Un été 62
C’était pendant les Trente Glorieuses. Une période d’opulence et d’insouciance pour nombre de familles de la classe moyenne. Comme chaque année, début juillet toute la famille se retrouvait dans la villa normande de la vieille tante Louise. Une bâtisse imposante en pierre de taille qui donnait sur la digue. Les adultes s’installaient au premier étage et les enfants au second. Tante Louise, vieille fille par choix – ou plutôt par répugnance du devoir conjugal dont sa mère lui avait maintes et maintes fois décrit l’horreur –, raffolait de cette invasion pendant la période estivale. Elle avait toujours eu la nostalgie de ce dont son choix la privait : des enfants.
Aussi, lorsque la ribambelle de nièces et neveux débarquait, son visage s’illuminait d’un bon sourire.
Germaine, sa fidèle cuisinière, appréciait un peu moins l’envahissement soudain de son domaine. Elle avait ses habitudes et détestait qu’on mette le bazar dans ses ustensiles. Germaine exprimait sa réprobation en grommelant, le nez dans ses casseroles, ce qui lui avait valu le surnom de « madame ronchon ». Elle ne s’en offusquait pas plus que ça. Elle nous aimait bien et les jours de mousse au chocolat, il y avait toujours pour nous un fond de casserole à racler au doigt ou un petit morceau de pain d’épices, pour les malchanceux arrivés trop tard.
Son mari Marcel s’occupait du bricolage et du jardin. Il taillait les tamaris bordant la grille donnant sur la digue, s’occupait des massifs de fleurs et tondait la pelouse sur laquelle trônait le portique aux agrès. Germaine et Marcel faisaient un peu partie de la famille. Ils vivaient à l’année dans une dépendance au fond du jardin.
Avec mon frère Eric, nous attendions ces grandes vacances normandes avec gourmandise.
Par chance, grâce à notre père pour lequel le mot vacances rimait avec ennui, nous étions toujours les premiers arrivés chez la tante Louise. Aussi, maman ne conduisant pas, n’avait-il qu’une hâte,
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