A l’eau de rose

Vacances, pour moi ce mot était devenu magique. Depuis quelques jours je n’arrêtais pas de l’employer. Je n’avais pas besoin de dictionnaire pour savoir qu’il était synonyme de repos, détente, soleil, lecture et bien d’autres mots encore que je n’avais plus prononcés depuis au moins onze mois. Pendant toute la durée des congés j’allais pouvoir organiser ma vie comme je l’entendais sans la moindre contrainte horaire. Le bureau : oublié ! Internet : oublié ! Le métro : oublié ! La cantine : oubliée ! Contrairement à certaines de mes collègues de travail, je n’avais pas envisagé de voyage au bord d’une mer agitée.

Le soleil, j’allais le prendre à la piscine non loin de mon domicile. Ce vendredi-là j’avais fait un crochet par la librairie Gutenberg pour y acheter plusieurs « passeports pour l’évasion ». C’était ainsi que je nommais les quelques romans dont je raffolais. Le libraire, M. Jamet, me connaissait bien à présent et, dès qu’il me voyait entrer, il s’écriait presque toujours :

– Eh bien, avec vous les écrivains sont certains de ne jamais être au chômage ! Qu’est-ce que je vous sers : un petit Danielle Steel ou bien un Janine Boissard ?

Vous vendre un livre comme on vous propose un café était ce qui faisait son charme. M. Jamet n’avait pas son pareil pour vous trouver la perle rare des romans captivants. A croire qu’il ne possédait que des chefs-d’œuvre.

– Lune à Lomé, m’avait-il dit en me tendant un livre à la couverture bleue et dorée. Il disait avoir visité le Togo sans bouger de la capitale et cela ne pouvait pas mieux tomber. Je voyais déjà mes collègues de bureau pâlir de jalousie en entendant le récit de mon safari. Il avait glissé le roman et quelques autres à l’intérieur d’une pochette puis s’était écrié :

– Alors bonne lecture !

Le voyage, j’allais le commencer sans tarder.

Le soir même, juste Je m’allongeai sur mon lit tout en continuant ma lecture : Je tâtonnai pour trouver le paquet de cigarettes se trouvant sur ma table de chevet. Mais où avais-je donc posé mon briquet ?