara que tout allait bien et qu’il convenait maintenant de planter sur les lieux des arbres à feuillage persistant. Ce qui fut fait. Depuis ce temps, les habitués du parcours du cœur, dans leur randonnée annuelle, ainsi que les enfants de l’école que le maître fait marcher, ne se doutent point que les arbres qu’ils frôlent de leur pelisse puisent leur force dans les détritus, les plastiques et les carcasses de voitures rouillées. Ainsi va la nature, ainsi vont les choses.
Voilà donc à quoi ressemblait la vie quotidienne dans un village quelconque du Cambrésis il y a une trentaine d’année.
Rassurez-vous, de nos jours, aux premières heures du vingt et unième siècle, ce même village, sous l’action des municipalités successives et de « l’air du temps », est devenu heureusement, comme la plupart des villages, un endroit où il fait bon vivre, comme il est dit dans les discours, paisible, propre et offrant à sa population tout le confort moderne : collecte hebdomadaire des ordures avec tri sélectif, gaz naturel, eau potable, assainissement, lampe au sodium dans les lampadaires, voirie correcte, internet haut débit, bâtiment scolaire rénové. Que demander de plus ?
La cour d’école est la place du village
Revenons en 1975. En août, nous installons nos meubles dans l’immense logement de l’école, dont les plafonds culminent à trois mètres cinquante, glacial en hiver, frais en été. Les toilettes sont à l’extérieur. Des glaçons, au plus fort de la saison froide, garnissent la salle de bain. Il me faut purger les canalisations le soir pendant les temps de très grand froid. Des fleurs de gel décorent les vitres de la chambre à coucher et dégoulinent après quelques heures de fonctionnement du radiateur électrique. D’énormes araignées sont à l’affût derrière les rideaux et sous le canapé, surtout en septembre. Ces horribles bestioles, les tégénaires, courent sur la moquette le soir quand nous regardons la télévision et font hurler de peur notre fille Sylvie.
Quelques mètres derrière le logement se trouve l’école à deux classes : la classe des petits et la classe des grands. Les urinoirs des petiots sont à l’extérieur aussi. L’odeur qui s’en dégage au printemps ne gêne personne, semble-t-il. Un petit préau censé protéger des intempéries est tellement bien conçu qu’en temps de pluie une énorme flaque persiste sur le sol. Ce défaut et son exiguïté font que nous ne sortons en récréation que s’il ne pleut pas. Les classes, sales et poussiéreuses, ne sont nettoyées que lors des vacances : Toussaint, Noël, février, Pâques et été. Chaque soir, la femme de service vient donner en vitesse un coup de balai et remuer la poussière. J’ai appris plus tard qu’elle était payée une misère par la commune.
Il m’a fallu des années pour parvenir à changer les choses. De nos jours, les classes sont lavées chaque soir et époussetées de temps en temps. Des sanitaires jouxtant la classe des petits ont été construits et, luxe suprême, les petiots peuvent se laver les mains avec de l’eau chaude. On n’arrête pas le progrès !
La mairie est à quelques mètres de distance, devant le logement de l’école. Des fenêtres du bureau du secrétariat, j’aperçois mon habitation. Difficile également d’avoir un local propre ! La poussière et l’humidité sont omniprésentes. Malheureusement, cette atmosphère polluée ne convient guère à l’ordinateur. Celui-ci, de temps en temps, tombe en léthargie. Il me faut alors pousser le radiateur électrique à fond afin d’assécher les neurones de l’animal qui finalement consent à repartir.
Situation unique en France : la cour d’école est aussi la place du village, devant le logement. Vingt-cinq mètres sur quinze. Pas de clôture ! Les véhicules de la civilisation circulent de chaque côté. Evidemment ma collègue et moi étions en permanence sur le qui vive lors des récréations, car il fallait surveiller les enfants tentés de circuler autour des arbres qui bordaient ce lieu. Quelquefois nous sortions des classes et nous trouvions dans cette cour ouverte des voitures garées, notamment les jours d’enterrement car l’église était toute proche. Cette cérémonie attire au village beaucoup de monde car c’est le lieu par excellence où l’on doit se montrer. Les gens se garaient là sans savoir qu’ils étaient aussi dans la cour de récréation. Certains retrouvaient, à la fin de l’office, leur véhicule entouré d’une kyrielle d’enfants et d’un maître d’école qui les obligeait à s’écarter pour que le conducteur, ébahi, puisse quitter cet endroit probablement hors normes.
D’autre part, combien de fois ai-je du poursuivre un chien qui traînait dans la cour, à moitié fou quand il apercevait les enfants autour de lui, impatient de jouer et de batifoler ! L’employé communal était chargé de ramener le gentil toutou à ses maîtres en leur demandant de veiller à ce qu’il n’aille pas, à l’avenir, divaguer dans les lieux publics !
En septembre, nous devions subir, après la fête communale, la présence du manège sur la place publique. Les petiots étaient heureux de faire la récré sous l’œil indifférent des forains qui démontaient leur métier. Celui-ci, désossé, perdait la magie qu’il possédait encore la veille en tournant immuablement sous les yeux enfantins émerveillés.
De chaque côté de l’ensemble école-place, des voitures, des camions, des autocars et des tracteurs circulaient. La municipalité a installé à proximité des panneaux attention école, mais ceux-ci étaient sans effet et les fous du volant continuaient à rouler à grande vitesse de part et d’autre de notre école. La place servait aussi de terrain de sport. Quelquefois un ballon quittait notre espace et se retrouvait sur la route départementale. Nous allions le rechercher avec mille précautions. Aucun accident ne fut à déplorer pendant toute la durée de mon séjour à l’école. Après mon départ et sous la pression parentale, la commune a du clôturer cette place sur trois côtés, se laissant la possibilité de la transformer en parc de stationnement si la nécessité s’en faisait sentir.
De chaque côté de la place, il y avait des tilleuls, qui pleuraient au printemps en nous arrosant de leurs effluves apaisants. Au fond, une vingtaine de marronniers lâchaient comme des bombes leurs bogues piquantes sur la tête des enfants. Ceux-ci nous apportaient en cadeau des dizaines de marrons bien lustrés dont nous ne savions que faire. En novembre, c’était la chute des feuilles. Le sol se recouvrait petit à petit d’un épais tapis multicolore qui faisait la joie des enfants jusqu’à ce qu’un coup de vent violent n’envoie le tout dans une rue adjacente.
Un cadre enchanteur me direz-vous ? Peut-être. On peut dire aussi bucolique, rural, familial, apaisant. Ajoutons…dangereux ! Très dangereux ! Un jour de forte tempête, un vieux tilleul, énorme mais qui pourrissait sur pied, s’écroula sur la maison de l’école et en détruisit la toiture. L’émotion fut grande car nous venions de rentrer en salle de classe quelques minutes auparavant et nous aurions pu avoir la totalité du centenaire sur nos têtes. La commune se dit alors qu’il fallait réagir et prendre des décisions. L’assureur prit en charge une grosse partie de la dépense de reconstruction de la toiture. L’ouvrier communal eut ensuite la dangereuse mission d’étêter tous les arbres de la place publique, après une séance houleuse au Conseil Municipal : fallait-il les couper complètement ou simplement les raccourcir ? Les arbres de la place publique sont comme une institution dans notre village. Les toucher est très impopulaire et dangereux en période électorale. Ils furent toutefois étêtés par le dit cantonnier, qui dut emprunter une échelle car la commune n’en possédait pas, sans sécurité d’aucune sorte et nous nous demandions chaque jour, en récréation, si cet ouvrier zélé
