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Les mercenaires - Le fardeau de Margotha
Les mercenaires - Le fardeau de Margotha
Les mercenaires - Le fardeau de Margotha
Livre électronique427 pages5 heures

Les mercenaires - Le fardeau de Margotha

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À propos de ce livre électronique

Jeune mercenaire de profession, Heron choisit ses contrats minutieusement. Le monde est bien noir, selon lui, mais il tente d’y apporter un peu de lumière pour équilibrer les choses. Maladroit, timide et peu habile en conversation, il détruit très vite l’image traditionnelle qu’on a des chasseurs de primes, mais ses talents au combat sont sans pareil – talents qui ne tardent pas à être remarqués par les dirigeants de Margotha, une île assombrie par un fardeau. Depuis trop longtemps, une puissance maléfique et terrifiante met à sac toute once d’espoir parmi le peuple de Margotha. La mort est partout; c’est ce qu’on raconte de cet endroit maudit.

Heron devra travailler avec d’autres mercenaires venus de partout, des gens étranges – que ce soit Jingu, le briseur d’arbres excentrique et imposant, Ouro, le narcissique outrecuidant, ou Zeel, le chasseur de primes légendaire. Vont-ils réussir là où tant ont échoué?
LangueFrançais
Date de sortie1 avr. 2021
ISBN9782897657857
Les mercenaires - Le fardeau de Margotha
Auteur

Alexandre Charbonneau

Alexandre Charbonneau est un auteur passionné par la fantasy et le fantastique. Très lunatique lorsqu’il était jeune, son esprit vagabondait dans toutes sortes de mondes imaginaires. Il s’inspire des films, des jeux vidéo et des animes japonais. Il adore créer des scènes de combats et se concentrer sur l’action pour alimenter un rythme rapide. Il publie chez les Éditions AdA Rêves et cauchemars en 2018 puis Dévoria: L’épée de la gloire en 2020. Il publie ensuite la série dark fantasy Les mercenaires en 2021.

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    Aperçu du livre

    Les mercenaires - Le fardeau de Margotha - Alexandre Charbonneau

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    PERSONNAGES

    Heron : Un jeune homme qui possède une épée géante. Il est timide, maladroit et quelque peu mélancolique. Il s’oblige lui-même à faire le bien pour se racheter de son passé sombre.

    Nera : Jeune archère rousse de dix-huit ans. Elle possède un fort caractère et refuse qu’on la voie comme une gamine malgré son apparence.

    Grom : Un lieutenant dans la cinquantaine qui habite l’île Margotha. Homme sérieux et fier. Arbalétrier.

    Grim : Mercenaire et frère jumeau de Grom. Il est son opposé : plus animé et plaisantin.

    Zeel : Mercenaire connu et charismatique, au début de la cinquantaine. Il se dit pragmatique, mais pour son entourage, il est souvent considéré comme marginal.

    Jingu : Très grand homme dans la mi-trentaine. Mercenaire à la peau noire, très costaud, qui se bat avec ses poings. Répugnance pour les armes. Blagueur et optimiste, un peu comme Grim.

    Krenge : C’est un chasseur de primes également, mais on l’appelle souvent, parce qu’il a l’apparence d’un garde, « mercenaire-soldat ». Homme bizarre, il parle à des personnes imaginaires… du moins, à priori.

    Mysa : Fille mystérieuse et ténébreuse qui ne discute pratiquement jamais. Elle affiche constamment un regard froid et passif. Elle traîne un petit baril noir.

    Ouro : Grand homme blond d’apparence très soignée. Il est narcissique et se bat avec une longue pique.

    PROLOGUE

    HERON – TIMIDE MÉLANCOLIE

    Le bras appuyé contre le rebord du navire, Heron ne se lasse pas d’observer tranquillement les vagues de cet océan infini. Et ce, même après les trois longues semaines de voyage qu’il vient de vivre.

    Il réalise qu’il se tient à peu près toujours à cet endroit précis du bateau, dans un recoin, seul, sauf quand quelques marins curieux s’approchent pour discuter avec lui, ce mystérieux mercenaire qu’ils mènent jusqu’à la lointaine île de Margotha. Leur intérêt est compréhensible : en plus de son caractère discret, calme, voire froid, son apparence physique n’a rien à voir avec ce que ces loups des mers rencontrent habituellement.

    La première chose qui saute aux yeux est sa titanesque épée, anormalement large, et qui semble également aussi grande que lui. Il l’accroche dans son dos, quelque peu en diagonale – sans doute ne pourrait-il pas marcher correctement sinon. En plus, il laisserait sur le sol des marques de lame partout où il va !

    Malgré sa grandeur qui est plus qu’impressionnante et qui serait digne d’une arme de géant (il y a aussi son poids, qu’on imagine bien), le mercenaire ne l’a jamais déposée quelque part, dans un recoin ou dans sa cabine, où il ne va pratiquement jamais. Il la garde toujours sur lui. Certains marins propagent même la blague qu’il doit dormir avec son arme sur le dos. Alors, soit il est considérablement fort… soit son épée est bien moins lourde qu’on ne le pense. Or, quelques hommes lui ont demandé son secret et, en fait, cette arme surprenante est composée d’un métal rarissime et léger, qui la rend aussi facilement maniable qu’un couteau.

    Les seuls moments où le jeune homme au long manteau avait été quelque peu bavard, réussissant à surmonter un tant soit peu sa timidité, c’est lorsqu’on l’avait interrogé sur la provenance de cette épée et aussi sur celle de son casque, qui, bien que cassé en bonne partie, ressemblait au haut de la tête d’un dragon. Il a probablement une valeur sentimentale parce que, côté défense, ça ne devait pas être trop fiable… Lors de ces discussions, il semblait passionné par le sujet et son air un peu ennuyé et timide se dissipait un moment.

    Heron est en fait un grand amateur des Yeerus, une ancienne lignée de guerriers pratiquement inconnue, qui combattait avec des épées immenses pour terrasser ses ennemis. C’était un groupe plutôt sélect et prestigieux, presque totalement tombé dans l’oubli depuis sa dernière apparition, qui devait dater de plusieurs centaines d’années, si l’on ne comptait pas Heron. Ce dernier possède un livre antique sur les Yeerus et tente d’en apprendre le plus possible, malgré les nombreuses pages illisibles, sur les différentes techniques de combat particulières qu’ils pouvaient pratiquer grâce à la grandeur de leurs armes.

    Il porte, derrière son long manteau brun détaché, qui couvre tout son dos et qui se prolonge au-delà, quelques petites plaquettes d’armure en bronze, sur les bras et les épaules. Rien de trop encombrant ; c’est pour permettre une bonne mobilité. Ses yeux verts semblent avoir beaucoup de vécu malgré ses vingt-deux ou vingt-trois ans tout au plus, et parmi ses longs cheveux brun foncé se trouve une grande mèche grise, ce qui ajoute à toute l’originalité de ce personnage. Quand on l’interroge sur cette couleur, qui est la plupart du temps réservée aux personnes plus âgées, il redevient silencieux et contemple la mer, le regard taciturne.

    Malgré tout, la plupart des matelots n’ont pas l’impression que ce mystérieux combattant est une personne mauvaise ; ce n’est pas ce qu’il dégage. C’est autre chose : quelque chose de sombre, de difficile à cerner.

    Tout en tenant fermement l’avant de son long manteau, qui s’agite un peu avec ce vent puissant, Heron réfléchit à ce contrat, qui sera le plus difficile de sa carrière. Non pas parce que c’est si loin, ni particulièrement dangereux, mais parce qu’il va devoir œuvrer en équipe avec d’autres mercenaires. Et il déteste ne pas travailler en solo.

    Surtout avec ce qui s’est passé la dernière fois, il y a quelques années…

    Pour ce qui est du niveau de danger de sa mission, en fait, il n’en a aucune idée. On ne lui a donné aucune information, ce qui est évidemment embêtant. Mais avec l’immense fortune qu’est la récompense, Heron se doute bien que l’entreprise est risquée. De toute façon, il faut qu’il paie les dettes qu’il a contractées pour son épée, ce qu’il fait depuis des années, car rarissime veut également dire onéreux.

    Il sait bien que la plupart des mercenaires n’iraient jamais risquer leur vie sans au moins avoir quelques détails sur le contrat en question. Mais Heron n’est pas un chasseur de primes comme les autres.

    Sa source – quelqu’un qu’il connaît bien – est plus que fiable ; c’est ce qui l’avait finalement convaincu d’entreprendre cette mission. De toute façon, Heron n’a pas peur de la mort, bien qu’il l’évite comme il le peut. Après tout ce qu’il a vu, il sait bien que trépasser n’est pas ce qui peut arriver de pire dans ce monde cruel.

    Margotha… C’est le nom de la grande île où il doit débarquer. L’équipage fait un détour par là pour lui, en échange d’une généreuse somme. Heron se dit que, de toute façon, même s’il allongeait la fin de sa dette pour son épée de dix à onze ans, cela ne ferait pas une grande différence, alors autant être prodigue pour payer ces marins, qui semblent être de bons bougres.

    Il observe les alentours. Bien qu’il ne soit pas un connaisseur, ce navire marchand semble être plutôt vieux et en piètre état. Le bois et le métal sont pourris et rouillés à certains endroits… et très sales en général. Malgré tout, l’atmosphère à bord est assez joyeuse. Les marins chantent et discutent en restant toujours de bonne humeur. L’emblème sur leur drapeau – fièrement hissé – affiche un drôle de chien avec un chapeau, ce qui représente bien leur côté rigolo et le fait qu’ils ne se prennent pas du tout au sérieux.

    La vie a l’air d’être simple et amusante de leur côté, se dit Heron. Sauf en cas d’attaque de pirates, mais d’après ce que certains en ont dit, il y en a peu dans ces régions. Tant mieux pour eux et tant pis pour lui, car ils n’ont pas besoin de ses services de protection. Les affaires ne sont pas toujours faciles pour le chasseur de primes, surtout qu’il est bien scrupuleux en ce qui a trait à la sélection de ses contrats. En plus, il commence à avoir mauvaise réputation… pour une raison qu’il connaît bien.

    On dirait que la fatigue s’empare de lui quelque peu : il entend des rires qui proviennent d’en bas, de l’océan. Mais il n’y a évidemment rien ni personne, hormis un morceau de bois flottant, un débris d’on ne sait quoi. Pas étonnant qu’il soit un peu confus : les trois quarts des marins rigolent constamment ici… Après des heures et des heures, ça en devient presque étourdissant !

    Un vieil homme s’approche, souriant et faisant un signe de salutation de la main. Sur le coup, Heron paraît embêté. Cela fait plusieurs fois que le marin vient voir le mercenaire pour discuter. Habitué de voyager et d’ainsi côtoyer des gens de toutes sortes, il sait bien que l’homme à l’épée géante n’est pas une personne antisociable qui déteste tout le monde. C’est plutôt quelqu’un de gêné face à l’idée de converser, un domaine dans lequel il est probablement beaucoup moins doué qu’au combat.

    — On arrive dans quelques heures à peine ! Bonne nouvelle, hein ?

    Plutôt que de répondre, Heron fait un signe de la tête. Le marin sourit, habitué aux réactions silencieuses du jeune homme.

    — Alors, pas trop nerveux ? Il paraît que c’est dangereux, comme endroit !

    — À ce qu’on dit, oui.

    — Mais on n’en dit pas grand-chose, et ça t’agace, non ?

    Le vieux bonhomme ricane un moment, fait mine de vouloir taper amicalement l’épaule d’Heron, mais change d’avis à la dernière minute, se disant que ça le mettrait probablement mal à l’aise.

    Il se rappelle son étonnement la première fois qu’il l’avait vu. Il imaginait le mercenaire comme un dur à cuire de six pieds neuf qui intimiderait tout le monde de son simple et vil regard. Mais non. Lorsqu’Heron s’était présenté, le marin avait d’abord cru à une blague, puis il avait remarqué son épée, ce qui avait semé quelques doutes dans son esprit… Cet individu ressemblait surtout à un enfant avec une démarche timide. Ses yeux étaient intenses et pleins de vécu, certes, mais ils ne fixaient jamais directement ceux de son interlocuteur.

    — Je t’aurais bien aidé, hein. Les marins en connaissent pas mal, d’habitude, sur les endroits un peu partout, mais on ne va pratiquement jamais par là.

    Il s’interrompt, plissant les yeux avec agacement à cause de ce soleil qui plombe, puis appuie sa main droite contre son front pour mieux voir au loin.

    — On ne la voit pas encore, mais Margotha est proche, c’est sûr. Tout ce que j’en ai entendu, c’est que la mort est partout. Pas trop joyeux, non ?

    Il s’esclaffe encore de son humour douteux, ce qui crée une scène un peu étrange : le rire enjoué d’un côté et la passivité absolue de l’autre.

    Le mercenaire ferme les yeux, embêté par le vent, puis remarque finalement la main tendue du vieil homme.

    — Moi, c’est Agran, au fait ! Je pense que je ne me suis toujours pas présenté, après tout ce temps !

    Heron lui serre la main.

    — Main ferme ! C’est bon. Ça fait combien de temps que tu es chasseur de primes, mon gars ?

    — Quatre ans environ.

    Agran fronce un sourcil. Son air joyeux passe au doute, puis de nouveau à l’amusement.

    — Ce n’est pas grand-chose ! Tu sais, on en parle beaucoup de votre quête, là. Ils ont embauché des vétérans. Sais-tu que Zeel lui-même va en faire partie ? C’est probablement le plus connu de tous les mercenaires de cette partie du monde !

    Heron se retourne vers le loup de mer et constate à quel point il semble passionné par le personnage qu’il vient d’évoquer. Il n’en a jamais entendu parler mais, à voir son regard emballé, ce Zeel doit être compétent. Tant mieux, alors.

    — C’est son côté malin qui l’aide à s’en sortir, peu importe la situation, à ce qu’on dit ! Si on se revoit, il faudra que tu m’en parles, hein, mon homme !

    — Je le ferai.

    — Un gars m’a dit qu’il y aura aussi Jingu le Noir, un géant qui détruit les arbres avec ses poings !

    — Désolé, je ne le connais pas non plus.

    — Eh bien, tu vas avoir à connaître pas mal de nouvelles personnes bientôt, hein ! ricane Agran.

    Peu subtil, un gosse de peut-être neuf ou dix ans s’approche pour écouter. Le fils d’un des marins, sûrement. Il vient souvent prêter l’oreille, curieux d’en savoir plus sur Heron, mais il n’a jamais encore eu le courage de lui poser des questions.

    Pas du tout contrarié de devoir parler pour deux, le vieux loup de mer continue de discuter avec le jeune homme, car s’il est lui aussi curieux, c’est également pour le taquiner un brin et le faire sortir de sa zone de confort plutôt étroite.

    — Je ne sais pas comment vous faites, vous autres, les mercenaires… Constamment mettre votre vie en jeu pour quelques pièces d’or !

    — Sais-tu s’il y a des sorciers, sur Margotha ? demande Heron sans tenir compte de la remarque du marin.

    Agran est d’abord un peu désarçonné par la première question que lui pose le chasseur de primes depuis peut-être deux semaines. Puis, il finit par répondre :

    — M’étonnerait ! Tu sais, avec la Ligue de la fin¹ dans ces régions-là du monde, il n’y en a plus, de mages, de sorciers… Ils se font tous attraper.

    — Sauf les plus puissants, non ?

    — Oh, même les plus forts, tu sais ! La Ligue en envoie des plus coriaces qu’eux, tout simplement !

    Le jeune garçon s’avance vers les deux hommes. Trop intéressé par la conversation, il se permet de lancer :

    — Mon père dit que dans dix ans, la magie n’existera plus du tout dans le monde ! Il dit que la Ligue de la fin est trop forte. Est-ce que c’est vrai ?

    Il regarde d’abord Heron, qui ne lui répond que par un air songeur, puis Agran, qui reste silencieux également un petit moment.

    — Probablement, petit… Les légendes disent que celui qui dirige ce groupe est un énorme démon qui a jadis combattu le diable en enfer. Ceux qui font encore de la magie devraient arrêter, ou ce sera leur perte, hein…

    C’est la première fois qu’Heron voit un air soucieux sur le visage du marin ; il semble vieillir de quinze ans d’un coup.

    — Votre épée, m’sieur, est-ce qu’elle est magique ?

    — Non, répond Heron en arborant un sourire crispé. Mais le métal dont elle est faite est assez rare, presque impossible à trouver.

    — Woa ! lance le garçon, les yeux brillants dirigés vers l’arme immense.

    Le mercenaire se retourne vers l’océan et médite un peu sur sa mission qui approche à grands pas. Travailler en groupe…, pense-t-il. La dernière fois, c’était avec son oncle et ses cousins… Le jour le plus noir de toute sa vie.

    Zeel et Jingu. Des noms teintés d’exotisme qui donnent une impression de régions lointaines. Est-ce que celui qui paie pour cette mission fait venir des mercenaires provenant de plusieurs parties du monde ?

    Soudain, Heron tique, se demandant dans quoi il s’est réellement embarqué. Quelque chose de gros, sans doute. Ce n’est pas affaire commune que d’engager des mercenaires provenant de chaque coin du globe.

    Il se ressaisit vite. Risquer sa vie ne le dérange pas, s’il peut faire un peu de bien… pour rétablir l’équilibre de ce qui est arrivé il y a longtemps, dans son passé.

    Or, sa source lui avait certifié que cette quête allait aider beaucoup de gens. Pas question de faire le mal ; il y en a déjà bien assez dans le monde, de toute façon.

    Peu importe le danger, Heron est bien résolu. La mort partout ? Il va la ravager alors, et sauver les innocents de Margotha.

    Si seulement il pouvait obtenir davantage d’informations… Est-ce que les autres chasseurs de primes en savent plus ? On verra bientôt. Tout ce qu’Heron sait, c’est qu’ils doivent tous se rejoindre à l’extrême sud de l’île, sur la plage.

    — Là, on la voit ! s’exclame Agran, motivé, en pointant une grande île au loin. L’île de Margotha.

    — Vous arrivez bientôt, m’sieur ! Vous avez peur ?

    — Non, ça va, répond Heron en examinant ce qu’il peut de l’île, qui est encore trop floue à l’horizon.

    — Comment vous faites pour ne pas avoir peur ?

    Un peu gêné par toutes ces questions, le jeune homme se retourne vers le petit, mais ne répond rien, se contentant d’esquisser un sourire presque aussi maladroit que le premier.

    — Allons, garçon ! Laisse un peu le mercenaire tranquille, ricane Agran discrètement, à la rescousse.

    Heron se retourne et remarque qu’il doit bien y avoir la moitié des hommes qui l’observe. Surpris et intimidé, il s’ennuie soudainement des bons vieux moments passés seul, comme les marches en forêt, en direction de camps de voleurs à assaillir, ou dans les grottes avec des trolls à vaincre pour protéger un village à proximité. Tout ça pour rétablir un peu l’équilibre qu’il a rompu dans sa jeunesse, mais aussi pour payer son épée. L’épée des Yeerus. L’épée du groupe de jadis, du passé lointain qu’il admire tant, peut-être parce que le présent ne l’intéresse plus…

    Après quelques échecs, Agran abandonne l’idée d’éloigner le gamin qui gêne le chasseur de primes et rigole en observant l’île. Le petit agrippe le manteau d’Heron tout en continuant de le questionner.

    — M’sieur, pensez-vous qu’il y a encore de bonnes personnes en ce monde ?

    — Oui, j’en ai vu un peu, répond le mercenaire.

    — Est-ce que vous en faites partie ?

    — Non.

    1. La Ligue de la fin est un vaste groupe très puissant dont l’unique but est la destruction de la magie. « La fin » désigne cette dernière ; ils désirent qu’elle disparaisse totalement du monde et, pour ce faire, envoient des combattants arrêter les mages et les sorciers pour les forcer à rentrer dans le rang, ou pour leur offrir la mort comme deuxième option.

    PREMIÈRE PARTIE

    DOUTES

    CHAPITRE 1

    Krenge gratte la tête de son gros chien noir puis lui fait signe d’un claquement de langue d’aller surveiller les alentours. On n’est jamais trop prudent… Quoiqu’avec tous ces autres mercenaires armés jusqu’aux dents de l’autre côté du rocher, il n’y a pas vraiment de quoi s’inquiéter. Il a hâte de voir ses futurs équipiers en action, pour voir comment ils se débrouillent. Voir leurs forces, leurs failles.

    Il fait très chaud ici, sur cette plage. L’intense soleil qui n’épargne personne de ses rayons n’aide pas. Difficile de bien voir au loin, mais il jurerait apercevoir un navire. Bien, un autre qui va arriver.

    Trois hommes sont à ses côtés.

    À sa droite se tient Refron le soldat, qui porte exactement les mêmes armures que lui : un gros casque métallique à cornes, d’imposantes épaulettes, des protections solides sur les bras et les jambes. Tout comme Krenge, il a accroché sur son dos son grand bouclier de fer – sur lequel est tracée une gravure de tigre – et il possède la même épée – petite mais efficace –, permettant un bon équilibre de mouvement en parallèle avec son bouclier lors des combats.

    La ressemblance entre les équipements des deux hommes est frappante, comme s’ils servaient le même palais, mais l’apparence physique de ces derniers est bien différente. Krenge est plus vieux : trente-trois ans, et il a les cheveux assez courts noirs. Quant à Refron, il a vingt-quatre ans et ses cheveux blonds s’étirent presque jusqu’au bas de son dos.

    En face, il y a Rukru. C’est lui qui a de loin la carrure la plus intimidante, tout comme la grandeur, avec ses six pieds neuf. À la place d’armures – ces dernières ne l’intéressant pas vraiment –, il porte une multitude de cicatrices un peu partout, racontant chacune une histoire très violente. Comme arme, il dispose d’une grosse hache à deux mains. Son œil gauche, tout comme celui de Krenge, a été arraché… Il était trop infecté par une vieille blessure, causée d’ailleurs par la troisième et dernière personne qui se trouve à sa droite. Mais il ne peut pas se venger, plus maintenant. Plus jamais. Dommage…, se dit-il, le sourire en coin.

    Malfos l’observe en émettant un petit rire moqueur tout en faisant un clin d’œil. Si l’un préfère la défense et l’autre prône l’agressivité, lui préconise surtout l’agilité, qu’il utilise très facilement avec sa rapière qu’il nomme Vicieuse. Il gratouille un peu sa longue moustache en écoutant attentivement dans quel genre de scénario tordu s’est fourré Krenge cette fois-ci.

    — Demande donc au jumeau barbu c’est quoi la quête. On ne sait même pas dans quoi on s’est embarqués ! grogne le géant.

    — Il veut attendre tous les autres mercenaires. Il en manque encore deux, je pense…, murmure Krenge, songeur, en observant son gros chien poilu qui vagabonde plus loin.

    Refron s’étire les jambes quelque peu, ces dernières étant ankylosées à force d’immobilité. Il lance ensuite :

    — Tant que tu protèges avec ce bouclier et cette épée, les dieux te protégeront en retour.

    — En tout cas, ils devaient dormir lorsqu’il était temps de te protéger, toi ! ricane Malfos.

    Mais Refron semble trop mature pour être choqué par ces bêtises.

    — Il risque d’y avoir des ennemis puissants vu qu’on est une bonne dizaine sur le coup, susurre Krenge, l’esprit songeur.

    — Est-ce que tu nous comptes, là-dedans ? rigole Rukru, relativement de bonne humeur pour une fois.

    Krenge se masse la tempe. Il a encore l’un de ces maudits maux de crâne. Définitivement pas pratique lors de l’avant-mission. Il adore prendre les conseils des trois autres, des « vaincus », comme il les appelle, pour pouvoir adopter des stratégies. Mais bon, ils ont raison… Il y a trop peu de détails sur la quête. C’est une première : un client qui ne dit presque rien sur le contrat avant l’arrivée des mercenaires. Plutôt original.

    Il envisage de modifier le nom qu’il leur donne, à ces trois-là. Les vaincus, ce n’est pas très honorable… Ils méritent quelque chose de mieux. C’est grâce à eux que Krenge est devenu ce qu’il est, après tout.

    Enfin, ça ne sert à rien de rester là. Il se lève, délaisse les trois hommes et part rejoindre les autres mercenaires.

    — Fais attention à mon chien, hein ! lance Rukru, qui reste assis derrière en compagnie des deux autres.

    Ils sont maintenant tout près de l’île. Heron a bien hâte de pouvoir enfin poser les pieds sur le sol. On peut distinguer plusieurs silhouettes, mais pour l’instant, impossible de visualiser des détails bien précis sur ses futurs équipiers. Ils ont l’air d’être une dizaine, peut-être un peu moins. Sinon, c’est une plage assez banale. De gros rochers ici et là, un soleil insupportable, un semblant de jungle qui débute plus au nord…

    Le mercenaire, toujours en compagnie d’Agran, commence à remercier ce dernier pour tout et dit qu’il peut y aller seul en canot, s’interrompant lui-même avant de terminer ; il est bête, il faut forcément qu’ils soient au moins deux, puisque quelqu’un doit ramener le canot jusqu’au navire ensuite.

    Sans doute son côté solitaire qui avait pris le dessus sur sa manière de raisonner, mais de toute façon, il faut bien qu’il s’habitue à être accompagné, avec cette quête qui va débuter d’un instant à l’autre…

    Comme s’il avait lu dans ses pensées, le vieux marin arbore un grand sourire puis improvise un compromis :

    — Bah, il y a un vieux canot dont on veut se débarrasser ! Tu peux y aller seul, hein. Pas besoin de le ramener, celui-là. Il est pas mal fragile et sale, ce n’est pas trop bon pour notre image de marchands professionnels !

    Agran éclate de rire de nouveau, et en guise de remerciement, Heron fait de son mieux pour sourire à sa blague d’un goût douteux.

    — Merci, répond l’homme à l’épée géante.

    — Allez, les gars, notre invité descend ! claironne le loup de mer de sa grosse voix, en faisant signe à quelques hommes de l’aider à descendre le canot.

    En deux temps trois mouvements, le jeune mercenaire est sur le canot (qui, en effet, n’est pas rassurant avec tous ces craquements, quoique c’est peut-être normal, qui sait…), en route vers le rivage.

    Les au revoir se multiplient tandis qu’il s’éloigne. Heron se dit que malgré le fait qu’il ne les connaisse pas beaucoup, ils vont lui manquer. La vie semble simple avec eux.

    Après plusieurs minutes à essayer de comprendre comment fonctionnent ces fichues vieilles rames à moitié brisées, il finit par se diriger vers son futur groupe. Comment va-t-il être ? La curiosité ronge Heron. Mais surtout, il a bien hâte d’avoir des informations sur cette mystérieuse quête. Après tout, voilà des semaines qu’il attend ce moment.

    Il se rapproche, constate que ce sont bel et bien des mercenaires ; ils ont tous l’air armés. Mais pour l’instant, impossible d’en voir davantage.

    Quelques minutes plus tard, Heron peut enfin débarquer. Il jette un dernier coup d’œil vers le navire qui s’éloigne déjà.

    Il a tellement chaud que le court moment où il a les pieds dans l’eau avant d’atteindre le sable et de rencontrer les autres mercenaires lui donne presque envie d’aller se baigner. Mais il se retient, se disant qu’il aurait probablement l’air assez bizarre.

    Quelques regards se tournent vers lui, l’observant d’abord, puis ensuite son épée… puis rien. Personne ne vient lui serrer la main ou le saluer.

    Heron n’est pas choqué, juste un peu surpris. En même temps, tant mieux s’il peut éviter ce genre de choses qui le met mal à l’aise. Or, il sait qu’il va probablement être forcé de se dégêner un peu lors de cette aventure, aussi mystérieuse soit-elle.

    Il y a plusieurs gros sacs empilés sur le sable – probablement des réserves de nourriture et d’eau.

    Les mercenaires sont là, tout autour.

    Il prend le temps d’examiner chacun d’entre eux.

    D’abord, les seuls qui discutent vraiment sont ces deux vieux jumeaux barbus. Celui de gauche semble avoir une personnalité animée qui lui rappelle un peu celle d’Agran. Ils sont dans la cinquantaine, possèdent de longs cheveux gris et une assez bonne carrure. La plupart de leurs armures sont semblables. En fait, la seule bonne différence est que l’un a une hache et un bouclier, tandis que l’autre possède une arbalète. Celui qui sourit salue Heron de la main en voyant qu’il les regarde, puis continue de discuter avec son frère.

    Les deux autres un peu plus loin ont une apparence intrigante, qui ne donne pas vraiment l’impression qu’ils sont mercenaires… surtout pour la jeune fille, qui n’a pas plus de dix-huit ans. Cheveux assez longs roux, belle apparence. Elle n’a aucune armure… Heron se demande tout d’un coup si cette quête s’avérera aussi périlleuse qu’on lui a dit, mais il discerne finalement un arc accroché sur le dos de la rouquine. Il a déjà entendu parler d’enfants-génies, mais il lui semble tout de même qu’elle est un peu jeune pour être mercenaire. Elle discute avec l’homme à sa droite, semblant vouloir le séduire d’après ses nombreux sourires.

    L’homme en question a également une apparence particulière. Début trentaine, torse nu, cheveux blonds longs, musclé, mais avec une apparence si soignée qu’il fait un peu prince charmant. Tout en l’observant, Heron se demande si l’aspect des mercenaires provenant de régions lointaines est toujours aussi différent de celui des mercenaires de sa propre région. L’homme blond porte une grosse boucle d’oreille et un collier en or luxueux, un masque blanc étrange à deux visages – un souriant et un triste – qu’il a relevé jusqu’au haut de sa tête, révélant un regard arrogant qu’Heron apprécie peu. Il n’a aucune armure non plus, mais il semble plutôt agile. Il a une grande fleur noire comme tatouage sur son épaule gauche, qui descend le long de son corps, et son arme, qu’il tient horizontalement sur ses épaules avec ses bras par-dessus, est aussi grande que celle d’Heron. C’est une longue pique pourvue d’une lame impressionnante qui lui permet de faire des coups directs de face, mais aussi de côté. On dirait une sorte de faux de guerre.

    Le plus bizarre, c’est qu’entre deux phrases, il effectue une pose fixe plutôt absurde, comme si on l’examinait pour le peindre… Il est musclé, certes, mais son attitude évoque celle d’un homme de cirque ou de spectacle qui fait attention à son apparence pour qu’on puisse mieux apprécier.

    Heron se dit qu’il ne faut pas se fier aux apparences, qu’il espère trompeuses. Il jette ensuite un coup d’œil furtif à l’homme assis sur un petit rocher. Début quarantaine, à la fois mystérieux et charismatique, celui-ci a les cheveux assez longs gris et un visage tout de même assez jeune, sauf pour quelques lignes de vieillesse qui donnent une bonne idée de son âge approximatif. Il porte des vêtements bruns plutôt banals et possède quelques petites armures mineures, épaulettes, genouillères – un peu comme Heron – et une sorte de… canne en métal ? Heron peut confirmer que c’est parce qu’il boite, car l’homme, après lui avoir fait un signe de main, se lève pour aller rejoindre les jumeaux.

    Le plus énergique de tous est cet homme qui mesure environ six pieds six. Il n’arrête pas de sautiller et de faire, en guise d’échauffement, des mouvements d’attaque dans le vide avec ses deux poings. Jingu le Noir, probablement. Du moins, si son nom fait allusion à sa couleur de peau. Les marins en avaient parlé durant le voyage. Un coriace, paraît-il. Il est beaucoup plus musclé que l’autre. Heron ferait probablement tout pour éviter un combat direct avec ce colosse. Il n’a que deux armures sur les genoux – peut-être que viser ses jambes serait une façon de l’affaiblir – et un petit manteau gris ouvert, révélant un corps qui semble être dix fois plus robuste que celui du jeune mercenaire. Malgré tout, Heron dénote bien que si les jumeaux semblent sympathiques, celui-là a l’air de l’être encore plus. Rigolant tout seul, souriant sans cesse, il marmonne quelque chose qui ressemble à : « Les ennemis sont mieux d’être en forme aujourd’hui, car Jingu l’est, ah, ça oui, poupée !… »

    Il n’a pas d’arme à priori, mais avec des poings comme ça, le jeune mercenaire se sent presque intimidé malgré son immense épée.

    La plupart de ces individus n’ont pas vraiment le caractère typique de mercenaire qu’Heron rencontre habituellement.

    En se retournant pour voir à quelle distance se tient maintenant son navire sur l’océan, il réalise qu’il y en a un autre qui approche. Peut-être qu’il n’était pas le dernier,

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