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Warrior (French)
Warrior (French)
Warrior (French)
Livre électronique1 015 pages17 heures

Warrior (French)

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À propos de ce livre électronique

Le guerrier a enfin trouvé sa moitié.

Nikolas Danshov est la plus fine lame des Mohiri, intrépide et mortel, redoutable avec toutes les armes. Pendant près de deux cents ans, il a consacré sa vie à protéger les humains contre les démons qui arpentent la terre. Respecté par son peuple, c’est une véritable légende, un guerrier invaincu et prêt à tout. Jusqu’à elle.

Lors d’une mission de routine dans le Maine, un revirement de situation pousse Nikolas sur la route de la seule personne qu’il n’aurait jamais imaginé rencontrer – son âme sœur. Sara Grey est différente de tous les autres. Belle et farouche, elle enflamme son désir. En même temps, son innocence et sa vulnérabilité réveillent en lui un puissant instinct protecteur. Maintenant, il n’a plus qu’une idée en tête, défendre son âme sœur contre les dangers qui la traquent, même si elle se révolte contre lui à la moindre occasion.

Vous connaissez l’histoire de Sara. C’est le moment de la redécouvrir par les yeux de son guerrier.

** Warrior reprend le récit de la trilogie Relentless du point de vue de Nikolas. On y trouve de nouvelles scènes, mais ce n’est PAS la suite de l’histoire originale.

LangueFrançais
ÉditeurKaren Lynch
Date de sortie20 déc. 2018
ISBN9781948392068
Warrior (French)
Auteur

Karen Lynch

Karen Lynch is a New York Times and USA Today bestselling author.She grew up in Newfoundland, Canada - a place rich in colorful people and folklore to which she attributes her love of the supernatural and her vivid imagination. Though she loves supernatural fiction, she has a soft spot for Charlotte Brontë and Jane Austen. She is a fan of classic rock, country and classical music but her favorite music is the sound of a good thunderstorm or a howling blizzard. Her favorite past times are baking for her friends, hanging out by the ocean, and spending quality time with her three dogs.

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    Aperçu du livre

    Warrior (French) - Karen Lynch

    Warrior

    Karen Lynch

    Dépôt légal du texte @ 2016 Karen A Lynch

    Dépôt légal de la couverture @ 2016 Karen A Lynch

    Tous droits réservés

    Conception graphique de la couverture : Nikos Lima

    À mes lecteurs

    Merci d'avoir entrepris ce voyage avec moi et de m'avoir aidée à réaliser mon rêve.

    Résumé de Warrior

    Le guerrier a enfin trouvé sa moitié.

    Nikolas Danshov est la plus fine lame des Mohiri, intrépide et mortel, redoutable avec toutes les armes. Pendant près de deux cents ans, il a consacré sa vie à protéger les humains contre les démons qui arpentent la terre. Respecté par son peuple, c’est une véritable légende, un guerrier invaincu et prêt à tout. Jusqu’à elle.

    Lors d’une mission de routine dans le Maine, un revirement de situation pousse Nikolas sur la route de la seule personne qu’il n’aurait jamais imaginé rencontrer – son âme sœur. Sara Grey est différente de tous les autres. Belle et farouche, elle enflamme son désir. En même temps, son innocence et sa vulnérabilité réveillent en lui un puissant instinct protecteur. Maintenant, il n’a plus qu’une idée en tête, défendre son âme sœur contre les dangers qui la traquent, même si elle se révolte contre lui à la moindre occasion.

    Vous connaissez l’histoire de Sara. C’est le moment de la redécouvrir par les yeux de son guerrier.

    Remerciements

    Merci à ma famille et à mes amis de m'avoir toujours soutenue. De nombreuses personnes m'ont aidée à faire de ces livres un succès. Je voudrais remercier mon assistante et correctrice hors pair, Sara, ma relectrice, Kelly, et mon artiste de couverture, Nikos. Enfin, en dernier mais non des moindres, mes deux bêta lectrices, confidentes et meilleures amies d'écriture : Ednah Walters et Melissa Haag. Je n'aurais pas pu y arriver sans vous, les filles.

    Chapitre 1

    — JE VAIS ÉTRIPER cette garce si tu fais un pas de plus, Mohiri.

    Je touchai du bout des doigts la garde de mon épée tout en observant le vampire adossé contre le mur. Il brandissait la jeune humaine devant lui, agrippée à la gorge. Le visage de la fille se changea en masque de terreur lorsque les griffes du vampire firent jaillir du sang de son cou. Je pouvais sentir son regard sur moi. Elle me suppliait silencieusement de la sauver.

    Mais je gardais les yeux rivés sur le vampire.

    — Si tu crois que l’humaine t’empêchera de mourir, tu commets une grave erreur, mon ami.

    Il changea de jambe d’appui en jetant un regard circulaire pour trouver une échappatoire. Il savait ce que j’étais, et il devait savoir aussi qu’il n’avait aucun moyen de quitter cet endroit vivant. Je devais simplement le convaincre de ne pas entraîner la fille dans sa chute.

    Ailleurs dans la maison, un cri se fit entendre, brusquement interrompu.

    Les yeux du vampire s’agrandirent et sa main se mit à trembler autour du cou de la fille.

    — Tu protèges les humains. Tu ne feras rien qui puisse la blesser.

    Mon regard restait planté dans le sien.

    — Je les protège, mais je suis un chasseur avant tout. Voir son sang sur tes mains ne fera qu’aiguiser mon envie de meurtre.

    Il déglutit péniblement et jeta un œil vers la porte, à quatre mètres de lui.

    Je facilitai sa décision en me déplaçant de deux pas dans l’autre direction. J’allai même jusqu’à baisser mon épée pour lui laisser croire qu’il avait une chance.

    La fille poussa un cri lorsqu’il la lança vers moi. Je la rattrapai à un bras avant de l’écarter doucement.

    Le vampire se précipita vers la porte. Il était rapide – cinquante ans minimum.

    Mais je fus plus rapide encore. Mon épée lui transperça le côté de la gorge, lui arrachant un grondement. Il plaqua une main sur sa blessure, mais le sang avait déjà giclé sur le papier peint de style victorien et sur le tapis bleu clair.

    La fille se mit à hurler.

    Aussitôt, je rejoignis le vampire qui titubait en direction de la porte. Levant mon épée, je lui embrochai le cœur avec une force suffisante pour ficher la pointe de ma lame dans le mur derrière lui. Quand je le lâchai, il s’écroula sur le sol.

    Au même moment, Chris apparut dans l’encadrement de la porte, sa propre épée ruisselante de sang.

    — C’était le dernier. J’ai trouvé un garçon là-haut. Il a perdu beaucoup de sang, mais il survivra.

    — C’est bien.

    Nous avions découvert quatre adolescents dans le repaire de sept vampires. Ces deux humains rescapés, c’était un petit miracle.

    La fille gémissait.

    Chris posa son épée contre le mur et s’approcha d’elle à pas lents.

    — Ça va. Vous êtes en sécurité maintenant.

    Elle se jeta sur lui et passa les bras autour de sa taille tout en sanglotant. Chris me lança un regard impuissant et je haussai les épaules. Je ne pouvais rien faire de plus pour elle.

    Je sortis mon téléphone portable et désignai la porte d’un mouvement de tête.

    — On dirait que tu as la situation sous contrôle. Je vais appeler Denis et lui dire d’envoyer une équipe de nettoyage.

    La nuit était chaude et humide quand je quittai la maison et appelai l’unité locale pour leur communiquer l’adresse. Je leur fis également savoir que nous avions deux adolescents qui avaient besoin de soins médicaux. J’attendis dix minutes jusqu’à ce qu’ils s’arrêtent devant la maison, puis je descendis la rue où Chris et moi avions garé nos motos, dans l’allée d’une maison vide.

    Retirant mon t-shirt plein de sang, je trouvai un coin de tissu propre pour m’essuyer le visage. À l’aide du t-shirt, je nettoyai mon épée avant de ranger l’arme dans l’étui sanglé à mon siège.

    J’avais enfilé des vêtements propres lorsque Chris arriva.

    — Pourquoi ils ne s’accrochent jamais à toi comme ça ? me demanda-t-il en allant vers sa moto.

    J’éclatai de rire devant son expression bougonne.

    — Ce doit être ton sourire qui les attire.

    Il ôta son t-shirt.

    — Ça ne te tuerait pas de les rassurer de temps en temps.

    — Mais tu es si doué pour ça.

    Je m’assis sur ma moto et attendis qu’il se nettoie.

    — Moi, je leur sauve la vie et je tue les méchants.

    Je n’avais pas besoin d’ajouter que j’ignorais surtout comment aider un adolescent traumatisé. Contrairement à Chris, je ne m’attachais pas aux humains sur un plan personnel. C’était mon boulot, rien de plus. Je les protégeais et je les gardais en sécurité contre des monstres dont ils ignoraient l’existence. En tant que guerrier, il valait mieux rester détaché. La proximité crée des émotions, et les émotions détournent l’attention. C’est à cause de ça que vous vous faites tuer, vous ou les gens que vous protégez.

    Chris renifla en enfourchant sa moto.

    — Une bière ?

    — Ça m’a l’air tout indiqué.

    Trente minutes plus tard, fraîchement douchés et changés, nous quittions notre hôtel et nous dirigions vers le bar au bout de la rue. Nous prîmes une table contre le mur du fond et je m’assis face à la porte. J’aimais savoir en tout temps qui – ou ce qui – entrait et sortait de l’endroit où je me trouvais.

    Une jolie serveuse blonde arriva pour prendre nos commandes, et ses lèvres rouges esquissèrent un sourire attrayant quand elle nous regarda, Chris et moi.

    — Qu’est-ce que je vous sers, messieurs ?

    Nous commandâmes des bières pression et deux hamburgers. La serveuse s’attarda un moment à notre table avant d’aller chercher notre commande.

    Chris se carra dans sa chaise et passa une main dans ses cheveux blonds.

    — J’appellerais ça une bonne soirée de travail.

    — Oui.

    Mes yeux balayèrent le bar. À une table dans un coin, un jeune couple flirtait, inconscients du monde autour d’eux. Je ne les aurais pas remarqués si je n’avais pas aperçu la lueur argentée dans les yeux du garçon. Un incube. La plupart des démons sexuels prenaient soin de ne pas blesser les humains quand ils s’en nourrissaient, mais certains aimaient le frisson du meurtre. Je me demandais de quel côté celui-ci penchait.

    Le rire de Chris attira mon attention et je lui décochai un regard interrogateur.

    — Tu es tellement prévisible, vieux.

    Il inclina la tête en direction de l’incube.

    — Nous n’avons pas bu notre première bière que tu cherches déjà ton prochain combat.

    — Je garde juste un œil attentif.

    La serveuse revint avec deux pintes de bière pression et les déposa devant nous.

    Chris prit son verre et se mit à boire goulûment.

    — Relax. Je les ai vus ici tous les deux hier soir. S’il voulait lui faire du mal, il l’aurait déjà fait.

    Il avait raison. Un incube qui avait l’intention de tuer sa victime le faisait au bout de quelques heures seulement. Il ne revenait certainement pas pour un second rendez-vous.

    Après un dernier coup d’œil au couple, je me penchai sur mon verre. J’aurais préféré un bon vieux scotch, mais la bière brune ferait l’affaire pour étancher ma soif. Je vidai la moitié du contenu avant de reposer le verre et d’allonger mes jambes sous la table.

    Chris me regardait, comme s’il attendait que je dise quelque chose. Constatant que je ne disais rien, il prit la parole :

    — Alors, tu veux traîner dans le coin pendant quelques jours ?

    — Je suis partant pour rester ici pendant un jour ou deux. Ils ont un problème avec des démons lamproies du côté de Bywater et j’ai dit à Denis que je leur donnerais un coup de main.

    — Ce n’est pas exactement ce que j’avais en tête, me répondit-il froidement.

    J’éclatai de rire.

    — Elle s’appelle comment ?

    Quand Chris suggérait de prendre un peu de repos après une mission, ça voulait dire qu’il avait rencontré une fille avec qui il souhaitait faire plus ample connaissance.

    Il sourit malicieusement par-dessus sa bière.

    — Nora. Elle est étudiante à Tulasne, et elle nous a invités à une soirée dans son association étudiante, ce soir.

    — Je vais passer mon tour. Les étudiantes ivres mortes, très peu pour moi. Je préfère largement occuper ma soirée autrement. Un bouquin passionnant, une bonne partie de poker, une bouteille de Macallan, et j’en passe. Ou une charmante amie qui me connaît bien, et pas uniquement dans la chambre à coucher.

    — Laisse-moi deviner tes projets pour ce soir. Rôder dans les rues pour protéger les habitants de La Nouvelle-Orléans, ou rester dans ta chambre avec un livre ?

    Je réprimai un petit rire. Décidément, il me connaissait trop bien.

    — Ni l’un ni l’autre, figure-toi. Viv est en ville, lui dis-je.

    — Ah, la belle Vivian. Ça fait un bail, n’est-ce pas ?

    — Deux ans.

    — Si longtemps ?

    Il sourit par-dessus le bord de son verre.

    — Je suppose que je ne te verrai pas pour le petit-déjeuner, alors.

    — Ça m’étonnerait. Ni pour le déjeuner, connaissant Viv.

    Nos plats arrivèrent et, tout en mangeant, nous discutâmes de la mission que nous venions de terminer. Une semaine plus tôt, nous avions entendu parler d’une recrudescence de vampires à La Nouvelle-Orléans, avec un nombre inquiétant de disparitions, des adolescents pour la plupart. La Nouvelle-Orléans était déjà un centre d’activités surnaturelles et l’unité locale s’en trouvait débordée. Chris et moi étions donc venus les aider sur le problème des vampires. Il nous avait fallu trois jours pour trouver l’une de ces créatures insaisissables et la traquer jusqu’au repaire de District Garden. Pas besoin de longues réflexions pour savoir ce qui était arrivé à l’ancien propriétaire de la vieille maison que les vampires s’étaient accaparée. Nous avions surveillé les lieux pendant une journée avant de passer à l’action.

    Je ne m’attendais pas à trouver des humains survivants et cette bonne surprise rendait la mission encore plus satisfaisante. J’avais dit au vampire que je me souciais plus de la chasse que des humains, mais c’était un mensonge. Rien n’était plus important que de protéger des vies humaines.

    Chris chiffonna sa serviette et la jeta dans son assiette vide.

    — Je me disais que nous pourrions aller vers l’ouest en quittant la Louisiane. Il se passe toujours quelque chose par là-bas. On pourrait rendre une visite à Longstone tant qu’on y est.

    — Depuis combien de temps tu n’es pas rentré chez toi ?

    Longstone était le bastion Mohiri où Chris avait grandi, dans l’Oregon. Ses parents avaient déménagé en Allemagne des années plus tôt, mais il avait encore de la famille dans ce complexe.

    — Je ne suis pas rentré depuis que mes parents sont partis, presque trois ans.

    Je repoussai mon assiette et pris ma bière.

    — Ce plan me plaît bien. On pourra faire un arrêt à Westhorne en chemin.

    Son téléphone se mit à vibrer et il sourit en regardant l’écran.

    — Pile à l’heure. Je dois aller à mon rendez-vous.

    Il se leva et déposa de l’argent sur la table.

    — Passe le bonjour à Vivian pour moi.

    — Je le ferai.

    À mon tour, je sortis mon téléphone et envoyai un texto à Vivian pour lui demander si elle avait envie d’avoir un peu de compagnie.

    Je souris lorsqu’elle répondit presque aussitôt : As-tu besoin de le demander ?

    Laissant des billets sur la table, je me levai et me dirigeai vers la porte. Dans dix minutes.

    La suite de Vivian se trouvait au dernier étage du Ritz-Carlton. Elle m’ouvrit la porte, vêtue d’une robe en soie blanche, ses longs cheveux blonds lâchés sur ses épaules.

    — Nikolas !

    Elle m’attira dans la pièce, me serrant dans ses bras avant même de refermer la porte.

    — C’est si bon de te voir.

    En riant, je l’étreignis à mon tour.

    — À moi aussi, ça me fait plaisir de te voir.

    Je reculai en baissant les yeux sur sa robe courte, qui lui arrivait à mi-cuisses.

    — Si j’avais su que tu m’accueillerais comme ça, je serais venu te rendre visite beaucoup plus tôt.

    Un rire de gorge lui échappa, puis elle attira ma tête vers la sienne pour un langoureux baiser, à la fois sensuel, chaleureux et familier. Avec les autres filles que je rencontrais, il était simplement question de plaisir mutuel. Mais avec Vivian Day, c’était plus que ça. C’était une amie formidable dont j’appréciais la compagnie. De plus, elle n’avait pas d’attaches. Son besoin d’indépendance était encore plus fort que le mien, c’est pour dire !

    Coupant court au baiser, elle me prit la main et me conduisit dans le salon de sa suite qui offrait une vue imprenable sur le quartier français. Elle s’assit sur le canapé et m’invita à la rejoindre.

    Puis elle lissa sa robe sur ses belles jambes.

    — Je n’en revenais pas quand j’ai appris que tu étais à La Nouvelle-Orléans. Ça faisait trop longtemps.

    — En effet. Mais c’est toi qui es toujours à droite et à gauche, en mission pour le Conseil chaque fois que je suis dans la même partie du globe.

    — Si tu étais d’accord pour travailler avec eux, on se verrait peut-être plus souvent.

    J’étendis mes jambes.

    — Je t’aime bien, Viv, mais je n’ai aucun intérêt à travailler pour cette bande de bureaucrates. Je respecte le Conseil pour ce qu’ils font, mais je préfère travailler à ma manière.

    Elle m’adressa un sourire complice.

    — Tu n’as toujours pas dépassé ton aversion pour l’autorité.

    Je répondis en riant :

    — Et toi, tu me connais toujours mieux que personne.

    Je connaissais Vivian depuis toujours ou presque. Notre amitié remontait à mes jeunes années en Angleterre, quand mon aïeul était le chef de Hadan Castle. Vivian et moi avions suivi le même entraînement et nous étions en compétition constante, nous poussant l’un l’autre à travailler plus dur.

    Elle se leva et se dirigea vers le bar.

    — Un verre ? Ils n’ont pas de Macallan, mais il y a une bouteille de Bowmore.

    — Seulement si tu en prends un.

    — Bien sûr.

    Elle remplit deux verres et revint sur le canapé en me tendant le mien.

    — Je ne peux pas croire que ça fasse déjà deux ans. Je me souviens d’une époque où je n’imaginais pas ne pas te voir tous les jours.

    — Qu’est-ce que tu disais, déjà ? Qu’une fois guerriers, nous partirions chasser ensemble, rien que tous les deux.

    Ses yeux scintillèrent lorsqu’elle éclata de rire.

    — C’était parce que j’avais peur que tu réussisses à tuer plus de vampires que moi si je te laissais tout seul.

    Je sirotai mon verre.

    — Et ça n’avait rien à voir avec le coup de cœur que tu avais pour moi ?

    — Ah ! Si quelqu’un a eu un coup de cœur, c’était toi. Dès notre première fois, on aurait dit que tu étais amoureux fou.

    — J’étais un adolescent chaud comme la braise, et la plus jolie fille que je connaisse avait envie de coucher avec moi.

    Quand elle était venue me trouver un jour pour m’annoncer qu’elle voulait que sa première fois soit avec son meilleur ami, le jeune de seize ans que j’étais n’avait pas eu besoin de beaucoup de persuasion. On en riait encore, en pensant à quel point on était maladroits tous les deux cette fois-là.

    Elle éclata de rire.

    — Je n’oublierai jamais ta tête quand je te l’ai demandé. Tu as paru choqué, et cinq secondes après, tu y courais déjà.

    — Trois secondes. J’essayais juste de ne pas passer pour un affamé.

    — Mon Dieu, c’était quelque chose.

    Elle prit ma main libre et entrecroisa nos doigts.

    — Quelquefois, cette époque me manque. La vie était beaucoup plus simple.

    — Serais-tu nostalgique ou je rêve ?

    — Je vais très bien, je suis juste un peu fatiguée, je crois. J’ai été sur les routes pendant presque un an. Tu sais comment c’est.

    — D’habitude, je retourne à Westhorne tous les mois ou deux mois.

    La vie d’un guerrier vous éloignait souvent de chez vous pendant de longues périodes, à moins d’être en couple. Les couples unis avaient tendance à rester près de chez eux, du moins les premières années. Je serais bien incapable de rester au même endroit pendant longtemps. Viv aussi, d’ailleurs, c’était l’une des raisons pour lesquelles nous étions tous les deux ravis de ne pas être des âmes sœurs, au grand dam de nos mères respectives.

    Elle fit tournoyer le liquide ambré dans son verre.

    — J’ai été étonnée d’apprendre que tu ne travaillais plus en solo. Alors comme ça, Chris et toi, vous êtes souvent partenaires en mission ?

    — Oui. Au moins, le Conseil me lâche la grappe. Enfin, presque.

    Le Conseil des Sept était le corps dirigeant de notre peuple. La plupart d’entre eux avaient des idées arrêtées quant à la manière d’évoluer sur le terrain. Ils aimaient que tout le monde travaille en équipe, et ça les ennuyait beaucoup lorsque quelqu’un refusait de suivre leurs protocoles. Ils ne me comptaient pas parmi leurs favoris, mais pour être franc, ça ne m’empêchait pas de dormir.

    — Alors, où est ton partenaire ce soir ? me demanda-t-elle avec un sourire qui laissait sous-entendre qu’elle avait déjà compris ce que faisait Chris.

    — Soirée étudiante.

    Elle s’esclaffa.

    — Laisse-moi deviner, ce n’est pas ton truc ?

    — On peut dire ça. Et je ne voulais pas laisser passer ma chance de te voir.

    Ses yeux s’adoucirent.

    — Tu dis toujours des choses gentilles, Nikolas Danshov.

    Je terminai mon verre et lui répondis avec un petit sourire.

    — Garde ça pour toi. J’ai une réputation à tenir.

    Elle sourit.

    — Je suis bien consciente de ta réputation, et je ferai ce que je peux pour la préserver. Mais ça va te coûter quelque chose.

    — Et peut-on savoir quoi ?

    Elle se leva et m’enleva mon verre, qu’elle posa sur la table basse à côté du sien. Ensuite, elle me prit les mains et me hissa sur mes pieds.

    Puis elle se tourna vers la chambre.

    — Je suis sûre que je peux trouver des idées.

    * * *

    — Elle est douée, pas vrai ?

    Chris désignait de la tête le petit groupe d’apprentis qui s’exerçaient au maniement de l’épée. La plupart d’entre eux savaient s’y prendre, mais la jeune fille blonde bougeait avec une grâce redoutable que j’avais seulement vue chez des guerriers expérimentés. À côté d’elle, les autres apprentis ressemblaient à des enfants avec des jouets.

    Je vis l’adversaire de la fille se jeter sur elle. À la dernière seconde, elle para l’assaut et fit glisser son épée derrière la sienne, envoyant l’arme valser loin de lui.

    J’acquiesçai.

    — Elle fera une bonne guerrière.

    Le garçon qu’elle avait désarmé récupéra son épée et se tourna pour lui dire quelque chose. Il remarqua notre présence et le rouge lui monta aux joues. Les autres apprentis interrompirent leur exercice et se retournèrent pour voir ce que leur ami regardait.

    Je les saluai d’un hochement de tête.

    — Tes fans en adoration, dit Chris d’un ton moqueur. Tu devrais peut-être leur donner une leçon, à y être.

    — Je laisse ça aux vrais instructeurs.

    Mon sac sur l’épaule, je repris le chemin du bâtiment principal. Certaines personnes étaient faites pour enseigner, et je n’en faisais pas partie. Je n’avais ni la patience ni le goût de cette vocation, même si j’admirais sincèrement ceux qui en faisaient leur métier. Peu de missions étaient plus importantes que celle de faire de nos jeunes gens des guerriers capables de se défendre eux-mêmes lorsqu’ils sortiraient dans le monde.

    Un homme aux cheveux roux sortit du bâtiment en souriant à notre approche.

    — Il était temps qu’on retrouve vos trombines par ici, tous les deux. Combien de temps resterez-vous cette fois ?

    — Deux jours, dit Chris. Je pensais que Niall et toi, vous étiez encore en Irlande.

    — Non. Je suis rentré la semaine dernière.

    Les yeux de Seamus brillèrent quand il ajouta :

    — J’ai rapporté deux bouteilles d’excellent whisky irlandais. Passez me voir plus tard, on discutera.

    — Pourquoi pas ?

    Avec Seamus, son jumeau et une bouteille de whisky, on était sûr de passer de bons moments.

    Une fois à l’intérieur, Chris et moi nous dirigeâmes tout droit vers l’aile sud. Les gens nous saluaient en nous voyant, mais nous ne prenions pas le temps de nous arrêter pour bavarder. Je l’abandonnai devant sa porte et entrai dans mon appartement, où je lâchai mon sac sur le sol. Après un mois d’absence, c’était agréable de rentrer chez soi.

    Mon regard balaya le salon, ses couleurs sombres et sa décoration simple mais confortable. À l’exception du portrait de mes parents, il n’y avait aucun tableau. J’avais une collection d’épées antiques accrochées sur un mur, et au-dessus du manteau de la cheminée, deux pistolets à silex qui avaient appartenu à Alexandre II – un cadeau de mon père, qui les tenait de l’empereur en personne. Il y avait une bibliothèque remplie de livres et un système audio dernier cri, mais pas de télévision. C’était mieux comme ça.

    Retirant mes bottes, je jetai ma veste sur le dossier du canapé en cuir et me dirigeai vers la douche pour me débarrasser de la crasse du voyage. Dix minutes plus tard, j’émergeais avec une serviette autour de la taille et lançai ma compilation préférée de rock des années soixante.

    J’étais tenté de laisser tomber ma serviette et de m’effondrer dans le lit pour quelques heures, mais je savais que Tristan passerait me voir dès qu’il apprendrait que nous étions ici. J’enfilai un t-shirt et un pantalon de jogging, je choisis sur mon étagère le roman Abattoir 5 ou la Croisade des enfants et je m’étendis sur le canapé pour lire jusqu’à son arrivée.

    Plus d’une heure après, on frappa à la porte. Je lui dis d’entrer et Tristan fit son apparition, un grand sourire aux lèvres.

    — J’ai appris que tu étais revenu, dit-il en s’asseyant sur le fauteuil en face de moi.

    Je me redressai et posai mon livre sur le canapé.

    — Tu te ramollis. Je t’attends depuis une heure et demie.

    Il rit en s’installant plus confortablement sur le fauteuil.

    — J’avais affaire avec le Conseil. Tu sais comment c’est.

    — Non, je ne sais pas, et ça me va très bien.

    Comme tout gouvernement, le Conseil passait la moitié de son temps empêtré dans des débats et submergé de réunions. Certains jours, Tristan passait plus de temps à parler au Conseil qu’à diriger les affaires à Westhorne. Je me demandais bien comment il trouvait la patience de gérer ça jour après jour.

    — Eh bien, nous avons discuté de ta dernière mission, ce qui ne devrait pas te surprendre. Ils ne sont pas contents que Chris et toi, vous soyez allés sans renforts dans ce repaire de La Nouvelle-Orléans.

    Je n’avais jamais rendu de comptes devant le Conseil et je n’allais pas commencer maintenant. Mais Tristan était mon ami et je le respectais trop pour ne pas lui dire ce qu’il voulait savoir.

    — J’aurais bien invité l’équipe de Denis, mais tu sais combien ces gars sont occupés. Chris et moi, nous avons fait notre devoir en vrais professionnels. On savait exactement à quoi s’attendre quand on est entrés. Après tout, un repaire de sept vampires, on a déjà connu pire.

    Tristan hocha la tête.

    — Le Conseil dit que vous auriez dû suivre le protocole et appeler l’une des équipes de Houston ou d’Atlanta une fois que vous aviez localisé le repaire.

    — On aurait pu, mais on serait arrivés trop tard pour sauver ces deux adolescents. Et sauver des vies humaines, c’est notre priorité, n’est-ce pas ?

    — Oui.

    Il tambourinait des doigts sur l’accoudoir du fauteuil.

    — On m’a chargé de te dire que tu as trop de valeur pour risquer ta vie inutilement. Et que tu dois suivre la procédure la prochaine fois que tu te trouves dans une situation similaire.

    — C’est noté.

    — Maintenant que nous avons réglé ça…

    Il sourit et se pencha en avant, les coudes sur ses genoux.

    — C’était comment, La Nouvelle-Orléans ?

    — Mouvementé. On a aidé les hommes de Denis pour une infestation de lamproies, et on a fait une descente chez un Goulak qui élevait des bazerats. Ils auraient bien besoin de renforts là-bas.

    — J’en ferai part au Conseil.

    — Très bien.

    Je savais que Denis aurait une autre équipe à sa disposition dès la fin de la semaine.

    Tristan m’adressa un regard amusé.

    — Je suppose que vous n’avez pas fait que travailler, vous avez dû vous amuser un peu. C’est La Nouvelle-Orléans, après tout.

    Je haussai les épaules.

    — On a mangé, bu, écouté de la bonne musique. Chris a fait connaissance avec les locaux.

    Ensemble, nous éclatâmes de rire. Nous savions aussi bien l’un que l’autre combien son neveu aimait faire connaissance avec les locaux. Chris se comportait bien avec les femmes et ne leur faisait jamais de promesses qu’il ne pouvait pas tenir. C’était un bourreau des cœurs, de l’Atlantique au Pacifique.

    — J’ai entendu dire que Vivian était là-bas pour deux semaines. Tu l’as vue ?

    — Oui. Nous avons passé un peu de temps ensemble. C’était sympa de la revoir.

    Il sourit affectueusement. Rares étaient ceux qui n’appréciaient pas cette femme.

    — Pourquoi tu n’es pas resté quelques jours de plus avec elle ? Tu n’étais pas obligé de te précipiter ici.

    J’arquai un sourcil en le regardant.

    — Fais attention. Tu ressembles dangereusement à ma mère.

    Ma mère avait deux missions dans la vie : protéger l’humanité et me voir heureux. Après presque deux cents ans, on pourrait croire qu’elle aurait laissé tomber la seconde.

    — Irina veut que son fils soit heureux. C’est ce que tous les parents souhaitent pour leurs enfants.

    La tristesse fit étinceler les yeux de Tristan, et je sus qu’il était en train de penser à Madeline. Plus de cinquante ans s’étaient écoulés depuis qu’elle était partie, mais elle n’était jamais loin des pensées de son père.

    — Je suis heureux, grommelai-je.

    Tristan ricana en regardant autour de lui.

    — Combien de temps comptes-tu rester cette fois ?

    — Trois ou quatre jours, ensuite Chris veut faire un tour à Longstone. Et après, qui sait ?

    — Quelquefois je t’envie, mon ami.

    — Je n’arrête pas de te demander de venir avec nous. Claire est parfaitement capable de diriger Westhorne en ton absence. Et le Conseil apprendra à faire avec.

    Ils se reposaient trop sur Tristan. Les Sept dirigeaient ensemble, mais ils le traitaient parfois comme leur chef, même si ce n’était pas officiel.

    — Un de ces jours, je pourrais bien te prendre au mot.

    Il passa la main dans ses cheveux blonds.

    — Que dirais-tu de reporter ton voyage en Oregon ? Nous avons eu vent de rumeurs concernant un problème de vampires dans le Maine, et j’espérais que vous iriez mener l’enquête.

    — Le Maine ? C’est le territoire des loups-garous. D’habitude, les vampires évitent cet endroit comme la peste.

    — C’est vrai, mais on a relevé un certain nombre de disparitions à Portland ces dernières semaines. Quatre humaines sont portées disparues, sans aucune trace, toutes du même âge ou presque. Les autorités là-bas n’ont ni preuves ni indices. Je n’y aurais pas prêté attention si je n’avais pas aussi entendu parler de plusieurs morts liées à des attaques d’animaux.

    — Avons-nous quelqu’un à Portland en ce moment ?

    En général, les Mohiri n’étaient pas présents en permanence dans le Maine, car c’était une région plutôt calme.

    — L’équipe d’Erik est à Boston. Ils gardent un œil sur la situation, mais ils n’ont rien trouvé. Nous envisageons la possibilité que les morts aient été causées par un loup renégat, mais les loups-garous s’en seraient déjà occupés depuis le temps.

    Je me frottai le menton.

    — Erik est doué. S’il ne trouve pas d’indices, qu’est-ce qui te fait croire que j’en suis capable ?

    Tristan sourit.

    — Tu es le meilleur pour trouver des pistes là où tous les autres échouent.

    — Tiens donc, tu essaies de me passer la brosse à reluire.

    — Et ça fonctionne ?

    — Peut-être.

    Il avait piqué ma curiosité, et il le savait. Des disparitions mystérieuses dans un endroit calme comme Portland, c’était le genre de mission auquel je ne pouvais pas résister.

    — Je suis sûr que ça ne dérangera pas Chris d’attendre une semaine ou plus pour visiter Longstone.

    — Formidable.

    Il tapa dans ses mains et ajouta :

    — Tu devrais peut-être prendre une équipe avec toi, juste au cas où.

    Sa tentative grossière pour me faire respecter les souhaits du Conseil m’arracha un éclat de rire.

    — Je ne crois pas que ce sera nécessaire. Je suis sûr que ce n’est rien que Chris et moi n’ayons déjà eu à gérer par le passé.

    — Beaucoup de gens ont dit la même chose avant de mourir, mon ami.

    J’ébauchai un rictus.

    — Tu verras. Nous irons dans le Maine et nous en reviendrons en un temps record.

    Chapitre 2

    — ÇA ME PARAÎT CALME ici, Nikolas.

    Après un coup d’œil vers Chris, je me tournai pour observer les clients du club. Il avait raison. Pour la plupart, cette foule était composée d’étudiants plus intéressés à danser et à draguer qu’à commettre des atrocités. Mais nos renseignements identifiaient ce club comme un point digne d’intérêt, parce qu’il était situé près de l’endroit où la dernière adolescente avait disparu samedi dernier. Et nos gars se trompaient rarement.

    — Accordons-nous encore dix minutes, puis nous partirons.

    Chris acquiesça et s’éloigna pour un dernier tour de reconnaissance.

    — Je te retrouve dans dix minutes.

    Je m’appuyai contre le mur, sans prêter attention à la fébrilité qui s’était emparée de moi depuis que nous étions arrivés au club, une heure plus tôt. Ça faisait cinq jours que nous étions à Portland, et toujours pas le moindre indice quant aux vampires qui avaient enlevé les quatre jeunes filles. Ils étaient encore dans les parages, j’en étais convaincu. On déplorait plusieurs autres morts depuis notre arrivée en ville, des clochards dont on n’avait même pas parlé aux actualités. Ces vampires étaient doués pour rester incognito, même s’ils avaient trahi leur présence. Ce que je voulais savoir, c’était ce qui les avait attirés à Portland, et pourquoi ils étaient encore là.

    Mes pensées furent interrompues par une belle blonde séduisante qui s’approchait de moi avec un sourire enjôleur.

    — Bonsoir, tu veux danser ?

    Je regardai fixement la fille – non pas à cause de sa question, mais parce que mon démon venait soudain de remuer, comme s’il détectait la présence d’un autre Mori. Chris était trop loin, ce qui laissait la possibilité que ce soit cette fille. Mais elle était jeune et cela m’aurait étonné qu’une Mohiri adolescente puisse être seule dans ce club. Et puis, nous n’avions pas de bastion dans le Maine.

    Cette drôle d’impression commençait à s’évanouir lorsque mes yeux furent attirés par une fille aux cheveux noirs, au moment où elle passait derrière la blonde. J’eus à peine le temps d’apercevoir son dos avant qu’elle entre dans les toilettes des dames, mais elle avait l’air jeune. Je surveillai attentivement la porte en attendant qu’elle réapparaisse.

    De son côté, la blonde toussota comme pour me rappeler son invitation à danser. Je déclinai poliment avant de me tourner vers les toilettes. Je ne voulais pas manquer la fille aux cheveux noirs quand elle sortirait. Autant que je sache, il n’y avait pas de guerriers à Portland en ce moment. Alors que ferait une Mohiri dans ce club, avec des étudiants humains ? Et pourquoi serait-elle ici sans son équipe, surtout avec les vampires que l’on avait aperçus dans le secteur ?

    Quelques minutes plus tard, je fronçai les sourcils lorsque la porte des toilettes s’ouvrit, laissant sortir la fille. Elle était plus jeune que je ne m’y attendais, et très jolie. Elle était légèrement maquillée et il y avait quelque chose de spécial dans son expression, une innocence prudente qui lui donnait l’air de ne pas être à sa place. Elle n’avait pas l’âge d’être une guerrière, mais elle avait passé celui d’être une orpheline. Il faut croire que ce n’est qu’une humaine.

    Derrière elle, deux filles blondes quittaient les toilettes en se disputant bruyamment. La brune secoua la tête et leva les yeux au ciel. Je ne pus m’empêcher de sourire. Elle m’intriguait, même si elle n’était pas Mohiri comme je le suspectais, et je la regardai s’arrêter pour laisser passer une autre femme.

    L’une des deux blondes proféra une insulte et bouscula son amie au moment où elles arrivaient à sa hauteur. La fille trébucha en levant les bras et entra en collision avec l’inconnue aux cheveux noirs. Je m’écartai du mur lorsqu’elles tombèrent toutes les deux. La jeune inconnue heurta violemment le sol et je l’entendis pousser un grognement de douleur lorsque l’autre, plus lourde, lui atterrit dessus.

    J’allais m’avancer vers elles quand un homme attrapa la blonde par le bras pour la hisser, libérant la fille en dessous.

    — Elle va bien ? fit une voix tandis que je rejoignais l’inconnue et découvrais son air hébété.

    Je me penchai vers elle en tendant la main.

    — Ça va ?

    Elle essaya de se redresser en clignant des paupières.

    — Euh, je crois, répondit-elle d’une voix basse et rauque qui me coupa le souffle.

    Je lui pris la main pour l’aider à se relever, et dès que nos doigts se touchèrent, un picotement chaud me traversa. Mon Mori venait de frissonner avec intérêt et… excitation ? Il n’y avait aucun doute dans mon esprit, la fille était une Mohiri. Mais comment était-ce possible ? Comment pouvais-je la percevoir et, l’instant d’après, ne plus rien sentir ? Comment avais-je pu m’approcher d’elle sans rien déceler avant de la toucher ? Et plus important encore, que faisait-elle ici au lieu de vivre dans un bastion ?

    La fille accepta ma main tendue et leva les yeux vers moi. Ses joues rosirent et ses lèvres dessinèrent un sourire timide. Quand son regard rencontra le mien, je tressaillis. Elle avait des yeux verts magnifiques encadrés par de longs cils noirs. Si les yeux sont vraiment les fenêtres de l’âme, alors je savais que j’étais en train de contempler l’une des âmes les plus pures que j’aie jamais vues. J’étais vaguement conscient de l’insistance de mon Mori, de l’étrange sensation de flottement qui émanait de mon démon. Mais la seule chose à laquelle je pensais, c’était que j’avais l’impression d’avoir déjà rencontré cette fille quelque part. Pourtant, c’était impossible. Je n’aurais jamais oublié ses yeux ni son visage.

    Prenant conscience que je n’étais qu’à quelques centimètres d’elle, je reculai d’un pas. Elle détourna le regard et je me sentis étrangement dépossédé, intensément troublé par ma réaction. J’avais déjà rencontré des milliers de jolies femmes dans ma vie, mais aucune d’elles ne m’avait fait le même effet que ce petit brin de fille.

    Elle leva de nouveau les yeux et sourit.

    — Désolée, j’ai dû me cogner la tête plus fort que je le pensais.

    La vague d’émotions qui se propagea en moi faillit me mettre à genoux. Un sentiment basique et primitif me comprimait la poitrine, j’éprouvais le besoin presque incontrôlable de toucher cette fille.

    Que se passe-t-il ? Je serrai les dents, luttant contre cette envie folle et contre mon Mori agité. Je n’avais pas perdu le contrôle de mon démon depuis que j’étais enfant, et j’étais sidéré de devoir lui résister aujourd’hui.

    Il me fallut plusieurs secondes pour me rendre compte que la fille était partie. Je regardai autour de moi, juste à temps pour la voir disparaître dans la foule.

    Qui est-ce ? Une Mohiri, évidemment, mais que faisait-elle ici toute seule ? Elle devait avoir dix-sept ou dix-huit ans – trop âgée pour être une orpheline. Et surtout, pourquoi mon Mori et moi étions-nous affectés à ce point ?

    La lumière se refléta sur un objet à mes pieds et je me baissai pour le ramasser. En effleurant la croix en argent encore chaude, je compris que c’était la sienne. Le pendentif était ancien et quelque chose me disait qu’elle serait très triste si elle venait à le perdre.

    Ce n’était pas difficile de deviner où elle était partie. En sortant sur la terrasse, je la découvris seule, près de la rambarde, en train de contempler la nuit. Elle se massait la tempe et je me demandai si elle s’était blessée en tombant.

    En la voyant, je fus la proie d’un nouvel assaut d’émotions troublantes – le besoin, la protection, le désir, la peur – et je me retournai pour rentrer. Quoi que ce fût, je ne pouvais pas m’en préoccuper maintenant. Je devais retrouver Chris, lui raconter ma rencontre et en apprendre plus sur l’histoire de cette fille.

    Avec un soupir, je reportai mon attention sur elle et une boule me noua le ventre quand je songeai à quel point elle avait l’air petite et vulnérable, toute seule ici. Quelque chose en elle me touchait avec une force incompréhensible et je me surpris à la rejoindre.

    — Je crois que c’est à toi.

    Elle sursauta et fit volte-face, posant les yeux sur le collier cassé qui pendait au bout de mes doigts. Elle porta la main à son cou, puis elle récupéra le pendentif avec précaution, comme si elle craignait que je lui attrape le poignet.

    — Merci, dit-elle doucement en le glissant dans sa poche.

    J’examinai son visage, troublé par ce que je ressentais. Elle était Mohiri, à coup sûr, mais son Mori était tellement silencieux qu’il semblait endormi. D’habitude, quand deux Mohiri se trouvent à quelques pas l’un de l’autre, leurs démons se perçoivent. Mon Mori essayait désespérément d’atteindre celui de la fille, mais il restait sans réponse. Quant à moi, j’étais hypnotisé par le besoin pressant qu’éprouvait mon démon de se connecter avec ce Mori si particulier, et par ma propre attirance envers la jeune femme.

    — Tu as fini ?

    Sa question directe me tira de mes rêveries et je la regardai avec surprise. Ce soir, j’avais été abordé par plus de femmes que je ne pouvais en compter, mais de toute évidence, cette fille n’était pas intéressée. Et pour une raison quelconque, ça ne me plaisait pas.

    — Tu es un peu jeune pour être ici, dis-je gravement.

    Elle releva le menton.

    — Je suis désolée, mais je ne pense pas que ça te regarde.

    — Tu ne dois pas avoir plus de dix-sept ou dix-huit ans. Tu ne devrais pas être ici toute seule.

    — Tu n’es pas beaucoup plus âgé que moi. Et je ne suis pas seule.

    — Je suis plus âgé que j’en ai l’air, répliquai-je.

    Je ne savais pas si j’en voulais à cette fille ou à moi-même, à cause de la jalousie injustifiée qui déferlait en moi à ces mots. Je ne savais rien d’elle, pourquoi devrais-je me soucier qu’elle soit accompagnée ?

    Passant une main dans mes cheveux, je poussai un gémissement frustré. Qu’est-ce qui ne tourne pas rond chez moi ce soir ?

    — Nikolas, lança alors Chris.

    Je me retournai pour le découvrir dans l’encadrement de la porte, l’air amusé.

    — Tu es prêt ?

    « Non », avais-je envie de répondre. Soudain, j’étais réticent à quitter cette mystérieuse fille qui m’attirait comme la lumière attire un papillon de nuit. Bon sang, je ne connaissais même pas son prénom.

    Mais je finirais bien par le savoir. C’était une jeune Mohiri dans une partie de la ville où les vampires proliféraient. C’était mon devoir de la protéger et de découvrir qui elle était et ce qui l’avait amenée ici. L’éclat dans ses yeux m’indiquait qu’elle ne serait pas contente si je le lui demandais directement. Je pressentais une méfiance en elle, et je savais qu’elle n’accordait pas facilement sa confiance.

    — J’arrive dans une minute, Chris.

    Mais j’avais déjà décidé que nous ne partirions pas.

    Nous allions rester dans les parages et surveiller la fille pour nous assurer qu’elle était en sécurité. Puis je la suivrais chez elle et je découvrirais qui elle était. Ma décision n’était pas motivée par l’étrange instinct protecteur qu’elle m’inspirait. J’étais un guerrier, et elle était sous ma responsabilité.

    Bien déterminé, je me dirigeai vers la porte avant de me retourner vers elle en arrivant sur le seuil.

    — Reste avec tes amis. Ce quartier est dangereux pour une fille seule la nuit.

    De toute façon, elle n’avait rien à craindre. Chris et moi, nous nous assurerions qu’elle et ses amis rentreraient chez eux sains et saufs.

    — J’y penserai, merci, répondit-elle à mi-voix.

    Chris me sourit lorsque je le rejoignis à l’intérieur.

    — Tu es sûr que tu es prêt à partir, vieux ?

    — Pas vraiment.

    Son sourire s’agrandit et je fis la grimace.

    — Ce n’est pas ce que tu crois. C’est une Mohiri.

    — Quoi ? fit-il en écarquillant les yeux. Elle ne peut pas avoir plus de dix-huit ans. Que fait-elle ici ?

    — C’est ce que nous allons découvrir.

    Je passai le club bondé en revue à la recherche d’une personne susceptible d’accompagner la fille, mais aucun profil ne correspondait.

    — Elle a dit qu’elle n’était pas toute seule. J’ai l’intention de la surveiller, elle et ses amis, et de m’assurer qu’elle rentre chez elle sans problème. Ensuite, je commencerai à me renseigner.

    Chris jeta un œil derrière moi. La fille était toujours sur la terrasse.

    — Tu sais, elle me rappelle quelqu’un, mais je n’arrive pas à mettre le doigt dessus.

    — Je vois ce que tu veux dire. J’ai l’impression de l’avoir déjà rencontrée, mais il me semble que je m’en souviendrais.

    Il répondit avec un regard narquois :

    — Mémorable, n’est-ce pas ?

    — Elle est différente, admis-je avant de reprendre un ton sérieux. On se sépare. Je surveille la fille, et toi tu fais le guet.

    — Ça me convient.

    Il alla se mêler à la foule et je retournai dans le même coin sombre où j’étais avant que la fille attire mon attention.

    Moins d’une minute plus tard, elle entrait dans le club et passait devant moi sans regarder dans ma direction. Mes yeux la suivirent. Elle traversa la salle et rejoignit deux adolescents au bord de la piste de danse. Le plus grand des deux, un garçon aux cheveux noirs, lui sourit affectueusement lorsqu’elle arriva devant lui, et en retour elle lui adressa un tendre sourire.

    Un sentiment noir et sauvage déferla en moi. Mon corps se raidit et je serrai les poings. Mon Mori grogna tandis qu’une fureur possessive me traversait.

    À moi !

    À moi ? Qu’est-ce que… ? J’en oubliai de respirer alors que la vérité s’imposait lentement à travers la tourmente de mes émotions. C’est impossible.

    Solmi, insista furieusement mon Mori.

    Khristu !

    Je m’effondrai contre le mur, déserté par mes forces.

    C’était mon âme sœur.

    Âme sœur. Ces mots étranges tournaient en boucle dans ma tête. Comment était-ce possible ? Pendant près de deux cents ans, j’avais rencontré un millier de femmes Mohiri, et aucune d’entre elles n’avait le potentiel d’être mon âme sœur. Quelles étaient les probabilités pour que j’en trouve une ici, dans une ville où je n’avais pas mis les pieds depuis cinquante ans ? Je n’aurais même pas dû être ici, si je n’avais pas rendu ce service à Tristan.

    Mon regard balaya le club à la recherche de la fille. Dès que je la trouvai, mon cœur se mit à cogner contre mes côtes et je sentis de nouveau la tempête de mes émotions brutes. Âme sœur.

    Je détournai la tête. Je connaissais des hommes qui avaient expérimenté ce lien – Tristan était l’un d’eux –, mais je ne leur avais jamais demandé ce qu’ils ressentaient. Je ne voulais pas le savoir. On nous avait appris à créer des liens quand nous étions enfants, mais rien dans mon éducation ne m’avait préparé à cette déferlante de sentiments envers quelqu’un dont je ne connaissais l’existence que depuis trente minutes. Je lui avais parlé cinq minutes en tout et pour tout, mais chaque détail de son visage, de ses yeux vert émeraude jusqu’à ses lèvres roses rebondies, restait gravé dans ma mémoire.

    M’éloignant du mur, je traversai le club pour m’approcher d’elle et de ses amis, tout en restant hors de vue. Plus près, je pouvais l’entendre rire quand son ami aux cheveux noirs lui disait quelque chose. Ce son chaud et riche propageait une douce chaleur entre mes jambes. Mon Dieu. Je pris une profonde inspiration et expirai lentement. Bon sang, je me comportais comme un véritable adolescent.

    Arrête, démon, ordonnai-je avant de me rendre compte que je parlais à mon Mori. Qui faisait ce genre de chose ? Pourtant, dès l’instant où j’avais touché cette fille, le démon m’avait mis à rude épreuve, me noyant sous des émotions irrationnelles.

    La mâchoire contractée, je mis toutes ces pensées de côté. Peu importe ce qui se passait en moi, la fille était une jeune Mohiri qui devrait être dans un bastion, et non pas dehors, dans un club. Ce devait être une orpheline, c’était la seule explication à sa présence ici. Mais pourquoi n’avait-elle pas montré de signe de reconnaissance quand nous étions ensemble, et pourquoi son Mori était-il si calme ? Si c’était une orpheline, comme je le soupçonnais, comment contrôlait-elle son démon ? J’avais trop de questions et elle était la seule à pouvoir y répondre.

    Mon téléphone vibra et le nom de Chris apparut sur l’écran.

    — Tu trouves quelque chose ? demandai-je.

    — Il paraît que quelqu’un a signalé un cadavre dans le parking en bas de la rue. J’ai pensé qu’on pourrait vérifier ça avant que la police arrive. Je peux y aller si tu veux rester et surveiller la fille.

    Je la regardai de nouveau. Elle dansait avec ses amis et ils ne semblaient pas prêts à partir.

    Soudain, la perspective d’un peu d’air frais et d’une certaine distance entre nous me parut une excellente idée.

    — Elle peut rester ici pendant quelques minutes. Je te retrouve dehors.

    Chris m’attendait quand je rejoignis nos motos, garées derrière le club, dans le coin des employés. Il garda le silence tandis que j’attachais l’étui de mon épée. En levant les yeux, je surpris son regard.

    — Quoi ?

    Il secoua la tête.

    — Je ne sais pas. Tu as l’air distrait.

    — Je vais bien.

    Il ne semblait pas convaincu, mais il n’insista pas. C’était l’une des choses que j’appréciais chez Chris. Il savait quand ne pas insister et passer à autre chose.

    En temps normal, nous aurions pu marcher pour couvrir la courte distance jusqu’au parking, mais nous devions faire l’aller-retour avant que la police arrive. Grâce à la vitesse de nos Mori, nous fûmes sur place en trente secondes. Le corps était au niveau deux, entre deux voitures, et Dieu merci, la personne qui l’avait signalé n’était pas restée dans le coin pour attendre les forces de l’ordre.

    Chris alla examiner le corps. C’était un jeune homme de presque vingt ans, avec une veste de l’université. Je sentis l’odeur de son sang lorsque Chris le retourna pour révéler ses blessures au cou.

    — Le corps est encore chaud. Il n’est pas mort depuis longtemps.

    Chris se releva.

    — Des vampires, c’est évident. Il semblerait que nos gars aient raison au sujet de… Où vas-tu ?

    — Je retourne au club pour la fille.

    Soudain, je me maudissais de l’avoir laissée sans protection. Après tout, je venais moi-même de lui dire que cet endroit était dangereux. J’aurais dû rester avec elle et laisser Chris enquêter sur le corps. Mais j’avais laissé l’émotion prendre le pas sur la raison et je l’avais abandonnée. Maintenant que je savais qu’il y avait un vampire dans les environs, tout ce qui m’importait, c’était de retourner auprès de mon orpheline afin de la protéger.

    Mon orpheline ? Je secouai la tête. Mon Dieu. J’étais déjà possessif, et je ne connaissais même pas son prénom.

    — Nikolas.

    La voix de Chris était teintée d’amusement.

    — As-tu l’intention d’entrer au club comme ça ?

    Je jetai un œil sur mon harnais en cuir et mes mâchoires se serrèrent. Chris avait raison. J’avais la tête en l’air.

    — Je vais explorer le secteur pendant que tu couvres la fille, annonça-t-il avant de s’éloigner dans une autre direction, sans doute en riant de mon attitude étrange.

    Et encore, il ne savait pas que cette fille était mon âme sœur. Ça le ferait tellement marrer qu’il risquait d’en lâcher son arme.

    Âme sœur potentielle, me rappelai-je. Découvrir que l’on avait un lien avec quelqu’un ne signifiait pas que l’on devait forcément aller plus loin. Certains choisissaient de tourner le dos à ces liens avant qu’ils aient une chance de se développer. J’aimais ma vie comme elle était, et je n’avais aucun désir d’y ajouter une âme sœur.

    En fin de compte, peut-être avais-je tort à ce sujet. Un lien fonctionnait dans les deux sens, alors la fille aurait dû ressentir quelque chose. Or elle n’avait pas montré le moindre signe d’intérêt.

    Mais qu’est-ce qui ne va pas chez moi ?

    Un bruit étouffé dans la ruelle derrière le club me tira de mes pensées alors que je rejoignais ma moto. Ce n’était peut-être rien, mais avec un vampire dans le coin, je devais vérifier.

    Je m’engageais dans la ruelle quand la voix d’une femme terrifiée me parvint.

    — Non ! hurlait-elle.

    Ce simple mot me glaça les veines. Mon premier réflexe voulait que je me précipite vers elle, mais je pratiquais la chasse depuis près de deux cents ans, si bien que je m’avançai à pas de loup pour évaluer la situation avant d’agir.

    En la voyant, je faillis en oublier toutes les règles du métier. Le vampire l’avait appuyée contre le mur et posait sa bouche sur sa gorge. Elle avait les yeux fermés, mais la terreur qui émanait d’elle était presque palpable.

    Aussitôt, je vis rouge et je dus me forcer à réfléchir posément, évaluant mes options. Je pouvais les rejoindre en une seconde, mais si le vampire était mature, il lui déchirerait la gorge avant que je parvienne à l’éloigner. Si je voulais qu’elle s’en sorte vivante, je devais me comporter comme s’il s’agissait d’une mission comme une autre.

    Le vampire murmura quelque chose. Puis il redressa la tête et regarda fixement la fille. Il était temps de faire mon apparition.

    — En voilà des façons de traiter une jeune femme.

    Savoir n’importe quel jeune Mohiri entre les mains d’un vampire me mettait déjà en colère, mais voir ce vampire la toucher réveillait en moi quelque chose de sauvage et d’obscur.

    Le vampire se retourna. S’adossant contre le mur, il utilisa le corps de la fille en guise de bouclier.

    — Tu es très courageux, l’ami, mais si j’étais toi, je passerais mon chemin.

    — À ce qu’il paraît, je n’obéis pas très bien aux ordres.

    Je m’avançai dans la lumière, où le vampire pouvait me voir. Peu de vampires resteraient en présence d’un guerrier Mohiri armé. Si celui-ci avait un peu d’instinct de conservation, il relâcherait la fille et s’enfuirait.

    Le vampire émit un sifflement effrayé.

    — Mohiri !

    L’une de mes règles d’or consistait à ne jamais quitter un vampire des yeux, mais pour ça, j’avais besoin de tout mon self-control. Il ne fallait pas que je la regarde. Je ne pouvais pas me permettre de perdre ma concentration maintenant.

    Je ris en feignant un calme que je ne ressentais pas.

    — Je vois que les présentations sont déjà faites. Bien. Je déteste perdre mon temps avec des formalités.

    La main griffue du vampire se dirigea vers sa gorge.

    — Recule, sinon je la déchiquette.

    Incapable de me retenir, je posai les yeux sur son visage. La peur et la supplication que j’y lus ramenèrent mon Mori à la surface. Il voulait sortir, mais je devais rester tranquille. Dès que le vampire se rendrait compte que la fille n’était pas une mission comme une autre à mes yeux, il s’en servirait à son avantage.

    — Un peu mélodramatique, tu ne trouves pas ? dis-je gravement en faisant un pas vers lui.

    Il répondit d’une voix forte :

    — Tu auras sa mort sur la conscience, Mohiri.

    Il ferma les yeux un instant et mon corps se ramassa pour attaquer quand je vis un filet de sang couler dans le cou de la jeune femme. L’odeur du sang attisait sa soif, et à l’expression sur le visage du vampire, il était évident qu’il la voulait pour lui.

    Mon Mori s’en rendit compte, lui aussi. Il bouillonnait sous ma peau, sa voix se mêlant à la mienne.

    — Si tu fais ça, tu signes ton arrêt de mort, vampire.

    — Mon frère, ça te ressemble bien de t’éclipser pour goûter tout seul aux friandises. Et regarde les problèmes que tu t’es attirés.

    Je levai les yeux vers le second vampire qui se tenait sur l’échelle de secours. Bon sang, j’aurais dû me douter qu’il ne serait pas tout seul. Tu te ramollis, Nikolas. Je serrai les dents. Je n’arrivais plus à penser correctement depuis que j’avais rencontré cette fille. Sans elle, je les aurais déjà tués tous les deux. Heureusement, j’avais déjà affronté bien pire que ces deux vampires. Ce que je craignais, c’était de la blesser.

    — Voyons, Joël, dit le vampire sans la lâcher.

    Avec l’arrivée de son ami, il était devenu arrogant. Il ajouta :

    — Tu sais que je t’en garde toujours.

    Joël éclata de rire.

    — Je crois que je mérite un peu plus qu’un simple échantillon cette fois. Hmm… elle a l’air délicieuse.

    — Celle-ci est à moi, rétorqua le vampire qui la tenait.

    Pour ça, il faudrait d’abord me passer sur le corps.

    — Non ! s’écria-t-elle.

    Elle se dégagea de sa poigne et son regard croisa le mien.

    Avant que je puisse bouger, le vampire la reprit contre lui, et son ami atterrit à côté d’eux. Ils semblaient prêts à se battre. Dévoré par l’inquiétude, je tirai mon épée avec un visage impassible.

    Le premier vampire ricana avant de formuler mes craintes à haute voix :

    — Tu ne peux pas nous vaincre tous les deux et la sauver. Elle mourra et tu auras déployé tous ces efforts pour rien.

    J’affrontai sans sourciller son regard provocateur.

    — Dans ce cas, je ne tuerai que toi.

    Son sourire vacilla.

    — Je te trouve bien audacieux pour quelqu’un qui est en infériorité numérique.

    — Sara ? retentit alors une voix masculine.

    Tous les quatre, nous nous tournâmes vers le bout de la ruelle. Je humai l’air et souris lorsque mon Mori perçut une nouvelle odeur inattendue, celle des loups-garous.

    — Sara, où es-tu ? lança un deuxième homme.

    Au visage de la jeune femme, je compris que c’était la Sara qu’ils appelaient. Mon sens de l’odorat était toujours plus développé quand mon Mori était près de la surface, ce qui expliquait pourquoi je ne les avais pas sentis tout à l’heure, dans le club. Il semblerait que mon orpheline soit pleine de surprises.

    La stupeur des vampires me fit ricaner.

    — Vous sentez cette odeur, les amis ? Je crois que la chance vient de tourner en votre défaveur.

    Joël décocha un coup de coude à son ami.

    — Viens, mon frère. Nous trouverons des mets plus raffinés

    — Non, c’est celle-là que je veux.

    Je réprimai un grognement en percevant la possessivité dans sa voix.

    — Libère-la ou je te tue, à toi de choisir. Et tu ferais mieux de ne pas trop tarder à te décider.

    — Sara, bon sang, mais où es-tu ? lança son ami, plus près cette fois.

    Les vampires s’agitèrent nerveusement. Sara poussa un cri et je me tendis comme un ressort.

    L’un des garçons gronda, puis un grognement plus fort encore se fit entendre au bout de la ruelle.

    J’attendis que les vampires relâchent Sara et s’enfuient. Aucun trophée – même une jeune Mohiri – ne valait la peine d’affronter un guerrier armé et deux loups-garous. Dès que le vampire la laisserait s’en aller, je la rattraperais et la placerais en sécurité.

    Au même moment, un loup-garou surgit dans la ruelle. Il était énorme pour un jeune loup, et il regardait fixement Sara.

    Les vampires hurlèrent et celui qui tenait Sara bondit vers l’escalier de secours, le bras toujours autour de sa taille.

    — Non !

    Je me précipitai vers eux, mais le second vampire, le dénommé Joël, profita de cette diversion pour me donner un coup de griffes. Il me lacéra le flanc avant de sauter en arrière, hors de portée de mon épée. Il était vieux et rapide, et au rictus arrogant sur son visage, je sus qu’il pensait être de taille à m’affronter seul.

    En d’autres circonstances, me battre avec lui aurait été un vrai plaisir, mais je n’avais qu’une idée en tête : leur reprendre Sara. Si ce vampire s’en allait avec elle…

    Je resserrai les doigts sur le manche de mon épée. Non. Je ne le permettrais jamais.

    Joël gronda et revint à la charge dans un mouvement flou. J’évitai son attaque et brandis mon épée, déchirant sa chemise et lui entaillant le torse. Il lâcha un cri avant de reculer de nouveau.

    Le hurlement de Sara détourna mon attention. Je regardai sur ma droite pour apercevoir l’autre vampire, déjà à mi-chemin sur l’échelle menant au deuxième étage. Il donnait des coups de pieds frénétiques au loup-garou accroché à sa jambe. Sara se battait sauvagement contre le vampire, mais il semblait déterminé à la garder. À quelques pas d’eux, le second loup-garou attendait. Il surveillait ses amis sans savoir quoi faire.

    Joël fondit sur moi et je parai son attaque juste à temps. Il trébucha, portant la main à son épaule sanguinolente.

    — Tu es doué, Mohiri, mais tu n’es pas assez doué pour la sauver, railla Joël tout en bondissant hors de ma portée. Eli va

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