Vents sombres sur le lac Kivu
Par Guillaume Ancel
4/5
()
À propos de ce livre électronique
Un récit au cœur de l’intervention française au Rwanda, en 1994.
La capitaine Victoire Guillaumin est intégrée au détachement de la Légion étrangère envoyé au Rwanda pour l’opération Turquoise en 1994. Elle mène des missions de recherche et de sauvetage de rescapés, dans un pays ravagé par les vents sombres de la guerre civile et d’un véritable génocide.
Avec l’aide d’un diplomate suisse, elle conduit une opération délicate pour retrouver et « extraire » une famille rwando-portugaise que la milice extrémiste n’a pas l’intention de laisser s’échapper.
Récit au cœur de la Légion étrangère, au cœur de l’Afrique centrale, par une femme dont la détermination est mise à l’épreuve à chaque instant.
Ancien officier de la Force d’Action Rapide, Guillaume Ancel livre un récit « autrement », à travers le regard d’une femme qui observe avec la même perspicacité qu’elle agit.
Guillaume Ancel
En 1994, j'ai participé à l'opération Turquoise, l'intervention militaire française au Rwanda, ravagé par la guerre civile et un véritable génocide. Depuis longtemps je souhaitais écrire sur ce sujet, et c'est une période de "transition professionnelle" qui m'a donné le temps de construire ce récit, sous forme de roman. Il n'est pas autobiographique car je ne suis pas sûr qu'il aurait intéressé beaucoup de lecteurs. C'est un roman qui a pour seule ambition de donner une image de ce qu'est une opération, au cœur de la Légion étrangère et au cœur de l'Afrique des grands Lacs. Les caractères et les situations sont "librement inspirés de faits réels". Son personnage principal est une femme, qui aurait pu mener mieux que quiconque ces missions à la fois organisées et imprévisibles, chaotiques et violentes, rarement simples, mais aussi férocement humaines. Bonne lecture,
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Aperçu du livre
Vents sombres sur le lac Kivu - Guillaume Ancel
Vents sombres sur le lac Kivu
Roman
Guillaume Ancel
Dépôt légal février 2014
ISBN 978-2-9547777-0-2
© Guillaume Ancel 2014
Smashwords Edition
Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction réservés
All rights reserved
Table des matières
avant propos
Vents sombres sur le lac Kivu
Lexique
Un récit au cœur de l’intervention française au Rwanda, en 1994.
La capitaine Victoire Guillaumin est intégrée au détachement de la Légion étrangère envoyé au Rwanda pour l’opération Turquoise en 1994. Elle mène des missions de recherche et de sauvetage de rescapés, dans un pays ravagé par les vents sombres de la guerre civile et d’un véritable génocide.
Avec l’aide d’un diplomate suisse, elle conduit une opération délicate pour retrouver et extraire
une famille rwando-portugaise que la milice extrémiste n’a pas l’intention de laisser s’échapper.
Récit au cœur de la Légion étrangère, au cœur de l’Afrique centrale, par une femme dont la détermination est mise à l’épreuve à chaque instant.
Ancien officier de la Force d’Action Rapide, Guillaume Ancel livre un récit autrement
, à travers le regard d’une femme qui observe avec la même perspicacité qu’elle agit.
Le Rwanda est un pays d'Afrique centrale, de la région des Grands Lacs.
En 1993, après des années de conflits entre Hutus et Tutsis, des accords de paix (dits d'Arusha) sont signés et le pays semble s'apaiser. Mais l'avion du président Juvénal Habyarimana est abattu en avril 1994, déclenchant un massacre systématique des Tutsis et des opposants hutus.
La France, qui avait soutenu le gouvernement Habyarimana, décide d'intervenir militairement, sous couvert d'un mandat de l'ONU, et déclenche l'opération Turquoise en juin 1994.
Ce massacre a fait plusieurs centaines de milliers de victimes.
Il est qualifié de génocide par l'ONU et s'est révélé avoir été préparé et organisé notamment par les proches du gouvernement Habyarimana.
Un lexique en fin d’ouvrage reprend quelques termes techniques ou particuliers à ce récit.
Ce roman est une fiction, toute ressemblance avec des personnages réels serait vraiment fortuite.
Conflits en Afrique
© ARTE
Le Rwanda en Afrique centrale
© Wikipédia
Carte des principaux lieux cités
© Google map
KIGALI
22 mai 1994
Thérèse, Thérèse, il faut partir maintenant. Les miliciens arrivent pour te chercher
.
Thérèse Morreia est atterrée, quitter sa maison, ses amis, son quartier lui semblent impossible. Son fils Robert, gigantesque jeune homme au visage étroit et doux, comprend tout de suite ce que signifie cet avertissement crié de la rue par un voisin effrayé. C’est fini, il faut fuir.
Il emporte quelques affaires arrachées dans la maison, quelques valeurs regroupées à la hâte dans son sac, un peu d’or que son père gardait pour les mauvais jours et ces terribles papiers d’identité qui détaillent désormais l’origine ethnique de leur possesseur. Il était sûr de ce que cela signifiait, maintenant c’est fait. Il force sa sœur et son fils à s’installer dans le pick-up qu’il conservait à l’abri des grilles du jardin. Sa mère est vacillante quand elle entend la cohue de la foule qui avance dans la rue en accompagnant les tueurs. Thérèse monte devant, à côté de son fils qui démarre calmement pour ne pas attirer l’attention. Dans leur rétroviseur, ils aperçoivent cette colonne qui détruit, brûle et tue comme une coulée de lave. A chaque coin de rue, Robert craint de trouver un barrage, mais il sait éviter les artères centrales et s’échappe rapidement de Kigali, sans utiliser non plus les routes nationales forcément contrôlées par les milices. Robert était au Portugal quand les évènements se sont déclenchés au Rwanda. Il est revenu, avec difficultés, pour protéger sa mère et sa sœur. Ils fuient désormais, pour essayer d’échapper à cette meute.
Ils pensent qu’ils pourront encore se réfugier dans leur grande ferme, dans la forêt d’eucalyptus, au sud de la forêt de Nyungwe. Ils seront loin des villes et de leur foule, ils seront aidés par tous ceux qu’ils aident depuis des décennies. Auguste, son ami d’enfance marié à une Zaïroise, pourra facilement faire passer des nouvelles à Peggy, leur sœur aînée installée en Suisse. Ils espèrent attendre que la folie des hommes s’apaise, ils pourraient survivre à la haine destructrice qui s’est emparée de leur pays, ils ne se laisseraient pas attraper, ils ne veulent pas disparaître.
Base militaire de La Valbonne (25 km de Lyon)
22 juin 1994
Ordre immédiat / Dans le cadre de l'opération Turquoise, le capitaine Guillaumin rejoindra la compagnie d'intervention du 2°Régiment Étranger d'Infanterie aux ordres du capitaine Colin/ Mission FAC / Equipement guépard, 2 jours d’autonomie / départ probable dans les prochains jours / Mesures de coordination à assurer directement entre BOI/ Fin du message //
J'essaie vainement de clôturer les comptes de la dernière opération portes ouvertes
du 68° régiment d'artillerie d'Afrique quand le téléphone me dérange.
- Oui, Guillaumin.
- C’est le bureau des opérations. Tu es à jour comme officier de guidage tactique ?
- Merde Peio, on ne dit plus OGT, mais Forward Air Controller et je n'ai vraiment pas le temps d'aller m'entraîner pour des frappes aériennes en ce moment parce que je dois terminer le festival et...
- Halte au feu ! Excuse-moi de ne pas parler franglais, mais je suis catalan, passe me voir ce matin.
Le plus tôt sera le mieux. Je monte au bureau des opérations pour m'accrocher avec le capitaine Peio, capitaine comme moi, avec dix ans d'ancienneté de grade et vingt années au moins de plus, que je n’ai pas l’intention de rattraper. En réalité je l'aime bien, malgré son côté macho, omniprésent dans ce régiment de la Force d'Action Rapide dédié à la Légion étrangère, où je suis la première femme officier, qui plus est entraînée au combat et non pas confinée à la communication où mes pairs seraient plus à l'aise de m'enfermer. En attendant, ils m'ont quand même chargée de l'organisation du festival international de musiques militaires, qui certes remplit les caisses du régiment pour tout ce qui sort des budgets officiels complètement verrouillés, mais qui m'ennuie d'autant plus qu'il me tient à l'écart des missions opérationnelles. J'aimerais bien m'assurer que ce festival a rapporté plus qu'il n'a coûté, sinon le colonel commandant le régiment serait capable de me refiler le suivant, pour ma formation bien sûr. A mon tour je délègue tout cela à un aspirant polytechnicien, qui compte heureusement mieux qu'il ne communique, et je sors du petit bâtiment en briques dans lequel mon équipe d'organisation du festival est reléguée. Une grande pelouse me sépare de l'état-major du régiment, un immeuble de deux étages, maintes fois rénové, qui respire un curieux mélange de conservatisme dans l'odeur de cire, et d'activités fébriles dans l'éclairage intense et la peinture blanche sans cesse renouvelée.
Une volée d'escaliers que j'aime avaler en grandes enjambées, portes vitrées à droite, deuxième bureau à gauche, le capitaine Peio fait semblant de ne pas s’interrompre quand je frappe à la porte ouverte. Il ne lève même pas les yeux pour me dire avec dédain :
- j'ai cru que tu ne viendrais plus, tu me dis si ça t'embête de monter au bureau des opérations.
- je voulais venir avec les comptes du festival, comme ça tu m'aurais aidée à les terminer.
- En plus tu te fous de ma gueule, putain ces jeunes officiers, ils me rendent dingue.
- rassure-toi, dans 40 ans je dirai la même chose. Tu n'avais pas quelque chose d'intéressant à me dire ?
- oui, peut-être, la Légion a besoin d'un contrôleur avancé, un FAC comme tu dis, tu es prête ?
- je suis dans le festival, enfin sa clôture, jusqu'au cou, mais j'aurais terminé à la fin de la semaine.
- bon, donc tu es disponible, je préviens le 2°REI.
Peio passe sa pipe dans l'autre main, éteinte parce qu'il sait que ça insupporte tous ses collaborateurs, et saisit son téléphone pour appeler son homologue de Nîmes.
- Peio au téléphone, concernant le FAC c'est la capitaine Guillaumin qui s'y colle, c'est une femme mais vous n’avez pas intérêt à l'emmerder parce que c'est une emmerdeuse de première, et qu'en plus elle est pointue comme FAC.
- ça colle si tu nous le dis, elle nous rejoint quand ?
- semaine prochaine si ça vous convient.
Le teint couleur vieux maïs de Peio change légèrement à la réponse que je n'ai pas réussi à entendre. Il raccroche et me toise avec ironie.
- tu es prête, capitaine ?
Il voit à ma moue interrogative que je ne comprends pas où il veut en venir
- la compagnie embarque à l'aube demain matin à Istres, donc ils t'attendent cet après-midi à Nîmes.
Un léger vent de panique me traverse, juste le temps de remettre définitivement les comptes du festival à l'aspirant qui fera de son mieux, et je m'accroche à la check-list censée m'empêcher d'oublier plus de la moitié de ce dont je pourrais avoir besoin. Ça fait cinq ans que je m'entraîne et j'ai déjà une mission compliquée au Cambodge à mon actif, mais le Rwanda, je débarque un peu. Certes je suis avec intérêt l’actualité internationale, d’autant qu’elle nourrit la plupart des missions d’intervention pour lesquelles mon régiment est spécialisé, mais je n’ai pas vu venir cette opération, encore moins ma participation.
Je n'ai comme image du Rwanda que ces hommes ivres de violence, filmés la machette au poing par quelques reporters déterminés, observateurs impuissants de massacres qui nous consternent mais qui sont si loin de nous. Je mesure aussi que le festival avait monopolisé mon attention, il est vrai que ce n'était pas évident de faire venir quatre formations de musique de l'étranger, financer leurs frais de mission ainsi que leur déplacement dans un jeu complexe de troc de services avec nos camarades de l'armée de l'air. L'affaire peut même présenter des risques
, quarante musiciens militaires irlandais, pour ne citer qu'eux, peuvent vous boire la recette de tout le festival, simplement pour leur avoir offert l'open-bar un soir de répétition.
Certes, mon problème est tout autre ce midi, et j'essaie de faire le point avec Peio sur ce que j'ai pu oublier. Il organise mon déplacement jusqu'à Nîmes, je