Science & Vie Junior

LES ÎLES

À la mémoire d’Audrey Mestre (166 m), Loïc Leferme (171 m) et Patrick Musimu (209 m), apnéistes qui ont tutoyé les abysses. À ma mère.

Les enfants plongeaient dans l’océan à tour de rôle en rivalisant de créativité lors de leurs sauts : avants ou arrières, droits, groupés ou carpés, pieds ou tête en avant. Les plus téméraires se hissaient sur la pointe du rocher, à près de six mètres de la surface, en s’assurant que l’élan les éloignerait de la base en granit qui les guettait sous l’eau. Les adolescents arboraient leurs figures maintes fois répétées comme autant de badges de vaillance; les plus jeunes s’entraînaient à des hauteurs plus raisonnables, sous l’oeil protecteur de leurs aînés. Partout ailleurs, les parents auraient mis un terme à ces défis : les vagues et les courants accentuaient les dangers de la mer, malgré la chaleur estivale. Pas ici. Sur la planète Enez-Sun, la mer n’était ni une option, ni une décoration, ni un jeu. Elle fournissait l’eau, grâce aux usines de dessalinisation, la nourriture – algues, poissons, coquillages et crustacés –, l’énergie via les champs d’éoliennes au large. Les terres émergées représentaient moins de cinq millionièmes de la surface de ce monde, et seul le chapelet d’îles près du pôle Nord était habitable. Les quelques îlots entre les deux tropiques étaient engloutis lors des marées d’équinoxe, et le pôle Sud souffrait de tempêtes épouvantables qui rendaient utopique toute colonie humaine.

Parmi la population, seules trois personnes n’étaient pas nées ici. Les toiles de Bixente mêlaient les paysages locaux avec sa propre folie, mais son art touchait une corde sensible chez les îliens, et le peintre voyageait au gré de ses humeurs depuis une vingtaine d’années. Il trouvait toujours une famille pour l’accueillir et le nourrir en échange de ses oeuvres, parfois dessinées à même les murs de pierre. Après l’installation de nouveaux câbles sous-marins dont elle avait supervisé le chantier, Ásdís était restée, pour le plus grand bonheur des habitants, trop heureux de conserver le précieux savoir de la scientifique, sans que personne n’en connaisse vraiment la raison.

Et moi, Mitsuko. J’étais arrivée trois mois plus tôt : après dix années de bons et loyaux services dans l’armée, j’avais choisi de visiter les douze mondes les plus reculés

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