Le Journal du dimanche

LOOKING FOR SÜSKIND

L'idée, c’était d’aller trouver Patrick Süskind et de lui faire dédicacer mon exemplaire du Parfum. Mais trouver Patrick Süskind n’est pas une mince affaire. En dehors de ses proches, nul ne sait vraiment à quoi il ressemble aujourd’hui. Si l’on fouille les entrailles d’Internet, les photos de lui se comptent sur les doigts d’une main à laquelle on aurait amputé deux phalanges : une, deux, trois. On trouve davantage de photos de Baudelaire ou de Rimbaud, c’est dire si Süskind est discret. On ne connaît pas non plus le son de sa voix : il n’a donné qu’une poignée d’interviews (aucune à la télé, aucune à la radio), et la dernière remonte à la fin des années 1980 ; depuis, il se tait. À 73 ans, Süskind partagerait son temps entre l’Allemagne et la France, entre Seeheim, un petit village sur le lac de Starnberg, à une trentaine de minutes de Munich, et Montolieu, un petit village perché sur les contreforts de la Montagne Noire, entre Toulouse et Carcassonne. Un jeudi matin du mois d’août, j’ai décidé de m’y rendre.

– Süssekind ? L’auteure du Parfumg ? En gare de Carcassonne, le chauffeur du taxi m’accueille avé l’accent du Midi. Les o sont ouverts, les syllabes allongées, les e muets se prononcent :

– Il a une maison dans le coing, vous dites ?

Il n’a pas l’air au courant. Le Parfum, oui, il connaît, il n’a pas lu le livre mais il a vu l’adaptation qu’en a faite Tom Tykwer en 2006. Comme il est cinéphile, une vingtaine de minutes plus tard nous en sommes à débattre du meilleur film de Kubrick (je penche pour Full Metal Jacket, lui soutient que c’est Orangeuuu mécanique), mais nous n’avons pas le temps de trancher le débat : nous voici à Montolieu, sur la place principale où le chauffeur de taxi me dépose.

Si l’on jette un œil à la brochure distribuée à l’office de tourisme, on apprend que Montolieu doit son origine à l’implantation sous Charlemagne d’une abbaye bénédictine dédiée à saint Jean-Baptiste. Au XIIsiècle, le vicomte de Carcassonne lui donne le nom de Montoliou (le mont des Oliviers), et au milieu du XIXon dénombre à Montoliou, qu’on appelle désormais Montolieu, un peu plus de 2 500 habitants. Pas tout à fait une ville, plus tout à fait un village, Montolieu à cette époque est un bourg : un bourg dont la population vit essentiellement de la viticulture, de la tannerie et du travail dans les usines alentour. Puis c’est le XXsiècle, celui de l’urbanisation, des migrations rurales, des villes qui grossissent et deviennent métropoles, des métropoles qui s’engraissent et deviennent mégalopoles, et à la fin des années 1980 l’ancien bourg de Montolieu n’est plus qu’un village, et un village Un client m’avise avec mon exemplaire du dans la main. Il soupire : Le Parfum

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