La messe bleue: Un témoignage tendre et touchant
Par José Herbert et Benoît Decavele
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À propos de ce livre électronique
« Lola, ma petite fille, est née le 20 janvier 2009, porteuse en son giron de la terrible maladie de Hirschsprung, dont le vocable imprononçable, vous en conviendrez, m'oblige, à chaque fois qu'il m'arrive de l'écrire, à réfléchir à l'emplacement des h, des s, des r, des c. Aujourd'hui 26 février, elle est âgée de un mois six jours et j'ai pris la décision d'écrire le journal de sa première année d'existence... »
José Herbert nous livre ici un témoignage sincère, tour à tour sensible, tendre ou drôle et se fait le porte-parole de tous les parents confrontés à la nutrition artificielle, dite parentérale, qui touche les enfants atteints de maladie ou malformation digestive.
C'est un hymne à Lola porté par un grand-père débordant d'amour pour sa petite fille, un hymne à la force de vie qu'un enfant porte en lui, indéfiniment... – Préface de Benoît Decavele, vice-président de l'association « La vie par un fil ».
Un témoignage d’espoir et un hommage au corps médical qui fait des miracles
EXTRAIT
5 mars. Lola fait le peau à peau avec sa maman. Elle prend appui sur ses coudes et ses petits poings, soulève sa tête et plonge ses grands yeux bleu foncé dans ceux de Cécile, mais la tête est lourde, pour ce petit corps si fragile ; elle ballote de droite et de gauche, avant de retomber lourdement sur l’épiderme maternel, pour se redresser ensuite et retenter l’aventure. Cela me fait penser à ces horribles toutous en plastique, placés sur la plage arrière de la berline monospace, dont la tête oscille au gré des hoquets du véhicule. Bientôt la petiote abandonnera sa gymnastique, épuisée sans doute, et ne montrera plus qu’un œil gauche grand ouvert, le dextre se collant au fin duvet poitrinaire. La paupière s’alourdira enfin, vaincue par le sommeil, malgré une résistance qui la fera de temps en temps se desserrer et découvrir un regard inexpressif noyé dans les nimbes de Morphée.
À PROPOS DE L'AUTEUR
José Herbert a suivi une carrière d'instituteur primaire, après laquelle il s'est officiellement lancé dans l'écriture. Il compte plusieurs ouvrages à son actif, notamment L'instituteur impertinent.
En savoir plus sur José Herbert
L'instituteur impertinent: Récit de vie Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLes chiens de Pavlov: Une vision déjantée de la société Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationSigné la grande faucheuse: Un roman déjanté ! Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluationLe dernier jour: Un roman délicieusement cynique Évaluation : 0 sur 5 étoiles0 évaluation
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Aperçu du livre
La messe bleue - José Herbert
princesse.
Préface de l’association « La Vie par un Fil »
Je suis moi-même père d’un enfant nourri par nutrition artificielle, dite parentérale, depuis sa naissance, en octobre 1999, comme tant d’autres parents d’enfants atteints de maladies ou malformations digestives.
J’ai donc lu avec beaucoup d’émotion, en tant que « parent-soignant » ce livre de José Herbert. Il retrace les premiers mois de l’évolution de sa petite fille Lola qui, elle aussi, a besoin quotidiennement d’une nutrition artificielle depuis sa naissance.
Je me fais le porte-parole de tous ces parents, familles, proches qui, comme José, vivent tour à tour des moments d’incertitude et d’angoisse, puis d’espoir sans cesse renouvelé car l’enfant est le souffle de l’espérance et de la vie. Et la petite Lola nous montre la voie, accompagnée par l’amour de ses proches.
José a aussi le talent de décrire la maladie et ses conséquences, les différents processus et les techniques utilisées. La gestion de la nutrition artificielle a progressé de façon spectaculaire depuis les années 1980, permettant ainsi de dispenser les soins à domicile. Ce retour à la maison est capital pour le bien-être psychologique de la cellule familiale. Toutes ces étapes sont magnifiquement décrites par José tout au long de son livre, avec un regard plein de tendresse et de lucidité.
Le titre du livre : ‘la messe bleue’ évoque symboliquement le vécu quotidien de nos familles. En effet, ce sont en majorité les parents qui, une fois rentrés au domicile avec leur enfant, se transforment en « parents soignants », le temps d’un « branchement » le soir et d’un « débranchement » le matin. La Messe bleue est ainsi synonyme de cette vie rendue possible au quotidien, par une technique de nutrition artificielle au domicile, alors que les parents ont revêtu leurs blouses bleues chirurgicales et stériles.
Hymne à la vie ! Hymne à Lola !
Enfin ce livre vous tiendra en haleine car il est rédigé sous forme de carnet de bord, synonyme de vie et aussi du précieux temps qui passe et donne de plus en plus l’espoir de repousser les limites… Teinté d’émotion, il nous aide aussi à prendre du recul et à relativiser face à l’enchaînement répétitif et lourd des soins quotidiens.
Aujourd’hui, de jeunes adultes continuent leur parcours en nutrition artificielle. Ils ont 20, 30, 40 ans.... A travers eux, force est de constater les progrès dans les domaines de la nutrition artificielle.
Ainsi l’Association « La Vie par un Fil » a accepté avec enthousiasme d’écrire la préface de ce livre, car il traduit fidèlement, avec tact, précision médicale et poésie, le quotidien de nombreuses familles confrontées à la nutrition artificielle d’un enfant.
Alors au nom de tous, merci Monsieur Herbert ! Et bonne lecture à nos amis lecteurs.
Le vice-président, Benoît DECAVELE
Pour l’Association « La Vie par un Fil » : www.lavieparunfil.com
Avertissement
Lola, ma petite-fille, est née le 20 janvier 2009, porteuse en son giron de la terrible maladie de Hirschsprung, dont le vocable imprononçable, vous en conviendrez, m’oblige, à chaque fois qu’il m’arrive de l’écrire, à réfléchir à l’emplacement des h, des s, des r, des c. Aujourd’hui 26 février Lola est âgée de un mois six jours et j’ai pris la décision d’écrire le journal de sa première année d’existence.
La vilaine maladie porte le patronyme de son savant découvreur, Harald Hirschsprung (j’ai fait un copier coller !), pédiatre danois, qui fut spécialiste des dysfonctionnements intestinaux. C’est au début du vingtième siècle que l’affection qui porte son nom est expliquée par l’absence de ganglions nerveux dans une zone du côlon. Pour faire simple, disons que les mouvements de l’intestin, qui assurent le transit en faisant descendre le bol fécal le long de l’intestin grêle et du côlon, sont normalement sous la dépendance de réseaux nerveux situés dans la paroi intestinale. Dans la maladie de Hirschsprung, ces réseaux n’existent pas, sur une zone qui, à partir de l’anus, peut remonter plus ou moins haut. On verra, dans le cas précis de Lola, et c’est plus rarissime encore, que la totalité de l’intestin, grêle et côlon, n’est guère innervée par ces réseaux nerveux, qu’on appelle aussi plexus. Les mouvements de l’intestin ne peuvent donc avoir lieu et cet organe est ainsi sans fonction. Il est présent, mais il ne sert à rien. Question souventes fois posée : pourquoi les échographies prénatales n’ontelles rien décelé ? A laquelle je réponds par une autre question : comment auraient-elles pu faire apparaître l’anomalie, puisque l’organe est présent ?
Hirschsprung, né à Copenhague en 1830, décède en 1916, atteint de sclérose cérébrale. La biographie de ce grand savant est sur le Net, où je renvoie donc les lecteurs pour peu que leur curiosité les titille au point de vouloir en savoir plus sur ce personnage infiniment plus sympathique que sa maladie.
Les médecins eux-mêmes, pourtant grandement savants, rechignent à prononcer ces mots terribles, maladie de Hirschsprung, car peu d’entre eux en connaissent les ressorts diaboliques, tant le mal est rare, extrêmement rare. Un cas sur 5000 naissances, dit le net, et encore, essentiellement des garçons, allez savoir pourquoi ! J’expliquerai plus loin, en détail, les composantes de cette terrible saloperie.
Pourquoi cette soudaine initiative de ma part, justement aujourd’hui 26 février, date ma foi fort quelconque, alors que l’enfant est née il y a un peu plus d’un mois? Je n’ai pas vraiment de réponse ! L’envie, que je n’ai sentie venir, me cingla comme un coup de fouet. Probablement pour ne pas oublier, car je sais maintenant que l’affaire est grave, hélas, et l’écriture, dans ce cas précis, est la mémoire de l’individu. Je veux être l’historien de cette vie naissante, pouvoir dans le futur lire et relire les événements, me repaître des épisodes, qu’ils soient bienheureux ou pénibles, à la lumière de ce que sera ce maudit futur, et surtout je veux que plus tard Lola, quand elle saura lire, puisse prendre connaissance de ce que fut sa première année d’existence, autrement qu’à travers le philtre des mémoires familiales, qui n’est guère fidèle car perturbé par toutes sortes de turbulences ! Ah ! Si seulement moi aussi j’avais pu consulter le récit de ma première année d’existence ! 20 novembre 1944, 20 novembre 1945. La fin de la guerre, les difficultés pour se loger, pour se nourrir. Pas de télé ! Pas de téléphone portable ! Pas d’ordinateur ! La galère ! Passons ! C’est une autre histoire.
D’autre part, que l’on se rassure ! Je ne veux point me faire de l’argent. Je ne veux point me faire de l’argent ! (J’ai crié !) Oh ! Que non ! J’aime trop ma petite-fille pour l’associer au culte du veau d’or ! Adoncques, si commerce il y a, car à l’heure où j’écris ces présentes lignes je n’en suis point sûr, loin de là, les droits d’auteur iront à Lola, du premier au dernier centime. Quelques euros ne lui seront sans doute pas inutiles, si vente il y a, si droits d’auteur il y a ! Je le répète ! Juré ! Craché ! Les pieds au mur, la tête dans la confiture ! Comme disent les petiots de l’école primaire. Quelques euros lui seront utiles ! Je le répète, pour adoucir son existence, et peut-être lui permettre de guérir de cette vilaine saloperie.
La démarche est également égoïste. Je l’avoue. J’aime écrire, manipuler les mots, les phrases, les paragraphes, transposer les idées et les connecter entre elles, associer la musique, le rythme, la poésie et le verbe. Las ! L’inspiration romanesque me fait défaut actuellement. Je crois deviner la raison de cette absence. Et puisque la muse me boude, je consacre à Lola mon désir d’écriture. Egoïste, la démarche est aussi délicate. C’est pourquoi le devenir du manuscrit sera une décision familiale. Je ne veux pas être soupçonné d’opportunisme. Je ne veux pas être assimilé à ces faux écrivains qui racontent leur cancer et courent ensuite les plateaux pour promouvoir leur récit, souvent mal écrit et inintéressant. J’ai conscience que le terrain sera miné, que je vais marcher sur des œufs (jolie expression !), que je m’expose aux déplaisantes critiques, en somme que je vais rencontrer des difficultés, mais qu’importe ! A mon âge, on ne craint rien ! La dérision les emportera.
Passe le temps et s’effacent les déplaisirs ! (c’est de moi !)
D’autre part, mon désir est que le lecteur qui plongera dans ce témoignage prenne de l’agrément à sa lecture. Comme je dis souvent lors de mes séances de dédicaces, la lecture est plaisir ou nécessité. Elle sera plaisir dans le cas présent ou ne sera pas. Pleurnicheries et nunucheries ne seront pas de la partie. Il ne s’agit pas de pleurer, mais d’espérer. Les lecteurs qui ont lu mes ouvrages précédents savent que je suis capable d’humour et c’est dans ce registre que la narration se fera.
Par ailleurs, je rendrai hommage à la façon dont les deux parents, Cécile et Florent, ont réagi face aux situations souventes fois difficiles, aux contraintes pas évidentes, aux soins biquotidiens à assumer, aux inquiétudes permanentes, faisant triompher l’amour qu’ils se portent l’un à l’autre, et l’amour qu’ils portent à leur enfant, Lola.
Enfin, je saluerai chapeau très bas la bonne entente familiale, côté papa et côté maman, le dévouement, l’aide efficace des uns et des autres, particulièrement de Sylvie, ma fille aînée, sœur de Cécile, mais aussi d’Olivier, de Christian, de Françoise, qui se reconnaitront, des cousins de Lola, Arthur et Valentin, de la mamie Adrienne et du papy José. Diable ! J’allais m’oublier !
En ce qui concerne la configuration du témoignage, j’ai adopté pour l’écriture la forme du journal, de l’agenda, plus pratique pour ce que j’avais envie d’exprimer, et plus cohérent par rapport au fait que la relation des événements se fera presque au jour le jour, dès que l’envie ou la nécessité me poussera et me portera devant le clavier AZERTY. Les lecteurs habitués à surfer sur le net mettront un visage sur le prénom de Lola et retrouveront des anecdotes sur le blog suivant : http://lamessebleue.centerblog.net/.
Leurs commentaires me seront précieux.
Je mettrai un point final au manuscrit (ne dit-on pas maintenant tapuscrit ?) dès lors que la poupée aura atteint l’âge de un an, donc le 20 janvier 2010. C’est mon intention. Adoncques, allons-y ! A cheval, ventre-dieu !
Prologue : les deux secrets
24 décembre 2008. La famille est réunie autour de la table. Ouf ! Nous ne sommes pas treize ! La catastrophe est évitée de peu. Douze, onze sont des nombres tout à fait inoffensifs, sympathiques en quelque sorte. Mais treize, c’est l’horreur. Qu’aurions-nous fait si la gabegie avait amené treize personnes autour de cette table de réveillon de Noël? Je n’ose y penser. Faire entrer de force le premier pékin rencontré dans la rue ? Envoyer se coucher le plus grincheux de la maisonnée ? En l’occurrence moi-même ? En fait, il aurait fallu considérer que Cécile, la plus jeune de mes deux filles, comptait pour une personne et demie, car elle nourrissait en son sein une plantule, la descendance, dont on ne connaissait ni le prénom qui lui sera donné, ni le sexe que la nature ou le hasard lui avait attribué. Double secret ! Suspens insoutenable !
Adoncques nous sommes onze et demi à célébrer l’anniversaire de la naissance du plus illustre, pardon, de l’un des plus illustres de nos cousins, Jésus de Nazareth, le Messie, l’envoyé, le fils du Père, avant de fêter dans deux mois, la naissance à venir, celle du demi (ou de la demie) qui crèche pour l’instant bien au chaud dans le ventre de sa maman.
Petit papa Noël, mon beau sapin, boules et guirlandes, foie gras, convivialité, tout y est, y compris, à la télé poubelle les malheureux sans abri qui s’éteignent dans le froid de la rue, y compris les véhicules bientôt calcinés à Strasbourg, y compris les bêtisiers, mais pas la crèche, car l’assemblée n’est guère pieuse, malgré l’anniversaire de ce soir, emblématique, mais pas la neige immaculée, pour cause de réchauffement climatique, donc de gazàeffetdeserre.
Au cours du repas, Florent, le papa moins deux mois, nous propose un jeu. Il nous donne à chacun une baudruche, genre concours de lâcher de ballons dans les fêtes populaires, avec la consigne de la gonfler à la bouche jusqu’à son éclatement. Dociles et intrigués, nous faisons ce qu’il nous demande. L’ambiance est festive, les visages bellement rosis, les conversations animées. Très vite les baudruches éclatent et libèrent, avec l’haleine vineuse qu’elles abritent, ce qu’elles contiennent, chacune un carré de papier sur lequel apparaît une lettre majuscule. Florent, maître du jeu, réunit alors la collection sur la table et demande à tous de construire une phrase avec les lettres ainsi dévoilées et que je livre à la sagacité des lecteurs friands d’anagrammes : CEEEFILLNSTU.
Chacun se précipite et veut exhiber son discernement. Puis la réponse attendue jaillit, parmi le charivari des cacophonies. Qui a trouvé la bonne phrase ? Moi, non, c’est lui ! Difficile de l’affirmer, tant l’indiscipline est présente et les cris abondants. Les lettres bien rangées mettent à bas ce qui fut jusque là un secret bien gardé : C’EST UNE FILLE. Quelques secondes suffisent à la surprise pour s’exprimer et c’est enfin l’explosion de joie. Mamie se précipite sur sa fille et l’embrasse. Et comme souventes fois dans notre pays, l’événement sera dignement fêté par une dernière explosion, celle du bouchon nerveusement poussé au goulot d’une bouteille de ce breuvage que l’on prétend divin, aboutissement alchimique de la fermentation du raisin, icelui se gorgeant du soleil prodigué généreusement par la nature, au-dessus de la montagne de Reims.
Le deuxième secret, à savoir le prénom de la petiote, ne sera dévoilé que le jour de son arrivée sur cette terre, le 20 janvier de l’année nouvelle : LOLA. Prénom qui nous fera tiquer, ma femme et moi, surtout moi, car j’ai dans la tête, allez savoir pourquoi, l’idée saugrenue, je n’ose le dire, que les noms en a sont plutôt portés par ces dames, comment dire, ces dames qui arpentent les trottoirs, et que la pudeur qualifie du terme de péripatéticiennes. Bien sûr, j’ai modifié ensuite cette façon extravagante de voir les choses et je trouve que LOLA est le plus beau prénom du monde, comme c’est bizarre !
Historique (1)
26 février. Quand nous arrivons ce jour à l’hôpital Jeanne de Flandre à Lille, comme d’habitude, nous nous dirigeons vers le service néo-natalité, où se trouve Lola depuis plusieurs semaines.
Nous apercevons la petiote, du couloir, au travers d’une double vitre. Elle est dans les bras de son papa, Florent. Aujourd’hui, placés comme ils sont, nous pouvons bien la distinguer. Elle a les yeux grand ouverts, elle observe son papa et ils sont tous les deux les yeux dans les yeux, rivés l’un à l’autre comme le serpent qui fixe sa proie et la fascine. De temps en temps, elle lève un bras, geste instinctif, et montre une jolie corolle de 5 doigts écartés, fragiles pétales, sur un petit bras légèrement tordu, comme pour faire un signe amical à son entourage. Lola parfois gémit et pleure. Elle vient de se faire ouvrir le ventre, par les habiles chirurgiens. Elle est branchée de partout. Un tuyau plastique sort de sa bouche. Elle s’en accommode. Quelquefois, un geste de ses petites lèvres prouve que ça l’ennuie, ce tube épais qui lui vient de l’estomac. Elle essaie de le cracher, mais elle n’y arrive guère. A d’autres moments, elle le prend pour une tétine et s’efforce de le sucer, sans y parvenir. Elle ne dit rien, elle accepte, elle n’a connu que ça depuis sa naissance. Le tuyau rejette un liquide vert, suc gastrique soi-disant, dans un récipient genre pluviomètre, sur lequel on peut lire la capacité des rejets. 50 cc, car Lola n’a pas d’intestin, ou plutôt, elle a un intestin, mais il est inactif, complètement inactif. Le côlon, n’en parlons pas, il n’est pas innervé, un simple tuyau sans intérêt, genre tuyau plastique. Idem pour le grêle. Un boyau sans fonction réelle. Idem pour les sphincters. Inactifs ! Un intestin qui ne sert à rien. Absolument à rien ! Un intestin mort ! Lola est donc nourrie par perfusion, au travers d’un cathéter. Quand le sac nourricier est vide et que le goutte à goutte risque de se tarir, une sonnerie violente retentit. Il faut changer le sac ! Le liquide nourrissant est jaunâtre, et l’on devine qu’il contient tout ce qui est nécessaire à la vie. Des machins chimiques, des vitamines, des sels minéraux, du glucose peut-être, on ne sait. Et grâce à cette mixture magique, Lola grossit. Elle prend environ une trentaine de grammes par jour. Comme une enfant normale ! Elle est en bonne santé, a dit le chirurgien ! Sauf qu’elle n’a pas d’intestin ! Et du tonus à revendre ! On lui a ouvert le ventre il y a deux jours, et aujourd’hui, elle est en pleine forme. Sitôt sortie du bloc, on ne l’a pas placée en réanimation, comme en principe cela aurait dû se faire. Elle est repartie directement dans sa chambre, en soins intensifs. Incroyable ! Exceptionnel ! Et ce jour, malgré ses électrodes, ses branchements de partout, elle est dans les bras de son papa, à jouer à si tu rigoles, t’as perdu ! Les yeux dans les yeux !
A ce stade du récit, il est nécessaire de revenir en arrière et de reprendre l’histoire depuis ses commençailles.
Lola est née le 20 janvier 2009. Une date symbolique ! En effet Barack Obama, George W. Bush, Bill Clinton, George Bush, le père de l’autre, Ronald Reagan, Jimmy Carter, et John F. Kennedy eurent leur cérémonie d’investiture un 20 janvier, avec passation