Dans le sillage d’Ulysse
à la naissance de notre quatrième enfant. Puis tout s’est enchaîné assez vite: vente de notre First 29, devenu trop petit à six, recherche d’un bateau à moins de 30 000 euros… Quelques souhaits: une barre franche, trois cabines, une jupe, du rangement et une bonne hauteur sous barrots! C’est en Grèce que nous avons fait l’acquisition d’s, un Gib’Sea 372. Nous profiterons du congé parental pour partir. La caisse de bord se remplira en louant notre maison située à Concarneau. Un premier repérage, en 2019, a permis de fiabiliser le bateau avec nos quatre moussaillons âgés de 2 à 10 ans. Qui dit budget serré et bateau d’occasion, dit également surprises au démarrage! Nous n’avons pas été en reste: cuve de fuel remplie d’eau, nid de guêpe dans la bôme, enrouleur de génois endommagé par un « medicane » [contraction de Méditerranée et hurricane] et guindeau défectueux! Des avaries réparées rapidement sans entamer l’enthousiasme de l’équipage. Puis, le 15 juin dernier, les frontières s’ouvrent enfin, nous permettant de rejoindre notre bateau hiverné à Galatas, face à l’île de Poros, sur la côte sud du golfe Saronique. Nous découvrons cette région, un véritable musée à ciel ouvert… Les monuments antiques remplaceront les cours d’histoire et de géographie pour nos jeunes mousses. La première semaine est consacrée aux améliorations de la vie à file à 7 noeuds. 50 milles à parcourir jusqu’à Sérifos dans un vent fort, le célèbre meltem. Une navigation qui se révèle bien musclée à la fin: 35 noeuds dans les rafales les plus fortes, un baptême de feu un peu ardu pour l’équipage. Pauvre Ulysse! Nous comprenons mieux son errance de dix années à la fin de la guerre de Troie pour rejoindre Ithaque. Nous jetons l’ancre au pied de falaises austères sur la plage de Koutalas, au sud de l’île, dans une mer bien moutonneuse. Le lendemain, nous perdons un paddle, le leash arraché par les rafales de vent au mouillage. Premiers pas à terre pour découvrir les anciens gisements de fer exploités dès l’Antiquité. Oxyde de fer, marbre, pierre ponce issue de roche volcanique font le bonheur des enfants sur la grève… Un cours de géologie offert par le pays! Sur la plage, Andonis, 84 ans, menuisier à la retraite, nous fait visiter son jardin et sa source d’eau. Après quelques échanges, les enfants ont rendez-vous le lendemain à 6 heures du matin pour pêcher. Un peu plus loin, c’est une vieille dame qui leur apporte des gâteaux. Générosité et bienveillance propres à la Grèce qui s’incarnent ici sur des visages et un art de vivre. La légende raconte que sous les traits d’un étranger, un dieu peut sommeiller! Nous profitons de la première accalmie pour rejoindre le Péloponnèse en quittant tôt notre mouillage sans réveiller les enfants. Une mauvaise surprise nous attend en hissant les voiles: la grand-voile est déchirée sur 30 centimètres sous l’armure du deuxième ris. Une bonne heure de couture s’impose en contemplant le lever du soleil avant de prendre la direction de Corinthe, car après cette courte virée vers les proches Cyclades, c’est de là que partira notre tour du Péloponnèse – dans le sens inverse des aiguilles d’une montre. A Corinthe donc, nous passons la nuit au mouillage devant l’entrée du canal éponyme. Au petit matin, moyennant un droit de passage d’une centaine d’euros, un spectacle époustouflant nous attend: nous allons passer avec notre voilier de 11 mètres entre ces falaises de 52 mètres de hauteur et 24 de largeur. Vertige! A la sortie du canal, nous traversons le golfe de Patras pour rejoindre les îles Ioniennes. Première escale à Galaxidi. Nous louons une voiture pour visiter le temple de Delphes, situé à une dizaine de kilomètres. En quittant le golfe de Patras, nous partons sur les traces d’Ulysse à Ithaque. Première escale à Frikes, petit port au nord-est de l’île. Beaucoup de bustes du héros de l’Odyssée mais peu de traces historiques! En fin de journée, nous arpentons les ruines d’un palais mycénien qui pourrait être celui de l’homme aux mille ruses. Au sommet, la vue sur les « trois mers » viendrait confirmer le récit d’Homère.
