Des palanquées de piles d’enveloppes en équilibre précaire : voilà le paysage dans lequel Amélie Nothomb nous reçoit. Chez Albin Michel, sa maison d’édition, la plus populaire des écrivaines francophones dispose d’un bureau dédié où tous les jours elle répond, à la main, aux courriers pléthoriques que lui adressent ses lecteur·rices. Une correspondance à laquelle elle se tient sans faille, elle qui a d’ailleurs de l’écriture une conception martiale : sa journée de romancière, avant celle d’épistolière, démarre invariablement à 4 heures du matin et s’accompagne de thé noir trop infusé, breuvage amer qu’elle boit par litres. C’est que pour elle, sentence qu’elle emprunte à Rainer Maria Rilke et qui sonne un poil emphatique, mais qui dans son cas à elle veut tout dire : l’écriture lui a littéralement sauvé la vie. Au Bangladesh, où son père était ambassadeur de Belgique, des hommes l’ont violée au bord d’une plage alors qu’elle avait 12 ans, et à la suite de cela une longue anorexie a failli la tuer. En écrivant, elle s’est peu à peu refaçonnée, aquotidien, difficile mais extatique, que son métier lui fait vivre, ce qu’elle théorise avec superbe dans son dernier roman Comment écriture, souffrances, sensibilité et mémoire s’intriquent en elle, comment la santé mentale, dans ses creux et ses pleins, s’exprime ou pas dans sa langue, voilà ce dont nous a entretenus l’autrice avec acuité, avec sincérité, et même, parce que c’est Amélie Nothomb, avec une salutaire fantaisie.
“J’ai failli mourir d’anorexie”
Feb 29, 2024
6 minutes
Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.
Démarrez vos 30 jours gratuits