Le domaine de Sainte-Gemma
Par Pauline SLF
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À propos de ce livre électronique
Errol Meyer se fait embaucher pour an au domaine viticole de Sainte-Gemma en tant qu'enseignant à domicile. Il arrive au manoir de Juliette et Mickaël Fleury avec beaucoup d'a priori négatifs sur cet endroit aussi féérique qu'isolé. Contre tout attente, les personnalités flamboyantes des autres employés vont lui permettre de passer une année riche en émotions, et de découvrir qui il est vraiment.
Pauline SLF
Adepte de la fiction contemporaine et du roman feel-good, j'écris avec passion pour vous offrir de beaux moments de lecture.
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Aperçu du livre
Le domaine de Sainte-Gemma - Pauline SLF
1
Je m’apprête à passer le pire été de ma vie. Pourtant, je suis de nature plutôt optimiste. Mais même en essayant de voir le verre à moitié plein, je ne peux que constater à quel point ma vie ne ressemble à rien. Je ne le sais pas encore, mais tout est sur le point de changer. Je me trouve devant mon agence pour l’emploi. Ma conseillère m’attend. Et juste avant de franchir cette porte, mon esprit déboussolé me rappelle bien malgré moi la succession de choix et d’événements qui m’a conduit ici aujourd’hui.
Je vivais avec Clara depuis trois ans. On s’est rencontrés pendant nos études, à une soirée organisée par des amis communs. Je n’avais pas craqué sur elle au premier regard. Elle m’a eu à l’usure. J’aimais ses longs cheveux blonds, ses yeux ocres et son caractère bien trempé. Elle était en fac de droit pour devenir avocate, j’étais en fac de sociologie pour devenir je ne savais quoi. Ça me passionnait, la fac de sociologie. Ça me passionnait tellement que je terminais le parcours en Master 2 à quelques points du major de la promo. Une fois mon diplôme en poche, j’ai réalisé qu’à la question : « Et maintenant, qu’allez-vous faire ? », il m’était difficile de donner une réponse concrète. Tous mes camarades de promo se faisaient embaucher dans différentes boîtes pour mener des études sur tout et n’importe quoi, et pondre un joli rapport sur le diagnostic sociologique de ce tout et n’importe quoi. Voilà. C’était ça, le boulot : chargé d’étude pour un bureau d’études. Deux fois « étude » dans la même phrase. L’horreur.
Après la fac, ma conseillère en recherche d’emploi, ou plutôt ma conseillère anti-chômage, m’a trouvé plusieurs études à mener dans différentes entreprises de la région. À chaque fois, je me suis fait embaucher pour seulement quelques jours. Le temps d’observer, d’analyser, de pondre mon rapport et d’être remercié. J’ai dû officier une bonne vingtaine de fois. Et ça m’ennuie profondément. Quand il n’y a pas de missions pour un chargé d’étude en sociologie, j’accepte des petits boulots en tout genre. Je me retrouve parfois vendeur, préparateur de commandes, responsable de la mise en rayon au supermarché, livreur. Je donne des cours de soutien scolaire, aussi. Bref. Je galère. Et je dois admettre que je suis paumé. Je me rends compte que ce Master 2 de sociologie m’a conduit vers une voie qui n’est pas la mienne. Je ne peux me résoudre à vivre d’un travail qui ne m’apporte aucun épanouissement. Les petits jobs d’appoint ne m’apportent pas d’épanouissement non plus. C’est clair. Mais en multipliant les activités professionnelles, j’espère que tôt ou tard, j’aurai le coup de foudre pour un métier ou une entreprise, et que ma vie en sera changée à jamais.
En attendant que le miracle arrive, et devant admettre que je ne pouvais me payer autre chose qu’un minuscule petit studio éloigné du centre-ville, j’ai donc emménagé chez Clara il y a trois ans. Côté épanouissement, pour elle, tout va bien. Un cabinet d’avocats l’a embauchée, elle adore son job et ses collègues, elle gagne assez bien sa vie pour louer un beau trois pièces flambant neuf dans un quartier agréable, ses parents sont fiers, ses amis l’admirent... La seule ombre au tableau, en fait, c’est moi. Malgré ma situation professionnelle aussi miséreuse qu’instable, je lui payais un tiers du loyer et jusqu’à la moitié des factures du mois selon mes possibilités. Dès que nous avons commencé à vivre ensemble, Clara m’a subtilement fait passer un message comme quoi elle rêvait d’avoir un bébé assez vite, si possible avant ses trente ans. Je n’avais pas pris son projet très au sérieux car, à l’époque, la trentaine, ça me paraissait loin. Très loin. Et un beau jour, la trentaine est bel et bien arrivée.
Jusque-là, entre Clara et moi, tout allait bien. J’ai un an de plus qu’elle. Le soir de mes trente ans, elle m’a organisé un dîner-surprise, chez nous. Nos amis proches ont honoré l’invitation. Ils sont tous en couple, ont tous un bébé dans les bras ou en gestation, ont du boulot, vivent dans des logements nettement plus grands que le nôtre... Bref. C’était ma soirée d’anniversaire, et je m’amusais beaucoup. Clara, elle, a fait une tête d’enterrement tout du long. Je crois même l’avoir vue sortir de la cuisine en séchant ses larmes. Une fois tout le monde est parti à deux heures du matin, j’ai aidé Clara à ranger et en ai profité pour tirer tout ça au clair.
- Tu n’as pas du tout eu l’air de t’amuser. Tout va bien ?
Clara est restée muette, comme si elle n’avait pas entendu ma question. C’était bien son genre. Dès qu’elle se sent contrariée, elle se contente de faire la tête sans décrocher un mot. Ensuite, c’est à moi de remuer ciel et terre pour comprendre ce qui ne va pas.
- Clara, ai-je soupiré, je te parle. Qu’est-ce qu’il y a ? Qu’est-ce qui ne va pas ? C’est toi qui as organisé cette soirée, et on dirait que ça t’a gonflée comme jamais. Qu’est-ce qui se passe ?
- Rien, m’a-t-elle répondu sèchement en claquant la porte du lave-vaisselle.
- Clara, s’il te plait.
Elle a donné un dernier coup d’éponge sur la table pendant que j’essuyais les verres. Puis, elle a quitté la pièce et s’est enfermée dans la salle de bain. Ok. J’ai terminé de ranger le salon tout seul et me suis couché. Elle a fini par me rejoindre et fait comme si elle dormait déjà, deux secondes après s’être glissée sous la couette.
- Clara, je ne dormirai pas tant que tu ne m’auras pas dit ce qui cloche. Fais-nous gagner du temps, s’il te plait.
Et là, j’ai l’ai entendue pleurer. J’ai donc allumé ma lampe de chevet et l’ai gentiment obligée à se tourner vers moi.
- Clara, si j’avais la moindre idée de ce qui te fait pleurer, je ne serais pas là à attendre que tu daignes me décrocher un mot. Parle-moi. Allez.
- J’en ai marre, m’a-t-elle dit d’une voix toute tremblante. C’est trop dur.
- Qu’est-ce qui est trop dur ?
- Nos amis. Regarde-les ! Ils ont tous des supers situations, et ils ont tous des enfants.
- Et alors ? Nous aussi, un jour, on aura une super situation qui nous permettra d’avoir des enfants.
- J’ai déjà une super situation qui me permet d’avoir des enfants, m’a-t-elle lancé froidement. Le problème, c’est toi.
Là, ça a été mon tour d’être muet. En six ans de relation, jamais Clara ne m’avait fait de reproche aussi piquant. J’en étais cloué sur place. Alors que je cherchais vainement quelque chose à lui répondre, elle a continué son lynchage.
- Ça fait trois ans que tu vis ici. Je t’avais proposé d’emménager avec moi pour t’éviter de retourner chez tes parents en attendant de trouver un boulot stable. À l’époque, je pensais que tu dénicherais un poste rapidement. Je pensais que tu avais envie d’être embauché en CDI pour qu’on puisse faire des projets d’avenir. Je pensais qu’à trente ans, on serait peut-être propriétaires, et parents. Eh bien, ça y est. Toi, tu as trente ans. Moi, vingt-neuf. On n’est pas propriétaires. On n’a pas d’enfants. Et surtout, tu n’as pas de CDI. Tu continues de faire des petits boulots minables pour des salaires minables, tu donnes tes cours de soutien scolaire à des gamins qui n’en ont rien à faire, tu es au chômage la moitié du temps... On n’avance pas, Errol ! On n’avance pas !
- J’avoue, ai-je marmonné très contrarié. Ma situation professionnelle est un désastre. Mais un jour, ça changera. Un jour, je trouverai ma voie.
- Mais enfin, Errol ! Tu l’as trouvée, ta voie ! Tu as un Master 2 de sociologie. Ta voie, c’est d’être chargé de diagnostic et d’évaluation d’organisation, chargé d’étude d’un service de ressources humaines, ou chargé d’étude en recherche et développement de grandes entreprises. Regarde tes potes de promo ! Regarde ce qu’ils sont devenus ! Ils sont tous embauchés quelque part, et ils gagnent bien leur vie. Tu as fait les mêmes études qu’eux. Alors pourquoi toi, tu n’y arrives pas ?
- Parce que ça m’ennuie ! me suis-je énervé. J’ai essayé, Clara. Ces cinq dernières années, j’ai accepté plein de contrats pour mener des études en entreprise. J’ai détesté. Je ne suis pas fait pour ça.
- Mais tu adorais la sociologie !
- J’adorais la fac, j’adorais les cours. Le métier, je n’y arrive pas.
- Eh bien, tu n’as qu’à enseigner !
- Je ne peux pas. Je n’ai pas le parcours requis. Et ça ne me dit rien.
- Alors qu’est-ce qui te dit ? a-t-elle aboyé. Être au chômage ? Traîner ici toute la journée pendant que moi, je me démène pour nous faire vivre ?
- C’est facile, pour toi. Tu as trouvé ta voie. Tu aimes ce que tu fais. Essaye d’imaginer une vie où tous les matins, tu te lèves pour aller faire un job que tu détestes.
- Plein de gens détestent leur boulot. Mais ils y vont quand même parce qu’ils ont des factures à payer.
- Moi, je ne veux pas de ce genre de vie.
- Tu dis que tu vas trouver ta voie. Ça fait cinq ans que tu cherches. Alors, permets-moi d’avoir des doutes sur tes motivations.
- Là, tu es injuste.
- Non. Ce qui est injuste, c’est de ne pas pouvoir devenir propriétaire et avoir un bébé, tout ça parce que mon conjoint âgé de trente ans se comporte comme un ado.
Et là, elle m’a tourné le dos. Blessé et énervé, j’ai quitté la chambre et filé sur le canapé. Jamais Clara ne m’avait agressé de la sorte. C’était un cauchemar. Nous fêtions mes trente ans et, pour Clara, c’était l’occasion de me dire à quel point elle avait l’impression de vivre avec un raté qui la rendait malheureuse. Génial. Même si elle avait raison sur plusieurs points, son attitude me contrariait. J’ai passé une nuit quasiment blanche à ressasser cette discussion. Le lendemain, Clara s’est montrée très froide avec moi. J’ai fait de même. Nous avons laissé le temps apaiser les tensions. Malgré tout, le compte à rebours était enclenché.
2
Dans les semaines qui ont suivi, je me suis efforcé d’accepter une mission de quinze jours aux ressources humaines d’une petite entreprise locale. C’était atroce. J’espérais que ce sacrifice prouverait à Clara que j’avais entendu sa complainte et pris note de tous ses reproches. Au terme de la mission, j’ai plus ou moins consciemment rédigé un rapport médiocre pour être certain que les employeurs ne voudraient plus jamais faire appel à mes services. S’en sont suivi plusieurs semaines de chômage durant lesquelles j’ai continué de donner mes cours de soutien scolaire quatre heures par semaine. J’ai eu quelques contrats au supermarché bio du coin de la rue. On m’a embauché à la journée pour trois inventaires. Je me suis même essayé à la vente d’électro-ménager. Ce contrat s’est terminé fin juin, tout comme mes cours de soutien scolaire qui s’arrêtent le temps des vacances d’été. Ce soir-là, j’ai voulu faire une surprise à Clara en rentrant plus tôt. D’habitude, je finissais mes cours de soutien vers 19H30. Là, j’ai passé les portes de l’immeuble à 18H avec le projet de lui payer une sortie au cinéma, et pourquoi pas un petit resto en amoureux après. Alors que j’allais poser ma main sur la poigné de l’appartement, la porte s’est ouverte de l’intérieur. Je me suis retrouvé nez à nez avec un inconnu. Aussi surpris l’un que l’autre, nous nous sommes dévisagés en silence pendant deux interminables secondes. Puis, Clara est arrivée, l’air particulièrement embarrassé.
- Oh, Errol... Euh... Je te présente Thibaud. On bosse dans le même cabinet.
Le Thibaud en question a eu le culot de me serrer la main, et s’est même forcé à sourire. Il a bredouillé une phrase incompréhensible en guise de salutation, puis a filé vers les escaliers. Je suis rentré dans l’appartement en sentant que mes mains se crispaient malgré moi. Clara a fait comme si de rien n’était. Elle a même commencé à me raconter sa journée. Mais je ne suis pas idiot à ce point-là. Je l’ai obligée à me faire face, à me regarder droit dans les yeux. Elle était rouge comme une tomate, et transpirante. Visiblement, elle venait de pratiquer une activité physique intense. J’ai plongé mon visage dans son cou. Sa peau était imprégnée d’un parfum que je ne connaissais pas. Un parfum plutôt masculin. Elle m’a servi des « ce n’est pas ce que tu crois » sur tous les tons, à toutes les sauces, et s’est agrippée à moi pour m’empêcher d’aller vers la chambre. Je l’ai contrainte à me lâcher, persuadé qu’il me suffirait d’ouvrir la porte de la chambre pour trouver le lit en pagaille, ce qui serait la preuve irréfutable de son infidélité. Mais j’ai trouvé la chambre impeccable, et le lit fait. Pendant une seconde, j’ai eu l’espoir de m’être trompé. Mais une autre vérification intéressante m’est venue à l’esprit. Et la tête qu’à fait Clara en me voyant ouvrir la porte de la salle de bain à suffi à me convaincre que je touchais au but. J’ai ôté le couvercle de la poubelle. À première vue, rien. J’en ai vidé le contenu directement dans le lavabo. Et là, mon cœur s’est emballé. Au milieu des mouchoirs et des cotons de démaquillage se trouvait un préservatif usagé. Clara et moi n’en utilisons plus depuis des années. Les « ce n’est pas ce que tu crois » sont immédiatement devenus des « je vais tout t’expliquer ». Mais je n’avais pas envie d’entendre quoi que ce soit. C’était la première fois que je vivais ça. Clara s’est accrochée à moi en me suppliant de la laisser s’expliquer. Je me suis débattu sans violence, et ai quitté l’appartement sans dire un mot. Je me suis dépêché de peur d’avoir Clara à mes trousses. Je ne voulais pas qu’elle me suive. J’ai pris ma voiture et suis simplement allé me garer quelques rues plus loin. À l’abri des regards, j’ai fondu en larmes comme jamais je ne l’avais fait de toute ma vie.
Je suis resté plusieurs heures ainsi, cloitré dans ma voiture, à ruminer ma peine et mon dégoût. J’ai utilisé les trente euros qui se trouvaient dans ma poche, rémunération de mes deux dernières heures de soutien scolaire, pour manger dans un fast-food et aller voir un film à la séance de 22H15. En sortant du cinéma, je n’ai pas pu me résoudre à retourner dans l’appartement. Je ne me voyais pas non plus débarquer chez mes parents, et encore moins chez un pote. J’ai donc passé la nuit dans ma voiture. De toute façon, quel que soit l’endroit, je n’aurais pas fermé l’œil. Clara a essayé de m’appeler au moins vingt fois. Je laissais sonner dans le vide. Elle m’a envoyé plusieurs textos auxquels je n’ai évidemment pas répondu. Le lendemain matin, je me suis garé non loin de la résidence et ai attendu de voir Clara descendre. Quand sa voiture a démarré, je suis monté à l’appartement où j’ai pu prendre une douche et me faire un café. Je me suis allongé sur le canapé, pensant rattraper les heures de sommeil qui manquaient à mon compteur. Mais je n’ai pas fermé l’œil.
Le choc de la veille m’obligeait à dresser un rapide bilan de ma situation. À mes galères de boulot venait s’ajouter une galère émotionnelle. Je me rendais même compte que ces dernières années, si j’avais aussi bien vécu ma triste situation professionnelle, c’était grâce à la stabilité matérielle, financière et amoureuse que me fournissait Clara. Et cette stabilité allait voler en éclats. La conversation que nous avions eue le soir de mes trente ans m’avait bouleversé. Et je devais admettre que depuis, ça allait moins bien entre nous. J’étais une épave. D’abord une épave sur le plan professionnel, et désormais une épave sur le plan sentimental. Je touchais le fond. Je me trouvais dans un appartement qui n’était pas le mien, entièrement meublé grâce au salaire de Clara. Je n’avais pas de boulot stable, donc pas de revenus stables. À part ma voiture et mes vêtements, je n’avais rien. Strictement rien. Je suis resté allongé sur le canapé toute la matinée, en pleine réflexion. J’allais quitter Clara. Enfin, c’était plutôt elle qui me quittait puisqu’elle avait quelqu’un d’autre. J’allais lui faciliter la tâche. J’ai pris des sacs poubelles et des grands cabas de courses. J’ai fait le tour de l’appartement pour récupérer ce qui m’appartenait. Ça se résumait à deux sacs de vêtements, mon nécessaire de toilette, mon ordinateur portable, mes livres et quelques DVD. Le reste de mes affaires se trouve toujours chez mes parents. Après avoir chargé les sacs dans ma voiture, j’ai passé l’un des coups de téléphone les plus humiliants de toute ma vie. J’ai calmement expliqué à ma mère que Clara et moi avions décidé de nous séparer, et lui ai demandé s’il était possible de m’accueillir pendant quelques semaines, le temps de retrouver un logement. À trente ans, ça fait mal. Très mal. Elle a accepté et a évidemment tenté de me soutirer davantage d’informations concernant cette rupture. Mais je n’avais pas envie de parler. Elle l’a compris et respectait ma pudeur. J’avais encore les clés de chez eux. Je pouvais donc arriver quand je le souhaitais. Ça me faisait au moins une chose de réglée. En attendant le retour de Clara, j’ai pris un rendez-vous avec ma conseillère anti-chômage pour refaire un point. Dans l’après-midi, ma future-ex a tenté une nouvelle fois de m’appeler. Je n’ai pas décroché mais lui ai envoyé le message suivant : « Je suis à l’appartement. Je t’attends pour qu’on se parle de vive voix. À tout à l’heure. ».
J’ai finalement réussi à piquer du nez en milieu d’après-midi, et ai été réveillé par l’arrivée de Clara à 18H. Nous nous sommes installés face à face à table. Je la fixais sévèrement, en silence. Elle soutenait difficilement mon regard. J’attendais qu’elle s’exprime. C’était elle la fautive. C’était à elle de s’exprimer. Et j’ai attendu longtemps. Peut-être plusieurs minutes.
- Je suis désolée, a-t-elle fini par marmonner en baissant les yeux.
- C’était la première fois, ou ça dure depuis un moment ?
Elle n’a pas répondu. J’en ai conclu qu’il y avait eu des précédents. C’est indescriptible, ce sentiment. La colère, l’humiliation, la tristesse. J’avais envie de pleurer. J’avais envie de balancer la vaisselle par la fenêtre. J’avais envie de la traiter de tous les noms. Et en même temps, lui dire à quel point j’avais pu l’aimer.
- Tu comptes faire quoi ? lui ai-je lancé en retenant mes larmes.
- Comment ça ?
- Tu ne peux pas avoir deux hommes dans ta vie. Il faut choisir. Tu as choisi ?
- C’est... C’est compliqué.
- Non Clara, ce n’est pas compliqué. C’est lui, ou moi. Ton brillant collègue probablement plein aux as, ou le sociologue raté.
- Errol, ne dis pas ça. Je ne t’ai jamais traité de sociologue raté. Écoute, je sais que je t’ai fait du mal et que la situation ne peut pas durer. Mais pour l’instant, je ne sais pas.
- Tu ne sais pas ? ai-je répété outré. Tu ne sais pas quoi ? Tu ne sais pas si tu m’aimes encore, ou si tu l’aimes lui ? Tu ne sais pas si tu as le courage de mettre un terme à six ans de relation ? Tu ne sais pas comment t’y prendre pour me mettre dehors ?
- Si je mettais un terme à ma relation avec Thibaud, tu serais capable de me pardonner ?
- Est-ce que tu m’aimes, Clara ?
- Oui, mais... J’en ai marre. Je n’en peux plus de cette situation. Même si je t’aime, ça gâche tout.
- Ok. Dans ce cas, je vais te faciliter la tâche. Je pars. Définitivement. J’ai déjà pris toutes mes affaires.
- Quoi ?
- En même temps, je n’avais pas grand-chose. Je te rends les clés de l’appartement. C’est fini.
J’ai sorti le trousseau de ma poche et l’ai posé sur la table, juste devant elle. Clara me fixait, complètement abasourdie.
- Tu veux qu’on se sépare ? Tu veux rompre ?
- Oui. Ton infidélité est la preuve que tu n’es plus heureuse avec moi. Tu viens de me dire que notre situation ne te convenait plus. Je te rends donc ta liberté.
- Mais je t’aime, Errol. Je comprends que tu sois en colère contre moi. C’est normal. On traverse une période difficile. Mais on n’est peut-être pas obligés de parler de rupture définitive, non ? On pourrait peut-être faire une pause, prendre un peu de recul chacun de notre côté ?
- Si « prendre un peu de recul » signifie te taper tes collègues de bureau, je crois que tu l’as déjà fait. Et ça n’a pas réglé nos problèmes. On arrête, Clara. Ça faisait six ans qu’on était ensemble. Ce sera bizarre au début, mais c’est mieux comme ça.
