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Pagaille en Cornouaille: Brézellec - Bénodet
Pagaille en Cornouaille: Brézellec - Bénodet
Pagaille en Cornouaille: Brézellec - Bénodet
Livre électronique312 pages4 heures

Pagaille en Cornouaille: Brézellec - Bénodet

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À propos de ce livre électronique

Des vacances paisibles en Cornouaille... interrompues par la découverte d'un cadavre.

Des événements sinistres et des meurtres vont perturber les vacances paisibles de Clet Kermeur et de son amie Alison Wealow en Cornouaille ! La vision d’un cadavre flottant entre deux eaux dans le port de Brézellec au soir d’une marée d’équinoxe, va les précipiter dans l’univers glauque de truands venus de Paris...
La découverte du corps d’une jeune inconnue sur une plage de Concarneau puis la rencontre de son fantôme à Bénodet, plongent Clet dans une profonde perplexité.
Qui sont ces deux personnes, véritables sosies ?
Une fois de plus, il va entraîner son amie dans une cascade d’imbroglios au nez et à la barbe des gendarmes furibonds.

Clet Kermeur et Alison Wealow sont prêts à lever le voile sur les mystères de cette enquête !

À PROPOS DE L'AUTEUR

Né à Brest, Gérard-Henri Hervé a effectué l’essentiel de sa carrière de professeur de mathématiques à Landerneau. Intéressé par le droit, il a suivi un cursus à l’Université de Brest, en parallèle à son activité professionnelle. Son goût pour les affaires pénales et les énigmes policières l’a encouragé à écrire des romans et à donner vie à deux héros, Clet Kermeur et Alison Wealow.
LangueFrançais
Date de sortie18 mai 2020
ISBN9782374690926
Pagaille en Cornouaille: Brézellec - Bénodet

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    Aperçu du livre

    Pagaille en Cornouaille - Gérard-Henri Hervé

    hasard.

    TEMPÊTE BLANCHE À BRÉZELLEC

    Le hasard est le plus grand romancier du monde ; pour être fécond, il n’y a qu’à l’étudier.

    Honoré de Balzac, La Comédie humaine.

    Prologue

    Une brise de mer crée de courtes ondulations à la surface de l’eau couleur vert émeraude. Les vaguelettes clapotent le long des embarcations de pêche ou de plaisance qui mouillent dans la crique de Brézellec, port refuge de poche, occasionnant un léger tangage. Les mouettes, peu farouches et gourmandes, sont déjà à la recherche de leur pitance sur le quai aux pierres polies ancestrales et anneaux d’acier rouillé où s’emmêlent les amarres fatiguées. Une vieille ancre se dresse, telle une statue érigée à la mémoire des marins pêcheurs disparus en mer. Les cormorans, en quête de poissons, sportifs infatigables, effectuent leurs premières plongées, telles des torpilles marines. L’air est parfumé par l’odeur des algues flottant à la surface de l’onde, pas un bruit de moteur, le soleil pâle se lève à l’horizon…

    – C’est un vrai petit paradis ici, Clet ! Quel calme, quelle douceur !

    Ce cadre enchanteur avec ses hautes falaises âpres, aux arêtes acérées qui s’affaissent dans l’océan et ces champs de landes et de fougères tapissés de bruyères mauves, ressemble à un vrai tableau impressionniste de Cézanne ou Sisley.

    – Je ne regrette pas le lever aux aurores, dans la rosée du petit matin, avant les lueurs de l’aube, pour profiter de ce décor grandiose.

    – Je te l’avais promis, Alison. En bonus, pas un nuage dans le ciel, la journée sera magnifique ! Ce soir, le coucher de l’astre solaire sera également royal. Mais cette fois depuis le parking seulement, au-dessus de ce havre de paix, car pas question de renouveler l’ascension de la volée d’escaliers à pic, avec plus de quatre-vingts marches glissantes.

    – Vraiment, ta promotion de la Bretagne et de cette région de Cléden Cap Sizun en particulier est top et probe ! Le gîte, au village de Meil Kerharo, ressemble à la chaumière de Blanche Neige. Ici, aucun souci, rien ne viendra troubler nos vacances, à condition de ne pas tomber sur une sorcière… Bien sûr !

    – Fin octobre, les touristes envahisseurs sont partis, seuls restent quelques autochtones et retraités inoffensifs et discrets. La contrée entière nous appartient.

    – J’accepte le présage mais tu dois admettre Clet que nos vacances sont rarement placides et souvent plutôt mouvementées comme cet été à Budapest. Tu portes un peu la poisse… À la moindre entorse, je file à Quimper prendre le train, sans négociation ! J’ai assez donné, même si je le concède, tu n’y étais pour rien, enfin, au début.

    – Parfait, Princesse, nous sommes dans le lieu le plus paisible de la Terre, à l’extrémité du vieux continent, en face c’est l’Amérique, nous sommes presque seuls au monde.

    – Je n’en demande pas tant. Comme on dit, « ça nous fera des vacances ! », précise Alison avec une pointe d’ironie mêlée de scepticisme.

    La remontée jusqu’au parking par le chemin goudronné abrupt, bordé de genêts, est déjà un petit exploit sportif mais la beauté du paysage, le vent vivifiant et le soleil qui pointe ses premiers rayons ardents, tout concourt à l’annonce d’un séjour agréable et original.

    Alison, lasse de mes déboires avec les polices urbaines de Liverpool, Santander et aussi Budapest, souhaitait un retour aux sources plus pacifique. Le choix du Cap Sizun, terre de mes ancêtres, inconnue de la jeune fille de Liverpool, s’est vite imposé pour ce congé serein d’une semaine dans la Bretagne Mystérieuse. Grande, les cheveux roux mi-longs bercés par le vent, les yeux bleus remplis de malice, toujours aussi jolie, Alison me précède en sautillant, ravie de ce début de congé prometteur. Une vraie princesse dans ce décor féerique !

    Pour éviter de l’effrayer, j’ai omis de lui parler des rondes nocturnes des korrigans et autres lutins facétieux, petits êtres velus aux grandes oreilles, coiffés de chapeaux et à l’esprit malin, dansant la sarabande sur la lande dans le but d’ensorceler les voyageurs isolés et attardés. Ce sont des personnages familiers de cette région sauvage, enfin, si on en croit les nombreuses légendes traditionnelles…

    Aujourd’hui le programme est d’autant plus léger que le moyen de locomotion choisi est le vélo tout terrain, deux superbes engins flambant neufs loués à Quimper, l’un rouge, l’autre bleu avec une multitude de vitesses différentes pour escalader les nombreux raidillons. Direction la première étape, la plage de Porz Théolen, discrètement lovée dans un renfoncement de la côte, aux faux airs de calanque marseillaise, pour profiter d’un café et d’un bol d’air iodé à la terrasse de la « Buvette », charmant petit estaminet aux volets bleus, construit en 1935, où quelques vieux marins racontent leurs souvenirs de marée et de tempêtes.

    Il est déjà midi quand Alison découvre la seconde étape du circuit, la chapelle Saint They, érigée au XVIIe siècle, petite et trapue, close par un mur de pierres et orientée vers la mer qu’elle semble veiller jusqu’à l’horizon. À ses pieds les vagues de l’océan s’engouffrent avec fracas et écumes dans la Pointe du Van, cousine moins connue de la fameuse Pointe du Raz voisine. Ce lieu saint renfermait il y a quelques années un véritable trésor, maquettes de bateaux et ex-voto de toutes sortes, offrandes des pêcheurs miraculés après une tempête voire un naufrage. Seules subsistent aujourd’hui les photographies de ces pièces uniques, dérobées un soir d’hiver par de tristes individus peu vertueux. Sainte Clara, la « Patronne des causes perdues » est la souveraine de ce lieu sacré dont la cloche au sommet d’un clocheton sonne une fois l’an pour le grand Pardon du mois de juillet.

    Certains anciens prétendent qu’elle sonnait jadis miraculeusement, sans intervention humaine, pour avertir d’un danger mais aussi annoncer les naufrages et alerter la population locale de la possibilité d’un quelconque bénéfice ou butin pour les habitants des hameaux d’alentour… Mais cela est une autre histoire ! Les légendes, nombreuses et contées par les aînés sur « les jours de naufrages, jours de récoltes » ont sûrement un fond de vérité !

    Alison boit mon récit avec délectation en observant les copies des témoignages de la foi des marins redevables à Sainte Clara.

    Le pique-nique champêtre, pain de campagne avec pâté « Hénaff » et limonade est vite avalé. La vue imprenable sur la Pointe du Raz, le phare de la Vieille et la silhouette basse de l’île de Sein dans une brume naissante est un réel ravissement. Vers 16 heures, un petit alizé d’ouest annonciateur de pluie pour la nuit nous oblige à rompre le charme de ce lieu apaisant et prendre la route du retour vers Brézellec, avec cette fois une difficulté supplémentaire, non négligeable, à bicyclette, le « vent dans le nez » et quelques gouttes de pluie. La descente vertigineuse vers la Baie des Trépassés à l’aller s’est transformée, pour le retour, en un col du Tour de France de première catégorie pour la remontée vers Plogoff et Cléden Cap Sizun !

    Chapitre 1

    Dès notre retour sur le parking qui surplombe l’abri de Brézellec, le soleil rouge vif, tel un métal en fusion, commence sa plongée dans la mer et rapidement une demi-obscurité froide nous enveloppe.

    – Merci, Clet, quelle belle journée sportive et reposante à la fois ! Profitons encore un peu de la vue sur la dizaine de bateaux alignés bord à bord avant que la nuit ne les efface.

    Au loin, dans la baie de Douarnenez, brillent les lumières de quelques « ligneurs » attardés. Ces petits bateaux rentrent vers Audierne, après une longue journée de pêche aux maquereaux, en empruntant le dangereux « Raz de Sein », entre l’île du même nom et la Pointe du Raz, avec méfiance pour éviter les centaines de petits récifs meurtriers, responsables de nombreuses infortunes de mer. Soudain, Alison, pointe son index vers la mer en scrutant les flots sombres avec inquiétude puis un cri sort de sa gorge nouée :

    – Clet, regarde près du troisième canot bleu, à droite du quai ! Quelque chose de rouge flotte, une voile peut-être, un énorme poisson mort ensanglanté, des planches de bois ou un corps humain ? Je distingue mal, et toi ?

    – Il commence à faire sombre, je ne vois pas bien d’ici. C’est un tronc d’arbre sans doute. Descendons jusqu’à la cale, cela fera de l’exercice et tu dormiras comme un ange cette nuit avec la bénédiction de Sainte Clara.

    À présent la nuit est tombée et seule la lune éclaire le port miniature créant des ombres fantasmagoriques sur les falaises.

    Je me penche vers l’objet énigmatique que les vagues poussent vers l’échelle rouillée. Je saisis une longue tige de bambou, munie d’un flotteur en polystyrène utilisé pour localiser les paniers cylindriques en osier qui piègent les crabes au large.

    La manœuvre est délicate dans l’obscurité. Après plusieurs tentatives inefficaces, pour retourner la forme lourde, au risque de tomber dans l’eau froide, mes yeux horrifiés devinent des cheveux longs… une tête humaine apparaît, puis un bras, une jambe… C’est le corps d’un homme ou d’une femme, vêtu d’un simple tee-shirt rouge, sans vie, apparemment. Je regarde Alison qui, le visage décoloré, les yeux dans le vide, hochant la tête de désolation a déjà compris.

    – Je ne le crois pas, Alison ! Sorry, c’est un corps, sans doute un noyé, j’essaie de le remonter. Ce n’est pas vrai !

    – J’abdique Clet, je retourne chez ma mère. Tu es Lucifer !

    – Appelle plutôt la gendarmerie nationale, le 17.

    – Gendarmerie d’Audierne, j’écoute…

    La nuit d’encre est profonde et sinistre près de l’eau qui semble glacée à présent. Alison grelotte, dans sa tenue légère de randonnée et l’attente des secours est interminable. Les sirènes des fourgons des pompiers et de la gendarmerie, puis la lueur bleue des gyrophares qui se reflète dans la mer annoncent enfin l’arrivée des autorités sur le parking. Un médecin urgentiste dévale l’escalier, tel un cabri dans la montagne, malgré son harnachement de matériel médical de premier secours, se précipite sur le corps sans vie allongé à même le quai, les yeux et la bouche toujours grands ouverts. Il procède aux premiers gestes d’assistance mais le diagnostic est immédiat, décès depuis plusieurs heures. Deux gendarmes s’affairent à établir un périmètre de sécurité et « geler les lieux », procédure habituelle, avec obligation aux témoins de rester sur place et attendre l’arrivée annoncée et imminente d’un responsable, un enquêteur de la Brigade de Recherche de Quimper. La soirée sera longue !

    Une femme, trente ans, grande, cheveux blonds mi-longs, tailleur élégant et talons hauts, au visage fin et délicatement maquillé s’approche du noyé, le retourne avec hâte, fouille ses vêtements, sans gêne et avec une certaine assurance.

    Choqué par la désinvolture de cette belle inconnue, j’interviens d’un air bougon :

    – Désolé, Madame, ce n’est pas correct, il serait préférable de ne rien toucher avant l’intervention de la police qui arrive d’ailleurs. Écartez-vous s’il vous plaît ! De mon côté, je l’ai sorti de l’eau et rien de plus ! Attendez l’autorisation de la police !

    L’intruse, froissée, se redresse, me toise d’un air condescendant puis sort de la poche de son veston rouge une carte barrée tricolore. Avec l’arrogance du pouvoir régalien qu’elle représente, sa riposte est cinglante :

    – Mais je suis la police ! Lieutenant Ophélie Defroy, Gendarmerie de Quimper, vous avez vos papiers, j’espère ? Le ton est dur, prétentieux et ne supporte aucune objection.

    Le petit rire crispé et nerveux d’Alison est charmant et détend l’atmosphère mais malgré ses beaux yeux noirs, cette superbe femme, accoutrée comme un top modèle, à cent lieux de l’uniforme couleur bleu pétrole d’un gendarme, fait preuve de beaucoup d’ardeur et de professionnalisme.

    – Excusez-moi, Lieutenant, je vous avais pris pour une curieuse ou une journaliste, à l’affût d’un scoop ou d’un joli cliché pour la presse locale.

    La réponse est à nouveau sèche et sans détour :

    – Je comprends votre surprise, j’étais à une soirée chez Monsieur le Préfet à Quimper. Je n’ai pas eu le temps de me changer. Pour votre information sachez que les officiers de police judiciaire de la brigade de recherche de la Gendarmerie Nationale interviennent en civil, comme la Police Nationale, c’est plus discret et efficace ! Je vous écoute, ne perdons pas de temps. Cartes d’identité ! Que faites-vous ici à cette heure ? Qu’avez-vous vu ? Connaissez-vous la victime ? Qu’avez-vous à déclarer ? Son regard inquisiteur et le débit rapide de ses propos n’augurent rien de bon !

    À cette salve de questions classiques, Alison, irritée, se précipite pour répondre la première sur un ton belliqueux :

    – Rien ! D’ailleurs, les secours étant arrivés, nous partons. Bonsoir !

    – Comment cela, rien, s’étonne l’enquêtrice, peu habituée à une telle réaction négative. Un, vous ne quittez pas le site sans mon autorisation, deux, votre réaction est peu civique, trois, vous êtes bien les témoins qui ont appelé les secours ?

    – Oui, certes, enchaîne Alison, agacée par l’assurance de cette femme. Avec mon ami, on admirait le soleil couchant et on a aperçu cette forme bizarre qui flottait entre deux eaux. C’est tout, on n’en sait pas plus. On peut disposer ? J’ai un peu froid, en short et tee-shirt et cela fait plus d’une heure, que j’ai appelé le 17 ! Vous n’avez pas battu un record du monde d’assistance ! Heureusement qu’il était déjà mort… le pauvre !

    – Alison, voyons, Madame fait son travail… Nous sommes au bout du monde ici et elle arrive de Quimper. Excusez-la, Madame… Elle est choquée par cette découverte macabre et fatiguée.

    – Mademoiselle, s’il vous plaît ! Mademoiselle, répète l’officier mais appelez-moi Lieutenant, rétorque-t-elle avec irritation. Je note vos identités, vos coordonnées de vacances et je vous convoque demain matin à la brigade d’Audierne à 9 heures. Soyez ponctuels. Désolée pour le tracas. Je suis la directrice d’enquête. Vous pouvez disposer à présent. À demain.

    Le ton est d’une froideur peu commune entre les deux femmes. La remontée jusqu’au parking se fait sans un mot dans la nuit sombre et fraîche sous une légère bruine.

    – Alison, vraiment, quelle agressivité avec la gendarmette ! Ce n’est pas ainsi que nous allons fuir les problèmes. Tu l’as vraiment allumée et elle a peu apprécié ton témoignage minimal et ta remarque sur la lenteur de l’intervention. Quimper est à cinquante kilomètres, elle n’a pas traîné, au contraire.

    Alison fulmine, explose, victime d’une crise aiguë de jalousie :

    – Tu crois que je n’ai pas vu comment tu dévorais des yeux son doux minois ? Ce n’est pas une policière mais un vrai mannequin ! Tu n’étais pas insensible à son charme malgré son impolitesse effrontée. Pas un mot, pour m’aider, tu es resté bouche bée d’admiration ! Elle aurait pu te faire avouer n’importe quoi.

    – Elle fait son travail, c’est tout, certes un peu brutale et prétentieuse, je l’admets, quant à son look, c’est vrai, elle est ravissante.

    – Je te trouve bien indulgent, voire mielleux avec cette mijaurée insolente. D’habitude tu apprécies peu et éludes vite les questions des policiers de sexe masculin.

    – Stop, Alison, temps mort, on rentre, on dîne, on dort et demain il fera jour ! Après notre déposition à la gendarmerie d’Audierne, on ne parlera plus de cette malheureuse affaire. Il s’agit probablement d’un touriste qui a fait une mauvaise chute sur les falaises escarpées, un baigneur téméraire victime d’une hydrocution, un pêcheur solitaire malchanceux ou enfin un malheureux suicide mais un homicide, non, impossible ! Cela ne nous concerne nullement. Je t’invite à la crêperie à Plogoff, la « Crêpe d’Or », une superbe crêpe au blé noir bien beurrée avec œuf, jambon et fromage et une bolée de cidre nous feront oublier cette noyade tragique. Demain nous répondrons à la convocation de cette redoutable amazone zélée et galonnée. Difficile d’y échapper, ma pauvre amie, c’est la loi !

    – Clet, tu m’avais pourtant assuré qu’il ne se passe jamais rien de grave dans cet endroit idyllique mais c’était avant ta venue j’imagine…

    – Je plaide non-coupable, Princesse ! Le hasard, rien que le hasard… Cette fois je n’y suis pour rien, admets-le ! De plus, cette fois, c’est toi le premier témoin, moi je n’avais encore rien vu !

    – Peut-être mais nous sommes sur les terres de tes ancêtres et de toute manière, partout où tu passes, on trépasse…

    – Tu pousses un peu le bouchon, Alison en me comparant à Attila, le roi des Huns, vainqueur de l’Empire Romain d’Orient, avec l’herbe qui ne repoussait pas sous les sabots de son cheval, après son passage. Je suis innocent, Madame la Juge !

    Chapitre 2

    – S’il vous plaît, Monsieur, enfin chef, nous sommes ici depuis une heure, nous étions convoqués à 9 heures.

    – Hummm… !

    – Nous attendons depuis exactement soixante-douze minutes, précise Alison avec une irritation à peine contenue.

    Le planton, distrait, raccroche le téléphone, lève les yeux et consent à répondre de manière très laconique :

    – Oui, c’est à quel sujet déjà ?

    – Pardon, mais c’est la troisième fois que je vous explique, vous le faites exprès ?

    – Comment vous dire, je suis seul à la permanence ce matin et le téléphone n’arrête pas de sonner. J’ai une montagne de comptes rendus de gardes à vue et procès-verbaux pour les contrôles d’alcoolémie du week-end dernier à terminer pour midi. Tout doit être prêt pour les audiences de cette après-midi au tribunal de Quimper ! Cette fois, Alison craque et s’apprête à l’invectiver sérieusement. Je lui serre très fort la main pour éviter les propos outranciers et je renouvelle la demande avec le maximum de calme :

    – Le lieutenant, enfin, le responsable de l’enquête sur la noyade d’hier soir à Brézellec, nous a imposé ce rendez-vous à la brigade d’Audierne ce matin à 9 heures. Il est bientôt 10 heures 15, vous pouvez sans doute l’avertir de notre présence à l’accueil ?

    – Il n’y a pas de lieutenant ici, le plus haut gradé est l’adjudant-chef Gaston Gerbart et il est malade, je l’ai remplacé cette nuit, parlez moins fort, il dort à côté.

    Je précise :

    – Le lieutenant arrivait de Quimper, c’est une femme !

    – Ah, ok ! Je vois. C’est Miss France qui vous a convoqués, il fallait préciser. Je ne l’ai pas vue ce matin, elle n’est pas arrivée sans doute !

    Alison me regarde, abasourdie et incrédule et cette fois assène un coup-de-poing sur le comptoir en verre :

    – Miss France ? Vous l’appelez Miss France ? Quelle misogynie ! Dès son arrivée je l’informe de ce sobriquet irrévérencieux. À propos, pourquoi Miss France, elle a pourtant passé l’âge et elle n’est pas si jolie.

    – Pas de problème, elle est au courant, s’exclame le gendarme et elle en rit. Il y a une dizaine d’années elle a été élue sixième dauphine de Miss Fouesnant à la fête des pommiers et le surnom lui est resté. Elle assume et ne vous en déplaise mademoiselle, c’est un beau brin de fille, un peu coincée, autoritaire voire un peu despote avec ses adjoints masculins, certes, mais charmante !

    – Toute polémique serait stérile, Alison, elle ne va pas tarder…

    Une porte claque, Miss France, enfin le Lieutenant Defroy sort d’un bureau les bras chargés de documents, un portable à l’oreille et passe devant nous sans s’arrêter. Cette fois c’est trop, Alison la rattrape dans le couloir, pose la main sur son épaule et s’exclame avec rudesse :

    – Madame ! Vous étiez là ? Vous n’oubliez rien ? Vous nous avez invités à passer à 9 heures précises, il est 10 heures 30, cherchez l’erreur !

    Les deux femmes se toisent, s’affrontent du regard quelques secondes puis sans se démonter Ophélie Defroy, l’air penaud annonce :

    – C’est vrai, j’ai omis de vous prévenir ce matin, votre présence ne s’imposait pas, le médecin légiste du service de santé n’a pas eu le temps de procéder à l’examen complet du corps. Les premières observations concluent à une simple noyade, il n’y a aucune ecchymose apparente et…

    Alison, folle de rage, lui coupe la parole sans aucune éducation et souligne :

    – Nous avons quitté Cléden Cap Sizun à 7 heures, sous la pluie, dans le vent, pour entendre cela alors qu’un simple appel sur le portable suffisait pour nous éviter ce trajet inutile. Je porte plainte pour abus de l’autorité conférée par votre fonction, je sais de quoi je parle, je suis étudiante à l’Université de Droit de Liverpool pour devenir avocate.

    Vexée par le reproche ou consciente de sa bévue, le lieutenant accuse le coup une seconde puis se reprend et fait front :

    – Mais bien sûr, allez-y mais pas avant demain, je suis trop occupée, voyez Gerbart, mon adjoint ! Demandez-lui un formulaire si cela vous amuse.

    Alison reste sans voix pendant que sa rivale s’engouffre dans son bureau en claquant la porte, verte de colère.

    – Alison, quel emportement ! Elle doit être « over-bookée », fatiguée et après tout ce n’est pas si grave, nous sommes en vacances, sois indulgente !

    – Pas un mot pour me défendre, aucun soutien, tu ne lèves pas le petit doigt, tu es hypnotisé par cette femme, je suis déçue, terriblement déçue. Elle nous avait totalement zappé de son emploi du temps et tu ne trouves rien à redire… Tu oublies tes incartades avec les policiers de Liverpool et Santander, Christopher et Santiago. Mais ici, c’est Miss France ! Alors tout va bien !

    La sortie de la brigade est tonitruante, Alison marche vers la voiture en gesticulant et m’accablant de sarcasmes, la guerre est déclarée avec ce lieutenant et j’espère que nous n’aurons plus à côtoyer cette adversaire honnie car l’affaire semble close.

    – Pour me faire pardonner je t’offre un déjeuner dans le meilleur restaurant d’Audierne, le « Goyen », sur les quais et je te conseille des fruits de mer, crabes, langoustines, huîtres…

    – Je mange ce que je veux et sûrement pas ces bestioles vivantes, vocifère Alison, toujours fâchée !

    – Bien Princesse ! Tes souhaits sont des ordres.

    Malgré l’emportement de la matinée, Alison a un bel appétit et son sourire revient devant la qualité des plats proposés sur la carte et le choix est difficile. Une excellente coquille Saint-Jacques à la bretonne, suivi d’un succulent colin sauce au beurre blanc et enfin une énorme portion de Kouign-amann, gâteau traditionnel breton, dégoulinant de beurre et de sucre caramélisé achève la réconciliation. Cette semaine, il sera préférable d’éviter tout contact avec la gendarmerie locale et une allusion à son chef, la pimpante dauphine de Miss fête du cidre.

    Quinze heures sonnent à l’église. Une balade digestive sur les quais encombrés pour assister au retour de la flottille et au déchargement des bateaux de pêche s’impose. Le ballet des embarcations est bien réglé. Dès l’accostage, avec des treuils,

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