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Deuil (Estrange Reality, #1) (Edition Francaise)
Deuil (Estrange Reality, #1) (Edition Francaise)
Deuil (Estrange Reality, #1) (Edition Francaise)
Livre électronique450 pages5 heures

Deuil (Estrange Reality, #1) (Edition Francaise)

Par C VA

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À propos de ce livre électronique

Il a fallu 72 années et 9 000 km à Estrange, un mercenaire et un espion, pour réaliser qu’Alma était son âme sœur et que leurs destins ont été liés depuis des décennies. L’existence ennuyeuse d’Estrange est brusquement interrompue par un rêve aussi étrange qu’incompréhensible et qui réveille en lui un désir incontrôlable, mêlée d’une soif intense et jusqu’alors inconnue...

Incité par cette nouvelle sensation, il décide de quitter la quiétude de la forêt Amazonienne et retrouver Alma, une petite fille qu’il avait secourue lors d’un crash d’avion et qui, entre temps, est devenue une belle jeune femme. Leur attirance foudroyante, magnétique et irrésistible, apparait dès leur première rencontre et culmine quand Alma risque de perdre sa vie et Estrange aussi souple et silencieux qu’un grand félin, jailli et l’entoure de ses bras en transformant son corps en bouclier. Alma n’a pas le temps de réagir. Immobile, fascinée malgré elle par l’approche envoutante de l’homme, elle s’efforce et résiste à la tentation de s’enfuir. Estrange, à son tour, est submergée par une sensation étrange : une vague de désir incontrôlable, mêlée d’une soif intense et jusqu’alors inconnue... Car l’homme est un de ceux que l’humanité entière hait et chasse mais elle ne le craint pas ! Quand Alma comprendra que celui qui lui a sauvé la vie à plusieurs reprises est un vampire sera trop tard car leur histoire d’amour est trop intense et il n’y plus de détour.

Leur attirance simultanée, magnétique et irrésistible, nous montre le lien inconnu et magique entre les âmes, au-dessus d’un simple destin humain et même au-delà des dimensions interstellaires.

"Je pense que, c'est une bonne source pour un film. Ce roman est dense pour un film et il joue avec le contexte, le rythme, et surtout, les détournements narratifs sont étendus dans le passé, le présent et l'avenir. Les dialogues des personnages sont, en fait, faciles à faire passer en script. La technologie pourrait fait l'histoire encore meilleure dans une adaptation cinématographique."

LangueFrançais
ÉditeurC VA
Date de sortie13 juil. 2011
ISBN9782953921816
Deuil (Estrange Reality, #1) (Edition Francaise)
Auteur

C VA

She began her career as a graphiste and she's still doing it when she conceive her book covers, but writing romance novels was her passion. She enjoys writing both YA and adult drama and steampunk romance infused with elements of magic and non-public scientific final research results, along with eerie SF novels. Carmen has two ongoing series, The Estrange Reality Series (vampire romance) and The Neural Network Series (SF & time travel romance, a comic book). All the titles are in french and are also available in english. When not behind her computer doing research for her novels out to come or writing, you can find her reading, usually something involving the eerie, supernatural or SF. She lives in France, Paris, with her two black & white mischievous cats. Carmen would love to hear from you! You can reach her at estrange.reality@gmail.com.

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    Aperçu du livre

    Deuil (Estrange Reality, #1) (Edition Francaise) - C VA

    Étais-je prêt pour la fin de cette pièce de théâtre dans laquelle l’univers m’avait trouvé un rôle ? Serais-je à la hauteur d’une telle épreuve ? Ou, peut-être… Mon esprit s’était-il engourdi pendant toutes ces années ? Et tout était vain ? Au-delà de ma colère et de ma détresse, j’eus une brève bouffée d’espoir : tout ceci était fini et j’allais bientôt m’éloigner avec elle…

    Je fis un pas, franchis le seuil… Ma vue se troubla… ma respiration s’arrêta et, devant moi, en un clin d’œil… Un cauchemar…

    L’odeur du sang, que j’avais tant aimée auparavant, me tordait maintenant le cœur de douleur. Le bureau était renversé, tout près une chaise était tombée. Ce fut une prouesse, les doigts gelés, le souffle coupé, de pousser un peu plus la porte, et alors se dévoila une autre partie de ce calvaire… Je vis…

    La lumière changea, des ombres naquirent du néant, s’enroulèrent et formèrent des tourbillons de fumée opaque et épaisse, se métamorphosèrent progressivement en une forme humaine… Je criai d’effroi…

    Tout disparut et les ténèbres régnèrent à nouveau…

    I HASARD

    — « Cessna 123AB, if you read, squawk indent. Cessna 123AB, si vous m'entendez, enclenchez l'identification. »

    Le chuchotement de la forêt fut interrompu par une voix affligée. La nature sembla figée par cette intrusion inopinée, et les gazouillements des oiseaux cessèrent.

    — « MAYDAY, MAYDAY, MAYDAY, ici GS-ABC sur 121,5, à tout avion ou contrôle dans mon secteur, ma position est 6° 48' 1 50.42 Nord et 37° 22' 1 27.30 Ouest de EBLG, 5000 pieds, 90 nœuds, transpondeur 7700, réacteur hors service, pas de pression huile, demande assistance médicale et anti-incendie après atterrissage d'urgence dans mon secteur ».

    La voix se voulait calme, mais son message n’était pas rassurant.

    — « MAYDAY, MAYDAY, MAYDAY, this is GS-ABC on 121.5, to any aircraft or control in my vicinity, my position is 6° 48' 1 50.42 North and 37° 22' 1 27.30 West of EBLG, 5000 feet, 90 knots, Squawk 7700, engine down, no oil pressure, requesting medical and fire assistance when crash landing completed in my vicinity ».

    Décidément, quelque chose n’allait pas ! Le commandant de bord articulait chaque parole distinctement et sans relâche, appelait au secours dans les cieux en espérant qu’un être vivant lui viendrait en aide. L’émetteur-récepteur était posé sur un rocher en attendant que toute l’équipe se réunisse pour une mission d’entraînement. Les têtes se tournèrent comme par magie, en même temps, vers la droite. La voix poursuivait son appel à l’aide et les regards se collèrent sur le transpondeur avec curiosité. Nous l’emmenions chaque fois que nous sortions du campement, mais nous ne savions pas vraiment pourquoi sauf qu’il faisait partie de l’équipement. Il ne nous avait jamais servi. Nous n’avions pas besoin d’être sauvés, nous l’étions ! Le colonel nous parlait à chaque réunion de sa plus importante mission où le héros principal avait été… « Walkie » ! C’est ainsi qu’on l’avait surnommé, car il se laissait porter plutôt que de parler ! Bon, une chose était sûre – on se tenait au règlement, on y collait, quoi.

    — Le transpondeur ! Walkie a parlé !

    — Oh, merde ! Tu as raison, Victor, articula Thomas.

    — Comme tu dis ! répliqua Dorien.

    — C’est vous, mon colonel ?

    — Pourquoi serait-ce moi, soldat ?

    Je grimaçai en regardant Thomas avec curiosité.

    — Parce que... vous en faites toujours un peu trop, dit ce dernier en gloussant.

    Je ne pouvais pas le croire ! Je le regardai, interloqué.

    — Que veut dire exactement un peu trop ?

    — Qu’avec vous, chaque mission d’entraînement c’est comme du réel, mon colonel !

    — Ah bon ! Sauf que, cette fois, ce n’est pas moi. Donc, c’est vraiment du réel, soldat !

    Je les dévisageai un par un, tous ceux qui étaient déjà arrivés au point de rencontre, et j’ordonnai en saisissant mon arme :

    — Prenez vos bagages ! On embarque ! Victor ?

    — Oui, mon colonel ! L’appel de détresse vient du nord-est. Un avion, je crois.

    — Tu crois, Victor ?

    — Je sais que l’avion est dans l'impossibilité de continuer son vol vers l’aéroport de Cayenne Rochambeau ; nous serons donc obligés de l’accueillir chez nous, à Kourou, mon colonel. Par contre, aucune indication sur le nombre de passagers.

    Il regarda le scanner, qu’il avait rapidement allumé et, en le branchant à l’ordinateur, il trouva la position exacte et les détails sur l’avion. La vue en 3D du scanner nous indiqua, en hologramme, le suivi du vol. Les calculs défilèrent à une vitesse infernale sur l’écran, mais je savais que le résultat final serait celui que mon intuition m’indiquait.

    — Bien ! (Je fis semblant de regarder ma montre – mon horloge interne ne se trompait jamais.) On a peu de temps ! Il faut qu’on soit là-bas bien avant. Après la coupure des communications avec la tour de contrôle et la disparition de l'appareil des radars, l'alerte sera donnée par le Centre de coordination de sauvetage et les opérations de recherche et de sauvetage seront aussitôt déclenchées. Dorien ?

    — Mon colonel ?

    — Faites la liaison avec Kourou ! Dites-leur qu’on arrive ! Qu’ils préparent la grande piste, il y a plus de 700 passagers à bord ; les pompiers, aussi. Il faut faire vite, car ils sont en descente rapide. On prend leur direction, au cas où ils n’arriveraient pas jusqu’à l’aéroport, on les récupérera dans la jungle ! Courons ! Hé, Dorien !

    — Oui, mon colonel, j’informe le colonel de la situation !

    — Très bien vu soldat ! Dépêchons !

    Rigolard, je me tournai face à eux, courant en marche arrière.

    — Je crois que votre mission virtuelle, messieurs, s’est transformée en une mission bien réelle !

    Ils me regardèrent en souriant, je leur avais appris le détachement face à l’inconnu et je savais que tous aimaient le danger. Ils allaient être servis.

    ***

    — Mon colonel, comment allons-nous nous sortir de là ?

    Thomas toussa, leva son regard vers moi, pendant que ses bras continuaient à battre l’eau.

    L’avion s’était écrasé en tentant de se poser. Il n’avait pas réussi à atteindre la piste de l’aéroport. Il s'était brisé en trois parties, l'arrière, dans le sens de la longueur. Une large brèche s'était formée dans le fuselage derrière le cockpit. Mais il n'avait pas pris feu entièrement — la queue de l’avion avait heurté les hauts arbres, s’était accrochée aux branches et l’avion avait fini par tomber. Nous étions arrivés trop tard. Le pilote l’avait posé dans la canopée à la limite de la forêt et de la rivière. Le poids de l’avion avait provoqué un effondrement du terrain riverain et l’appareil penchait à 30° vers la rivière. Chaque seconde qui passait risquait d’entraîner la noyade de survivants.

    Je me mis à rugir :

    — Victor !

    — Oui, mon colonel ?

    — Contactez le directeur général de l'Office national des aéroports ou, si vous ne le joignez pas, le colonel ! Qu’il se débrouille ! Je veux la liste complète des passagers et de l’équipage ! Il faut qu’on connaisse le nombre de personnes qui étaient vraiment à bord. On doit tous les trouver ! Dorien ! Où sont les secours ?

    — À deux heures d’ici, mon colonel. La console radar du Centre de coordination de sauvetage, même avec son sélecteur de fréquences d'écoute appropriées, n’a pas réceptionné l’appel de détresse lancé par l’avion ! Ils ont été informés par nous ! Les lignes téléphoniques spécialisées reliées avec les différentes unités de contrôle de la circulation aérienne et les organismes adjacents ont commencé le suivi du trafic aérien et ils attendent d'agir en cas de besoin. Actuellement, tous les moyens aériens ainsi que terrestres sont mis en œuvre. Vous connaissez le colonel Harcourt ! Les effectifs tentent, dans une course contre la montre, de localiser le lieu du crash de l'appareil. Tout est encore incertain, pour eux ! En gros… Ils n’étaient pas prêts pour une intervention de grande envergure, mon colonel ! Et ils attendent notre rapport. Pour eux, c’est à nous de le trouver en premier !

    — Oui, ils se sont toujours plaints que rien d’important n’arrive à Cayenne… Ils affirmaient que s’il se passait quelque chose ils pouvaient montrer que…

    — 745 passagers et 15 membres d’équipage, mon colonel ! Le colonel Harcourt a répondu avant le directeur général de l'Office national des aéroports !

    Victor me coupa la parole et força sa voix pour se faire entendre.

    — Mon colonel ! On y est ! Regardez !

    Axel, qui se trouvait à quinze mètres, me désigna un premier débris, une pièce métallique sortant à moitié de la rivière. J’entendis comme un faible gémissement au loin et je me retournai vers le soldat.

    — Axel ! Sur ta droite ! À 20 mètres ! Dépêche-toi ! Une femme ! Elle ne peut pas bouger ! Thomas, va avec lui ! Vous autres, allez-y ! Déployez-vous ! Victor ! Venez avec moi ! On va voir ce qui s'est passé près de la rivière !

    Victor me suivit en silence. Nous escaladâmes les troncs à moitié écrasés, et nous approchâmes du bord de la rivière. Je lui montrai les trois personnes accrochées à un tronc d’arbre qui flottait sur l’eau. Il sauta derechef et les aida à rejoindre la terre ferme en les rassurant. J’aperçus alors un autre groupe. Au milieu, une personne blessée était allongée sur un morceau de la carlingue. Je la rattrapai avant qu’elle ne perde connaissance et ne glisse à l’eau.

    — Je vais vous tirer jusqu'à la plage. Vous allez essayer de rester immobile comme si vous étiez inconsciente. Ne vous débattez pas. Ce sera plus facile pour moi.

    — Monsieur…, dit une voix plaintive qui provenait des arbres au bord de la rivière.

    Je me retournai avec précaution pour ne pas faire chavirer la personne que j’étais en train de conduire vers le bord.

    — Monsieur… Là… Plus loin dans le marécage. (La femme tendait son bras rouge de sang vers un endroit éloigné.) Il y a mon mari. Pouvez-vous aller voir si…

    Elle s'arrêta, étouffant sous les pleurs, et, vaincue par l'émotion, prit son visage entre ses mains.

    — J’irai, ne vous inquiétez pas. Victor !

    — Oui, mon colonel ! Je suis là ! Les trois personnes sont en sécurité ! Les gars ont mis en place une aire de survie et jusque-là on n’a trouvé que des blessés légers ! Comment est le vôtre ?

    — Juste évanoui ! (Je me retournai, observant ceux qui se trouvaient encore dans la rivière. Certains, capables de nager, se dirigeaient vers Victor. Je tentai de les rassurer.) Avancez doucement vers le bord de la rivière ; si nécessaire, le caporal Victor va vous aider à rejoindre l’aire de survie. Les secours sont presque arrivés.

    Je me retournai vers Victor qui nia d’un léger signe de tête vers la gauche mon affirmation.

    Hum…

    Nous allions devoir agir vite, car la fin du jour était proche et il ne fallait pas que les survivants passent la nuit dans la jungle.

    — Je continue, Victor. Dépêchez-vous ! Il faut finir avant le coucher du soleil !

    — Où allez-vous, mon colonel ? lâcha-t-il, troublé.

    Ses yeux me scrutèrent tandis que ses mains s’agitaient dans ses poches.

    — Vers les marécages, là-bas. (Je lui montrai du menton le milieu de la large rivière, près de l’île.) Continuez, Victor ! Il faut faire vite !

    — Mon colonel, dit-il anxieusement. Vous savez, là-bas, le courant est fort et il y a des sables mouvants.

    — Assez, Victor !

    — Oui, je sais. Si quelqu’un peut y arriver seul, c’est… bien vous.

    — Oui, je pourrai m’en tirer, je crois.

    Ma voix me parut légèrement arrogante. Je le regardai une dernière fois et nageai vers cet endroit connu sous le nom de Coin du diable en raison des accidents et des morts inutiles survenus pendant les simulations d’entraînement en forêt équatoriale. Je savais que si quelqu’un était tombé dans ce coin, ses chances de survie étaient nulles sauf s’il était né sous une bonne étoile ou avait un ange gardien – ce à quoi je ne croyais pas.

    Les lianes s’entrelaçaient en formant une grille infranchissable autour de l’île. Les arbres, hauts de vingt mètres, étaient dépourvus de branches jusqu’à deux mètres à partir du sol. Il était impossible d’y monter se cacher ou d’essayer de se sortir de ce marécage si l’on ne mesurait pas plus d’un mètre quatre-vingts. Les racines dépassaient de la terre, s’entremêlaient avec les lianes et couvraient la rivière à certains endroits.

    Je parcourus encore dix mètres à la nage et m’arrêtai pour écouter le silence. Je me fixai sur les sons particuliers — un cœur humain est différent de celui d’un animal. Je n’entendais aucun battement alentour. J’essayai de renifler, mais le mélange des algues mortes, du bois humide et des corps d’animaux en putréfaction me remplit les narines sans qu’une odeur particulière se détache. J’inspectai encore les alentours puis je me décidai à partir. Je fis quelques brasses et m’arrêtai…

    — Aaahh ! criais-je.

    Une sorte de douleur m’étreignait…

    Mais, qu’était-ce ?

    Un sentiment indéfini…

    Je fis demi-tour et revins vers l’endroit qui semblait m’attirer comme un aimant. J’avais l’impression qu’un harpon lancé en plein cœur, bien ancré, me tirait avec vigueur, en m’éviscérant. Étourdi par la douleur, je regardai l’étendue d’eau, mais je ne vis rien, à cause de toutes ces algues mortes. Plus j’avançais, plus j’avais mal. Le feu que je ressentais n’était pas chaud, mais froid. Bizarre, un feu sans chaleur… Comment pouvait-il me brûler alors ? J’étais si mal que je m’immergeai complètement pour apaiser mes tourments, les yeux ouverts, me laissant couler vers le fond…

    Et là, à plus d’un mètre sous l’eau, j’aperçus quelque chose de clair, presque transparent, qui bougeait avec des mouvements incontrôlés. Je m’approchai prudemment. Il y avait deux jambes au milieu d’un noyau d’algues et de racines d’arbres. Avançant rapidement, je me rendis compte qu’une pirogue était retournée et que quelqu’un était prisonnier au-dessous. Je sentis une vague de chaleur joyeuse remplir mon cœur et je souris.

    Je soulevai d’une main la pirogue en la poussant vers le haut et de l’autre j’attrapai vigoureusement le corps. À peine l’avais-je soulevé que j’entendis un cri, et il me glissa presque entre les mains. Je perdais prise. On aurait dit que le courant entraînait ses jambes, comme pour m’empêcher de le sauver, mais, engourdies, elles ne répondaient plus. La légèreté du corps me surprit. En accentuant la pression de mes doigts, je réussis à le maintenir à la surface. C’était une petite fille d’environ six ans.

    Aurais-je pu imaginer ces sensations, ces sentiments bouleversants ?

    — Je vais mourir, monsieur ? C’est ça ? demanda-t-elle.

    J'avais si froid maintenant — le feu avait si bien fait son travail en me brûlant — que je ne pouvais plus sentir grand-chose, sauf sa chaleur tandis que je la maintenais au-dessus des vagues.

    Ses cheveux étaient mêlés d’algues et sa peau était blafarde après tout ce temps passé dans l’eau. Elle ressemblait à un cadavre, mais un cadavre parlant.

    J’avalai péniblement en lui frottant doucement le dos pour la réchauffer.

    — Je t'ai repêchée, non ? murmurai-je en la regardant avec un léger sourire.

    Je la serrais trop étroitement pour voir son visage, mais j’entendis sa voix légèrement tremblante.

    — Oui. Comment avez-vous fait ?

    Ces enfants ! Toujours à poser une question embarrassante.

    — Je suis fort. Plus fort que toi, je veux dire.

    Elle voulut répliquer, mais l'eau décida de sortir de son estomac juste à ce moment.

    — OK, dis-je. Je dois te sortir de là. Reste immobile.

    Elle était trop faible et semblait terrifiée à l’idée de quitter son abri sous la pirogue, et de laisser les vagues reprendre possession d’elle.

    Je quittai d’un coup de pied l’endroit où elle avait créé, par ses battements des pieds, comme un gouffre dépourvu d’algues. Je nageai vers le rivage, en la tenant sous le bras, allongée sur le dos, quand une vague recouvrit son visage avec violence.

    — Non ! cria-t-elle en battant des pieds, paniquée.

    L’agitation de la rivière nous avait ébranlés et elle se mit à bouger follement, essaya de se retourner et de s’accrocher de ses faibles bras à mon cou, en pliant ses genoux.

    — Arrête ça ! ordonnai-je sèchement.

    — Je ne veux pas me noyer ! brailla la fillette qui s’agita derechef.

    — Arrête de bouger ! (Ce serait plus difficile que je ne l’avais cru !) Laisse-toi flotter sans bouger. Fais-moi confiance !

    Je l'obligeai à rester immobile, mais ce fut impossible ! C'était incroyable, comment elle semblait mobiliser toutes ses forces pour gigoter !

    Nous filions à travers les flots comme si un fil nous tirait vers les bords sablonneux. Les mouvements du courant ne pouvaient entraver ma nage. J’avançais rapidement. Une vitesse de record du monde. Puis je sentis le sable, mais je poursuivis jusqu'à ce que je sois certain qu’elle aurait pied.

    — On est arrivés. Peux-tu te lever ?

    Je la lâchai et elle retomba, la tête la première, dans les vagues, à hauteur du genou. Je la rattrapai avant qu’elle ne s’étouffe et je la jetai aisément sur mon épaule. Je me taisais, seule ma respiration indiquait mon énervement. Mes pieds, chaussés de bottes, laissaient d'énormes empreintes dans le sable humide.

    — On va rejoindre les autres, par ici, murmurai-je en changeant de direction.

    Tandis que je m’approchais de l’aire de survie, je voyais son regard qui s’attardait sur chaque visage, mais, de fatigue, elle laissa tomber sa tête sur mon épaule en soupirant, ses bras entourant mon cou.

    Il commençait à faire sombre et le soleil était prêt à se coucher. Les soldats avaient monté ce campement dans une des rares petites clairières que l’on pouvait trouver dans cette jungle. La pluie ne tarderait pas maintenant. Il faisait chaud. Lourd et chaud. La petite fille tremblait si fort que ses dents claquaient, on eût dit des grelots.

    — Mon colonel, qu’avez-vous là ?

    Victor s’approcha à grands pas décidés. Son visage était fatigué.

    — Une couverture, Victor ! criai-je, mais je n'eus pas à bouger davantage.

    Il s’exécuta tout de suite. Je pris la couverture et je l’enroulai autour d’elle en la serrant étroitement. Elle frissonnait, sa peau était si froide… Je la déposai, en enlevant doucement ses bras de mon cou, contre l’arbre sur lequel un dernier rayon de soleil s’attardait encore, près d’une tente.

    — J’ai… frrrooid, bégaya-t-elle.

    — Ça va passer, lâchai-je, troublé, en lui caressant la tête.

    Je tentai avec maladresse et en vain d’enlever quelques algues mortes de ses cheveux. Je ne faisais que lui tirer les cheveux. Je me sentis honteux. Elle était courageuse, si petite… Maintenant, elle me faisait comprendre que j'étais faible. Je m’éloignai à grands pas, Victor sur mes talons.

    — Je ne peux pas l’aider davantage…, marmottai-je.

    — C’est normal, mon colonel, les enfants… hum... C’est spécial, disait ma mère.

    Il y avait de l'amertume dans sa voix. Il passa devant moi, m’empêchant de lui demander ce qu'il voulait dire.

    Je m’approchai de Thomas. Je voulais en savoir plus sur les secours. Mais je ne pouvais plus me concentrer. Tous mes sens étaient embrouillés. J’ignorais si cela était dû au nombre de blessés. Je ressentais de la douleur, du désespoir, de la faiblesse… un malaise si profond…

    Pourquoi cet avion s’est-il écrasé ici ? Quelle était la cause du crash ?

    L’expérience m’avait appris que derrière chaque chose il y avait une cause, un déclencheur et… une raison.

    Que ça s’arrête ! Non, je ne le ferai pas… plus jamais ! Je peux résister… Oh ! Cette attirance, ce… Pourquoi maintenant ? Pourquoi ici ? Qu’y a-t-il ?

    Je fourrai mes mains dans mes poches. J’essayais de résister à la tentation. Il fallait que je m’accroche, que je trouve une raison pour détourner mon attention. J’essayais de mieux comprendre… Comment faire ? M’éloigner servira-t-il à quelque chose ? Des millions d’images défilèrent devant mes yeux. Des centaines de possibilités de le faire. La facilité — que j’avais oubliée —, la force donnée, la vie renouvelée. Toutes ces images n’étaient que des raisons de continuer, de ne pas m’attarder sur le pourquoi, de me plier à la nécessité. Je me frottai le visage avec les mains.

    Je dois me ressaisir.

    Puis je me lissai les cheveux, les tirant vers l’arrière, en les collant sur le cuir chevelu, refaisant ce geste… Le temps passa… Inconsciemment, je m’éloignai…

    — Tu comptes me dire ce que tu voulais faire ?

    — Tyrone ! m’exclamai-je, du bonheur dans la voix.

    Incroyable, mais il y avait encore un peu d'espoir ! Je croyais presque qu’il avait choisi ce moment pour faire son apparition.

    — Tu as l'air de t'être bien amusé, continua-t-il, désinvolte.

    — C'était amusant, jusqu'à ce que je… (Je me tournai pour l’observer — ses bras étaient croisés sur la poitrine, son regard accusateur. Mes dents claquaient, mais il comprit ce que je disais.) Ils sont arrivés !

    — Je suis là, non ?

    Je grimaçai. Toujours cette attitude arrogante ! Hum ! Il ne changerait jamais !

    — Pourquoi ce retard ? On appelle ça des secours ? dis-je d’un ton sceptique.

    Il grogna et me dévisagea.

    — Parce qu’ils n’étaient pas prêts pour une opération d’une telle ampleur. J’ai insisté pour qu’ils viennent au moins avec le matériel qu’ils avaient sous la main…

    — Mais ça va prendre encore des heures pour tous les récupérer ? Une nuit dans cet enfer peut leur causer des traumatismes pour la vie ! l’accusai-je, outré.

    — Ce n’est pas la peine de crier. Ils savent que tu es là, ils comptent tous sur toi, dit-il en me scrutant de son regard.

    — C'est vraiment stupide, tu sais.

    Je crachai les mots. J’avais envie d’en avoir un devant moi, un de ceux qui se prenaient pour des chefs, qui pourraient tout compromettre. Je lui aurais sauté à la gorge.

    — Tes amis le font bien… le travail.

    Il inspira bruyamment et je sentis un léger reproche dans sa voix.

    — Ce sont des soldats et ils sont costauds.

    Qu’avait-il ? Pourquoi ce changement d’attitude ? Pourquoi ce revirement de celui que je connaissais auparavant ? C’était seulement une impression ? Ou mon état me faisait-il halluciner ?

    — Ils sont surtout bien entraînés, répliqua-t-il. Les secouristes aussi…

    — Dans une pataugeoire, ils pourraient bien se débrouiller, rétorquai-je. Tyrone, c’est la saison des pluies. Ils n'ont pas réalisé, ou quoi ?

    Je le fixais et lui me toisait en fronçant les sourcils et en fermant à demi ses paupières.

    — Non, admit-il.

    Il dodelina de la tête et pinça les lèvres, gardant ses bras croisés sur la poitrine.

    — Stupide ! C’est d’un stupide…, répétai-je.

    — Ouais, avoua-t-il en soupirant.

    Il fixa mes mains cachées dans les poches du pantalon, et, sous le poids de son regard, je les y fourrai plus encore. Il scruta mon visage, scanna mes traits. Il essayait de déchiffrer la nature de mon bouleversement, sûrement. Il plissa le nez et resserra les épaules.

    — Et que fais-tu ici ? Quand es-tu arrivé ? Encore une mission à la con ? Je croyais que tu aurais une plus longue permission après que tu as failli laisser tes plumes dans la neige.

    Je voulus plaisanter à propos de la mission au cours de laquelle nous nous étions connus, et qui, finalement, s’était bien terminée. Il faisait presque nuit dans la jungle et j'étais, pour la première fois depuis plus d’une décennie, si fatigué… Les ombres nous entouraient et la forêt changeait.

    — Bien, tu es réveillé. C’est toujours toi ! dit-il en rigolant, et son rire grotesque, crevant le silence, me secoua vigoureusement.

    — Arrête, râlai-je. Ça suffit !

    — Alors, je vais te dire...

    Sincèrement, je n'avais même pas envie qu’on me parle et je fermai les yeux.

    — Après ! dis-je, et je me détournai de lui.

    J’entendis qu’on approchait de l’endroit où nous nous trouvions. C’étaient quatre soldats de ma compagnie. Leur marche entre les arbres était à peine audible. Ils cherchaient mes traces dans la végétation haute. Ils s’arrêtaient de temps à autre pour trouver des indices. Je dressai l’oreille quand l’un d’entre eux s’arrêta. Il semblait découragé.

    — Mon colonel ? interrogea une voix profonde, connue.

    — Avancez encore dix mètres, Thomas ! Tout droit !

    Ils avancèrent rapidement dans notre direction. Tout à coup, l’espace derrière moi se remplit de soldats. Je levai la tête. Mes yeux étaient pleins de colère à cause de Tyrone. Soudainement, je me sentis protégé par eux. Le visage impassible de Victor apparut en premier, puis ses camarades se placèrent à sa droite en formation. Leurs visages allaient de moi à Tyrone.

    Je toisai Tyrone, agacé.

    — Les secours sont arrivés, mais ils ne sont prêts qu’à moitié ! dit Victor en regardant Tyrone. Le patrouilleur lance-missiles, dépêché sur les lieux par le directeur général de l'Office national des aéroports pour accueillir les blessés évacués par les hommes-grenouilles et les sauveteurs héliportés, doit arriver sur zone ! D’un moment à l’autre… On a vérifié chaque nom sur la liste des passagers… On ne les a pas tous trouvés ! Il en manque deux ! Il y a des blessés graves aussi parmi les membres de l’équipage, surtout le pilote et le copilote. Ils partiront avec le premier hélicoptère. Le commandant de sauvetage veut vous parler, mon colonel.

    — Je vous suis, caporal. On se voit plus tard, Tyrone ! Allons-y ! ordonnai-je, et nous partîmes vers la gauche.

    Un petit sentier se dirigeait vers la clairière, celui que j’avais emprunté en arrivant et qu’eux n’avaient pas déniché. Nous gravîmes rapidement le chemin escarpé et derrière nous la forêt retrouva sa tranquillité. Personne ne me coupa le chemin. Dans mon champ de vision périphérique, je vis Victor et les trois autres légèrement en arrière. Tandis que je les regardais démêler avec agilité les lianes, je constatai qu’ils se fondaient dans le paysage. Ils ne faisaient qu'un avec l’environnement. Hum ! J’avais fait du bon boulot !

    Je jetai un coup d'œil furtif à Tyrone, il marchait derrière moi ; lui aussi semblait faire corps avec la nature. Il paraissait encore plus contrarié, plus retenu, que pendant notre conversation, ou que la dernière fois qu’on s’était vus. C'était perturbant.

    Nous atteignîmes le lieu de détente, un peu plus bas que là où je m'étais aventuré. On balayait un secteur de près de 400 kilomètres carrés côté océan. Un avion de surveillance survolait la zone de la catastrophe et un autre faisait des cercles au-dessus de l'objectif. Des hommes en blanc couraient dans tous les sens, le vacarme des hélicoptères Panthère et Puma était accablant. Les tentes de secours des médecins étaient entourées par un cordon les séparant de l’espace commun. Des gouttes de pluie tombaient de leurs cheveux, leurs uniformes ruisselaient et ils ne semblaient pas s'en apercevoir. La pluie sinuait en tombant le long de grandes feuilles d'arbres, et le soleil couchant avait du mal à franchir la pellicule de nuages. Il se faisait déjà tard ! Tard pour les blessés, au milieu de la jungle en saison de pluie ! Et aussi, tard pour moi si les choses ne changeaient pas !

    Je dois m’éloigner, vite…

    Je voulus poursuivre la marche, mais des plaintes me parvinrent. Je savais qui était là. Et c'est pour cela que je devais m'éloigner...

    Pourquoi ne puis-je pas hâter le pas ?

    Je tournai la tête. Un groupe formé de six femmes entourait une petite tache grise. Les soldats s'étaient tous arrêtés, m’imitant. Ce fut à ce moment-là que je pris conscience que la petite fille, sous sa pile de couvertures, tremblait sans pouvoir se contrôler. Je me sentis démuni, car je ne pouvais pas l’aider.

    — Est-ce qu'elle va bien ? demandai-je à Thomas d’une voix hésitante. (Personne ne me répondit. Il y avait quelque chose qui clochait.) Thomas ? (Je rouspétai, mais personne ne répondit. Je touchai son front, il était glacé. À mon contact, ses tremblements cessèrent. Je sentis la froideur de sa peau transpercer la mienne, comme des piqûres de glace.) Il faut la réchauffer, elle s'endort, murmurai-je.

    — Non, mon colonel.

    La voix de Thomas me parut lointaine, et un des soldats s'avança. Il me prit par le bras pour m’éloigner. Je m’arrachai à son étreinte avec une telle force que je l’entendis gémir. Mon instinct me disait que quelque chose n’allait pas…

    — Thomas ? Les secours ! Où sont les secours ?

    — Mon colonel… les secours ont été avertis…

    Je le regardai en gardant ma paume près du visage de la petite fille.

    — Et ? Elle n’est pas assez importante pour qu’on la sauve, c’est ça ?

    — Non, ce n’est pas ça… Ils ne peuvent rien faire… Apparemment, c’est un problème de groupe sanguin, pour une perfusion…

    Mes doigts étaient comme des griffes et dans ma rage je risquais de lui faire mal. Je retirai vite ma main. Je passai les doigts dans mes cheveux, massai mon front comme pour éloigner une mauvaise idée.

    — Prenons-la !

    Thomas se pencha vers elle, les bras ouverts, mais il s'arrêta net quand je l’écartai d’elle. Je me rendis compte que je ne voulais pas que quelqu’un d’autre la prenne en charge.

    — Je m'en occupe, Thomas, dis-je, passant mes bras sous elle et la soulevant avec aisance tandis que je me levais.

    Son corps me paraissait plus léger, comme si quelque chose s’éloignait gentiment…

    — D'accord, répliqua Thomas.

    Il se releva et attendit. Mes jambes se dérobèrent à la pensée que la vie s’éloignait d’elle. Thomas me rattrapa dans ma chute. Instinctivement, je luttai contre ses mains, risquant de faire tomber la petite fille. Plusieurs bras s’approchèrent. Je ne voulais pas de leur aide ! C’était trop !

    Thomas m'attrapa de nouveau, m'écartant des autres comme s’il avait compris ma répulsion. La petite se balança dans mes bras. Je fronçai, furieux, les sourcils quand Thomas serra les couvertures autour d’elle.

    — Que se passe-t-il ? demanda Tyrone en se rapprochant.

    Sa respiration était toujours calme et régulière.

    — La fille… Il veut la sauver, mais c’est trop tard…, répondit Victor sur un ton mécanique avant de réaliser ce qu'il venait dire.

    — Folie, dit Tyrone.

    Je lui jetai un regard furibond, mais son visage était impassible et déterminé. Renfrogné, je l’entourai de mon bras. Je me débattis avec les couvertures pour libérer sa main, je voulais sentir son pouls. Moi seul pouvais être sûr que la vie ne l’avait pas quittée.

    — Folie, dis-tu ? demandai-je, dégoûté.

    Tyrone leva les yeux au ciel.

    — À quoi bon ? Hum ?

    Dans un soudain et rapide mouvement, il inclina la tête vers moi et saisit sa main.

    — Hé ! objectai-je.

    J’étais surpris, et étonné de mon sursaut. Il eut un sourire ironique pour moi en laissant tomber la main. Le bras de la petite fille retomba lourdement.

    — Si tu veux…, allons, dit-il.

    Je savais à quoi il pensait, mais, à ce moment, je m’en foutais royalement. S’il m’avait demandé pourquoi je voulais tant la sauver, je n’aurais pu lui répondre… Même moi, je n’en connaissais pas la raison, de l’étrange envie que j’avais eue…, de l’importance que j’accordais au sauvetage de cette petite fille… Je m’éloignai vers le premier secouriste que je vis, Tyrone à mes trousses. La fillette ne bougeait plus du tout.

    Depuis trop longtemps.

    Sa tête partait en arrière, secouée au rythme de mes pas.

    — Monsieur, il y a d’autres personnes !

    Le ton de commandement du secouriste m’irritait au plus haut point. Il semblait attendre une autorisation (mais de qui ?). Je lui lançai un regard noir et féroce tandis que je serrais les couvertures autour d’elle. Je continuai à m’approcher de lui en rageant intérieurement.

    — Un médecin, je cherche un médecin !

    Je tournai, affolé, la tête de droite à gauche quand, enfin, j’entendis une voix :

    — Ici, monsieur ! Je peux vous aider ?

    Je me jetai presque dans sa direction, avec la petite fille dans les bras. Je faillis trébucher et me prendre les pieds dans une racine sortie de terre en plein milieu de la clairière entre les hautes plantes. Je lui tendis la fillette.

    — S’il vous plaît, il faut la sauver ! Apparemment, elle a besoin d’une perfusion, d’un don de sang…

    — Ah ! Oui, un collègue m’en a déjà parlé. Une maladie assez rare… aucune compatibilité avec les 800 personnes réunies dans ce seul endroit…

    Je l’arrêtai, pressé :

    — Je peux le faire ! Faites-le tout de suite !

    — Mais, monsieur… vous ne savez pas…

    — Je sais, justement ! Vous dites que sans cette prise de sang elle va mourir, c’est bien ça, non ?

    — Oui, mais…

    — Et vous croyez que c’est bien de la laisser mourir, au lieu d’essayer de la sauver, non ?

    Je rugissais au point que toutes les têtes se tournèrent vers nous. Il me regarda, et je vis la bataille qui avait lieu sous son crâne. Il calculait le pour et le contre.

    — Non. Vous avez raison. Par ici, si vous voulez bien, dit-il en faisant un signe vers la tente derrière lui. (Il toucha le front de la petite fille.) Pourvu qu’il ne soit pas trop tard !

    Il entrebâilla l’ouverture de la tente, s’effaça pour que j’entre en premier. Il me suivit et s’approcha rapidement d’une table sur laquelle se trouvaient plusieurs trousses. Il en ouvrit une et sortit une bouteille de liquide antiseptique. Dans une autre trousse, il prit des seringues et des aiguilles, et prépara la perfusion. Je posai doucement la fillette sur un lit de camp, faisant attention à ne pas trop la bousculer et à maintenir les couvertures en place.

    Il me tendit des tampons et la bouteille de liquide antiseptique. Je sortis son bras de sous les couvertures, remontai sa manche jusqu’au coude. Sa peau était tellement blanche que ses veines étaient violettes. Je lui nettoyai doucement le bras quand le médecin s’approcha, me prit le tampon et marmonna :

    — Laissez-moi faire, s’il vous plaît. Asseyez-vous et remontez votre manche.

    Je m’assis par terre, près du lit. Je remontai ma manche, et je pris un autre tampon. Je l’aspergeai du liquide antiseptique et nettoyai mon bras.

    Le médecin, qui avait mis en place la perfusion, se retourna vers moi.

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