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La pension du bout du monde
La pension du bout du monde
La pension du bout du monde
Livre électronique99 pages1 heure

La pension du bout du monde

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À propos de ce livre électronique

Il fait froid. Trop froid ! Après ces vacances de Noël passées au Sénégal, j’ai du mal à me ré acclimater. On est tous à grelotter dans nos gros manteaux doublés et nos bonnets à fourrure. Isabelle est partie aux Antilles, Choukri au Maroc. Enfin on a l’air de pauvres petites choses mauricaudes, souffreteuses et tremblotantes. Qui plus est, on porte sur soi cet air triste d’orphelins errants que rien ne peut égayer. Alors on se resserre les uns contre les autres, par instinct grégaire peut-être. On n’en finit pas de finir nos repas, rien que pour garder encore un peu de cette chaleur de troupeau. Ca nous réconforte.
LangueFrançais
Date de sortie14 nov. 2014
ISBN9782312028453
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    La pension du bout du monde - Valérie Layraud

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    La pension du bout du monde

    Valérie Layraud

    La pension du bout du monde

    LES ÉDITIONS DU NET

    22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes

    © Les Éditions du Net, 2014

    ISBN : 978-2-312-02845-3

    J’habitais avec Machou, ma grand-mère, dans sa maison en Charente. Tout était blanc et glacé dehors dans les prés et les jardins. Machou allumait le feu dans la cheminée, et je restais là, recroquevillée, des heures durant, à lire et à rêver. Il me semblait qu’ainsi je pourrais retrouver mon coin de terrasse africain face au Saloum, quand j’allais me réchauffer aux rayons du soleil de midi. Cette chaleur que j’avais perdue, je la retrouvais dans les flammes rouges qui crépitaient tout près. Leurs grognements me réchauffaient. C’était mon supplément de feu à moi.

    Ma fée Machou m’entourait de toutes ses attentions. Elle répondait à tous mes caprices, me cédait tout, se mettait en quatre pour répondre à mes moindres désirs. Certainement pour pallier l’absence des parents ! Une crème, cette grand-mère, une vraie crème ! Alors, parce que c’était trop, ou pas assez – ça dépend de quel côté on regarde - je suis devenue une véritable peste. Tyrannique et insupportable. C’est pour ça qu’à force elle ne voulait plus de moi, elle non plus. Personne ne voulait plus de moi, ni elle, ni mes parents. « Ils » avaient donc décidé de m’envoyer à l’autre bout de la France, au fin fond d’une forêt oubliée. Il suffisait de voir les petites routes qu’on empruntait à présent. On n’entendait plus que le ronflement de la voiture qui roulait. Pas un bruit. Mes parents étaient silencieux. Moi aussi. Je n’avais rien à leur dire. Ils n’avaient rien à me reprocher, j’étais la bonne élève qu’ils voulaient que je sois. C’était bien pour ça qu’ils m’avaient envoyée en France, je ne l’oubliais pas. Alors je remplissais mon contrat : première dans toutes les matières depuis le C. M. 2. Sans jamais faillir, ni en sixième, ni en cinquième. A présent j’avais douze ans et j’entrais en quatrième. Je respectais le contrat. Rien à dire ! Ordonnée, consciencieuse, à la limite maniaque. J’étais aussi devenue sauvage et complètement paumée.

    La route ombragée défilait en cette fin d’été, trouée de tessons verts. J’avais l’estomac noué. Comme à chaque fin d’été. Je regardai, assise à l’arrière de la voiture, les grands arbres glisser le long des bas-côtés. Une impression de déjà vécu ! L’an dernier, c’était pareil, l’année d’avant aussi. Trois ans déjà que je vivais en France, loin de mes parents. Les fins d’été avaient toujours la même odeur douçâtre et un peu sûre qui restait au fond de la gorge quand les parents repartaient. Je n’arrivais pas à m’y faire. On approchait. Je me demandais pourquoi des étrangers voudraient plus de moi que mes parents ou ma grand-mère, sinon en échange d’argent. Et elle coûtait drôlement cher, cette pension ! On l’avait soit-disant choisie ensemble. En vérité, c’est ma mère qui avait décidé de l’endroit. Comme il fallait trouver un établissement pouvant accueillir les enfants à l’année, week-ends et petites vacances comprises, il y avait peu d’alternatives. Et c’était ce bahut privé, proche de Paris, que mes parents avaient dégoté. Je n’avais en mémoire que les prises de vues aériennes et floues du livret de présentation : « Ecole Internationale ». Pour les enfants dont les parents vivent à l’étranger. Pour les « sans famille », auraient-ils pu ajouter. Les autres seront peut-être eux aussi « des chiens perdus sans collier ». Je venais de finir de lire le livre de Cesbron. Je les avais presque tous lus, les livres de Cesbron. C’était pas vraiment gai, ça me ressemblait.

    Un premier poteau indicateur montrait à présent la direction. Il allait falloir bientôt tourner à gauche. J’ajustai mes lunettes pour mieux voir. La route se rétrécit, puis déboucha en lisière de forêt. C’était comme dans le « petit Poucet », ils allaient m’y abandonner. Car c’était une vraie forêt, une forêt touffue, pleine de fougères et d’épines, une forêt bien sombre, tout comme dans les contes, dans laquelle le soleil entre sur la pointe des rayons, pas plus ! J’avais envie de pleurer. Mais le petit Poucet, lui, ne pleurait pas dans l’histoire. Il avait semé des cailloux sur son passage pour repartir chez lui. Moi, c’était différent. Primo, j’étais en voiture, et secundo, je n’avais ni frères ni sœurs avec lesquels j’aurais pu me serrer les coudes. La seule et unique sœur que j’avais n’était pas abandonnée, elle ! Elle allait bien douillettement rester au sein de la famille. La seule éjectée, c’était moi. Je ne devais pas mériter une famille, moi !

    Voilà qu’apparut un plus grand panneau, un peu plus loin, sur la même petite route de campagne. C’était l’entrée : « Ecole de Saint Alban ». La voiture s’engagea dans une grande allée ombragée ouverte sur un immense portail en fer blanc. Tout avait l’air soudain irréel. Comme si on allait passer de l’autre côté du miroir ! Ca y était, on entrait enfin dans la cage dorée qu’on m’avait dénichée. J’eus alors hâte d’être au soir, que mes parents soient partis, que tout soit passé. Je ne supportais pas les séparations. Ces perpétuels abandons. Cela me semblait d’autant plus douloureux que cela se reproduisait souvent. Une fois le portail franchi, on aperçut des petites maisons blanches aux toits de chaume, disséminées dans la verdure. La première à droite était indiquée par une pancarte comme étant l’accueil. Mon père s’avança dans l’allée et gara la voiture un peu plus loin, à l’ombre des chênes, en bordure du grand parc. Je me dépêchai de ranger mes lunettes que j’avais mises durant le trajet en voiture. C’étaient de grosses lunettes aux verres épais comme des loupes. Je ne me supportais pas avec. Alors je préférais ne rien voir plutôt que de ressembler à un hibou. J’entrevoyais ce qui m’entourait, comme si la mise au point n’était pas encore faite. Aucun détail. Rien que des tâches, un peu comme ces tableaux impressionnistes sans angles ni arêtes. Un cocon rassurant, où rien ne venait heurter le regard.

    Deux silhouettes apparurent dans le soleil qui tombait près de la maison de l’accueil, celle d’un monsieur, barbu, il me sembla, et puis, un peu en retrait, celle d’une dame blonde et mince. Au fur et à mesure que nous avancions vers eux, je commençai à distinguer leurs visages. Ils avaient l’air de sourire. Alors je leur rendis leur sourire, par pure convenance. J’étais l’image parfaite de la petite fille modèle, avec ma jupe bleu marine et ma raie sur le côté. Il ne manquerait plus qu’ils ne veuillent pas de moi, eux non plus ! Le regard clair du monsieur barbu me rassura. Il me plaisait bien. C’était le directeur. Il se proposa de nous accompagner pour nous faire visiter les lieux. Il nous conduisit en premier à la chambre que j’occuperai. De loin j’aperçus, cachés dans la pinède, des bungalows. On aurait cru un village de vacances. Le petit sentier dallé qui y menait sentait bon la noisette. Dans la lumière rouge de cette fin d’après-midi, je distinguai la façade avant des bungalows ;

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