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Les mercenaires - Le désert maudit
Les mercenaires - Le désert maudit
Les mercenaires - Le désert maudit
Livre électronique362 pages4 heures

Les mercenaires - Le désert maudit

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À propos de ce livre électronique

Un an s’est écoulé depuis le contrat de Margotha. Glaurin, jeune mercenaire à la personnalité flamboyante, doit se rendre au désert de Dhèbes pour une mission bien particulière: tuer un souverain fou et paranoïaque qui prend un malin plaisir à martyriser son propre peuple. Glaurin rencontrera d'autres mercenaires avec lesquels il se liera d’amitié, dont Meeves, une jeune capitaine aussi belle que mystérieuse, et Ency, un éternel érudit aux instruments étranges. Il sera vite confronté à un sérieux problème: le roi de Dhèbes est un homme immensément riche, et pour se défendre il ne se gênera pas pour utiliser les mêmes cartes que ses adversaires et engager les mercenaires les plus puissants et dangereux du monde. Glaurin s’inquiète: et si le roi achetait aussi la loyauté de ses équipiers?
LangueFrançais
Date de sortie1 avr. 2021
ISBN9782897657888
Les mercenaires - Le désert maudit
Auteur

Alexandre Charbonneau

Alexandre Charbonneau est un auteur passionné par la fantasy et le fantastique. Très lunatique lorsqu’il était jeune, son esprit vagabondait dans toutes sortes de mondes imaginaires. Il s’inspire des films, des jeux vidéo et des animes japonais. Il adore créer des scènes de combats et se concentrer sur l’action pour alimenter un rythme rapide. Il publie chez les Éditions AdA Rêves et cauchemars en 2018 puis Dévoria: L’épée de la gloire en 2020. Il publie ensuite la série dark fantasy Les mercenaires en 2021.

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    Aperçu du livre

    Les mercenaires - Le désert maudit - Alexandre Charbonneau

    commune.

    PROLOGUE

    Belle vue…

    Le sourire en coin, Glaurin ne fait pas référence à cet océan apaisé, mais à la poitrine de la capitaine.

    Il ferme les yeux et respire un bon coup. Son estomac n’arrive pas à dompter ce maudit mal de mer qui perdure depuis le départ du navire. Il faut bien qu’il se fasse une raison : il ne sera jamais un homme de mer !

    Quelques souvenirs de la nuit dernière, durant laquelle il a été malade, resurgissent en lui démangeant le ventre. En parallèle, il est plutôt impressionné par la vitalité de ces… de ces « marins » aux alentours. Bon, disons les vraies choses : ils s’apparentent surtout à des pirates à la retraite.

    Ici, les jeunes sont aussi rares que les individus ayant toutes leurs dents.

    Il tire une bouffée de haschisch de sa longue pipe brunâtre. Dressant un sourcil songeur, il se demande si son absence d’inquiétude, alors qu’il côtoie ces personnages peu rassurants, ne serait pas un effet secondaire de ses consommations régulières… Mais pour être honnête, c’est surtout l’excitation face au risque et son goût pour l’aventure qui le dominent et le motivent. On ne vit qu’une fois, non ?

    Deux personnes sur ce bateau attisent particulièrement sa curiosité. D’abord, ce matelot grassouillet, aux cheveux roux crêpelés attachés en queue de cheval, qui regarde Glaurin de travers depuis les premières secondes où il a mis les pieds sur son « territoire », comme il n’arrête pas de le répéter. L’autre est bien sûr la capitaine. La fleur des femmes fatales, vous voyez le genre ? Elle doit avoir la mi-trentaine, donc une dizaine d’années de plus que Glaurin. Elle a une douce chevelure blonde assez courte, de longues jambes fermes et luisantes, des yeux vert émeraude et un joli visage ayant une expression bien singulière… comme si une sombre sagesse nageait dans son regard, ou une sérénité éraillée par quelque chose de tout aussi mystérieux. Tout son air semble teinté d’une tristesse continuellement combattue par une force qui, Glaurin en est sûr, le surprendra bientôt.

    Il y a un respect évident pour l’autorité de la capitaine, ici. Ce n’est donc probablement pas l’endroit idéal pour l’une de ses blagues « déplacées et machistes », comme dirait sa bonne vieille mère. Enfin, quelque chose lui dit que cette femme en a vu d’autres.

    Elle s’appelle Meeves. Il l’a rencontrée dans une taverne, au cœur de la grande ville de Dorabin. Un endroit bien adéquat si on cherche toutes sortes de services, comme un transport maritime, par exemple. Glaurin doit aussi avouer que la beauté envoûtante de Meeves a bien vite guidé ses pas vers elle. Son prix était intéressant, malgré son équipage douteux et sa réputation tantôt bonne, tantôt boiteuse… Puis, une foule d’imprévus et de surprises amusantes firent en sorte que Glaurin eut l’impression d’avoir conclu une bonne affaire. La première surprise, d’ailleurs, fut le constat que la capitaine était en fait une collègue. Elle offrait à l’occasion des services de mercenariat et elle était sur le point de partir vers Dhèbes, pour exactement le même contrat que lui. Pour une grosse affaire, un gros poisson à éliminer et donc… pour une mission nécessitant une grosse équipe. Glaurin a cru comprendre qu’ils allaient être une bonne trentaine sur le coup, dont plusieurs noms importants.

    Autour de quelques verres, le jeune chasseur de primes avait vite proposé à Meeves de l’accompagner durant son voyage… en sous-entendant aussi l’accompagner dans sa chambre de temps en temps. Elle ne s’était pas laissé charmer. Elle souriait à l’occasion, pas par politesse pour un client – le jeune séducteur en était presque convaincu – mais parce qu’il avait plusieurs tours romantiques et originaux dans son sac. Il ne se servait pas de ces clichés banals du genre « Ça a fait mal quand tu es tombée du ciel ? »

    Maintenant que Glaurin la contemple en train de manier la barre du gouvernail avec assurance, lui, c’est le doute qui se dessine sur son visage. A-t-il des chances ? Est-il son genre ? Il est plus jeune (son vingt-quatrième anniversaire a été fêté il y a deux semaines). Son regard bleu perçant suffit généralement à clore le coup, mais cette fois, il réalise que ce sera bien plus difficile !

    Il dévisage son double dans le reflet de l’eau dormante, comme pour se rassurer. Belle gueule, sourire contagieux et bonne carrure, sans non plus être une montagne de muscles. Il soulève son bras pour contempler son tatouage de minotaure. Il fait la moue, ne s’habituant pas encore à ses cheveux rasés. Voilà peu de temps encore, ils étaient longs, mais un pari a mal tourné. Que voulez-vous, on ne gagne pas à tous les coups !

    Qu’est-ce qu’il a donc, aujourd’hui… ? C’est bien rare qu’une femme le trouble autant.

    Réflexion faite, il y a une autre personne qui l’intrigue sur ce bateau… Ce deuxième passager, qui lui aussi a payé pour qu’on l’amène à Dhèbes : un type assez discret qui ne quitte jamais sa chambre. Il est plutôt ennuyeux et a une expression passive, similaire à celle de Meeves. Cependant, elle, c’est une forme de quiétude qui se peint sur son visage, alors que lui, c’est étrangement lugubre.

    L’homme en question ne montre pas plus le bout de son nez aujourd’hui que la veille. Il a bien refroidi Glaurin, hier… Ce dernier est du genre à aimer parler avec tout le monde, des gens de tous les genres et de toutes les couleurs, mais cet homme-là n’a même pas daigné le saluer de la tête quand le mercenaire s’est introduit en lui tendant une main cordiale et en arborant un air affable. Est-ce un autre de ces snobs discourtois ? Non… Ce n’était pas de l’indifférence. On aurait dit que la présence du chasseur de primes devant lui était totalement… invisible ?

    Peut-être qu’il est comme ces personnes tellement préoccupées par quelque chose qu’elles ignorent tout leur entourage. Mais Glaurin a eu la drôle d’impression que cet individu était à part, effacé et pas vraiment là, sur le navire de Meeves.

    Ou alors, c’est peut-être un homme incroyablement préoccupé. Après tout, ils existent. Disons que, si inquiétude il y a, elle ne paraît pas beaucoup sur son visage atone.

    D’après ce que Glaurin a vu, ses bagages se résument à une caisse, qui est assez énorme pour contenir un homme. Il se demande bien ce qu’il y a là-dedans.

    Tout en faisant tournoyer l’un de ses nunchakus du bout de son index, le regard de Glaurin se perd dans l’océan qui commence à s’agiter. Le brouhaha des matelots se dissipe dans l’écho des vagues tandis qu’il songe de plus en plus à son contrat. L’odeur de poisson continue de lui chatouiller les narines. Il revient à lui quand un goéland le frôle dans son vol audacieux.

    Ils devraient arriver en début de soirée : c’est ce que lui a dit l’un des marins entre deux crachats.

    Glaurin déambule quelque peu, puis se décide à marcher vers Meeves pour discuter. Un marin à l’œil de pirate et à la jambe de bois le croise et le salue d’un air complice. Manque plus que le perroquet et le stéréotype serait complet.

    Le mercenaire tourne la tête vers le fameux pirate roux, qui l’observe toujours en broyant du noir. Un concurrent peu sérieux pour avoir Meeves… Il ne se souvient pas de son nom, alors il l’appelle « le susceptible ».

    Le sourire plaqué aux lèvres, Meeves accueille Glaurin en le saluant de la main. Quand elle dirige la barre, on constate que son visage s’anime de fierté et de satisfaction.

    Maintenant qu’elle est près, Glaurin réalise encore une fois le contraste étonnant. Le fait qu’elle soit capitaine de ce bateau… on dirait que ça ne colle pas. Pas parce qu’elle est une femme, bien au contraire ; Glaurin est le premier à se lever pour dénigrer tout préjugé voulant qu’une demoiselle ne soit pas apte à diriger. Meeves paraît simplement trop différente, trop jolie et trop peu semblable aux autres, à son équipage, comme si ce n’était pas vraiment son monde, ici. Et, en même temps, on a cette impression contradictoire qu’elle est là depuis toujours.

    — Alors, tout se passe bien ? demande Glaurin en s’étirant les bras.

    Elle sourit et hoche la tête d’un air entendu.

    — Oui. L’eau est calme.

    — Calme comme toi.

    — Peut-être…

    Glaurin comprend que sa réponse floue joue autour de ses intentions, puis une lueur d’excitation scintille dans ses iris.

    Il l’étudie quelque peu. Elle porte encore son long manteau rouge vin. Celui-ci dérobe une bonne partie des traits de sa rapière. En discernant cette dernière, un autre sujet lui passe par la tête.

    — Tu prends souvent des contrats de ce genre ? Le mercenariat et tout…

    — Oui, assez régulièrement. Notre réputation de gardes du corps s’est étendue : on a effectué plusieurs bons coups et c’est arrivé jusqu’aux oreilles de certaines personnes influentes. Maintenant, on accomplit toutes sortes de contrats. À chaque fois, plusieurs d’entre eux m’accompagnent.

    Elle désigne les marins du menton.

    Un autre détail fait sourciller Glaurin. Le vocabulaire et l’éloquence de son interlocutrice sont beaucoup plus distingués que ceux des autres marins ici, sauf peut-être un ou deux. Quant au mystérieux passager… eh bien, il ne cause pas, alors difficile de savoir.

    Après un court silence, Meeves tourne la tête vers l’océan et ajoute :

    — Je suis contente d’avoir décroché ce contrat. Avec la vaste récompense qu’il offre…

    Glaurin sourit à son tour et opine du chef.

    — C’est vrai, mais je me serais sans doute occupé de ce contrat même sans récompense. Ce roi et son groupe d’aristocrates… Voilà bien longtemps que j’en apprends sur ces tyrans qui tourmentent leur peuple. Les histoires s’accumulent et deviennent de plus en plus folles. J’ai même entendu parler de sorts magiques pour contrôler la population.

    — Oui, et je crois que la plupart de ces rumeurs sont véridiques.

    — Se frotter à des gens de cette trempe peut être difficile, cependant, car…

    Un haussement d’épaules complète sa phrase, suivi d’un soupir d’impuissance. Glaurin entrelace les doigts sous son menton en hochant la tête d’un air embêté avant de continuer.

    — Qui dit roi dit palais. Et qui dit roi dit armée. Alors, à moins que le client engage tous les mercenaires de la planète…

    — Mais ce roi n’est pas ordinaire. Son palais et son armée ne le sont pas non plus, d’ailleurs.

    Glaurin fronce un sourcil. Elle a plus d’informations que lui ; son sourire amusé et son expression quiète n’essayent même pas de le cacher. Peut-être qu’elle n’a pas complètement confiance en lui. Normal, ils se connaissent à peine.

    — Toi aussi, tu n’as pas l’air d’être une fille ordinaire.

    — Femme.

    Le sourire de Meeves défaille quelque peu.

    — Quoi ?

    — Une femme ordinaire. Voilà bien longtemps que je ne suis plus une petite fille.

    — Je vois.

    Elle ne donne pas l’impression d’être offusquée. On dirait qu’elle voulait juste mettre cela au clair. Bon, d’accord, se dit Glaurin

    Il se rapproche doucement, continue de lui décocher ses meilleurs sourires. Elle lui répond en souriant discrètement, mais il ignore si c'est un rictus las déguisé en politesse cordiale ou si elle l'aime bien.

    Malgré sa personnalité flamboyante qui peut parfois dérouter, Glaurin a toujours eu un côté caméléon. Il peut imposer sa place ou se faire discret dépendamment de la situation, et il arrive à être relativement apprécié dans différents groupes, qu’ils soient drogués, intellos, guerriers, étudiants ou philosophes. Il trouve toujours le bon mot pour faire rire et détendre l’atmosphère. Mais Meeves, elle, n’est pas facile à cerner.

    Il lui offre un peu de haschisch, qu’elle refuse du revers de la main, précisant qu’elle a assez goûté à cela quand elle était plus jeune.

    — Dhèbes, nous voilà… susurre Glaurin en regardant au loin. Il paraît qu’il fait vraiment chaud, là-bas.

    — Oui, c’est vrai. C’est une région désertique.

    — À ce qu’on m’a dit, on sera deux groupes de mercenaires. Le nôtre se rejoint au sud, et une autre équipe se réunit au nord. Je me demande si on va se croiser !

    — C’est une grande région, mais on a tous le même objectif, alors c’est probable.

    — J’ai hâte de rencontrer les gros noms. Certaines personnes dans ce domaine sont vraiment fascinantes et impressionnantes.

    — Ces gens ne sont plus si imposants sous la tombe… Beaucoup de mercenaires connus sont tombés l’année dernière. Ce n’est pas un domaine très sûr.

    Glaurin affiche un air entendu, puis rigole intérieurement en pensant qu’elle et son groupe de « gardes du corps », constitué d’ex-pirates, ne donnent pas vraiment l’impression d’être très sûrs également.

    Il joue légèrement des mâchoires et lance :

    — On oublie souvent ce classique : la vie est courte. Tout le monde le répète, mais peu l’appliquent à leur quotidien. C’est important de s’amuser, car, comme tu dis, même les plus forts peuvent tomber.

    La capitaine se compose un sourire, mais Glaurin y décèle une once de condescendance, comme si elle le considérait soudainement comme un gamin qui parle beaucoup, mais qui n’a pas accompli grand-chose. Il n’aime pas ça.

    — L’autre passager, tu sais qui c’est ? s’enquiert-il rapidement pour éclipser le malaise.

    Mais c’est quelqu’un d’autre qui répond : un marin qui se joint à la conversation.

    — Le bellâtre ténébreux ? Il m’énerve !

    C’est Turam, un matelot à la grande barbe brune en tresse. Boitant péniblement avec sa vieille canne, il suit toujours Meeves, tel un chien de poche. Il est plutôt sympathique – surtout comparé au susceptible – , mais juste un peu pot de colle.

    — On commence à en avoir marre d’le voir ! ajoute-t-il en gratouillant son nez bossu.

    — Cela fait trois fois qu’il utilise notre service de transport, explique Meeves en écartant ses cheveux de ses tempes. Il va souvent à Dhèbes. J’en ignore la raison. Je crois que c’est pour affaires, pour marchandage…

    — Il n’est pas du genre sociable, répond le mercenaire d’une lippe moqueuse tout en rallumant sa pipe.

    — Il discute parfois, mais il est plutôt secret et vague. La plupart pensent que c’est un excentrique. Il répète des choses comme « Cette fois, ça devrait marcher ». À Dorabin, certains mentionnent que c’est un diplomate qui veut faire des ententes. Pour être franche, ses occupations m’indiffèrent.

    — Ouais… Tant qu’ils payent, hein, fait Glaurin en opinant de la tête.

    — Avec l’allure qu’il a, j’suis pas sûr qu’il fasse beaucoup d’ententes ! renchérit le matelot en se tordant d’un rire grinçant.

    Meeves demande à son pot de colle de retourner travailler. Le silence s’impose un petit moment, ponctué par les cris des goélands et la cacophonie des pirates en arrière-plan.

    Glaurin se décide à être plus direct.

    — Alors, tu n’as pas l’air d’être une fill… une femme curieuse. Tu ne poses pas beaucoup de questions sur moi. Tu es du genre à aimer les surprises ?

    Un sourire mi-narquois, mi-amusé accueille sa question.

    — Tu vois la dame, là-bas ? demande-t-elle en pointant du doigt une personne à l’autre bout du navire.

    Le mercenaire tourne les talons et l’examine. C’est vrai, il l’avait oubliée, celle-là. L’une des rares femmes du navire. Elle est moins intéressante que Meeves. Une horde de rides labourent son visage et, du haut de ses quatre-vingts ans, elle porte cet étrange et grand chapeau haut de forme.

    — C’est une voyante, explique la capitaine.

    Glaurin dévisage la vieille femme, intrigué.

    — Elle m’a dit que tu étais quelqu’un de bien.

    Le jeune homme pouffe de rire.

    — Ha ! Oui, c’est vrai. Enfin, dans la chambre, je suis plus sauvage. Qu’est-ce qu’elle a dit d’autre ?

    — Que tu n’es pas sorcier. Les sorciers ne sont pas mon genre.

    Glaurin oublie de respirer un moment face au sourire désarmant que lui adresse Meeves.

    Après une telle phrase… songe-t-il. Soudain, il entend des cris s’évanouir dans l’océan.

    Glaurin et Meeves échangent un regard de confusion. Le doute altère quelque peu le masque de sérénité de la capitaine.

    De nouveaux hurlements retentissent ; ils proviennent de bâbord, côté poupe.

    Ce ne sont définitivement pas des cris rauques et fiers de pirates… plutôt des voix terrifiées, assez aiguës.

    Suivis de quelques matelots, Glaurin et la capitaine se dirigent à la hâte vers le bord du navire.

    Il y a un canot en bas, quelque peu brisé et qui coule progressivement. À l’intérieur, quatre personnes paniquées rament le plus vite possible vers le navire de Meeves. Ils sont encore loin, mais ils s’approchent.

    — C’est qui ça ? lance candidement un marin.

    — Il faut les aider ! s’exclame Glaurin.

    Meeves semble vaguement étonnée par la réaction alarmée de son collègue mercenaire, puis ordonne qu’on jette des canots à la mer pour aller chercher les nouveaux venus.

    Mésendre - Malfaisance et précellence

    Ville de Dorabin

    Un mois plus tôt

    L’expression naïve de la petite fille se découpe dans la noirceur. On la discerne parfaitement, même au cœur de la place du marché. Cette dernière est bien animée par la fête, ce soir. C’est l’une des zones les plus larges de la ville. Cette nuit, il y a un peu de tout : kiosques, bars et pistes de danse… La foule est énorme, tout comme le brouhaha qu’elle dégage. L’odeur exquise et envoûtante de la nourriture exotique et l’ambiance procurent de la bonne humeur aux gens. Certains endroits sont illuminés par des flammes magiques dansantes, tandis que d’autres sont plus sombres, comme le coin où se tient l’enfant.

    Un homme aux cheveux longs crasseux lui balayant le dos observe la petite.

    Lui, c’est un peu l’inverse : il passe plutôt inaperçu dans la foule. C’était particulièrement le cas lorsqu’il était au bar, il y a un instant. Après s’être envoyé un quinzième verre, il commençait à en avoir marre de sa compagnie. Enfin… de cette compagnie-là.

    Après une seconde d’hésitation, l’homme sourit puis marche vers la gamine. Elle n’a pas l’air d’avoir de parents à proximité. Elle doit avoir dans les neuf ans, maximum.

    Il tourne la tête furtivement ici et là, puis regarde si des regards curieux l’auraient repéré, mais non. Tout le monde est occupé à festoyer. La musique tonitruante couvre l’ensemble des voix, transformant ces dernières en une cacophonie confuse et assourdissante.

    Il passe à côté d’un jongleur et arrive enfin près de la jeune fille. Elle a des cheveux brunâtres mi-longs et les yeux pers. Son visage angélique reflète la naïveté. Ses vêtements sont rustres et communs : on pourrait facilement croire qu’elle ne vient pas d’une famille aisée.

    Il lui lance un « Bonsoir, ça va ? » poli, mais incolore.

    Il ne se rend pas compte que son haleine est épouvantable avec toutes les boissons qu’il a ingérées, mais la jeune fille n’est pas dégoûtée. Elle conserve son air candide.

    — Oui, et vous monsieur ?

    — Ça va, ça va…

    Il prend le temps de bien l’observer, s’accote contre des barils empilés. Quelques gouttes effleurent son visage ; il faisait beau toute la journée, mais là, un orage amorce un grondement discret.

    — Tu es toute seule, comme ça ? demande-t-il, finaud.

    — Oui, monsieur, comme une grande !

    L’homme rit dans sa barbe mal rasée, puis devient de plus en plus à l’aise.

    — Je m’appelle Gruir. Et toi, c’est quoi, ton nom, ma belle ?

    Du revers de la main, l’enfant étouffe un petit rire amusé.

    — On m’a dit de ne pas le dire aux inconnus, hi ! hi !…

    — Ha !…

    Il arbore un rictus d’excitation et, ensuite, la prudence guide son regard vers les alentours. Il y a tellement de monde… Il ne peut pas l’emmener de force. Trop risqué. Les gardes viendraient voir ce qui se passe. À moins qu’il joue le père autoritaire qui amène sa fille pleurnicharde, comme la dernière fois ?

    — Tu es ben jolie en tout cas, mystérieuse demoiselle… Tu le sais ?

    — Merci !

    — On pourrait faire connaissance ailleurs, si tu veux. On se connaîtrait plus, et tu pourras donc me dire ton nom.

    Un vague doute se dessine sur le visage de la gamine. Elle réfléchit, puis lance :

    — D’accord ! On pourrait aller chez moi !

    Gruir glousse de stupéfaction et d’éréthisme.

    — Heu… Chez toi, avec tes parents ? Je sais pas. Tu ne…

    — Oh non ! Ils sont partis en voyage quelques jours. Je suis toute seule, comme une grande !

    Il fronce les sourcils.

    — Tu veux dire que tu vis seule chez toi ?

    — Oui. Allez, suivez-moi ! C’est pas si loin !

    Elle débute la marche et Gruir la suit machinalement. C’est trop beau pour être vrai !

    Il va peut-être la garder quelque temps, celle-là. D’habitude, ses machinations durent une nuit tout au plus.

    Après, il faut se débarrasser des jouets.

    Ils longent quelques allées sombres et la musique festive s’atténue. La pluie ruisselante percute les domiciles partout autour. Ceux-ci donnent l’impression d’être plus sinistres dans cette noirceur abyssale.

    Une étrange et discrète lumière bleuâtre se découpe dans le noir, jaillissant de derrière un grand mur de bois. Cela fait sourciller Gruir, mais, rapidement, la lumière se dissout derrière, dans les ténèbres. Il soupçonne son imagination, puis s’impatiente :

    — Alors, c’est encore loin, ta maison ?

    Il commence à hésiter… et à être excité. Il y a plusieurs ruelles opaques et vides en tous lieux. Pourquoi attendre ?

    — C’est juste là ! fait-elle, fière.

    Il reconnaît vaguement ce quartier fantôme. La plupart des maisons sont abandonnées et isolées les unes des autres. Il y a longtemps, les gardes ont fait une descente spectaculaire ici, arrêtant des trafiquants de drogues et des chefs de bandes.

    La gamine pointe une maison encore plus solitaire et tranquille que les autres.

    Elle y court, y entre. La porte n’était pas verrouillée.

    Un large et vicieux sourire fend le visage tavelé de Gruir.

    Si tu savais ce que je vais te faire, ma belle… songe-t-il en poussant la porte entrouverte.

    Dernier coup d’œil autour : personne. Tout ce qui se passera cette nuit ne sera pas interrompu.

    Il est libre de se déchaîner.

    Il s’introduit dans la demeure et son visage ravi se fige en un masque désorienté. Son expression s’apparente à celle d’un homme qui viendrait de découvrir une caverne aux trésors.

    Il est dans une sorte de salon. Il y a quelques fauteuils rembourrés, une vieille cheminée oblique, des hordes de toiles d’araignées qui assiègent les décors sobres… et une quinzaine de jeunes enfants liés et bâillonnés.

    Ils sont prisonniers ici ? Depuis quand ?

    La fille n’est plus là. Mais il s’en moque. Il l’a déjà oubliée.

    Il échange un regard avec certains des bambins et, chaque fois, le phénomène se reproduit : d’abord, ils sont transportés de joie parce que quelqu’un les a trouvés, puis ils réalisent, par l’aspect inquiétant de l’homme, que ce dernier n’est pas bienveillant.

    Il s’avance en émettant un rire aigre, se demandant avec lequel il va se divertir en premier. Tiens, peut-être la petite rouquine… Il est sûr qu’elle aime ça par-derrière. À moins qu’il débute avec le blondinet, là-bas…

    L’orage éclate et annonce une tempête terrible.

    Et dehors, personne ne remarque la silhouette charbonneuse de cette petite fille, qui s’éloigne en étouffant, du revers de la main, un éclat de rire vil et sadique résonnant dans les ténèbres.

    CHAPITRE 1

    Tout le monde se tient à bâbord, les mains sur le pavois. Si ça continue, le navire va pencher sur le côté ! Ils attendent tous impatiemment que les deux canots envoyés remontent les rescapés. Plusieurs marins sont en train de les hisser à bord

    — On fait pas ça gratuitement, hein, capitaine ? On va les faire payer pour nos services ? demande l’un des pirates pour la millième fois. Glaurin en grince des dents.

    — On verra plus tard, répond Meeves d’un ton sec.

    Le pirate roule des yeux.

    On commence à apercevoir le visage des nouveaux venus. Ils sont quatre. On dirait une famille. Un père, une mère et deux petits garçons.

    On les entraîne sur le pont supérieur. Une lueur de soulagement s’anime dans les yeux des présumés parents lorsqu’ils aperçoivent Glaurin et Meeves.

    Rapidement, le jeune mercenaire constate quelque chose

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