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Mémoires d'outre mer: Roman initiatique
Mémoires d'outre mer: Roman initiatique
Mémoires d'outre mer: Roman initiatique
Livre électronique285 pages3 heures

Mémoires d'outre mer: Roman initiatique

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À propos de ce livre électronique

À 25 ans, Audrey part avec la Marine Nationale dans une aventure fantastique et inoubliable à travers le monde...

Je vous parlerai d’une horde de sauvages, de rites de passage, de capotes sous cloche ou encore de course-poursuite. Une condition humaine en quelque sorte, en vase clos et sur quelques mois. Voyez-le comme un roman initiatique, d’aventure et exotique.
“ Un texte résolument moderne mais qui ne tombe pas dans le piège de la facilité linguistique. Une réelle originalité dans l’angle de traitement des situations du quotidien. Un sens de l’observation aigu. Un témoignage fort, poignant. Le lecteur est en empathie avec l’auteur tout au long du texte qui a su éviter les écueils du nombrilisme.” Les Editions Baudelaire
Dans cette aventure incroyable entre l'Amérique du Sud et la Russie, en passant par l'Afrique, l'auteur partage les expériences, les peines, les révélations ayant enrichi sa vie et sa vision du monde.

À PROPOS DE L'AUTEURE

Audrey Heiser est née en Lorraine en 1979. Marine Nationale, direction e-commerce, consulting, immobilier, entrepreneuriat, cette jeune femme aime les défis et la vie. 

LangueFrançais
ÉditeurPublishroom
Date de sortie13 oct. 2021
ISBN9791023620900
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    Aperçu du livre

    Mémoires d'outre mer - Audrey Heiser

    Préface

    À présent, je peux mourir, voilà ce que j’ai pensé en 2005, alors âgée d’à peine 26 ans, de retour de ma deuxième campagne GEAOM. J’ai réalisé que j’avais fait, vu et vécu tellement plus de choses que l’immense majorité des hommes et des femmes sur cette planète, que cela résonnait en moi sereinement. Je réalisais la chance inouïe que j’avais eu de vivre tant d’expériences différentes en même pas un an de vie, cumulé.

    C’était il y a plus de quinze ans, une éternité dans le monde d’aujourd’hui, où tout va si vite. Un univers aujourd’hui disparu. Le GEAOM, ou Groupe École d’Application des Officiers de Marine¹, est une mission annuelle de la Marine nationale qui clôt, avec application concrète des apprentissages des années précédentes, la formation des officiers de marine issus de l’École navale (appelés officiers-élèves, ou OE, à bord) et des autres officiers issus du monde maritime militaire, à l’instar des médecins militaires ou commissaires des armées qui servent par la suite dans la Marine, mais aussi des administrateurs des affaires maritimes (ou affmar). C’est une mission 4 en 1 : opération (selon les besoins et missions identifiés), coopération (exercices pratiques avec les marines d’autres nations ou avec d’autres corps d’armée), rayonnement (en escale notamment), formation (poursuite des cours sur les bancs et mise en pratique). C’est un véritable stage d’application de fin de scolarité, qui allie un vrai déploiement opérationnel qui dure cinq mois. Tour à tour intense, pénible, usant, joyeux, on en sort tellement plus riche, de soi, des autres, de sens.

    Jeanne d’Arc (affectueusement appelée Jeanne ou JDA), c’est le nom qu’on donnait au navire-école des officiers de marine depuis 1912. Une tradition qui a pris fin en 2010, lors du retrait du service actif du dernier bâtiment dédié, ce porte-hélicoptère aux lignes si majestueuses. Sur 100 ans de navire-école, ce porte-hélicoptère aura effectué plus de 40 ans de bons et loyaux services.

    Au début des années 2000 donc, le Red Bull était interdit en France, certains hauts lieux de la vie nocturne étaient encore ouverts, à l’instar du Help à Rio. Au début des années 2000, j’ai discuté avec des rois, survolé la baie de Rio tel un oiseau, déféqué dans une fosse grouillante de cafards, je me suis perdue sur une île, j’ai assisté à un défilé de mode sur un navire de guerre et échangé avec les mannequins lors de l’after, j’ai assisté des populations sinistrées par un tsunami, j’ai préparé des pâtes dans une bouilloire, assisté à la coupe du monde féminine de hockey-sur-glace, bouché le lavabo de mon poste à force de vomir, donné un cours d’anglais à un acteur, mangé du crocodile, j’ai été interviewée par une radio locale à St Pierre-et-Miquelon, j’ai été volée, j’ai poursuivi un voyeur, j’ai joué au foot sur un camp militaire américain, je me suis baignée avec des pingouins, j’ai été par deux fois baptisée (lors du passage mythique de deux lieux symboliques et chargés d’histoires), j’ai échangé et déjeuné avec l’un des hommes les plus éloignés de toute terre… Je vous parlerai aussi d’une horde de sauvages, de rites de passage, de sexe, de capotes sous cloche ou encore de course-poursuite. Une condition humaine en quelque sorte, en lieu clos et sur quelques mois. Voyez-le comme un roman initiatique, d’aventure et exotique.

    1ere partiE

    CAMPAGNE GEAOM 2003-2004

    À bord, le 30 octobre 2003 – 12h22

    La vie : un don magnifique pour quiconque sait saisir les opportunités et provoquer son destin. Ces deux campagnes sont un cadeau. Le cadeau professionnel d’une vie qui ne se refuse pas, et qu’on accueille le cœur battant et le sourire aux lèvres face à la promesse du mot « Jeanne ».

    Les grands événements et les situations hors du commun que je serai amenée à vivre, c’est au creux de ces pages que je les relaterai.

    La Jeanne d’Arc, feu ce bâtiment-école qui parachève l’éducation militaire, maritime et humaine d’un groupe d’élus, officiers-élèves avant tout, mais aussi personnel embarqué, c’est un mythe et un rêve devenus réalité pour la jeune femme que j’étais alors et qui ne demandait qu’à croquer le monde à pleines dents.

    Ouverture sur le monde et sur les autres, et découverte de soi, voilà ce que nous découvrirons au gré de ces pages, qui marqueront à jamais mon esprit et mon cœur, tel le sillage sans fin de ce noble porte-hélicoptères sur une mer d’huile.

    Affectée depuis deux mois à bord, tout se passe plutôt bien. Je n’en reviens pas, déjà deux mois, cela passe tellement vite. Ma mission consiste à donner des cours d’anglais aux officiers-élèves, ou OE, au personnel embarqué et aussi des cours de français aux officiers-élèves étrangers.

    Ma première impression a été plus que positive puisque ma responsable directe est très sympa, mon boss (le Direc : directeur école) nous laisse carte blanche et le Pacha (le commandant) est très humain.

    Déjà deux mois et aussi deux événements majeurs : nous avons participé à une émission TV et j’ai organisé mon premier week-end d’intégration pour OE étrangers.

    Michel Drucker nous a reçus sur le plateau de « Vivement dimanche » dont l’invité principal était Bernard Giraudeau (qui nous a depuis quittés). Cet acteur français avait embarqué sur la Jeanne en tant que mécano pour ses deux premières campagnes (1964-1966), historique !

    Arrivés le matin sur le plateau, nous avons docilement répété notre entrée en scène chorégraphiée pendant deux bonnes heures sous la direction de deux chorégraphes. L’une d’elles nous faisant littéralement marcher au pas et nous coachant avec force dynamisme, elle n’aurait pas démérité au sein de l’armée ! Bon an mal an, nous nous débrouillons et la séquence de deux ou trois minutes qui sera diffusée est dans la boîte. On remarquera au passage deux jolis gros plans de mon minois. La chef de cabinet, Nathalie, et moi-même étions les deux seuls officiers de la délégation, nous avions donc le privilège de mener chacune sa rangée d’officiers mariniers, quartiers-maîtres et matelots.

    Première découverte : le monde des intermittents du spectacle que nous découvrons lors de la pause déjeuner aux studios Gabriel. Je trouve cela très chouette de pouvoir discuter avec eux, de découvrir projecteurs, caméras et autres spots. Et c’est plutôt sympa de confronter ces deux univers aux antipodes.

    L’après-midi arrive et les choses sérieuses reprennent : c’est le défilé devant le public du studio et en présence de Bernard Giraudeau. Là, le stress se fait plus pressant. Mais nous avons si bien marché que l’acteur du jour pensait que nous étions des figurants ! Passé ce moment, l’ennui m’a rapidement gagné, mais c’était tout de même intéressant d’assister à l’émission côté coulisses. Chapeau bas aux monteurs !

    Quelques semaines plus tard, c’est l’heure du fameux week-end d’intégration des OE étrangers que j’ai monté de toutes pièces et qui a remporté un franc succès. Au programme de notre destination parisienne : musée Grévin, Paris Story, balade nocturne en bateau-mouche, revue au Paradis Latin, le tout agrémenté de quelques plages de temps libre. Ce type de week-end a de belles vertus : il permet de briser la glace et de faire connaissance dans un contexte décontracté, de découvrir la capitale française mais aussi et surtout de permettre une meilleure intégration de chacun. Nous étions 13 : Franck, officier allemand responsable des OE étrangers, Sam car il fallait un « vrai » officier de marine qui apporte du crédit au week-end (moi je n’étais qu’officier sous contrat, et ça change tout !) et un joli melting-pot de marins étrangers : Suédois, Roumain, Malaisien, Anglais, Hollandais, Espagnol, Marocain, Libanais, et Koweïtiens. J’étais l’unique représentante de la gent féminine, mais cela n’a nui en aucune façon à ce week-end.

    Pas évident d’être force de proposition pour pallier les imprévus, veiller à la ponctualité de tout ce beau monde, rattraper le temps perdu… Voilà une première expérience GO-guide touristique fort appréciable et appréciée !

    Depuis lundi (27 octobre 2003), nous sommes en mer (ma toute première sortie à la mer !) pour des tests et exercices divers, autant pour cette vieille Jeanne que pour son personnel. Au programme : resevac (évacuation de ressortissants, activation de la Cellule Crise et Communication « triple charlie » dont je fais partie), visitex (procédures de visite d’un bâtiment suspect), poste de combat (où chaque membre occupe une fonction prédéterminée²), poste d’évacuation… tout un programme !

    Pas toujours facile de suivre, surtout pour une novice : il faut savoir où aller et avec quel matériel quand la sonnerie de clairon et le réseau de diffusion interne retentissent au sein du bâtiment.

    Je n’ai pas encore été malade. Certes ça roule³ un peu mais ça reste très supportable. Je dors plutôt bien la nuit. Il y a un bruit constant (machines et remous contre la coque ; mon poste K027 est à hauteur de la ligne de flottaison !) mais on finit par s’y habituer.

    Ce qui est drôle, c’est que quand le bâtiment roule, on a tendance à faire de même dans le lit. Ce n’est pas gênant outre mesure. Je pensais que ça serait pire (et cela le sera !).

    Le poste n’est clairement pas confortable mais pour l’instant j’ai assez de place pour ranger TOUTES mes affaires militaires, quelques affaires civiles, sans oublier des livres, mon appareil photo et mon caméscope, tout bonnement indispensables à cette tranche de vie.

    Pendant toute cette campagne nous serons trois occupants dans ce poste. Plutôt limite car il est prévu pour deux officiers et un passager. Il n’y a en effet que deux bureaux, deux lavabos et deux chaises.

    Côté poste de travail, notre bureau est l’un des plus grands à bord, c’est très appréciable. Nous sommes tout de même trois à y travailler, et il nous sert aussi de salle de cours.

    Toute cette semaine à la mer, nous sommes en TPB (Tenue de Protection de Base) : cette combinaison portée à bord des bâtiments à la mer et réalisée en tissu ignifugé doit apporter une protection, retarder ou supprimer la combustion en cas d’incendie. Ce n’est pas un uniforme mais un « effet spécial » (perçu à l’embarquement et rendu au débarquement.)

    Parce que je ne sais pas rester inactive, je me suis inscrite en DEA à l’Université de Bretagne Occidentale, au CML1 (certificat militaire de langue, premier niveau) d’italien et aussi au concours d’OSC (officier sous contrat) long, spécialité COA (contrôleur des opérations aériennes). Je sens que je ne vais pas m’ennuyer, j’espère que je pourrai travailler comme il se doit.

    Hier, je suis sortie sur la plage avant et je dois avouer que cela m’a fait vraiment bizarre de remarquer que tout ce que l’on pouvait voir à perte de vue et de tous côtés, c’était l’océan. Et, une fois n’est pas coutume, il faisait beau du côté de Brest ! C’était vraiment génial.

    Ce qui est sympa aussi, ce sont ces lumières rouges qui prennent le relai de l’éclairage néon classique à la nuit tombée. Cela confère au bâtiment une dimension guerrière et plus opérationnelle.

    En mer, le déjeuner est pris à la rampe (notre cafète) avec tout le monde (comprenez tous grades et spécialités confondus). En revanche, le dîner est servi à table et pris entre officiers, subalternes pour ma part. Le petit-déjeuner est parfait : viennoiseries (pain au chocolat, brioche…), pain frais, café, jus d’orange. Inutile de préciser que les deux boulangers du bord sont particulièrement appréciés !

    Côté boulot, mon premier cours s’est bien déroulé, avec une douzaine d’élèves (S&T, surnommés « bouchons gras » : les futurs « mécano » pour bâtiment et aéronef). Leur niveau d’anglais est généralement inférieur à celui des O&T (futurs officiers opérations). Parfait pour me faire la main ! Malgré tout, nous avons dû condenser trois cours en un seul parce que deux heures avaient été supprimées en pré-campagne. On n’en avait déjà pas beaucoup... Les pauvres étaient du coup encore plus dépassés.

    Puis j’ai animé ma toute première conférence devant tous les officiers-élèves, soit environ 150 uniformes, avec en bonus le Direc⁴. J’ai abordé des thèmes tels que l’Université JDA (Jeanne d’Arc). Il s’agit de cours donnés par les officiers-élèves au personnel du bord en soirée pour un perfectionnement en français, langues, mathématiques... C’est une belle opportunité pour les futurs officiers que de communiquer leur savoir et de côtoyer sous un angle inédit les hommes qu’ils seront amenés à manager et commander demain. J’ai également mentionné le parrainage-écoles : il s’agit de classes de primaire (le plus souvent) que certains membres d’équipage parrainent tout au long de la campagne (ils envoient des courriers d’escale, des colis, témoignent à leur retour en métropole). Idéal pour renforcer le lien armée-nation et susciter des vocations !

    Je me suis plutôt bien débrouillée pour une première, le Direc n’est intervenu qu’à deux reprises pour compléter mes propos et insuffler dynamisme et motivation chez les élèves.

    Je pense avoir été claire, équipée d’un micro et armée d’une présentation Powerpoint. Quand j’y repense, c’était loin d’être évident, surtout devant un tel public, particulièrement exigeant et à la critique facile. Mais le plus important demeure que nous avons eu un nombre conséquent de volontaires, notamment pour donner des cours.

    Le fait de connaître quelques élèves m’a indéniablement permis d’être plus à l’aise. Du coup, je ne sais plus si je dois les tutoyer ou pas. Je suppose que cela viendra avec le temps mais ça non plus n’est pas évident, vu que nous avons sensiblement le même âge.

    À bord, le 4 novembre 2003 – 12h16

    Déjeuner déjà pris !

    De nouveau en mer depuis hier matin, avec un océan quelque peu agité ; je n’ai pas fait ma fière. J’ai dû prendre deux cachets Mercalm, mais je ne pense pas que ça ait calmé quoi que ce soit !

    Je me suis couchée honteusement à 20h45, battue à plate couture par le roulis et la mer. J’ai tout de même tenu sans faire de sieste !

    Malgré des signes évidents de nausée (poids sur l’estomac, dérèglement au niveau du foie, salive peu ordinaire), j’ai tenu bon la barre, enfin, façon de parler. Le bulletin météo faisait état d’une mer 4-5, soit des creux de 4 à 5 mètres de haut. Ce n’est pas rien, d’autant que malgré une mer plus calme ce jour, notre bonne vieille Jeanne a du mal à se stabiliser.

    Je me force à prendre l’air deux à trois fois par jour en me rendant sur les passerelles, les passavants⁵ ou encore les points plus hauts, le tout avec vue mer. Ça fait un bien fou d’être dehors. Sur les ponts supérieurs, l’air est sain et frais (c’est parfois trop venté mais à bien y réfléchir je préfère encore attraper un rhume qu’être nauséeuse à longueur de journée parce que mon oreille interne perd ses repères).

    Observer de la passerelle le spectacle de l’hélicoptère bien arrimé sur le pont d’envol malgré une gîte⁶ de plusieurs degrés, en total contraste avec une eau rectiligne, c’est assez surprenant. Hier, il y a eu entre vingt et trente degrés de gîte, ça plante le décor ! C’est amusant, mais uniquement de l’extérieur, parce qu’une fois confiné, ça déménage ! Pour preuve hier au bureau, la grande table de cours, les chaises et l’armoire ont carrément valsé ! Quant aux livres, ils étaient tout bonnement éparpillés à l’entrée du bureau. Heureusement, question sécurité, que l’armoire est fixée à la cloison. Vraiment pas évident de ranger tout ça quand on a le mal de mer.

    Et impossible de faire du sport dans de telles conditions. Ce n’est vraiment pas évident car il faut bien manger et bouger un minimum. Côté productivité au travail, c’est zéro pointé. J’espère sincèrement que ce type de journée « roulis » ne se reproduira pas régulièrement, sinon je ne risque pas d’avancer sur mes objectifs.

    Côté travail justement, c’est assez atypique de donner cours en TPB. Comme les OE étaient trop nombreux la semaine dernière, j’ai carrément dû faire cours dans un poste OE. Je n’avais pas de tableau à disposition et certains étaient assis sur des banquettes. À conditions particulières, cours particulier : au bout de trente minutes j’avais terminé un cours supposé durer le double. Mais je me suis débrouillée pour combler le temps restant.

    Cette sortie à la mer est aussi l’occasion de mener de nombreux exercices en tous genres. Hier j’étais à bord d’un Zodiac en combinaison rouge spécial mer. Ma mission : servir d’interprète. On n’est malheureusement pas allés bien loin, la rade étant consignée. J’ai donc dû remonter à bord du bâtiment par l’échelle de pilote, une sorte d’échelle faite de deux cordes traversées de bâtons de bois. Une fois arrivée en haut, j’étais littéralement exténuée ! C’est un exercice assez stressant, l’échelle remue continuellement et toutes les paires d’yeux sont braquées vers celui qui monte.

    Erreur fatale : on avait omis nos gilets de sauvetage. Ce qui nous a valu quelques remontrances du commandement. À notre décharge, on était descendus par le quai et on avait à peine fait dix minutes de Zodiac... En tout cas, ce semblant d’action était fort sympathique.

    Pour le moment, on passe un peu trop de temps à attendre, que ce soit au poste de combat avec nos complétifs (gants et masque ignifugés, et lunettes) et notre gilet de sauvetage, au poste d’évacuation, ou encore au poste de sécurité (situé pour moi dans le hangar, et pour lequel je ne suis d’aucune utilité). Je suis ravie toutefois que notre poste de combat soit situé juste sous la passerelle navigation, vitrée. Cela limite considérablement les effets néfastes du mal de mer. Ces exercices font partie du « jeu » des marins embarqués et ils rompent la monotonie, qui ne s’est pas encore installée.

    Allez, je vais commencer à préparer mes dossiers d’escale, histoire de fixer des objectifs attrayants et se changer les idées.

    À bord, le 5 novembre 2003 – 18h40

    Décidément, les journées sont d’une longueur indicible. Nous sommes à peine à la fin du troisième jour de mer et je m’ennuie comme un rat mort. Je pense que le temps me paraît d’autant plus long que je suis vaseuse à longueur de journée. Ce n’est pas violent, les océans ne sont pas déchaînés, c’est juste que le bâtiment n’arrête pas de rouler (il serait à quai qu’il roulerait encore !). Du coup, c’est particulièrement fatigant et je ne parviens pas à me concentrer suffisamment pour fournir un travail efficace. On nous a annoncé qu’on rentrerait vendredi en fin de matinée au lieu de fin d’après-midi. Vous n’imaginez pas à quel point apprendre cette nouvelle fut un soulagement !

    La campagne dure six mois ? Ça promet ! Je sens que je n’ai pas fini d’en baver, de devoir m’agripper aux parois de la douche, d’avoir du mal à monter les marches des échappées, de retenir mes bouquins pour qu’ils restent en place, et j’en passe.

    Sinon, l’événement majeur de cette journée : mon tout premier vol en hélicoptère, une Alouette 3 ! Il faut bien de bonnes choses aussi ! Eaux froides oblige, j’ai dû enfiler une très grosse combinaison orange étanche, au cas où l’hélicoptère s’abîmerait en mer. Engoncée dans cette tenue, à la liberté de mouvement hyper réduite et qui tenait vraiment trop chaud, j’avais l’impression d’être un petit bonhomme Michelin. Ce fut néanmoins une superbe expérience, à renouveler d’urgence !

    Je suis montée à bord dans le cadre d’un visitex (exercice de visite d’un bâtiment supposé inconnu par une équipe de la Marine nationale). On a mené cet exercice conjointement avec la « conserve » de la Jeanne, la frégate Georges Leygues. Notre équipe de visite est composée de treize membres d’équipage. J’endosse le rôle d’interprète et photographe et le Georges est soupçonné de posséder une cargaison de drogue. Son commandant porte une arme et ne veut pas s’adresser à une femme (moi, en l’occurrence). Le Second essaie constamment de nous semer. Notre équipe parvient à trouver deux paquets de drogue. Je prends des photos du butin, de l’équipe de ce navire suspect et de documents officiels que notre commissaire, qui devient Officier de Police Judiciaire pour l’occasion, sera chargé d’examiner. Les membres d’équipage adverse refusent d’être

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