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Son sang pour l'Alsace: Roman
Son sang pour l'Alsace: Roman
Son sang pour l'Alsace: Roman
Livre électronique248 pages3 heures

Son sang pour l'Alsace: Roman

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À propos de ce livre électronique

Extrait : "M. Lambert des Forts s'arrêta un moment à l'entrée du jardin ; droite et longue, une allée s'étendait devant lui, tentante en cette heure matinale où le soleil oblique d'hiver touchait d'or léger les herbes tenaces que la sarclette ne persécutait plus. Il mesura de l'œil la distance à parcourir pour aller au banc souhaité et ne s'en effraya pas d'abord."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.
LangueFrançais
ÉditeurLigaran
Date de sortie17 nov. 2015
ISBN9782335097702
Son sang pour l'Alsace: Roman

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    Aperçu du livre

    Son sang pour l'Alsace - Ligaran

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    EAN : 9782335097702

    ©Ligaran 2015

    À CEUX QUI NOUS REVIENNENT

    Première partie

    CHAPITRE PREMIER

    Riette

    M. Lambert des Forts s’arrêta un moment à l’entrée du jardin ; droite et longue, une allée s’étendait devant lui, tentante en cette heure matinale où le soleil oblique d’hiver touchait d’or léger les herbes tenaces que la sarclette ne persécutait plus.

    Il mesura de l’œil la distance à parcourir pour aller au banc souhaité et ne s’en effraya pas d’abord. Ce n’était pas encore un vieillard, c’était un homme qui venait d’être jeune. Son esprit s’en souvenait dans un corps qui l’oubliait de plus en plus. Il marchait péniblement et pensait de façon alerte.

    À peine avait-il fait quelques pas qu’il sentit s’alourdir sa fatigue et s’accuser la souffrance de ses reins ; il regarda autour de lui et jeta un léger cri d’appel.

    – Henriette…

    Une voix répondit aussitôt si claire et si fraîche qu’elle semblait se jouer sur le bruit rieur d’un ruisseau courant en cascades vers les prairies qui entouraient le petit manoir.

    – Papa.

    Et une jeune fille apparut pleine de grâce.

    Ce mot de salutation angélique pouvait lui être appliqué ; toute jeune, petite de corps, menue de gestes, aisée et fine dans ses mouvements et dans ses voltes, elle rappelait le joli portrait que nous a tracé Saint-Simon d’Adélaïde de Savoie, Duchesse de Bourgogne. Un ovale de visage d’une perfection amusante et narquoise, deux yeux bruns et prestes, faisant sous les sourcils droits une danse de sylphes, la lèvre vive prompte et bonne, le cou d’une courbe câline et replète ; ses cheveux légers en broussaille sur le front pouvaient figurer une manière de Fontanges et, par un charmant anachronisme, se relevaient par derrière en chignon à l’antique. Sa démarche, eût dit le Duc, était celle d’une déesse sur les nues, mais la pétulance y nuisait à la majesté et quelque mythologue du XVIIe siècle l’eût plutôt comparée à la nymphe Galatée de Virgile.

    D’un geste habitué, elle passa son bras sous celui de son père, pour le soutenir en paraissant s’y appuyer et les jeunes pas aidèrent les vieilles jambes qui s’équilibrèrent rassurées.

    Ils furent ainsi jusqu’au banc de pierre, que M. des Forts s’obstinait à prendre pour un autel druidique et restèrent un moment silencieux à contempler le doux paysage et à goûter la joie éphémère de ce faux printemps.

    Ils disaient, pour parler, pour que leur silence ne fût pas trop plein de pensées.

    – Il fait doux – l’air est tiède, – tu as bien dormi ? – Et toi, papa ? – On ne dort jamais bien à mon âge, on n’a plus assez de temps. – Si tu savais, quels sommes je fais, moi, dans mon pieu… – Tiens-toi plus droite, ma chérie.

    Et il objecta doucement, en forme de prière :

    – On ne dit pas « pieu », Riette, c’est si simple de dire un lit.

    – Oui, mais c’est bien plus long, tandis que pieu, ça y est.

    – Tu trouves ?

    – Papa, dis-moi tout de suite que j’ai le dos rond et que je suis mal élevée, dis-le. Mais pourquoi faire ? je le sais bien va.

    Leur querelle est tendre, joyeuse, ils s’en amusent ; deux jeunes chiens qui se disputent un bâton donneraient l’impression de ce débat.

    Elle continue, agressive :

    – Papa, tu sais, on dit aussi : Plumard.

    – Tu m’ennuies… Tiens voilà Pulchérie qui vient nous chercher pour déjeuner.

    – Papa, pourquoi l’appelles-tu Pulchérie quand son nom est Julie ?

    – Parce que Pulchérie vient de Pulcher qui veut dire beau en latin.

    – Eh bien ?

    – Regarde-la ; tu vois que j’ai raison.

    La pauvre fille qui s’avance porte la plus laide figure du monde et le père comme l’enfant s’en amusent en secret.

    Il se sent un peu gâteux ; il jouit de cette conscience, il lui semble que la vieillesse ainsi lui fait un signe et l’invite ; il l’accepte doucement comme on consent à s’endormir à la fin du jour.

    Et, de nouveau, il essaye de marcher, se lève plein d’espoir et de vivacité… ; la douleur le guette, l’atteint et le mord ; il trébuche, le petit bras se glisse sous le bras alourdi et soulève l’énergie du vieux corps. Ils vont vers la servante que M. des Forts salue d’un sourire.

    Le déjeuner est servi dans la salle à manger des jours solitaires ; l’autre, à côté, il y a dix mois était pleine de monde, de bruit, d’animation ; un valet de pied en veston de coutil y faisait un service discret et rapide, malgré les chiens qui se fourraient entre ses jambes, malgré l’abondance des plats à passer. Par les fenêtres ouvertes, on voyait le soleil de midi battre durement le sol de la terrasse ; des parfums de prairies vertes, de fleurs, de sèves, entraient. Des jeunes voix mâles se mêlaient à des rires d’enfants, et, aussitôt le repas fini, des trompes d’auto retentissaient invitant aux longues promenades.

    Aujourd’hui le père et l’enfant déjeunent un peu silencieux servis par Julie, dite Pulchérie, dans la petite pièce frileusement fermée ; malgré la gaîté d’Henriette, ce repas est triste et seules les incartades du chat Moucharabieh écartent et distraient un instant la préoccupation des deux convives.

    Sans le vouloir, malgré eux, ils attendent quelque chose.

    Ils attendent quoi ?

    Un homme qui, là-bas, vient de quitter la petite ville en relevant sur son épaule la courroie d’une lourde boîte ; comme celle de Pandore elle est pleine de tous les biens et de tous les maux, elle contient même l’espoir, mais aussi la déception.

    L’homme marche le long des routes, franchit les ponts, gravit les côtes, descend les pentes, s’arrêtant de maison en maison ; attentifs, ils écoutent maintenant un rapide colloque dans la cuisine ; c’est lui, le facteur, il doit boire son verre et manger sa tartine, mais que Julie est longue et s’attarde à causer…

    – Va voir, Riette, dit le père.

    Avant qu’elle ne se soit levée, la porte s’ouvre et la servante apparaît tenant le courrier.

    D’une main vive la jeune fille a détaillé le petit amas de papiers ; elle a mis de côté les journaux, écarté d’un coup d’ongle les écritures indifférentes, été droit à l’enveloppe souhaitée, celle que tous les jours ils espèrent et craignent tous les deux. – Tu veux que je lise, papa ?

    Ses doigts déchirent le papier, déploient la lettre.

    « Mon cher papa,

    Vous n’avez rien reçu, Riette et toi, depuis ma dépêche vous annonçant que j’étais arrivé à bon port, vous devez être impatients de connaître mes premiers pas dans la carrière et je vois d’ici ma chère sœur, grillant comme une côtelette, guetter Gramac et l’accuser d’être inexact ; je l’entends maudire la poste et lui prêter les pires négligences ; la vérité est plus simple et Gramac est moins coupable. D’abord, j’étais très fatigué en arrivant et je n’ai pas eu une minute pour écrire, ensuite je voulais pouvoir vous dire mes impressions. Les deux premiers jours, elles ont été tout en rose ; bon lit, bonne nourriture, le matin nous faisions les diables, le soir c’étaient des veillées en famille, égayées de chanteurs amateurs. Enfin la vie de casino… ou presque.

    Depuis hier, cela a changé. L’exercice est devenu de plus en plus dur. Ce qui est le plus pénible ce sont les stages d’immobilité en plein air avec la position de garde à vous. Il fait glacial dans la grande cour nue, et sans les tricots dont ma sœur m’a pourvu j’aurais peine à tenir ; enfin on se réchauffe à la cantine ; mais il y en a tant qui n’ont pas un sou en poche qu’il serait dégoûtant de s’ingurgiter des réchauffements devant eux en faisant Suisse. Tu me vois avec mon escorte de braves pannés, payant le café et le petit verre, mais, – soyez tranquilles, – sans excès et sans poser pour le richard… que je suis si peu.

    Nous sommes libres de cinq à sept et j’en profite pour me promener et faire connaissance avec Tours. J’ai aussi porté ma carte chez les Perdrigon, absents en ce moment, et chez notre tante de Palinges, absente elle aussi, mais qui va revenir dans une huitaine.

    C’est une belle ville que Tours, mais il y fait diablement froid ; les vents passent comme des escadrons à travers les grands boulevards qui semblent ouverts tout spécialement pour eux et hier, sur le pont qui va au faubourg de Saint-Symphorien, j’ai cru que j’allais être emporté dans la Loire par une rafale ; – elle est pourtant belle, – mais pas tentante pour le bain, la Loire qui roule large et rapide entre ses rives basses, noyant les îles, les sables, les bouquets d’arbres qui l’encombrent d’ordinaire. Tout a été balayé par le fleuve. S’il pouvait les balayer aussi les Boches… mais heureusement qu’ils ne viendront jamais jusqu’ici.

    J’ai retrouvé à la caserne l’abbé Mairot, le curé de Villiers aux Saints, qui est sergent de réserve. Ça m’a fait une drôle d’impression de le voir avec une vareuse bleue et un pantalon rouge. Il a l’air en marchant de se souvenir des pans de la soutane, mais cela ne nuit pas à son allure martiale et il sait très bien se faire obéir de ses hommes. Rencontré aussi cet insupportable poseur de Lucien Delarbre qui est au 20e chasseurs. Il m’a dit qu’il avait devancé l’appel pour être sûr d’avoir un cheval, mais le bruit court qu’on va les démonter pour les faire servir à pied ; on n’a plus besoin de cavalerie avec cette guerre de taupes. Il m’a semblé moins suffisant que dans son château de Montoire, et plus bon garçon. Mais au fond j’ai bien senti qu’il méprisait encore plus en moi le pousse caillou que le petit hobereau de la Mazurie.

    Au moment de clore ma lettre, – car on va m’appeler pour la corvée des pommes de terre, je vois arriver ce gros bêta de Théodore Soulier qui me demande si ce serait un effet de ma bonté de dire à sa famille qu’il va bien et qu’il n’a pas le temps d’écrire. Je confie cette commission à la complaisance de Mlle Riette qui voudra bien se priver de son argot habituel pour cette communication. Un patois vit et animé remplacera avantageusement son langage trop habituel.

    En attendant, j’embrasse la petite chérie de tout mon cœur et toi aussi, mon cher papa.

    Ton fils qui t’aime tendrement.

    ALFRED. »

    Ils rient, se regardent et détournent leurs yeux en les voyant un peu gros de larmes.

    – Enfin, il va bien ; c’est le principal, dit le père, qui, pour distraire son émotion, a mis la main sur les journaux.

    Ils sont de deux sortes. Les uns viennent du pays même et portent la date du jour, leurs titres un peu surannés, leur impression un peu confuse et baveuse les classent : L’Éclaireur du Centre, La Gazette de Limoges ; ce sont des journaux de province ; des feuilles courageuses qui luttent d’habitude pour un idéal et dans un but ; en ce moment ils n’ont qu’une idée et qu’un but : la Patrie et la Victoire ; les autres portent la marque de Paris ; des manchettes tirant l’œil, aux titres nets, des textes éclairés de blancs, faciles et rapides à lire ; ils parcourent ces feuilles, – à la Mazurie Riette peut lire sans contrôle toutes celles qu’on reçoit, – ils échangent des nouvelles, à haute voix ; mais toujours le souvenir du frère et du fils intervient, s’insinue, domine.

    – C’est dommage qu’Alfred n’ait pas pu voir les Perdrigon.

    – Ni sa tante de Palinges.

    – Les Perdrigon surtout ; Adrienne est épatante ; il s’amusera beaucoup chez eux ; mais la Marquise est un vieux rasoir.

    – Riette, je t’en prie…

    – Oui, papa, je ne le dirai plus.

    – C’est très bien…

    – Je dirai qu’elle est barbante…

    – Je désapprouve cette correction comme forme et comme fond.

    – Allons, papa, ne nous disputons pas pour cette vieille toupie…

    – Ah ! cette fois…

    – Et allons à Bénillac avec l’auto. J’ai un tas de choses à rapporter pour la maison.

    – Tu vas encore conduire ?

    – Mais oui, papa, mais oui, ça n’a rien d’inconvenant, je t’assure.

    – Ce n’est pas inconvenant, mais c’est peut-être dangereux.

    – Est-ce que tu me prends pour une mazette ? Et puis il faut bien, il n’y a plus de chauffeur.

    – C’est vrai.

    – Il n’y a plus de chauffeur, il n’y a plus de meuniers, il n’y a plus de boulangers, il n’y a plus rien… et tout marche tout de même, comme avant. C’est ça qui donne une crâne idée de la femme…

    Elle court au garage, amène la Smith and Sons devant la porte, presse avec autorité la poire de la trompe dont l’âcre couac vient troubler M. des Forts, déjà retiré dans l’ombre de sa bibliothèque, ombre dorée par les dos chamarrés des reliures. Il sursaute, emmené déjà très loin dans sa rêverie parallèle aux évènements dont les journaux viennent de lui apporter les récits, Hérodote feuilleté dit :

    « Xerxès avait derrière ses soldats des officiers qui les poussaient en avant à coups de fouet ». Et plus loin les doigts se glissent dans ces pages séculaires où il retrouve un écho des lignes actuelles :

    « Xerxès allait se loger dans un lieu. L’heure du repas venue, ceux qui régalaient se donnaient beaucoup de peine et le Grand Roi passait la nuit en cet endroit. Le lendemain ils, – ses soldats, – arrachaient la tente, pillaient la vaisselle et les meubles et emportaient tout sans rien laisser ».

    Il soupire ému par cette idée : « Les âges ont beau se succéder, l’humanité est toujours la même, c’est-à-dire qu’elle est bien laide ».

    Il lui semble voir luire dans les rayons de ses livres les yeux louches d’un dieu féroce et toujours inquiet.

    Mais la porte s’ouvre brusque dans la lumière et la désespérance s’écarte. Henriette entre animée, éclatante, apportant du grand air dans la pièce sombre, dissipant les mauvais esprits.

    – Papa, tu viens ?

    Il gravit péniblement le marchepied trop haut, et s’installe aux côtés de sa fille qui tient le volant avec une autorité souveraine. Elle presse la poire, fait retentir le silence de gémissements offensants et, appuyant sur la pédale, lance la voiture avec l’aisance d’un envol.

    – Heureusement qu’Alfred t’a appris, disait le père, en voyant avec orgueil sa fille évoluer dans les tournants et freiner dans les rampes.

    – Oh, j’aurais bien appris toute seule, répondait l’audacieuse.

    Bénillac, du tournant où ils l’aperçurent, semblait une de ces villes que les enfants sortent des cartons et disposent sur les tables avec une joie mystérieuse de création. Même des arbres verts effilés en pointe complétaient la ressemblance, avec les maisons disséminées, aux toits rouges, noirs ou bleus. L’auto fonça dans les ruelles qui défendent le centre et les quartiers marchands, aux boutiques ambitieuses, effara les poules, ainsi que les chiens, troubla la rêverie majestueuse des chats et déboucha enfin sur la grand-route devenue la grand-rue pendant sa traversée du chef-lieu d’arrondissement.

    – Moi, je vais faire mes courses, mais toi, papa, tu ne peux pas me suivre.

    – J’irai voir Lonzac, nous causerons un peu.

    Elle le guide dans les rues, jusqu’à la petite maison au bord du fleuve ; un escalier de bois vétuste et doux monte à l’unique pièce, précédée d’un petit cabinet pour faire cuire les repas ; les fenêtres s’ouvrent sur un balcon de planches usées, branlantes, qui domine le petit jardin profond en forme de cave, dénudé par l’hiver ; au bas, le fleuve, large, rapide, remué de courants qui délayent et creusent les eaux tournoyantes. À gauche, un pont se jette d’un mouvement hardi et retombe sur l’autre rive où il s’accroche et se maintient ; élégant, mince, il semble un fil étiré d’un pays à l’autre, le fil d’un tissu dans lequel se rassemblent et se combinent les races.

    Le vieux Lonzac habite une grande chambre aux murs garnis de vitrines derrière lesquelles s’alignent de ces vagues poteries où les antiquaires aiment à retrouver ou s’imaginer la trace des doigts des races disparues. Sur un carton recouvert de velours reposent des ronds de métal tordus, bossués, salis de terre et d’usure que décorent de confuses effigies. Pourtant les deux maniaques se reconnaissent avec jeunesse dans ces vieilleries. Ils savent que telle pièce de bronze fut frappée par les Bituriges ; qu’on eut attribué aux Lemovices une « fusaïole noire de forme aplatie » et que les objets de fer trouvés dans les fouilles du Mont-perdu « paraissent d’invention postérieure à l’ère chrétienne ».

    Cela vaut de longs discours et de savantes discussions. M. des Forts ne regrette pas la peine que lui causa la montée des marches. Derrière les glaces des vitrines, tout un monde lointain renaît et s’agite ; à ses yeux les âges passent, s’émeuvent. Lonzac présente un tesson informe de terre enduit d’une couleur noire et percé de petits trous.

    – Voici, dit-il, le dernier résultat de nos fouilles. Ce pourrait être une passoire.

    M. des Forts est prodigieusement intéressé, il prend, tourne et retourne l’objet, gratte avec précaution de l’ongle le vernis, médite.

    – Trouvé dans les souterrains ?

    – Oui, Monsieur Lambert. J’ai parcouru les galeries sous le Mont-Perdu. Elles sont aérées à des intervalles assez rapprochés par des trous qu’on a bouchés avec une grosse pierre. De distance en distance, et surtout aux coudes, il y a dans les parois de petites niches pour y placer un luminaire ; j’ai même cru relever une excavation ovoïde dans laquelle un homme peut se cacher, un homme fort petit d’ailleurs, car je ne parviens à m’y tenir qu’en baissant la tête.

    – Très importante cette observation, cela indiquerait le séjour prolongé d’une race naine, de cette race noire qui a peuplé le monde et dont on trouve encore des échantillons au centre de l’Afrique.

    – Ce serait l’objet d’une communication à la Société d’Archéologie, mais en ce moment…

    Ils se taisent tous deux en hochant doucement la tête ; les siècles se mêlent dans leur pensée arrêtée

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