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L'Antarctique en héritage
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Livre électronique237 pages1 heure

L'Antarctique en héritage

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À propos de ce livre électronique

« Les souvenirs d’expéditions en Antarctique ont toujours bercé l’histoire de ma famille. Des images et des récits si familiers, et pourtant si lointains...

Je me suis alors hasardé à replonger dans la mémoire de ces hommes partis pour l’aventure, chacun à leur époque, dans ces régions glacées encore largement inconnues. En 1897 d’abord, avec l’expédition d’Adrien, mon arrière-grand-père marin, commandant de la Belgica, au cours de laquelle pour la première fois des hommes ont surmonté le terrible hiver antarctique. Et en 1958, avec son fils Gaston et l’aventure scientifique de la base Roi Baudouin, qui a permis à la Belgique de confirmer sa présence sur le continent banc et de compter parmi les pays qui ont convenu de dédier cette immense terre à la paix et à la science. »

En complément du film documentaire L’Antarctique en héritage, Henri de Gerlache retrace dans cet ouvrage l’intégralité de cette pérégrination, mêlant archives exceptionnelles et témoignages inédits.

CE QU'EN PENSE LA CRITIQUE :

"Un livre passionnant." - La Dernière Heure

"Fascinant testament." - Paris Match

"Un magnifique livre, richement illustré et rempli d’anecdotes et d’histoires fantastiques." - Vers L’Avenir

"Henri de Gerlache rend un très bel hommage à ses ancêtres (...), ces aventuriers sans limites." - Guest

"Une passion pour l’Antarctique qui s’exprime à nouveau dans ce livre." - Le Soir

À PROPOS DE L'AUTEUR :

Henri de Gerlache est l’auteur et le réalisateur d’une vingtaine de documentaires depuis 1998. Dans des domaines aussi divers que la montagne, la musique classique, l’aventure et l’exploration ou la culture en général, ses documentaires ont tous été diffusés sur de grandes chaînes européennes (il collabore régulièrement avec Canal+ et Arte). Cofondateur d’Alizé Production à Bruxelles et d’Arctic Productions à Paris, il est également producteur.
LangueFrançais
ÉditeurNevicata
Date de sortie16 déc. 2014
ISBN9782511006962
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    L'Antarctique en héritage - Henri de Gerlache

    histoires…

    Gaston

    Ma petite histoire à la (re)découverte de l’aventure familiale commence chez mon grand-père Gaston. Il a toujours vécu dans une jolie propriété dans le petit village de Mullem, en Flandre orientale, avec sa femme surnommée Lily. Au bout du hall de la maison, un long couloir mène au vestiaire puis au bureau de Gaston. Mes grands-parents ont toujours eu des « bureaux » bien à eux dans leur maison et j’y vois aujourd’hui comme un lieu de retraite pour chacun – le jardin secret indispensable au couple, diraient les psychologues –, un des nombreux savoir-vivre de nos grands-parents qui ont traversé le vingtième siècle à deux.

    Juste l’inverse de celui de sa femme, le bureau de Gaston est de facture plutôt austère et bien rangé, en bois clair et à l’odeur sucrée du tabac de pipe. Des photos de navires au large ornent les murs à côté de grandes cartes du continent antarctique et de personnages sépias du siècle dernier sous cadre. Une impressionnante bibliothèque polaire couvre un pan de mur entier. C’est toujours dans son bureau que Gaston reçoit lorsqu’ il s’agit d’affaires importantes. Enfants, nous étions parfois conviés dans cet antre pour recevoir un cadeau symbolique ou entendre une recommandation particulière. Rituel sobre mais efficace, puisque nous avons tous été impressionnés par ce lieu et la figure de grand-père.

    Je décide ce matin d’aller le voir, de lui parler de ce projet de film sur la famille et de lui expliquer comment j’ai accepté de prendre celui-ci en charge. Gaston refuse toutes les interviews depuis quelques mois, il se méfie comme toujours des journalistes, des propos hâtifs qu’ils peuvent tenir et qui lui ont valu quelques malheureuses affaires. Vu son grand âge, il se méfie aussi de lui-même, de n’avoir pas la mémoire assez vive pour me relater ses aventures et celles de son père.

    Il me reçoit dans son bureau, perd peu de temps en bavardages, me demande presque aussitôt ce que j’attends précisément de lui, ajoute qu’il ne se sent plus très capable d’être interviewé, mais qu’avec son petit-fils, c’est différent et qu’il accepte bien volontiers… Ces quelques mots m’indiquent clairement la valeur de la faveur qu’il me fait.

    Je comprends que je suis devenu à ce moment précis un témoin privilégié pour raconter l’histoire de la famille à une quatrième génération. Peut-être entrevoit-il enfin l’occasion par mon intermédiaire de prendre le temps qu’il faut pour intéresser ses dix-huit petits-enfants dispersés à l’aventure antarctique… Quoiqu’il en soit, je ressens à cet instant une responsabilité de lui avoir fait cette demande, d’autant que ma grand-mère, qui le connaît comme personne, me glisse d’une voix toujours inspirée : Henri, il faut faire vite… En avant la musique !

    Les conseils d’une grand-mère méritent toujours une oreille attentive. Le rendez-vous est donc fixé à une semaine plus tard, juste le temps de reporter de quelques jours un voyage prévu pour un tournage au Ladakh, de trouver la petite équipe qu’il faut pour filmer et de me rafraîchir la mémoire, en commençant par relire attentivement Retour dans l’Antarctique, le livre de Gaston, que je ne suis même pas certain d’avoir parcouru entièrement.

    Ce qu’il y a de plus familier est paradoxalement ce qu’il y a de plus lointain, comme si la famille contenait quelque chose de profondément encombrant dont il vaut mieux d’abord se débarrasser avant d’en retrouver l’essence. Jamais je n’aurais imaginé me retrouver un jour dans cette étrange situation de faire un film sur mes ancêtres, tant cela me semblait si loin et si proche à la fois.

    En préparant ces quelques journées de tournage, je pense souvent à l’histoire de ce documentaire tourné récemment dans l’abbaye de la Grande Chartreuse et intitulé Le Grand Silence. Le réalisateur, voisin d’enfance de l’abbaye, avait écrit à l’Abbé supérieur pour lui demander la permission de venir filmer la vie des moines et d’en faire un documentaire. La lettre est restée sans réponse pendant dix longues années, puis, un beau jour, le réalisateur reçut une réponse précisant que la communauté avait bien reçu sa demande et qu’après mûre réflexion, elle l’acceptait, sous les conditions suivantes : pas de lumière additionnelle à celle que pourvoient la nature et le lieu, pas de musique autre que celle des moines et de la nature environnante et pas de personne autre que lui pour venir filmer et avec une caméra seulement…

    Sans faire d’excessives introspections, je perçois l’aventure filmique que je m’apprête à vivre comme un glissement naturel après dix années de pratique du métier. Comme s’il avait fallu se forger une identité multiple avant de pouvoir accepter ses propres racines avec la distance nécessaire. Sans révolte adolescente, ni fougue aveugle.

    Je choisis d’organiser cette entrevue filmée de manière simple et discrète. Ne pas vouloir créer une image juste, mais juste une image. De petites caméras, peu de lumières et un ami opérateur, Pierre Haelterman, compagnon de cordée depuis de nombreuses années, que Grand-père connaît également.

    Nous sommes le 3 juin 2006. Je me retrouve face à un grand-père inquiet de vouloir bien faire : raconter avec justesse à ses enfants ce qu’il a vécu. Je suis évidemment touché et presque intimidé de tant de précautions à mon égard et je tente autant que possible de détendre l’atmosphère en créant, avec Pierre, une ambiance intimiste, propice à la conversation. Nous fermons les rideaux du bureau. Seuls quelques rayons de lumière viennent éclaircir la pièce par endroits. Le manchot empaillé est placé à côté de Grand-père et moi en face. Derrière lui, une rose solitaire, placée par ma grand-mère, apporte au cadre la tonalité qu’il manquait.

    La conversation filmée commence, dans un joyeux désordre, avec des silences, quelques essoufflements, un peu de tenue de circonstance, beaucoup de sincérité et de rares absences.

    Voici en substance, par extraits, et agrémenté de quelques commentaires, ce que nous nous sommes dit pendant ces trois belles journées d’entretiens.

    Henri de Gerlache : Comment vous est venue l’idée d’organiser l’expédition de 1957 ?

    Gaston de Gerlache : Elle est venue toute seule, je dois dire. Et presque sans que je m’en aperçoive. En ce sens que j’ai eu pendant plusieurs mois une personnalité dédoublée. L’une, dubitative, qui observait l’autre, confiante. Et puis, au fur et à mesure que le projet prenait corps, c’est-à-dire lorsque la décision de m’accorder un subside approchait, j’ai fini par y croire, avant d’y croire tout à fait.

    HdG : Est-ce quelque chose que vous attendiez depuis longtemps ? Attendiez-vous 1957 pour organiser une expédition en Antarctique ?

    GdG : Je n’attendais certainement pas 57. Cette Année Géophysique Internationale(¹) fut un stimulant. Mais je ne l’ai pas attendue. Je ne savais pas qu’elle allait arriver. Et c’est à mesure que je m’intégrais dans le projet que je me suis dit : pourquoi ne pas la commander moi-même, cette expédition ? Je me suis alors présenté non plus comme Gaston de Gerlache, mais comme Gaston de Gerlache, chef de la future expédition antarctique belge.

    HdG : L’idée vous est venue assez naturellement ?

    GdG : C’est cela. Pourquoi ai-je fait ces démarches, pourquoi me suis-je intégré dans le projet ? C’est parce que je voyais autour de moi, autour de notre pays, des pays qui envisageaient d’établir une base polaire pour cette Année Géophysique Internationale et je remarquais que ces pays avaient tous une tradition polaire. D’où ma question première : pourquoi nous, Belges, qui avons une tradition polaire aussi importante que d’autres pays, ne faisions-nous rien ? Nous devions faire quelque chose !

    HdG : C’était donc quelque part un devoir de mémoire.

    GdG : Un devoir de mémoire familial pour une part, mais également un devoir de mémoire national.

    Bien sûr, soixante ans après l’expédition d’Adrien, le monde a changé, tout comme les enjeux scientifiques. Nous sommes en 1957, en pleine guerre froide, et, malgré tout, un ensemble de nations, États-Unis et URSS en tête, décident d’unir leurs forces pour faire de l’Antarctique un immense laboratoire de recherche commune. L’objectif principal consiste à mieux connaître l’atmosphère et de progresser en météorologie depuis les différentes bases dispersées sur tout le continent. Gaston, à 38 ans, en pleine force de l’âge, même s’il n’a pas attendu 1957 pour vivre, pressent bien que c’est le moment idéal

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