« Les joujoux font grève, ils en ont assez d’être tracassés et fracassés… » Erik Orsenna s’est-il souvenu de la chanson de Guy Berry pour ce sixième volet de ses contes grammaticaux ? Toujours est-il que, cette fois, ce sont les mots qui se révoltent, par solidarité envers « les êtres humains venus d’ailleurs ». Ne sont-ils pas, eux aussi, et dans leur immense majorité, des immigrés? Au besoin, son compère et complice Bernard Cerquiglini sera venu le lui confirmer, listes non exhaustives à l’appui, dans Mots immigrés : il n’est pas de français de souche, de français pur encore moins! Ce que nous croyons tel n’est en réalité qu’un pot-pourri de gaulois, de latin, de francique, d’arabe, d’italien, d’anglais, de provençal, d’esquimau, on pourrait continuer ainsi l’énumération jusqu’à plus soif… Se trouvera-t-il quelqu’un pour ne pas entrevoir, à quelques encablures d’une élection présidentielle qui aura fait de ladite immigration son thème majeur, un message qui dépasse de beaucoup le cadre étroit de notre lexique : le métissage est un enrichissement. Au demeurant, en avait-on jamais douté ? Tout est affaire de mesure et d’équilibre, sans lesquels il ne saurait y avoir d’assimilation réussie. Et l’anglomanie d’aujourd’hui, la fin du conte le montre bien, est aux antipodes de cette ouverture bienveillante sur l’extérieur. Elle aboutit plutôt à la désespérante uniformité du globish, mortelle menace pour le pluralisme linguistique. Accueillir, oui; se laisser envahir et piétiner sa culture, non !
1 Où se déclenche une grève à nulle autre pareille
Quelle catastrophe