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Le sang originel: Les Kentan – Tome 1
Le sang originel: Les Kentan – Tome 1
Le sang originel: Les Kentan – Tome 1
Livre électronique337 pages5 heures

Le sang originel: Les Kentan – Tome 1

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À propos de ce livre électronique

Evie se prépare à sa rentrée dans l’enseignement supérieur et profite de ses vacances après avoir vécu des années lycée difficiles. Lors d’une sortie nocturne, elle fait la connaissance de Galaad, un vampire de 250 ans, qui lui vient en aide alors qu’elle se trouve en très mauvaise posture. Elle va découvrir que son héritage génétique recèle quelques mystères et que l’histoire de ses ancêtres rejoint de vieilles légendes fantastiques. Ces révélations vont changer sa vie et la faire entrer dans un monde dont elle ne soupçonnait pas l’existence. Un monde dans lequel elle va devoir se découvrir elle-même, un monde dans lequel ses choix pourraient influencer une guerre secrète entre immortels.
LangueFrançais
Date de sortie7 oct. 2021
ISBN9782312085210
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    Aperçu du livre

    Le sang originel - Aurore Girardin-Boisvert

    cover.jpg

    Le sang originel

    Aurore Girardin-Boisvert

    Le sang originel

    Les Kentan – Tome 1

    LES ÉDITIONS DU NET

    126, rue du Landy 93400 St Ouen

    © Les Éditions du Net, 2021

    ISBN : 978-2-312-08521-0

    Prologue

    Journal de Fañch, marin à bord de La Grande Hermine, nef commandée par Jacques Cartier lors de son 2e voyage au Canada (1535-1536)

    (Retranscription d’un manuscrit original trouvé dans les archives de la ville de Saint-Malo.

    Les fautes d’orthographe ont été corrigées et le français modernisé pour plus de lisibilité)

    19 mai 1535

    Ça y est, nous sommes partis ce matin. J’ai retrouvé des anciens, ceux qui ont fait la première expédition avec moi. Nous sommes 110 en tout, sur trois navires. Les fils du chef de la tribu d’Indiens que nous avons emmenés avec nous en France à la première expédition sont du voyage. Après un an en France, ils parlent bien notre langue. Ils nous serviront d’interprètes a dit le commandant. Il veut pouvoir les comprendre pour faire du commerce avec leur peuple. On part pour longtemps cette fois, les cales sont chargées de vivres. J’espère que mon petit dernier sera toujours vivant quand je rentrerai, il avait l’air bien mal en point ce matin. Je devrais ramener assez d’argent pour ne plus partir avant un moment après ça. Peut-être même acheter un bateau de pêche et changer de vie…

    3 septembre 1535

    ON a aperçu des drôles de bêtes qui nageaient au loin. Ça ressemble à des gros poissons blancs. Ils ont l’air énormes. On espère arriver bientôt, le temps commence à se faire long. Heureusement on fait des jeux, ça occupe mais ça ne fait pas passer les mois plus vite. Le Commandant a l’air confiant.

    7 septembre 1535

    Ça y est ! La Terre ! Enfin ! Nous sommes arrivés au village des deux fils. Sans perdre de temps, le commandant a commencé à discuter avec le chef de la tribu pour conclure des accords de commerce. Nous, on en profite pour se dérouiller un peu les jambes. Ça fait du bien. Les Indiens nous regardent bizarrement. Vu comment ils sont habillés, c’est le monde à l’envers. Faut quand même reconnaitre que leurs femmes sont plutôt jolies. Mais le commandant nous a interdit de faire quoi que ce soit qui pourrait ruiner le commerce.

    30 septembre 1535

    Le commandant s’est mis en colère contre le chef de la tribu. Apparemment il ne voulait pas nous laisser remonter le fleuve sur lequel on est arrivés car il ne veut pas qu’on négocie avec d’autres tribus. Le commandant a arrêté toutes négociations et laissé les fils du chef dans leur tribu puis nous a ordonné de revenir sur un des plus petits navires pour repartir. Il n’a pris que les plus anciens, les mieux formés sur les bateaux. Je me retrouve avec mes potes de la première expédition. Mais le fleuve devient étroit et nous devons continuer en barques.

    3 octobre 1535

    Le commandant a repéré un village Indien hier. On a tous dormi dans les barques en attendant ce matin pour qu’il puisse s’y rendre et prendre contact avec les habitants de ce village. Il est parti avec les autres gentilshommes comme lui et quelques hommes armés. Avec les amis on reste garder les barques. ON espère que les négociations ne vont pas durer trop longtemps.

    10 octobre 1535

    On est revenu au premier village Indien. On va attendre que l’hiver passe. Les Indiens n’ont pas l’air de nous en vouloir malgré ce qui s’est passé. On a intérêt à ce que cela se passe bien si on veut survivre dans cette région qu’on ne connait pas. Pourvu que le commandant ne les mette pas encore en colère.

    15 décembre 1535

    L’hiver ici est rude. Le fleuve a gelé, on ne peut plus bouger les navires. Il fait un froid comme on n’en a jamais connu en France. Si les Indiens ne nous aidaient pas, nous ne pourrions pas survivre. Jamais on n’aurait cru possible qu’il fasse aussi froid ! On commence à avoir des problèmes de dents, et d’autres problèmes. Je me suis blessé en faisant une réparation sur le bateau et la blessure ne se referme pas. Les Indiens ont l’air de moins souffrir que nous. Le commandant leur a demandé comment ils faisaient et ils lui ont montré une espèce de tisane qu’ils fabriquent avec les aiguilles et les écorces d’un arbre qu’on ne connait pas. Il leur a demandé de nous en faire.

    30 décembre 1535

    Nous avons perdu vingt-cinq hommes mais grâce à la tisane des Indiens, la plupart d’entre nous s’en est sortis. Résister au froid reste très dur, espérons que l’hiver ne soit pas trop long.

    3 avril 1536

    L’hiver a été interminable ! Le dégel a commencé. Hier, le commandant nous a permis de nous éloigner du camp et de partir en exploration. Il a bien compris que nous avions besoin de nous détendre et de profiter de la nature avant de repartir pour des mois de navigation. Il voudrait emmener le chef de la tribu avec nous en France mais il n’a pas l’air tout à fait d’accord. Le chef a demandé à ses fils de nous prévenir de ne pas trop nous éloigner, de mauvais esprits arbres rôderaient à l’orée de la forêt à ce qu’il parait. On a dit qu’on ferait attention mais on rigolait en partant.

    Le problème c’est qu’on ne connait pas bien la région et on s’est trop éloignés. La nuit tombe encore vite à cette époque et on n’a pas réussi à trouver notre chemin. On s’est dit qu’on pouvait dormir là et rentrer dès le lever du soleil. On est tous de la campagne. Le vent est froid à la tombée de la nuit et on entendait des sons d’animaux de la forêt. Un peu plus loin, visible dans le noir, on a repéré un vieil arbre tout sec. Pour faire un feu, c’est juste ce qu’il faut. Il était bizarre, tout de travers, tout petit, il n’avait pratiquement pas de feuilles et celles qu’il avait étaient marrons. On l’a abattu pour se réchauffer avec. Le bois était sec et le feu a pris vite. Mais au bout de quelques minutes, alors que les flammes se faisaient de plus en plus fortes, une nuée d’insectes est sortie en panique des branches. Elles ressemblaient à des moustiques et elles se sont jetées sur nous. On n’a pas eu le temps de s’enfuir et elles nous ont tous piqués plusieurs fois avant de s’enfuir dans la forêt.

    On s’est endormis quand même, d’un œil, et on est rentrés ce matin sans rien dire.

    10 avril 1536

    Il se passe quelque chose de bizarre. Certains des marins qui étaient avec nous lors de la virée dans la forêt sont très malades. Ils ont de la fièvre, délirent, saignent d’un peu partout. Il y a déjà deux morts. Avec les gars on se demande si on ne sera pas les prochains. Et si c’était à cause des piqûres d’insectes ? Elles se sont infectées mais pour l’instant on va bien.

    15 avril 1536

    On est repartis pour la France. Enfin !

    La maladie des insectes a tué huit des vingt-cinq hommes qui se sont fait piquer. Le commandant avait mis les derniers en quarantaine. Ils sont morts seuls. Pas d’autres cas déclarés.

    Le commandant a embarqué de force le chef et ses fils, ainsi que sept autres Indiens. On a fini par comprendre que le nom de la tribu était « Iroquois ». Le Commandant Cartier veut absolument les présenter au roi. On est repartis pour de longues journées en mer.

    25 mai 1536

    Cette traversée est longue… Je me sens encore un peu vaseux. Quelques temps après notre départ du Canada, moi et les gars on a commencé à se sentir bizarres. La lumière nous gênait, on arrivait plus à manger ni à boire. On a fini par tous s’endormir pendant plusieurs jours. Certains ne se sont pas réveillés du tout. On a eu de la chance avec les copains, on s’est tous réveillés. Mais on n’est pas très en forme. On a demandé à passer de nuit, le jour nous fatigue trop et on a du mal à rester au soleil sur le pont. Dans le fond ça arrange tout le monde, les hommes n’aiment pas rester sur le pont de nuit.

    1 août 1536

    On est rentrés depuis quelques jours mais on n’arrive pas à récupérer. On dort la journée, et on est en pleine forme la nuit. Pas moyen de faire autrement. Comme si notre corps avait décidé de fonctionner à l’envers. Le médecin de la compagnie nous a examiné mais il ne comprend pas. Il pense qu’on a contracté une forme rare de scorbut… Je ne sais pas, je ne me sens pas si mal. Je ne peux juste pas sortir la journée mais la nuit j’ai une force incroyable.

    Malheureusement mon petit dernier, Erwan, est mort pendant mon voyage. C’est le cinquième enfant qu’on perd. C’est dommage, j’avais ramené assez d’argent pour qu’on puisse se permettre de faire vivre la famille. Je pense acheter un bateau de pêche dès que j’irai mieux. Mon grand a dix ans, il pourra venir m’aider en mer pendant que ses trois sœurs s’occuperont de leur mère.

    26 octobre 1536

    Je ne peux plus sortir du tout la journée. Non seulement je me sens fatigué mais maintenant la lumière me brûle. Je ne comprends pas ce qui se passe. Je sais que Arzhur a pu reprendre la mer. Et Ronan et Gwen n’ont plus l’air malades non plus. Je ne sais pas pourquoi je mets autant de temps à récupérer… En plus Rozenn vient de m’annoncer qu’elle attendait un petit, mais je ne supporte plus sa présence. J’entends son cœur, son sang battre dans ses veines, j’ai envie de lui mordre le cou quand je suis à ses côtés. Je ne peux plus prendre mes enfants dans les bras non plus sans avoir envie de leur arracher un bout de leur tendre cou. Leur chaleur, leur sang frais… Je me transforme en monstre…

    15 novembre 1536

    Je ne peux plus rentrer chez moi. Une de mes filles s’est coupée le doigt et j’ai failli me jeter sur elle. Je n’avais qu’une envie, la vider de son sang. Je ne peux pas rester à côté d’eux. C’est trop dangereux. Je dois me trouver un autre endroit où vivre. Pour l’instant je vais de maison abandonnée en maison abandonnée pour me cacher pendant la journée, et j’écume la ville pendant la nuit. J’ai rencontré quelques compagnons de mer dans une taverne hier soir. Ils avaient le teint aussi pâle que le mien et ne semblaient pas bien en point. On a décidé de se retrouver ce soir pour parler de ce qui nous arrive.

    16 novembre 1536

    Je ne suis pas seul ! Nous sommes au moins dix à être dans cet état. Nous avons tous désertés nos familles de peur de les blesser. Certains d’entre nous ont même quitté des femmes enceintes, comme moi. Nous avons envie de saigner les personnes que nous croisons dans les rues le soir. Le plus jeune d’entre nous, Gwendal est passé à l’action ce soir. Il a réussi à attraper une fille de joie dans une ruelle et l’a vidée de son sang. C’était impressionnant. Je suis resté le regarder comme hypnotisé. Ses yeux sont devenus rouge sang, ses crocs ont eu l’air plus saillants et en un éclair, ils étaient plantés dans le cou de la fille et lui pompaient tout son sang. Elle est tombée comme une poupée de chiffons. Gwendal avait de nouveau des couleurs et il semblait se sentir mieux. Quand il nous a regardé il a eu l’air surpris et nous a dit que nos visages avaient changé. En fait, à sa description on a compris qu’on avait le même air que lui avant de se nourrir.

    Nous sommes tous devenus des monstres. Mais pourquoi pas Arzhur ?

    30 novembre 1536

    Il n’aura pas fallu beaucoup de cadavres pour que l’église s’affole. On ne peut plus chasser en ville tranquillement. Ils ont commencé à faire des rondes dans le village. On ne trouve rien à manger dans la campagne. On a tous l’impression d’être maudits. On cherche une solution pour guérir avant de se faire attraper par l’église.

    20 décembre 1536

    Ils ont attrapé Gwendal et Loïg et ils les ont brûlés… comme des sorcières, sur un bûcher en récitant des prières…

    Ils ont essayé de nous attraper aussi avec Ronan, ils ont réussi à nous donner des coups de fourche et d’épée mais ça ne nous a pas freinés. On a senti la douleur mais on a pu courir. Le lendemain on n’avait plus rien, même pas une cicatrice… Nous sommes des démons… ces foutus moustiques nous ont transformé en démons…

    On a bien réfléchi et on pense qu’il faut qu’on trouve Arzhur, son bateau est rentré à quai il y a deux jours, on va guetter sa maison. Si lui ne s’est pas transformé, on devrait pouvoir trouver une solution grâce à lui.

    25 décembre 1536

    On a tué Arzhur, et Ronan est mort aussi. On l’attendait à la sortie de chez lui, on voulait juste discuter avec lui, lui poser des questions mais en nous voyant tous les huit, il a pris peur. Il a voulu s’enfuir. Ronan s’est jeté sur lui et sans s’en rendre compte, il l’a tué. Il avait faim, son instinct a pris le dessus. Il avait à peine fini de boire le sang d’Arzhur qu’il a commencé à trembler de tous ses membres, ses yeux sont partis en arrière et de la mousse a commencé à sortir de sa bouche avec le sang d’Arzhur. Puis il est tombé, mort.

    Arzhur avait été piqué par les moustiques lui aussi, mais il n’avait pas été transformé. Mais son sang est mauvais pour nous. Nous ne devons pas être en contact avec le sang les uns des autres. Nous n’avons plus aucune solution pour nous guérir. Et si nous restons ici, les guetteurs de l’église nous attraperont et nous brûleront. Nous devons partir pour de bon.

    J’espère que mes enfants me pardonneront. Je ne connaitrai jamais le dernier. Je vais laisser assez d’argent à ma famille pour qu’elle ne manque de rien puis nous nous en irons dans une plus grande ville. Passer inaperçu dans un petit village est impossible. Il nous faudra voyager pour ne pas nous faire attraper.

    Nous sommes maudits…

    Chapitre I

    Evie avait passé un très bon moment à la plage. Elle adorait aller à Larmor-Plage. La plage n’était pas grande mais elle était agréable et bien protégée. Revenue à Lorient en bus, elle se sentait détendue et avait envie de sortir le soir même afin de profiter de la journée jusqu’au bout. Elle venait à peine de tourner dans sa rue qu’elle se sentit à nouveau observée. Cette impression ne la quittait pas depuis quelques jours, mais seulement lorsqu’elle était en ville. Assez curieusement, elle ne ressentait plus cette gêne quand elle sortait de la localité. Elle sentait que quelqu’un la regardait mais elle ne se sentait pas pour autant en danger. Cette impression était quand même envahissante et dérangeante. Maintenant qu’elle avait réussi à dompter ses démons intérieurs, la dernière chose dont elle avait besoin c’était d’un harceleur qui s’amuserait à la suivre pour finir par s’immiscer dans sa vie pour la détruire.

    Avant de rentrer dans son immeuble, pendant qu’elle tapait le code de la porte d’entrée, elle aperçut un jeune homme qui la regardait au coin de la rue. Il était grand, brun, très mince et son visage bien qu’émacié pouvait être qualifié de beau. Elle l’observa directement afin de lui faire comprendre – s’il la suivait vraiment – qu’elle s’était rendu compte de son manège. Mais il tourna la tête alors qu’une jolie rousse lui adressait la parole et disparut avec elle derrière le bâtiment d’où il se tenait. Rassurée, elle s’appuya de toutes ses forces sur la vieille et lourde porte afin de rentrer dans son immeuble. L’entrée avait été refaite il y a peu et elle sentait encore la peinture. Elle grimpa les marches deux à deux et entra dans l’appartement désert.

    L’année avait été dure pour ses parents aussi, ils avaient mal vécu la découverte de son anorexie, les séances en famille chez le psy, puis son difficile retour à table. Heureusement, elle avait recommencé à manger quasiment normalement et elle avait décroché son bac du premier coup. Le concours des Beaux-Arts n’avait pas été de tout repos non plus mais elle l’avait réussi. Bref, l’année s’était plutôt bien terminée, et ses parents rassurés avaient décidé de prendre quelques vacances ensemble pour se retrouver et de la laisser seule, à sa demande insistante, afin qu’elle aussi puisse faire le point et se reposer.

    Elle déposa son sac et ses tongs dans l’entrée, puis se dirigea directement dans le fond de l’appartement, vers les chambres, où se trouvait la salle-de-bains, afin d’y prendre une bonne douche fraîche pour éliminer le sable et se préparer à sortir. Pendant que l’eau coulait sur elle et que son effet apaisant se faisait sentir, son esprit vagabondait. Elle repensa à son après-midi à la plage. Elle avait dû s’y rendre seule car ses amis étaient partis en vacances ou s’étaient trouvé des jobs d’été. Elle avait apprécié ces heures de tranquillité, au soleil, face à la mer, les yeux perdus dans son étendue. Au loin on voyait quelques embarcations, les enfants couraient et riaient autour d’elle et quand enfin elle s’était décidée à aller tremper ses doigts de pied, la fraicheur de l’eau l’avait un peu saisie. Il faisait beau depuis quelques jours et elle pensait que le soleil aurait eu le temps de réchauffer un peu la mer. Une fois la surprise passée, elle avait pris son courage à deux mains et s’était avancée dans l’eau jusqu’aux cuisses. Le flux et le reflux des vagues avaient réussi à lui éclabousser le ventre en lui coupant un peu le souffle mais en lui donnant le courage de plonger entièrement. Elle y était restée pendant une bonne demi-heure, nageant les yeux tournés vers la plage pour surveiller ses affaires. Le problème des plages bondées de touristes, c’est que n’importe qui pouvait s’approcher d’un sac abandonné pour y prendre quelque chose sans que quiconque s’en aperçoive… Et la plage de Larmor était pleine à craquer pendant l’été.

    Quelque chose dans ce souvenir la troubla. Elle avait l’impression qu’elle avait aussi été observée pendant cette période, mais de façon tellement discrète que ce n’est qu’en repensant à cette journée qu’elle se remémora ce jeune homme aux cheveux si blonds qu’ils paraissaient quasiment blancs, et le rendaient donc facilement repérable. Elle était sûre qu’il la fixait, mais le fait qu’il regarde du bord de l’eau vers la mer rendait l’exactitude de ce souvenir sujet à caution. Elle se prit à penser qu’elle devenait légèrement paranoïaque. Pourquoi ces hommes se mettraient ils tout à coup à l’observer ou à la suivre ? Malgré tout, ce sentiment était très présent, elle n’arrivait pas à s’en défaire. De même qu’en repensant à l’autre jeune homme, qui se tenait au coin de la rue lorsqu’elle était rentrée, elle était certaine que celui-ci la regardait elle ! Pourtant il était bien parti avec cette jeune femme… il devait la connaître ? Ou alors il s’était rendu compte qu’elle l’avait repéré et il avait saisi l’opportunité qui se présentait – peut-être une touriste qui cherchait une rue, qui sait ? – pour faire semblant d’attendre quelqu’un et détourner son attention. Autant elle avait pu se méprendre sur le jeune homme de la plage au vu de la distance qui les séparait et de la foule, autant le brun qu’elle avait repéré en rentrant était difficile à ne pas remarquer.

    Elle se mit à sourire. A priori il fallait qu’elle se trouve quelque chose à faire pendant ces vacances parce que si elle commençait début juillet à délirer et à imaginer toutes sortes de complots, elle serait bonne à enfermer d’ici la rentrée. Son esprit allait mieux, il avait besoin de se concentrer sur quelque chose qui l’intéressait ou il menaçait de tourner sur toutes les fantaisies qui lui passeraient par la tête pendant son oisiveté. Vu qu’elle focalisait sur les personnes du sexe opposé, il était aussi grand temps de ressortir afin d’en rencontrer.

    Elle sortit de la douche en souriant, convaincue que tout cela était signe d’une bonne santé retrouvée et prête à attaquer la piste de danse avec bonne humeur. Elle entoura un drap de douche autour de sa silhouette très menue et se dirigea vers l’entrée où elle récupéra son portable dans son sac. Une fois installée dans le canapé, elle alluma la télé et envoya un SMS à ses deux amis pour leur proposer de sortir. C’était l’heure des informations et elle les regarda d’un œil distrait alors qu’elle se levait pour trouver quelque chose à manger. Le présentateur parlait de la modulation des allocations familiales en fonction des revenus et du fait que les Français n’approuvaient pas la mesure. Elle ouvrit le frigo et chercha ce dont elle avait envie. Depuis qu’elle remangeait à peu près normalement, elle avait décidé de s’en tenir à un régime végan. La viande la dégoûtait depuis toujours et, outre le fait qu’elle était contre l’exploitation animale, tous les produits provenant d’animaux étaient très durs à digérer. Ses parents avaient accepté sans rien dire cette nouvelle alimentation malgré leur crainte.

    Elle n’avait pas vraiment eu de déjeuner, car elle s’était levée tard et avait préféré se préparer un brunch avant de partir profiter de la plage, donc elle se devait de manger assez pour tenir la nuit comme elle l’avait prévu. Elle avait promis à ses parents de faire attention à ne pas sauter de repas pendant leur absence. La peur de retomber dans la maladie était là à chaque fois qu’elle se mettait à table. Elle avait pris le parti de se forcer à manger un peu même si la faim ne se faisait pas sentir. Mais ce soir, elle avait faim. L’air marin et le soleil lui avaient ouvert l’appétit et son humeur étant excellente, il n’y avait aucune raison de bouder un bon plat. Elle attrapa ce dont elle avait besoin, et lança la cuisson.

    Pendant que les aliments cuisaient, son portable vibra. Elle contourna le bar et le récupéra sur la table du salon. Le présentateur parlait maintenant des migrants de plus en plus nombreux à Calais. Décidément les journaux télévisés n’étaient pas faits pour les gens déprimés ! Elle jeta un œil aux messages en se redirigeant vers la cuisine, histoire de continuer à surveiller la cuisson de son repas.

    Ses amis étaient fatigués de leur journée de travail et ne savaient pas s’ils pourraient la rejoindre mais promettaient d’essayer. L’un vendait des glaces dans une petite boutique de Guidel et l’autre était serveuse dans un café sur la plage de Port-Louis. Il faisait très chaud en ce début d’été, on parlait de canicule, alors des journées debout à servir une foule de touristes mettaient le corps à rude épreuve ! Elle comprenait bien pourquoi ils étaient épuisés, même si elle était très déçue de leur réponse. Elle réfléchit en remuant la nourriture qui commençait à attacher dans la poêle et décida qu’elle irait toute seule en boite en attendant que l’un des deux se décident à la rejoindre. Elle ne l’avait jamais fait mais après tous ces mois sombres, elle n’allait pas se laisser arrêter comme ça. Une expérience de plus… et puis les boites étaient pleines de monde, que pouvait-il lui arriver ? Avec un peu de chance, l’un des deux s’en voudrait de la laisser seule et la rejoindrait, même si ce n’était qu’une heure. Elle leur répondit donc en ayant quand même la sensation que quelque part elle leur forçait un peu la main.

    Elle s’installa confortablement dans son fauteuil devant la télé et mangea tranquillement son dîner avant d’aller se préparer à sortir.

    Au coin de sa rue, une longue silhouette masculine guettait la porte d’entrée de son immeuble.

    * * * * *

    Sa mise en beauté fut rapide. Contrairement à son amie Enora, elle n’était pas très « girly ». Elle préférait les tenues confortables et correspondant à ses goûts, plutôt que les derniers vêtements à la mode que chaque fille portait sous peine d’être dévisagée avec un air de compassion, voire de pitié dans leur petit monde de jeunes adultes.

    « Heureusement que l’univers postbac était plus tolérant avec les personnalités de chacun », se dit-elle. Elle s’en était rendue compte lorsqu’elle avait fait une rapide visite de l’Ecole des Beaux-Arts avant de se décider à postuler. Le Lycée pouvait être si conformiste !

    Enora était très conformiste, si bien que leur amitié paraissait surréaliste, mais c’était une fille tellement gentille et pleine de vie qu’Evie l’avait tout de suite appréciée, voire adoptée. Elle sourit en pensant que si son amie l’avait rejointe avant qu’elles sortent, elle aurait essayé pendant une demi-heure de la remaquiller et de lui trouver d’autres vêtements plus « convenables » dans son placard. Car elle avait un placard, alors qu’Enora avait une garde-robe. Même le vocabulaire qu’elles utilisaient était différent. Elles ne se comprenaient souvent pas mais elles s’acceptaient. Leur différence était tellement enrichissante. Elle s’en rendait compte tous les jours avec ses amis.

    Elle fut arrachée de ses pensées par le contact de la brosse de son mascara sur son globe oculaire. Elle jura, se reconcentra et finit de se mettre le mascara avant d’enchaîner avec un trait noir bien appuyé pour souligner ses yeux. Dans son visage, c’était sans doute ce qu’elle considérait comme son atout majeur ; des grands yeux marron foncé, quasi noirs, intenses, et dont elle réduisait un peu la taille en soulignant le tour avec un trait noir.

    La partie maquillage étant terminée rapidement, elle s’occupa de ses cheveux. Là aussi, plus c’était naturel et mieux c’était. Passer trois heures devant le miroir dans une pièce surchauffée par un sèche-cheveux soufflant à fond, pour essayer de lisser les boucles, qui réapparaitraient à la moindre humidité, ne faisait pas partie de sa définition de se faire belle. Surtout que vivant en bord de mer, et allant régulièrement à la

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