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Le Canal: Un drame glaçant
Le Canal: Un drame glaçant
Le Canal: Un drame glaçant
Livre électronique107 pages1 heure

Le Canal: Un drame glaçant

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À propos de ce livre électronique

Un roman choral qui s'épanouit sur les bases d'un fait divers tragique

Yverdon, rive de la Thièle, un vendredi à seize heures : le drame survient. Qui a vu ? Qui a agi ? Qui s’est tu ?

Le canal relie les gens à leur insu ; le canal débonnaire peut devenir perfide ; le canal murmure des choses qui, insensiblement, polissent les pensées. On le côtoie, on le regarde sans le voir, mais sait-on ses méandres, connaît-on sa profondeur, ses éclats, sa vie secrète ? La ville d’eau est le cadre aimé de cette histoire ; Yverdon, cosmopolite et séculaire, reçoit dans ces pages un hommage poétique. Car elle donne à l’écriture l’occasion de laisser émerger une certitude : le drame n’est que l’envers d’un conte caché, un conte implicite… Ce n’est pas un texte à paillettes, non, c’est un drame de fée.

Un livre singulier mêlant l’innocence de l’enfance et la culpabilité des adultes

EXTRAIT

Après la pluie le canal prend une couleur de terre. La pluie le grossit en un fleuve boueux qui se démonte, bouscule les pontons de métal. Puis tout se décante, et l’eau retrouve son teint de pierre moussue. De gros cailloux irréguliers s’étendent sur les rives. Le canal se meut, à la ralentie, droit et docile, de la plaine à la ville et de la ville au lac. Deux talus d’herbe fauchée lui servent de flancs, surmontés de la promenade goudronnée, plantée de bouleaux. Le dimanche des gens s’installent, de loin en loin, sur les berges, pour une pêche à la ligne. Parmi eux, on reconnaît les autochtones à leur harnachement, gilet kaki, bottes montantes, moulinet sifflant. Ces pères tranquilles du canal œuvrent en solitaires, à l’inverse des familles de l’Est entourées de gamins qui regardent ou vaquent, tuant le temps, on ne sait pas à quoi. On ne voit jamais le poisson qu’ils prennent. On ne sait pas s’ils en prennent.

CE QU’EN PENSE LA CRITIQUE

- « Un petit livre singulier paru trop discrètement. Un récit fragmentaire, multiforme et choral, habité par un souffle poétique aux vertus salvatrices. Valérie Gilliard qualifie son roman de « drame de fée ». Un terme qui traduit bien l’ambiguïté qu’elle y a insufflé. » - Jean-Marie Félix, Radio Télévision Suisse

- « Ce roman choral commence avec un fait divers glaçant : la noyade d’une petite fille. S’ensuit une série de monologues, les récits des cinq témoins de l’accident, qui se croisent mais ne concordent pas toujours. À travers les questionnements de ces hommes et de ces femmes, l’auteur dresse avec finesse le portrait de la population d’une petite ville où l’intégration n’est pas toujours chose aisée. » - Bibliothèque de Marignier

A PROPOS DE L’AUTEUR

Valérie Gilliard est née en 1970 à Lausanne. A l’issue de ses études en lettres classiques, elle part enseigner le français aux Etats-Unis, puis devient collaboratrice, pendant un an, au Centre de Recherches sur les Lettres romandes. Elle apprend ensuite le métier d’enseignante et l’exerce aujourd’hui au gymnase d’Yverdon. Après avoir tâté de la critique littéraire, depuis toujours attirée par la création, elle écrit un premier roman, Le Canular divin, édité par l’Aire en 2009. Deux ans plus tard, elle est parmi les lauréats du concours littéraire de la fondation Studer-Ganz. Le Canal est son second roman.
LangueFrançais
Date de sortie27 oct. 2015
ISBN9782881088216
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    Aperçu du livre

    Le Canal - Valérie Gilliard

    « Am Ende des Raumes, am Ende der verrinnenden Zeiten, ich zweifle nicht, da leuchten die goldenen Kuppeln im Abendschein. »

    Annemarie Schwarzenbach (wagon CFF)

    PROLOGUE

    « Tandis qu’on cherche sa clef dans l’horizon, on a la noyée au cou, qui est morte dans l’eau irrespirable.

    Elle traîne. Comme elle traîne ! Elle n’a cure de nos soucis. Elle a trop de désespoir. Elle ne se rend qu’à sa douleur. Oh misère, oh martyre, le cou serré sans trêve par la noyée.

    On sent la courbure de la Terre. On a désormais les cheveux qui ondulent naturellement. On ne trahit plus le sol, on ne trahit plus l’ablette, on est sœur par l’eau et par la feuille. On n’a plus le regard de son œil, on n’a plus la main de son bras. On n’est plus vaine. On n’envie plus. On n’est plus enviée. »

    Henri Michaux, Plume, « La Ralentie », extrait

    Le lieu

    Après la pluie le canal prend une couleur de terre.

    La pluie le grossit en un fleuve boueux qui se démonte, bouscule les pontons de métal.

    Puis tout se décante, et l’eau retrouve son teint de pierre moussue. De gros cailloux irréguliers s’étendent sur les rives. Le canal se meut, à la ralentie, droit et docile, de la plaine à la ville et de la ville au lac. Deux talus d’herbe fauchée lui servent de flancs, surmontés de la promenade goudronnée, plantée de bouleaux. Le dimanche des gens s’installent, de loin en loin, sur les berges, pour une pêche à la ligne.

    Parmi eux, on reconnaît les autochtones à leur harnachement, gilet kaki, bottes montantes, moulinet sifflant. Ces pères tranquilles du canal œuvrent en solitaires, à l’inverse des familles de l’Est entourées de gamins qui regardent ou vaquent, tuant le temps, on ne sait pas à quoi. On ne voit jamais le poisson qu’ils prennent. On ne sait pas s’ils en prennent.

    Cette manie de la pêche se poursuit jusqu’en novembre, quand les bouleaux nus deviennent gris, sur la promenade auréolée de brumes glaciales. Alors on se décourage et le matériel est rangé jusqu’à l’an prochain.

    Mais en octobre, le soleil prolonge la fête, au moins jusqu’à la moitié du mois, parce qu’après les jours seront trop courts. Si la bise s’y met, on en profitera encore un peu, malgré la fraîcheur. Les passants n’auront qu’à se serrer plus étroitement dans leurs vestes, déjà ressorties des armoires, pour le froid.

    L’eau de la Thièle se glace alors et s’assombrit, mais jamais elle ne gèle.

    L’instant

    C’est un vendredi d’octobre, entre seize heures et seize heures trente.

    Il semble que les grappes de mouettes, à ce moment, piaillent déjà l’approche de l’hiver.

    Un sac à commissions au bout de chaque bras, une jeune femme marche en direction d’Orbe, sur le sentier du canal. Elle a, nouée autour du ventre, une longue écharpe bleue dans laquelle est calé un bébé endormi, dont on ne voit dépassant du bonnet qu’une infime mèche claire plaquée sur la laine ; son visage est enfoui dans l’humidité chaude, balancé au gré des déhanchements.

    On la voit longer le bord de l’eau, là où les barques et les voiliers sont amarrés. A l’approche du pont il lui faut remonter le talus, traverser la route pour rejoindre en face la promenade des bouleaux.

    Elle traverse vite là où il n’y a pas de lignes jaunes et pas de voiture juste pour un moment.

    La couverture nuageuse est percée maintenant d’accrocs bleus. On aperçoit les façades de la rue des Moulins qui s’éclairent et laissent leurs ombres s’évaser sur le sol.

    La jeune femme s’engage enfin sur la promenade. Impossible de n’être pas pris par la douceur de ce moment précis où la brise pailletée de feuilles plisse le plat de l’eau.

    Mais. Est-ce l’effort, le changement de rythme ? le bébé s’est réveillé et agite les jambes, tire la tête en arrière. La paix si grande du sommeil des petits finit aussi brusquement qu’elle a commencé. On dirait que ce n’est pas le moment pourtant, il y a l’embarras de ces sacs à porter, au bout de chaque bras, et le chemin à faire.

    Le bébé se soulève de rage sur son petit séant et gesticule. La jeune femme pose les sacs à l’abri d’un bouleau, met ses mains en coque autour de la tête du bébé sans pour autant le détacher, et tout en marchant le ballote d’un côté de l’autre, en un bercement vif. L’enfant semble faire non, non de la tête, mais ses yeux se ferment ; on n’entend plus sur la promenade que cette chanson basse qui se répète, en langue étrangère.

    Elle fait ainsi des va-et-vient, les allers vers Orbe, les retours vers les sacs à commissions, avec sa mélopée.

    Le soleil est intermittent. La Thièle en joue par éclats. C’est assez pour détourner le froid, un instant, pour donner une envie douce de se laisser chauffer les épaules, de croire encore un peu à la belle saison.

    – On s’y fait à ce petit soleil, quand même. C’est mieux que la fricasse de ces jours passés.

    – Ma foi, c’est de saison.

    Deux dames, la soixantaine en manteaux de laine ; le temps de laisser leurs chiens faire œuvre de reconnaissance, au bout des laisses. Agitement de croupes, ébrouement de museaux, sourires bienveillants.

    On regarde l’eau, on se dit voilà, c’est bientôt l’hiver, c’est la descente vers la nuit.

    Un jeune à vélo avance sur la promenade, à moitié assis sur la selle, à moitié se poussant d’une basket, obligeant la femme au bébé à se ranger.

    En contrebas du talus, on remarque qu’un pêcheur s’est installé tout au bord, la ligne en avant, le seau posé juste à côté, décidé semble-t-il à être le premier. Ça doit faire un moment qu’il est là. Ses bottes montantes lui grimpent jusqu’à mi-cuisse, couleur kaki, tout comme le col de son blouson à côtes tricotées. Le voilà qui mouline activement avant de relancer.

    S’attend-il à prendre des truites, des brochets ou des perches. Depuis le pont on peut voir parfois le glissement furtif d’un long poisson lisse, à fleur d’eau, juste le temps de le dire. Quelle espèce, il faut connaître, on n’a en général pas pu en voir assez.

    L’eau oscille à travers les parois blanches du seau, oscillation douce comme, sur les plages, l’eau des gamins pour construire les châteaux. C’est un poisson, menu, sûrement un gardon qui tente un soubresaut. Il se peut que le pêcheur le remette à l’eau, finalement.

    En attendant, en surface, le ballet a commencé. Un groupe de colverts s’avance, étoile l’eau et puis la brouille ; mâles et femelles, suivis d’un foulque macroule. Personne ne dira avoir vu, ce jour-là, la famille de cygnes dont les jeunes, d’ailleurs, sont sur le point de perdre leur duvet gris. Bientôt la tribu se dispersera. Sans doute est-elle déjà sur le lac à chercher des repaires.

    Premier banc vert de la promenade, direction Orbe : le jeune au vélo vient de s’installer. Il a posé, ouvert à côté de lui, un sac à dos noir passablement maculé ; il en sort un laptop de faible dimension, qui sent le flambant neuf, et l’ouvre doucement. Une cheville posée sur la cuisse, le genou à l’équerre, il observe sa page, soupire. Cela ressemble à de l’étude, mais de l’étude à contrecœur.

    Il serre un peu son blouson autour de ses épaules. Gris, en toile doublée, si quelconque qu’on ne le remarquerait pas, n’était cet écusson rouge à croix blanche cousu sur la

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