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L'Etrangère, chroniques d'une blanche
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Livre électronique233 pages3 heures

L'Etrangère, chroniques d'une blanche

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À propos de ce livre électronique

L’Afrique hante ses souvenirs d’enfance, l’Afrique la fait rêver... et puis le rêve devient réalité. Mais qui rêve encore de partir en Afrique autrement qu’en safari-photo bien encadré ? Quelle femme envisage sereinement de troquer sa carrière pour découvrir le plus beau métier du monde : celui de Femme d’Expat ? Une vie de luxe et d’exotisme ? Pas si sûr ! A travers les péripéties bien terre à terre, le ton alerte et souvent moqueur devient grave quand il s’agit de décrypter le mode de vie et le fonctionnement d’une société si éloignée de nos conforts et conformismes occidentaux ... Trouver les gestes et les mots qui font que l’on est accepté ou pas, plus difficile encore, trouver les interstices qui permettent de glisser un regard sur cette société autant que sur la nôtre. Et si, au bout du compte, on partait à la rencontre d’une Afrique ... d’un des derniers bastions de la résistance à la société de consommation mondialisée ?
LangueFrançais
Date de sortie4 nov. 2014
ISBN9782312026367
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    L'Etrangère, chroniques d'une blanche - Laure Wybo

    cover.jpg

    L’Etrangère

    Laure Wybo

    L’Etrangère

    Chroniques d’une blanche

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2014

    ISBN : 978-2-312-02636-7

    Avant-Propos

    Discours d’Abdou Diouf à l’Élysée, le 20 mars 2011, pour les journées de la Francophonie.

     « Quel courage politique il aura fallu aux pères fondateurs, au lendemain des indépendances, pour faire triompher l’idée d’une communauté construite sur le partage de la langue française, héritage linguistique colonial, ne porterait aucunement atteinte à la souveraineté récemment acquise des États, qu’elle ne trahirait ni les intérêts de l’Afrique, ni les langues et les cultures de ce continent », a noté l’ancien chef d’État sénégalais, poursuivant : « promesse d’ouverture au monde, d’intégration régionale, continentale, mondiale, promesse d’un langage universel qui parle de l’Homme aux hommes ». « Qu’avons-nous fait, durant quarante ans, si ce n’est libérer toutes les potentialités de cette entreprise avant-gardiste, si ce n’est donner corps et substance, étape après étape, à cette ambition si exigeante qu’elle ne pouvait prendre sa pleine mesure qu’à l’aune du temps et de l’engagement des bâtisseurs qui l’ont servie depuis lors », s’est interrogé Abdou Diouf. Il a ajouté : « nous avons pris la mesure des promesses, mais aussi des effets pervers de la mondialisation ».

    Préambule

    Il est 5 heures 30 du matin, sous l’impulsion d’une hôtesse de l’air impeccable, malgré sa nuit blanche passée au service des passagers, la grosse porte avant gauche du Bœing 747 coulisse et s’ouvre sur une terre nouvelle. Du plus loin que je me souvienne, j’ai toujours rêvé d’aventures et de découvertes. Mais, je n’appréhende pas ce qui va se jouer et à quel point cette réalité va aller au-delà de mon imaginaire de petite fille.

    Tout le monde est sorti, il ne reste plus que moi et ma pochette UM{*} autour du cou dans la carlingue. C’est enfin mon tour. Je me lance. Après avoir traversé une rangée interminable de fauteuils dont les gros accoudoirs m’agrippent et freinent mon élan d’impatience, j’arrive enfin sur la passerelle. Là, cette même charmante hôtesse et son chignon parfait m’attendent. Elle me sourit, me prend la main, et nous entamons notre dernière descente. Il fait à peine jour. J’ai du mal à distinguer les formes. À l’inverse, la chaleur et l’humidité s’imposent et me collent immédiatement à la peau. Mes vêtements semblent instantanément humidifiés. Tout aussi intensément, l’odeur de kérosène imprègne mes narines. Je quitte cette dernière partie de sol français pour faire mon premier pas en terre africaine, à Dar es Salam capitale de la Tanzanie. Après douze heures d’avion, c’est le bout du monde. Comme envoutée, j’avance dans la torpeur sombre des premiers moments de l’aube. Je respire profondément. Dans cette moiteur chargée des essences qui composent la faune et la flore de ce continent encore sauvage, je découvre, je m’abandonne. Cette senteur est là, intense, poignante. J’ai dix ans, c’est charnel ! Et je ne l’oublierai jamais.

    Partir

    — Chérie, fais tes valises !

    — Où allons-nous ? Je prends, mes affaires d’hiver ou mes affaires d’été ?

    — Les deux, tu te casses !

    C’est sur le thème de cette blague douteuse que j’ai appris que nous partions pour une tranche de vie à l’africaine. Il est 21 heures, Romaric vient de rentrer du bureau. Il m’annonce de but en blanc notre expatriation imminente. Moment d’arrêt pendant lequel je scrute les moindres détails de son expression. Dans la profondeur de ses yeux verts, l’immensité de cette vérité, insondable en cet instant, s’impose. J’éclate de rire, je saute de joie. Hortense, notre bébé, dort, sinon je l’aurais volontiers entraînée dans une ronde tourbillonnante. Dans l’excitation, je laisse à peine le temps à Romaric de se défaire. Heureusement, nous sommes au mois de septembre et il n’a qu’un imperméable à ôter. On fonce sur le réfrigérateur. On ouvre une bouteille de champagne. Un atavisme familial, on a toujours une bouteille au frais au cas où. Un lundi ? Peu importe quel jour nous sommes. On s’assoit sur les tabourets de la cuisine. Le salon est trop loin tant notre impatience à échanger est forte, et on se raconte. On s’imagine pendant des heures ce grand départ, oubliant de dîner.

    On va chercher notre dictionnaire – Internet et le wi-fi n’ont pas encore fait leur incursion dans nos foyers. Alors, où allons nous exactement ? Le Gabon ne nous est pas totalement inconnu. Le hasard de nos histoires familiales fait que nos deux familles y ont passé un moment. À la fin des années quarante, mon grand-père a travaillé à Libreville pour le transitaire Delmas-Vieljeux. Le transport maritime des billes de bois y était déjà une grosse activité portuaire et économique. Alors que l’exploitation du pétrole n’en était pas encore à sa phase d’exploration. Quant à mes beaux-parents, ils ont vécu à Port-Gentil à la fin des années soixante. Mon beau-père œuvrant à la création de la marine nationale gabonaise. Le Petit Larousse est ouvert à la bonne page : « État de l’Afrique Centrale sur l’Atlantique, deux cent soixante-huit mille kilomètres carrés, moins d’un million d’habitants », la description y est très encyclopédique, avec l’essentiel et sans fioritures. Ce n’est pas grave, j’ai quand même une petite idée de ce qu’est l’Afrique Equatoriale. Je plane complètement. Non, non, ce n’est pas le champagne, c’est un rêve qui devient réalité.

    Origines

    Pourtant, on l’aime notre vie de Courbevoisiens. On l’aime notre appartement en rez-de-jardin, clair et bien agencé, à l’angle de la rue piétonne commerçante et de son excellente boulangerie. Il est plutôt grand pour le jeune couple avec un enfant que nous sommes. Soixante-dix mètres carrés, deux chambres, un salon et un parking en sous-sol. Des parquets dans l’entrée et le salon, de la moquette dans le couloir et les chambres. On y est bien avec notre poupette. Pendant ma grossesse, ma grand-mère est venue pour m’aider à faire mes rideaux. J’étais tellement fière de mes petites mains, le jour où je les ai enfin accrochés ! Le maxi-plus de cet appart, c’est son jardin de trente mètres carrés. Royal pour des parisiens ! Nous pouvons jouer aux jardiniers, lézarder sur une chaise longue, déjeuner, dîner et parfois même petit-déjeûner dehors. Mais le luxe, le vrai luxe, c’est que Romaric est à dix minutes à pied de son bureau et moi à cinq minutes du mien en voiture. Enfin, à partir de demain je pourrais dire « j’étais à cinq minutes en voiture ». Oui, à partir de demain, je ne travaille plus. Ce n’est pas une blague ! C’est un heureux concours de circonstances. Je ne ferai pas partie de ces épouses qui ont sacrifié leur carrière pour celle de leur mari. J’ai donné ma démission, il y a un mois, pour rester à la maison et m’occuper de ma fille chérie. Eh oui ! C’est comme ça, personne ne peut s’occuper de mon enfant aussi bien que moi.

    En vain, j’ai essayé de trouver une nounou, pour faire comme tout le monde, comme les autres, comme mes copines. Mais le problème, c’est que je ne suis pas comme tout le monde. Et au bout de la troisième horrible tentative, j’ai décidé d’arrêter les dégâts et d’élever mon enfant moi-même. Ne souriez pas en coin les pros du process-com (une grille de classement des comportements des individus sous stress à but managérial, encore un truc des Américains). Je sais que toutes ces attitudes ressemblent étonnamment à une base persévérante en phase travaillomane. Ou plus simplement comment un clone de Bree VandeKamp couplé d’une Lynette Scavo réagirait-il dans de telles circonstances ? À ma décharge, il faut dire qu’à cette époque j’ai eu le don d’attirer les cas. À croire que je le faisais exprès ! J’ai commencé par suivre les bons conseils des copines, toujours elles. Je suis allée au kiosque de Neuilly-sur-Seine, un kiosque à journaux à la sortie du métro Pont de Neuilly. C’est là qu’elles collent toutes leur offre de service, femmes de ménage, repasseuses, nounous, etc. En un coup de voiture, j’avais listé les annonces susceptibles de m’intéresser. J’ai passé quelques coups de téléphone et ce fut le défilé. J’avais un test d’embauche que je pensais imparable. Je leur mettais ma fille dans les bras, si elle pleurait, je les raccompagnais le plus rapidement possible à la porte et les remerciais chaleureusement de s’être dérangée pour rien. À force, je ne les laissais quasiment plus passer la porte d’entrée. Le filon épuisé, j’ai dû changer de tactique, intensifier mes recherches et mettre un peu plus de pression sur mon réseau de cop’s. À quelques jours de la date fatidique de ma reprise de boulot, on me recommande une jeune femme extra-ordinaire, Élodie. Elle faisait beaucoup de baby-sitting dans le quartier en attendant de trouver une place plus stable.

    Au premier abord, elle avait en effet un air tout a fait digne de confiance. Et puis, il allait bien falloir qu’elle le soit, car le temps avait passé et je n’avais vraiment plus le choix. Elle aimait beaucoup les enfants et voulait bien faire un peu de ménage et de repassage. Idéal. Le premier matin, elle arrive, je lui rappelle les grandes lignes du rythme des repas d’Hortense. De toute façon tout est noté et je le lui ai déjà détaillé deux jours plus tôt. Je pars. La journée passe plutôt rapidement, j’ai quand même pas mal de dossiers à reprendre en main et du monde à saluer. À 18 heures pile, j’éteins mon ordinateur et je fonce chez moi. Élodie confirme : « tout s’est très bien passé ». Elle enfile son manteau rapidement et quitte l’appartement tout aussi rapidement. « Tiens ?! » Je jette un coup d’œil dans le couloir, Hortense est calme, dans son lit. Je vais dans la cuisine me laver les mains et faire chauffer de l’eau pour une tasse de thé tardive. Là, je tombe sur un biberon plein et chaud. Vous voyez la tête d’Achille Talon dans Méprise l’obstacle quand il est face à une situation incompréhensible. Eh bien là Achille c’est moi – bon, sans le gros nez, ni les oreilles décollées, ni le tour de taille, d’ailleurs. Je suis en arrêt devant le micro-onde, l’esprit embrouillé et un énorme point d’interrogation qui flotte au dessus de ma tête. La porte sonne. Anne, ma voisine passe me saluer et prendre des nouvelles de cette première journée de reprise. Elle remarque ma tête déconfite. Dans un silence perplexe presque absolu, je lui montre le biberon chaud et plein, objet de mon désarroi. Nous prenons place dans le salon, une tasse de thé fumante à la main et elle m’avoue qu’elle a beaucoup entendu Hortense pleurer. Là, je craque. Je fonds en larmes : « ma fille n’a pas eu assez à manger », « elle va être complètement décalée, alors que notre vie est si bien rythmée », « mais qu’est-ce que c’est que cette nounou » qui en plus n’est même pas propre, si je me fie à l’état des toilettes dont je viens de sortir !

    Je me ressaisis. Action, réaction, il faut trouver une nouvelle nounou. Je ne travaille pas les mercredis et vendredis. J’appelle ma mère, demain elle prend le relais. Pour jeudi, j’appelle un organisme qui m’avait proposé une jeune fille. Je la joins assez facilement et lui propose de venir me rencontrer chez moi le surlendemain pour lui présenter Hortense et lui faire faire le tour de la maison et de mes petites habitudes. Elle est très jeune : dix-neuf ans. Ne faites pas cette tête-là, nous aussi, on a eu cet âge ! Elle a des frères et sœurs, dont elle s’est beaucoup occupée. Elle a besoin de travailler au domicile de particuliers pour valider une expérience suffisante et devenir nourrice agréée à domicile. Elle débarque donc à la maison comme convenu. Elle est assez grande et assez forte et très souriante. Elle écoute patiemment toutes mes recommandations. Nous faisons le tour de l’appartement, des placards et tiroirs. Nous allons nous promener dans les jardins et autres rues piétonnes du quartier. Rien ne lui est inconnu à ce moment de la journée où nous nous asseyons pour discuter un peu. Elle prend un grand verre de jus d’orange pendant que je descends mes litres de Contrex dans l’espoir de vite retrouver ma ligne de jeune fille. Confidence pour confidence, elle commence à me raconter qu’elle a fait un mois d’hôpital psychiatrique l’année précédente, que son fiancé est en prison, mais qu’il sort bientôt, dans trois mois. Haaaa ! L’électrochoc ! Ses récits terminés et sans rien laisser paraître, je la raccompagne à la porte.

    Il est 17 heures et je n’ai plus le temps de trouver qui que ce soit d’ici demain matin. Je réussis à faire abstraction de ma contrariété, quand je pouponne, mais dès le bébé calé dans son maxi-cosi, je repars à l’assaut. La soirée se passe. L’heure décente pour prospecter et téléphoner est dépassée, celle de se coucher ne tarde pas à arriver. L’avantage d’être une grosse dormeuse est très appréciable dans ces moments de grande anxiété. Mais le lendemain matin, je pleure en donnant le sein à Hortense avant de partir travailler. Romaric essaie de me rassurer tant bien que mal, sans succès. Aujourd’hui, je ne pourrai pas revenir déjeuner, mais j’ai prévu de rentrer immédiatement après mon dernier rendez-vous de la journée, c’est-à-dire vers 16 heures, « surtout éviter de compter combien d’heures abandonnées aux mains de cette nounou au total ! ». Ça sonne. La nounou numéro deux arrive et avec elle l’heure de partir au bureau. J’embrasse ma fille tendrement, et dans un élan de courage, je la remets, avec toute la dignité requise en cet instant, aux mains de cette jeune femme au passé déséquilibré. Quand je pars en rendez vous en milieu de matinée, la tension est trop forte. J’appelle ma meilleure amie Claire. Elle n’a pas encore d’enfants, mais elle sait ce que c’est. Par chance, son emploi du temps de la journée lui permet de se libérer relativement tôt. À 15 heures 30 elle est chez moi, elle récupère les clés de l’appartement, remercie la jeune fille avec douceur et politesse en lui précisant que je la rappellerai pour la suite. Quarante-cinq minutes plus tard, soulagée, je la retrouve « tout s’est bien passé ! » Nous sommes débarrassées de l’intruse sans encombre. La maison est calme, Hortense dort. Nous n’avons plus qu’à savourer notre complicité autour d’une tasse de thé – oui, j’adore le thé. Cependant, il n’est pas encore l’heure de relâcher la pression et de me reposer sur mes lauriers, j’ai toujours une nounou à trouver !

    Cette troisième nounou, Rachida, était idéale. Elle avait presque trente ans, elle était douce, soignée, gentille, précautionneuse. Parfaite en un mot. Libérée, je réussis enfin à me remettre dans le bain professionnel. À prendre un rythme, à retrouver des marques, même si je dois avouer que mon temps partiel n’est pas du goût de mon employeur. Il joue avec ma motivation en permettant à « un petit jeune aux dents longues », mais sans carrure, de suivre mes dossiers pendant mes jours d’absence. Celui-ci voudrait bien s’approprier un portefeuille florissant. Je suis commerciale dans la communication sur un secteur pas très sexy au premier abord, mais très lucratif quand on veut bien se donner du mal. Tout va pour le mieux dans cet univers de serpents cracheurs – que je réussis à charmer non sans peine – quand au détour d’une conversation mon adorable nounou numéro trois m’annonce qu’elle essaie désespérément d’avoir un enfant. J’étais rentrée un peu plus tôt et elle finissait de repasser quelques chemises quand elle commence à me raconter qu’elle a depuis peu recours à la fécondation in vitro. Et une chape de béton sur la tête, une ! Ma super Marocaine va être enceinte, c’est malgré tout ce que je lui souhaite, et comme il ne faudra surtout pas qu’elle se fatigue ni ne prenne le moindre risque, elle va passer sa grossesse couchée. Et nous, il va falloir que nous repartions à la recherche d’une nounou de remplacement, avec toute la paperasserie et les surcoûts que cela va engendrer. Ce n’est pas possible, trop c’est trop ! Entre ce petit crétin au bureau qui prend mon siège deux jours par semaine en espérant me piquer mes com’ et ces nounous à la noix, moi j’arrête de bosser.

    Bon ! Inutile de le préciser, cette nouvelle est plutôt mal accueillie dans notre entourage. C’est un tollé général. Tous, autour de nous, s’insurgent contre cette décision.

    — Tu n’y penses pas sérieusement ? Tu gagnes tellement bien ta vie !

    — Tu aimes tellement ton travail !

    — Tu ne vas pas tout lâcher comme ça sur un coup de tête !

    — Ça doit bien exister les bonnes nounous, comment font

    les autres ? Bref, l’incompréhension généralisée...

    Mais ce soir, une petite voix me dit que cette décision est la bonne. Notre destin est de partir, il n’y a pas de hasard. Là-bas, tout va être différent. C’est l’aventure et puis cette expérience vécue dans mon enfance m’a laissé un goût de trop peu. Je savais que j’y retournerais un jour. On se demande comment on va annoncer la chose à notre entourage. Quel choc ! Seul le champagne a raison de notre besoin de dormir. Une fois couchés, sans les effets soporifiques de cette boisson pétillante, nous aurions pu tourner encore des heures au rythme de toutes ces interrogations provoquées par un si grand bouleversement.

    Quand je m’endors, je ne sais pas encore que je vais exercer le plus beau métier du monde : femme d’expat’.

    Le départ

    Première étape, annoncer notre départ à nos proches. Pas par téléphone, la nouvelle est trop énorme. Il faut organiser des déjeuners, des goûters, des dîners. D’abord, il y a Juliette, ma petite sœur, comme je l’appelle. Ça l’énervait quand nous étions étudiantes. Quand j’annonçais sa venue, les gens s’attendaient à voir arriver une enfant. Ils étaient systématiquement surpris. Nous n’avons que quatorze mois d’écart. Aujourd’hui, ça l’amuse que je l’appelle comme ça, avec ce doux et néanmoins désuet ton protecteur tellement caractéristique des aînés. Mais quand on lui a annoncé notre départ, ça ne l’a pas amusée du tout. Elle n’a jamais supporté de me voir partir, ma petite sœur. C’est son bouclier qu’on lui arrache, la laissant sans défense, nue, vulnérable, seule face au monde qu’elle a longtemps cru

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