Ma petite fiancée

Molly conduit depuis quelques heures et la lassitude commence à la gagner. Enfin, le paysage se transforme en une immense mer mauve. Elle arrive ! Le pays de la lavande s’offre généreusement à elle, à ses yeux et à son nez. Un léger mistral fait onduler des vagues odorantes. Elle arrête un instant sa petite voiture et en sort pour admirer le tableau. Un concert de cigales l’accueille aussitôt. Elle reconnaît les remparts, le château, le lavoir, et même quelques fermes qui paraissent figées dans le temps. Et toujours cette odeur qui titille ses narines et ramène des souvenirs enfouis. Vingt-cinq ans qu’elle n’a pas remis les pieds dans cette région. Elle retrouve la gamine effrontée qui gambadait dans les champs, grimpait aux arbres, se roulait par terre et rentrait chaque soir, ses vêtements en charpie, semblable à une sauvageonne. Son enfance surgit de sa mémoire.

Durant trois ou quatre ans, Germaine, la « tatie », vieille fille de la famille, a gardé les « pitchouns » pendant les vacances, soulageant ainsi les parents qui travaillaient. Elle louait une grange aménagée et regroupait, surveillait, bichonnait, neveux et cousins qui ne partaient pas en colonie d’été.

Avec Germaine, c’était cool! Pas de règlement contraignant, pas de discipline draconienne, d’horaires à respecter… Un seul mot d’ordre : s’amuser ! Et Dieu sait si Molly s’était amusée avec les loupiots du village, si différents de ses copains de la ville. Moqueuse, elle les trouvait ridicules avec leurs sabots de bois, leur culotte râpée et leur casquette juchée sur leur tignasse en bataille !

Germaine parvenait à calmer tout ce petit monde en leur racontant des histoires de chevaliers qui vivaient autrefois dans le village. Et le château devenait alors une scène de théâtre où de gentes dames emprisonnées attendaient leur délivrance. Germaine vantait aussi