« LA MORT EST CE QUI, DOUBLANT LA VIE, PERMET DE VIVRE VRAIMENT »
LE LIVRE. On la rencontre à Paris, entourée des tableaux de sa mère, de son père, de ses propres toiles également. Chez la philosophe Barbara Cassin, académicienne depuis 2018, la mémoire familiale se dévoile sur les murs. Impossible de ne pas les mettre aujourd’hui en résonance avec son nouveau livre, au titre aussi beau que mystérieux, emprunté à Rimbaud : Le Bonheur, sa dent douce à la mort. Autobiographie philosophique. C’est que, après avoir consacré sa vie d’intellectuelle à l’étude du langage, à la philologie, à la pensée antique et à la traduction, Barbara Cassin a décidé de se raconter.
Le livre est passionnant, à la fois érudit et profondément humain. On y croise les grands esprits qui ont jalonné la vie de l’auteure : ses meilleurs professeurs, dont Jean Beaufret, René Char et Martin Heidegger, rencontrés quand elle avait 20 ans, mais aussi Jacques Lacan ou Alain Badiou. Mais on perçoit, surtout, d’où peut venir cette femme libre, belle et non conformiste : des parents très différents mais aimants, unis à jamais mais se disputant sans cesse ; un caractère opiniâtre qui lui fera passer plusieurs fois l’agrégation sans jamais parvenir à entrer dans les cadres; des origines juives aussi, qui apprennent à mentir pour sauver sa peau ; un mari qui est aussi bon et bienveillant que Barbara Cassin pourrait se montrer dure avec les autres. Il l’a changée, elle l’a accompagné dans une longue maladie et jusqu’au bout d’une agonie qui leur aura peut-être réservé, malgré tout, quelques éclairs de bonheur. Car la philosophe nous livre là, l’air de rien, une leçon de vie : celle de la conscience de la mort, qui nous donne chaque matin le sentiment heureux d’être au monde. Barbara Cassin a depuis longtemps fait sienne la phrase d’Arthur Rimbaud.
Le Bonheur, sa dent douce à la mort est le fruit de discussions avec
Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.
Démarrez vos 30 jours gratuits