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Livre électronique547 pages7 heures

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À propos de ce livre électronique

Meira fera tout pour sauver son monde.

Alors qu'Angra tente de briser ses défenses mentales, Meira a désespérément besoin d'apprendre à contrôler sa propre magie — c'est ainsi que lorsque le chef d'un ordre mystérieux vivant à Paisly lui offre de lui transmettre ce savoir, elle saute sur l'occasion sans hésiter. La véritable solution permettant de mettre fin à la Déchéance se trouve toutefois dans un labyrinthe situé profondément sous les royaumes des Saisons. Pour vaincre Angra, Meira devra
entrer dans le labyrinthe, détruire la même magie qu'elle apprend à contrôler — et faire le plus grand sacrifice de tous.

Mather fera tout pour sauver sa reine.

Il doit mobiliser les Enfants du Dégel, trouver Meira – et lui révéler enfin comment il se sent réellement. Cependant, son scénario est quelque peu bouleversé par un plan d’attaque qui ne laissera aucun royaume indemne et par une trahison majeure au sein de leurs propres rangs. Auront-ils la possibilité de gagner la guerre ? – et de protéger Meira qui est de plus en plus hors de sa portée.

Ceridwen fera tout pour sauver son peuple.

Angra a fait tuer son frère, lui a volé son royaume et a fait d'elle sa prisonnière, mais lorsqu'elle est libérée par un allié inattendu qui lui révèle la choquante vérité à propos des esclaves d'Été, Ceridwen doit passer à l'action pour sauver son véritable amour et son royaume, même si cela doit lui coûter le peu qui lui reste.

Au moment où Angra lance sa Déchéance sur le monde, Meira, Mather et Ceridwen doivent unir les royaumes de Primoria... ou tout perdre.
LangueFrançais
Date de sortie30 mars 2018
ISBN9782897679422
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Auteur

Sara Raasch

Sara Raasch has known she was destined for bookish things since the age of five, when her friends had a lemonade stand and she tagged along to sell her hand-drawn picture books too. Not much has changed since then: her friends still cock concerned eyebrows when she attempts to draw things, and her enthusiasm for the written word still drives her to extreme measures. She is the New York Times bestselling author of the Snow Like Ashes series, These Rebel Waves, and These Divided Shores. You can visit her online at www.sararaaschbooks.com and @seesarawrite on Twitter.

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    Aperçu du livre

    Givre dans la nuit - Sara Raasch

    Copyright © 2016 Sara Raasch

    Titre original anglais : Ice Like Fire

    Copyright © 2017 Éditions AdA Inc. pour la traduction française

    Cette publication est publiée avec l'accord de HarperCollins Publishers, New York, NY.

    Tous droits réservés. Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite sous quelque forme que ce soit sans la permission écrite de l’éditeur, sauf dans le cas d’une critique littéraire.

    Éditeur : François Doucet

    Traduction : Guillaume Labbé

    Révision linguistique : Féminin Pluriel

    Correction d’épreuves : Nancy Coulombe et Féminin pluriel

    Conception de la couverture : Matthieu Fortin

    Mise en pages : Sébastien Michaud

    Illustration de la carte : © 2014 Jordan Saia

    ISBN livre : 978-2-89767-940-8

    ISBN PDF : 978-2-89767-941-5

    ISBN ePub : 978-2-89767-942-2

    Première impression : 2017

    Dépôt légal : 2017

    Bibliothèque et Archives nationales du Québec

    Bibliothèque et Archives Canada

    Éditions AdA Inc.

    1385, boul. Lionel-Boulet

    Varennes (Québec) J3X 1P7, Canada

    Téléphone : 450 929-0296

    Télécopieur : 450 929-0220

    www.ada-inc.com

    info@ada-inc.com

    Diffusion

    Canada : Éditions AdA Inc.

    France : D.G. Diffusion

    Z.I. des Bogues

    31750 Escalquens — France

    Téléphone : 05.61.00.09.99

    Suisse : Transat — 23.42.77.40

    Belgique : D.G. Diffusion — 05.61.00.09.99

    Imprimé au Canada

    Participation de la SODEC.

    Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada (FLC) pour nos activités d’édition.

    Gouvernement du Québec — Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres — Gestion SODEC.

    Conversion au format ePub par:

    www.laburbain.com

    À Doug et Mary Jo,

    pour avoir été beaucoup moins pénibles

    que Monsieur et Hannah.

    1

    Meira

    Ceci n’a pas de sens.

    Je suis toujours cachée dans l’embrasure du donjon du palais Donati et je peux déjà sentir le changement à Ventralli, comme l’obscurité d’une tempête qui s’installe. Alors que j’aurais pu rester pour me battre avec ma poignée d’Hiverniens, je les ai quittés pour suivre l’homme qui marche devant moi.

    Sans avoir la moindre idée de qui il est vraiment.

    Tous les gardes qui auraient pu être postés à l’extérieur du donjon sont partis, attirés par le chaos de la prise de contrôle du royaume par Raelyn. Les pièces ouvertes à notre droite et à notre gauche sont assez éloignées pour que les gens qui s’y trouvent ne nous remarquent pas. Elles sont toutefois suffisamment près pour que je puisse capter des bribes de ce qui s’y passe. Des soldats rassemblent les courtisans en groupes contre les murs dorés, et des domestiques pleurent. Ce qui est toutefois encore plus terrifiant, ce sont les témoins qui ne font rien du tout. Ceux qui observent les soldats lancer des menaces comme des lames, déclarant le roi Jesse déchu, et sa femme, Raelyn, chef de Ventralli parce que son pouvoir, que tous peuvent utiliser, est plus puissant maintenant ; pouvoir lui ayant été donné par le roi Angra de Printemps.

    — Il est vivant ?

    — Sa magie est plus forte que celui des conduits royaux ?

    — Est-ce comme ça qu’il a survécu ?

    Ces questions s’élèvent au-dessus des menaces des soldats, se mélangeant au martèlement de mon cœur dans mes oreilles.

    — Angra a aidé la reine de Ventralli à renverser son roi. Il — ça me fait mal de respirer en y pensant — a déjà de l’influence à Cordell. Il s’est emparé d’Automne et d’Hiver, et a fait assassiner le roi d’Été, et pourtant, pour une raison obscure, cela cause davantage de curiosité que de peur chez les gens.

    L’homme que je suivais, Rares, si c’était vraiment son nom, me regarde.

    — Angra a probablement planifié cette conquête pendant son absence de trois mois, donc son châtiment n’est pas aussi expéditif qu’on pourrait le croire, dit-il. Et vous, plus que quiconque, pouvez comprendre comment il est facile de préférer la curiosité à la peur.

    — Moi, plus que quiconque ? dis-je d’une voix étranglée. Comment donc pourriez-vous le savoir ?

    — Voulez-vous vraiment avoir cette discussion maintenant ?

    La cicatrice qui court le long du visage de Rares, de la tempe au menton, se creuse sous le plissement de ses yeux.

    — J’avais pensé commencer par nous faire éviter toute menace de mort immédiate…

    Le bruit d’épées qui s’entrechoquent et les cris d’un soldat nous parviennent du bout du couloir. Rares tourne le coin du mur avec précipitation sans attendre ma réponse, m’obligeant à courir derrière lui.

    Je ne devrais pas suivre un mystérieux Paislien ; je devrais être en train d’aider Mather à libérer les Hiverniens des donjons. Ou penser à une façon de libérer mon royaume du coup d’État cordéllien. Ou sauver Ceridwen de Raelyn. Ou trouver une façon d’extraire Theron de la vile poigne d’Angra.

    J’hésite, trébuchant sur mes nombreux soucis. Alors que j’avais toujours soupçonné que la mort d’Angra n’était qu’une ruse, jamais, dans aucun de mes pires scénarios d’épouvante, je n’aurais pu penser qu’il était assez fort pour donner de la magie à des personnes non initiées au conduit.

    Son pouvoir est toutefois nourri par la Décadence, qui a été créée lorsque les règles liant la magie uniquement aux lignées royales ont été abolies.

    Alors que Rares et moi passons de corridor en corridor, je vois directement la magie d’Angra. Le Ventralli de lumière et de couleurs qui existait lorsque nous sommes arrivés a disparu, remplacé par un monde ressemblant aux rues sombres de Printemps. Des soldats avancent, leurs visages marqués par la colère, leurs mouvements, précis. Les courtisans s’entassent en masses, tremblants, craintifs, les yeux écarquillés et habités du désir profond de plaire à leurs conquérants.

    Personne ne se révolte. Personne ne demande vengeance ou ne lutte contre les soldats.

    C’est ce qu’Angra a fait même si on pourrait croire qu’il n’a que donné l’habileté de contrôler la magie à ses plus hauts subordonnés, comme Raelyn l’a fait en tuant le roi d’Été. Les gens qui s’entassent dans les couloirs semblent simplement embrumés, sous l’influence de quelque chose de plus grand qu’eux, comme s’ils étaient tous enivrés par le même vin de piètre qualité.

    C’est ce qu’Angra crée, un monde de puissance infinie, où chacun est possédé par une magie les rendant malléables, contrôlé par ses émotions les plus sombres, les plus profondes.

    « Comment l’arrêter ? Comment puis-je sauver… »

    Elle s’accroche à moi, cette question que j’ai posée à mon conduit magique, et je suis ramenée à ce moment, alors que je courais dans les rues de Rintiero avec Lekan et Conall. Mes soucis les plus grands en cet instant étaient d’empêcher Ceridwen d’assassiner son frère, de trouver une façon de former une alliance avec Ventralli et de localiser l’Ordre de la Pureté et leurs clés pour empêcher Cordell d’avoir accès au gouffre magique.

    Alors, j’ai posé cette question — Comment puis-je sauver tout le monde ? —, et la réponse s’est incrustée dans mon âme.

    En sacrifiant un conduit royal et en le rendant à la source de la magie.

    Je suis cependant le conduit d’Hiver. Moi, entièrement. Grâce à ma mère.

    Rares m’attire derrière une plante verte, juste avant qu’un contingent d’hommes ne sorte au pas de course d’une pièce devant nous.

    — Pas maintenant, chuchote-t-il.

    Il plonge sa main dans sa chemise et en retire une clé sur une chaîne, celle qu’il m’a montrée dans le donjon ; la dernière clé du gouffre de la magie de la mine de Tadil.

    — Vous m’avez trouvé. Vous avez localisé l’Ordre de la Pureté, et nous vous aiderons à défaire Angra et à arrêter tout cela. Mais d’abord, sortons d’ici vivants.

    Ses mots me réconfortent. J’en ai besoin à un point tel que ce n’est que lorsqu’il se précipite dans le couloir que je me demande comment il a su que je m’inquiétais.

    Ce n’est pas important. Je déglutis, déterminée. Je le ferai. J’apprendrai ce que je peux de l’Ordre et j’utiliserai cette connaissance : je combattrai Angra, je le détruirai, lui et sa magie ; ou je lui déroberai les clés, entrerai dans le gouffre dans le Tadil et détruirai toute la magie de la seule manière que je connais.

    C’est ce que je dois faire, d’une façon ou d’une autre. Angra est trop fort ; j’ai besoin d’aide, et l’Ordre de la Pureté est la seule ressource que je connaisse qui puisse m’aider à me servir de ma magie comme le fait Angra, sans limites.

    Rares me mène à l’intérieur d’une cuisine remplie d’épaisses tables en bois, de cheminées brûlantes, et de restes de nourriture abandonnée par les domestiques qui se cachent très probablement de la frénésie de la prise de contrôle. Il sort une gourde et la remplit à une pompe dans le coin.

    — Qui êtes-vous ? réussis-je finalement à demander.

    Il pointe un bloc de couteaux sur un comptoir.

    — Armez-vous.

    — De couteaux de cuisine ?

    Il ne bronche pas.

    — Une lame est une lame. Elle peut faire couler du sang, quelle qu’elle soit.

    Je fronce les sourcils, mais je fais glisser quelques couteaux dans ma ceinture. Mon étui vide bat toujours contre mon dos ; mon chakram est dans la salle de bal. Dans la poitrine de Garrigan.

    Je saisis le bord du comptoir.

    Une main se pose sur mon épaule et quand je lève les yeux, Rares m’observe.

    — Mon nom est Rares. Je ne vous ai pas menti, dit-il. Rares Albescu de Paisly, un leader de l’Ordre de la Pureté.

    Il jette un coup d’œil par-dessus mon épaule vers la porte de cuisine qui mène au palais. Un bruit de pas fait écho dans le corridor, de plus en plus fort, et je sais que nous devrons fuir avant qu’il ne puisse me donner davantage d’explications.

    — Je vous dirai tout, promet-il. Mais d’abord, nous devons nous mettre en sécurité, à Paisly. Angra ne peut pas nous y atteindre.

    — Pourquoi pas ? dis-je en confrontant Rares. Que planifiez-vous ? Pourquoi est-ce…

    Rares m’interrompt en pressant mon épaule.

    — Je vous en prie, Votre Majesté. C’est l’endroit le plus sûr pour tout ce que je dois vous montrer et je vous le promets, je vous dirai tout dès que je le pourrai.

    — Meira, dis-je en le corrigeant. Si je dois risquer ma vie dans un avenir rapproché, on va s’adresser à moi comme je le veux.

    Rares sourit.

    — Meira.

    Nous nous dirigeons vers l’autre porte de cuisine, celle menant à un jardin. Rares s’apprête à se glisser dehors lorsqu’un dernier soupçon de remords me rattrape. En partant avec lui, j’aide ; l’Ordre de la Pureté est ma meilleure chance d’arrêter Angra, mais je continue d’avoir l’impression de m’enfuir.

    Rares se retourne.

    — Vous ne pouvez sauver tout le monde en restant ici.

    D’autres me l’ont dit avant — Tu ne peux sauver tout le monde, Hiver est ta priorité. La voix la plus forte : Monsieur.

    Le chagrin me frappe. Mather m’a parlé de la mort d’Alysson, mais qu’en est-il de Monsieur ? A-t-il survécu à l’attaque de Cordell sur Jannuari ? Et qu’en est-il du reste d’Hiver ? Dans quel état est mon royaume ? Je ne peux penser à Monsieur mort. Il faut qu’il soit vivant et s’il l’est, il fera tout ce qui est en son pouvoir pour qu’Hiver tienne bon.

    Je me répète ce que Rares a dit, comprenant maintenant le sens exact de ses mots, et je commence à voir à quel point il est différent de Monsieur. Les yeux de Rares sont plus larges, sa peau est plus sombre, ses mains ont plus de cicatrices liées à ses nombreuses années de combat. Et surtout, je vois en Rares quelque chose que je n’ai jamais vu chez Monsieur, quelque chose qui a poussé Rares à ajouter trois mots qui ont entièrement changé la signification de cette phrase.

    Vous ne pouvez pas sauver tout le monde en restant ici.

    Pas une fin. Un choix.

    — Qui êtes-vous ? dis-je en respirant de nouveau.

    Rares sourit.

    — Quelqu’un qui vous attend depuis très longtemps, très chère.

    Peu de temps après, nous quittons le complexe du palais tandis qu’un cor hurle dans le ciel gris brumeux.

    Ils ont remarqué que je suis partie. Cela signifie aussi qu’ils ont trouvé Theron, enchaîné au mur du donjon, et Mather et le reste…

    Non, Mather ne laisserait rien arriver à qui que ce soit sous sa protection. Pas parce que je lui ai ordonné de les protéger, mais parce que c’est ce qu’il a toujours été — un homme qui, même après avoir perdu son trône, continue de trouver une manière d’agir en souverain. De la manière dont ses Enfants du Dégel le regardent, avec la loyauté incontestée méritée par quelqu’un né pour mener…

    C’est la seule personne dans ma vie entièrement capable de se tenir debout toute seule.

    « Qu’en est-il de Theron ? »

    La question me fait trébucher alors que Rares et moi nous nous enfuyons de la ville en courant, zigzagant entre deux bâtiments brillants et tordus jusque dans la forêt luxuriante qui borde Rintiero au nord.

    Cette question. Ce n’était pasmoi. Cela sonnait presque comme…

    Je m’arrête d’un coup, et Rares continue un peu plus loin avant de constater que je me suis arrêtée. La voix dans ma tête me retient toutefois captive, et je place mes mains sur mes tempes.

    C’est un destin épouvantable que celui de faire partie de la même magie, n’est-ce pas ? Si seulement vous étiez plus forte.

    Ma vue s’embrouille jusqu’à ce que je voie le visage d’Angra dans mon esprit.

    — Non ! dis-je en criant tout en tombant à genoux, ces derniers venant frapper la terre moite. Angra pouvait entendre mes pensées quand nous étions tous les deux dans la salle de bal Donati, mais il est très loin de moi maintenant. Comment peut-il me parler,à l’intérieurde moi ? Je devrais être capable de l’arrêter…

    Mais vous ne pouvez pas m’arrêter, n’est-ce pas, Majesté ? Mes soldats vous poursuivent. Hiver est fini. Printemps est là.

    Un simple mot se pointe comme réponse.

    Pourquoi ?

    J’ai déjà posé cette question dans la salle de bal du palais Donati, entourée par le carnage : la tête du roi d’Été, les corps de Garrigan et de Noam. Cependant, la seule réponse que j’ai eue était ce qui a poussé Angra à chercher à détruire les mines d’Hiver : il craint que la magie pure du conduit résiste à sa Décadence, c’est pour cela qu’il a passé chaque moment qu’il avait à tenter de détruire cette menace. C’est pour cela qu’il a attaqué Hiver pendant si longtemps ; c’est pour cela qu’ila attaqué quiconque a tenté d’ouvrir le gouffre.

    Ce que je demande maintenant n’est même pas une question consciente. C’est plutôt un sanglot dans l’obscurité alors que son visage remplit mon esprit.

    « Pourquoi est-ce que ça arrive… »

    J’ai vu mes amis assassinés pour cette guerre. J’ai regardé mon royaume brûler pour cela. Je m’enfuis pour me sauver la vie maintenant pour cela, et après toutes ces années, je ne sais toujours paspourquoi. Que veut-il ?

    Des mains couvrent les miennes, là où je me saisis la tête.

    J’ouvre les yeux. La magie envahit mes membres, rafraîchissante, profonde et pure, changeant ma peur en étonnement.

    Rares envoie sa magie en moi.

    Son visage se durcit, des gouttes de sueur perlant sur son front.

    — Combattez-le !

    Mon cœur sait que jenedevraispasme soumettre à la magie de Rares, que je ne devrais pas me soumettre à lui, mais tout le reste de moi le veut, alors que la crainte et la panique s’emparent de moi et me déchirent.

    Combats !

    Je me force à rester ouverte à n’importe quelle aide que Rares peut m’offrir.

    Une onde de choc me projette en arrière. Je me fracasse sur le sol, des feuilles se collent à mes vêtements, ma tête résonnant comme si quelqu’un faisait sonner une cloche à l’intérieur de mon crâne.

    Je vois que Rares prononce mon nom.

    — Vous… dis-je. Qu’avez-vous…

    La douleur s’enflamme derrière mes yeux, et je fais tout ce que je peux pour ne pas vomir sur le sol mouillé. Rares met sa main sur la mienne à nouveau, même quand je le fixe à travers l’agonie qui change tout dans un rouge écarlate vibrant.

    Reposez-vous, maintenant, me dit une voix. Ce n’est pas Angra, c’est Rares, dans ma tête.Reposez-vous, et faites-moi confiance.

    Vous faire confiance ? Qu’avez-vous fait ? Vous ne m’avez rien dit !

    Cependant, alors même que j’essaie de le combattre, l’inconscience vient, m’apaisant comme les arômes tentants qui flottent d’un banquet. Je suis à demi consciente alors que Rares me soulève et je ressens le balancement apaisant de me faire porter à travers la forêt.

    Vous ressemblez plus à Monsieur que je ne le pensais.

    Ce sont mes derniers mots avant que tout ne devienne sombre.

    2

    Mather

    Elle est partie.

    Mather jeta son poids contre le verrou en canalisant chaque particule de sa panique dans la tâche à faire. Ce dernier céda avec un bruit perçant et la porte de la cellule s’ouvrit, libérant Phil qui en sortit d’un coup, les poings prêts, un souffle en avant du reste du Dégel. Mather ne leur donna aucun ordre avant de fracasser le verrou de la prochaine porte, relâchant Dendera, Nessa et Conall. Les cris à l’aide de Theron provenant de sa propre cellule alerteraient les soldats dans quelques instants ; Meira les avait quittés.

    — Nous devons sortir d’ici, dit Mather en ne s’adressant à personne en particulier, mais comme il pivotait vers l’escalier, il hésita. Partir de cette façon les ramènerait presque certainement directement dans le donjon, s’ils rencontraient des soldats. Y avait-il une autre sortie ?

    Phil fit un pas en avant.

    — Nous pouvons nous séparer. Certains d’entre nous prendront les escaliers et les autres descendront plus profondément dans le donjon, pour voir s’il y a un chemin…

    Une autre voix parla.

    — Vous pourriez également me suivre.

    Mather était trop engourdi par les événements du jour pour sentir autre chose que de l’empressement alors qu’il sautait vers la voix. Il tendit le bras pour attraper une épée, mais ses armes avaient été prises avant la descente dans le donjon et tout ce qu’il avait maintenant était le conduit royal de Cordell. Ses doigts frôlèrent le bijou sur la poignée, sa lèvre se retroussant alors qu’il se rappelait la façon dont Theron l’avait négligemment lâché ; une partie de lui éprouverait une telle joie à ternir la jolie lame de Cordell.

    La personne qui était apparue au milieu du couloir croisa ses mains contre la jupe de sa robe argentée ressemblant presque à une armure. Un masque du même argent obscurcissait son visage et quand elle se mit à parler, elle souleva son menton avec autant d’autorité qu’un commandant.

    — Si vous voulez vivre, bien entendu, dit-elle.

    — Vous êtes Ventrallienne, répliqua Mather, s’arrêtant juste devant elle. Pourquoi aurions-nous confiance en vous ?

    La femme s’esclaffa.

    — Vous avez beaucoup d’autres options, à l’heure actuelle ?

    Mather ne prononça pas un autre mot avant que Dendera ne parle d’une voix rauque en plissant les yeux.

    — Vous. Vous êtes la duchesse Brigitte, la mère du roi. Je vous ai vue avec Raelyn !

    Brigitte roula des yeux.

    — Si j’avais été d’accord avec son coup d’État, pensez-vous que je me serais donné la peine de venir dans cet endroit dégoûtant toute seule ?

    Elle plissa le nez en se tournant vers les murs.

    — Soit je peux vous satisfaire avec une explication, soit vous pouvez me suivre. Comme je l’ai dit, que vous viviez ou mouriez ne m’importe pas personnellement. Toutefois, je crois que vous pourriez m’être utiles, alors prenez une décision rapidement.

    La porte au sommet de l’escalier du donjon s’agita bruyamment. Quelqu’un avait finalement entendu les cris de Theron.

    Mather tituba vers Brigitte. Elle le prit comme un accord et tourna les talons, sa robe argentée s’éparpillant alors qu’elle se précipitait dans le couloir. Le reste du groupe de Mather suivit sans poser de questions. Quel autre choix y avait-il ? Il devait sortir d’ici pour s’assurer que Meira allait bien, et que cette personne avec qui elle était partie, qui qu’elle soit, ne faisait pas partie d’un piège d’Angra. Tant de secrets avaient été exposés au grand jour : Cordell s’était retourné contre Hiver, Theron avait trahi Meira, et la reine ventrallienne avait organisé un coup d’État. Pouvait-on avoir confiance en l’homme qui était parti avec Meira ? Et par-dessus tout ça, Hiver était toujours sous l’emprise cordéllienne ; comment pourraient-ils le libérer, s’ils étaient prisonniers d’Angra ?

    Brigitte se faufila dans une cellule à droite. Mather hésita juste assez longtemps pour que ses yeux s’adaptent à l’obscurité. Si la vieille sorcière les avait menés dans un piège…

    Une porte s’ouvrit toutefois dans un craquement à l’arrière de la pièce, la pierre sur le côté extérieur montrant que, lorsque fermée, elle se camouflerait parfaitement dans le mur.

    — Fermez la porte derrière vous, lança Brigitte avant de disparaître par l’ouverture.

    — Hollis, siffla Mather. Prends l’arrière. Reste vigilant.

    Hollis se positionna à l’intérieur de la pièce pour laisser passer tout le monde. Mather suivit Brigitte, les muscles tendus par le désir de combattre. La pierre amortissait la plupart des sons, le laissant avec seulement le claquement éloigné des chaussures montant les escaliers. Il se précipita derrière elle, espérant mettre assez de distance entre lui et son groupe afin de pouvoir leur donner un avertissement, leur donnant suffisamment de temps pour retourner en bas si un piège les attendait vraiment en haut.

    Une fissure se forma dans sa détermination tandis qu’il se retrouvait seul dans cet espace sombre et étroit. Ça s’était passé si brusquement — l’homme, la confiance inattendue de Meira, son plaidoyer désespéré pour que Mather libère tout le monde. Et il avait accepté, seulement parce qu’il ne l’avait pas vue comme ça depuis des mois. Comme l’œil d’une tempête, terrifiante, brillante et sévère.

    La cage d’escalier donna sur un couloir. Un autre corridor mena à un autre escalier et au sommet, les pas de Brigitte s’arrêtèrent. Du métal tinta, délicat et clair — des clés. Mather attendit quelques pas plus bas, se préparant à des soldats, des flèches… Angra.

    Il serra et desserra les mains, les fixant aveuglément dans la noirceur. Il avait lui-même tué Angra. Il avait brisé le conduit du roi dérangé sur le sol d’Abril et avait vu son corps disparaître.

    Qu’est-ce que ça lui avait vraiment fait ?

    Brigitte ouvrit une porte. Mather força ses yeux à s’adapter, s’attardant assez longtemps pour que la lumière jaune révèle un peu de la pièce derrière : une carpette écarlate épaisse, une table basse, des murs bleus. Il n’y voyait aucun soldat.

    Brigitte entra et Mather la suivit, sur ses talons.

    — Grand-mère ! cria un enfant.

    Ils étaient dans une chambre remplie de meubles en acajou : une table avec des chaises, un large lit, quelques armoires placées entre des tapisseries couvrant le mur du plancher au plafond. Cette porte se trouvait derrière une telle tapisserie tandis qu’il y en avait deux autres fermées à d’autres points dans la pièce, non cachées.

    Brigitte était la mère de Jesse Donati, le roi ventrallien. Le roi Mather l’avait observé alors qu’il passait d’affaibli à furieux, encore et encore, tandis que sa femme prenait le contrôle de son royaume. Le roi, qui était maintenant assis sur une chaise capitonnée devant Mather, un enfant sur les genoux, un autre accroché à son bras comme si c’était une barrière derrière laquelle elle pouvait se cacher.

    Une troisième enfant, l’aînée, mais pas de beaucoup, avança d’un pas maladroit.

    — Grand-mère, dit-elle à nouveau, des larmes tombant sur son masque de dentelle.

    Brigitte caressa les boucles sombres de la fillette et jeta un regard par-dessus son épaule, vers Mather.

    — Je vous aiderai à partir, mais vous emmènerez mon fils et mes petits-enfants avec vous.

    Le roi ventrallien se leva. La fille qui s’était cachée derrière lui agrippa immédiatement sa jambe, et le garçon dans ses bras, âgé d’au plus un an, le fixait de ses grands yeux calmes sous un petit masque vert.

    Phil arriva à côté de Mather, et il sentit que le reste du Dégel se réunissait autour d’eux. Tout le temps passé à s’entraîner clandestinement à Jannuari avait fait en sorte qu’il connaissait chacun d’eux par cœur et il n’avait pas à regarder pour savoir que les doigts de Trace s’étaient refermés brusquement sur les gaines de ses couteaux vides ; Eli serra la mâchoire en imitant les regards noirs autour de lui ; Kiefer hésita à l’arrière, l’observant prudemment, prêt à aider ; et Hollis et Feige rôdaient, calmes, aux abords du groupe.

    C’était de Dendera, Conall et Nessa que Mather devait s’inquiéter. Dendera avait ses bras autour de Nessa, permettant à Conall de rester alerte, son visage gris et dur. Son frère était mort aussi inopinément qu’Alysson.

    Mather se détourna de lui. Il ne laisserait pas son propre chagrin prendre plus d’ampleur. Avec un peu de chance, Conall pourrait en garder le contrôle aussi.

    — Mère, dit Jesse, sa surprise palpable même sous son masque. Qui sont…

    — Avons-nous un accord ? demanda Brigitte à Mather.

    Mather plissa les yeux.

    — Vous nous sauvez ?

    Il n’avait à peu près aucune expérience avec les enfants, et il pouvait dire qu’il serait pratiquement impossible de sortir du palais.

    Quelqu’un dans son groupe avança. Mather s’attendait à ce que ce soit Dendera — c’était elle, qui, du groupe tout entier, était la plus douée avec des enfants, mais quand Mather se retourna, il cligna des yeux de surprise.

    Nessa fit face à Brigitte.

    — Bien sûr que nous avons un accord.

    Mather avait été sur le point de dire la même chose. Impossible ou pas, ils ne laisseraient pas d’enfants ici, sans défense. Ce qui avait étonné Mather était la facilité avec laquelle Nessa s’était avancée, se mettant à genoux devant la fille la plus vieille.

    — Bonjour, toi, dit-elle. Je suis Nessa. Et voici mon frère, Conall.

    Conall resta bouche bée lorsque sa sœur le pointa, mais il réussit tout de même à faire une petite révérence à la princesse.

    — Melania, dit la fille à Nessa, roulant son « l » d’une langue maladroite.

    Le sourire que Nessa lui fit était étonnamment doux pour une personne dont les yeux étaient aussi hantés.

    — Eh bien, Melania, est-ce que tu aimerais vivre une aventure ?

    Melania leva les yeux vers sa grand-mère. La sévérité de Brigitte fondit alors qu’elle sourit, puis Melania mit ses petits doigts dans la main tendue de Nessa.

    Les choses se produisirent rapidement après cet instant. Brigitte sortit des couvertures et d’autres maigres provisions de ses armoires ; Dendera et, encore plus surprenant, Hollis prirent l’initiative de convaincre les deux autres enfants de les suivre dans la même « aventure ».

    La pièce commença à bourdonner de mouvement, mais le roi ventrallien restait immobile devant sa chaise. Il ne tenait plus son fils, désormais. Le garçon était maintenant accroché à Hollis, mais il fixait le plancher, sa mâchoire serrée de férocité.

    — Je dois la rattraper, dit soudainement le roi, ses pensées ressemblant à celles, récurrentes, de Mather.

    Mather ramassa un poignard dans les effets, incertain de la façon de répondre. Personne d’autre ne dit un mot.

    — Votre femme s’est rangée du côté d’Angra, tenta-t-il. La libérer…

    — Je me fiche de Raelyn, lança le roi avec raideur, et quelque chose dans ses mots fit en sorte que Brigitte, de l’autre côté de la pièce, s’arrêta de plier une couverture.

    — Non. Je ne te laisserai pas te faire tuer pour…

    — Pour qui ? lança le roi à sa mère. Au fil des ans, tu lui as accolé plusieurs noms : inutile, nuisible, putain. Il semblerait cependant que ce soit Raelyn qui incarne le mieux ces attributs. Alors, ne me dis pas de ne pas aller retrouver Ceridwen.

    La chambre se fit silencieuse lorsque ces derniers mots furent prononcés. Mather sentit que ce nom faisait remonter en lui le souvenir des mots de Meira lorsqu’ils s’étaient séparés. Elle lui avait dit de sauver Ceridwen. Pourquoi le roi ventrallien se soucierait-il aussi de la princesse estivalienne ?

    Mais le visage du roi dit à Mather exactement pourquoi il s’en souciait.

    Les lèvres de Brigitte se pincèrent. Elle ne prononça pas un autre mot avant que son fils n’ait enlevé son masque vert foncé et ne l’ait dirigé vers elle.

    — Je ne pars pas avant que je ne casse ce masque et ne sauve Ceridwen.

    Mather fronça les sourcils.

    — Casser votre masque ?

    Le roi ne perdit pas un instant, comme s’il s’était répété cette explication plusieurs fois.

    — Casser son masque en présence de quelqu’un que vous rejetez est un acte de séparation permanente. C’est dire que vous en avez fini avec eux dans votre vie, au point où vous ne vous inquiétiez pas qu’ils voient votre vrai visage. Vous ne les verrez plus jamais, donc vos secrets ne sont plus rien entre leurs mains.

    Mather hocha la tête. Ce que le roi voulait faire importait peu, honnêtement. Si Jesse avait l’intention d’affronter sa femme et de sauver Ceridwen, Mather le suivrait, particulièrement si cela signifiait qu’il pourrait exécuter une des tâches que Meira lui avait confiées.

    — Tous les autres devraient s’échapper tandis qu’ils le peuvent, dit Mather en lançant cet ordre à son groupe. J’accompagnerai le roi à l’extérieur du palais. J’ai quelque chose à faire.

    — Tu nous quittes toi aussi ? cracha Kiefer.

    Mais Phil s’avança, les yeux sur Mather.

    — Il va trouver notre reine.

    Mather pencha la tête en guise de réponse. Il s’était attendu à davantage de protestation, mais la seule réaction qu’il reçut fut le silence, même de Kiefer. Ils comprenaient le sérieux de la situation de Meira — la façon dont elle était partie avec quelqu’un qu’aucun d’eux ne connaissait et le fait qu’elle pouvait, en ce moment même, être en train de lutter pour sa vie…

    Heureusement, Dendera continua là où il ne pouvait pas.

    — Ramène-la. Le reste d’entre nous mènera les enfants à un endroit sûr, dit-elle en haussant les épaules vers son Dégel, Nessa et Conall.

    « Et puis, quoi ? »

    Mather garda sa question pour lui parce qu’il connaissait trop bien les réponses. Ils devraient faire face à la prise de contrôle d’Hiver par Cordell et à ce qu’Angra faisait au monde, et de ramener Meira la mettrait au centre de ces conflits.

    C’était cependant la reine. Elle était sa reine. Quoi qu’elle voulût qu’Hiver fasse dans cette guerre en devenir, il obéirait, mais il ne la laisserait plus jamais faire face à quelque conflit que ce soit toute seule.

    Dendera se tourna vers Brigitte.

    — Comment partons-nous d’ici ?

    Brigitte eut visiblement besoin d’une grande force pour détourner les yeux de son fils et une fois que cela fut fait, elle passa une main le long de son propre masque comme pour s’assurer qu’il était toujours en place.

    — Il y a un autre passage, juste ici, dit-elle en se déplaçant vers une tapisserie différente.

    Mais comme Dendera s’approchait, Nessa posa une main sur son bras.

    — Où irons-nous ? chuchota-t-elle.

    Melania saisit les jupes de Nessa, se soudant à elle, puis Nessa se redressa.

    — Hiver n’est plus sûr.

    — Il y a un camp de réfugiés estivaliens, offrit Jesse, à un jour de course à cheval de l’endroit où la forêt Eldridge du Sud rencontre la rivière Langstone. Vous y serez en sécurité.

    — Parfait, dit Dendera, nous volerons quelques chevaux. Un chariot, peut-être, ou un bateau, et nous vous rencontrerons là-bas.

    Elle lança un regard à Mather signifiant que ce n’était pas une suggestion. Il se rendrait, avec Meira, à ce camp.

    Dendera prit la princesse dans ses bras alors que le roi offrait un dernier adieu à sa fille. Un baiser sur son front, puis un chacun pour son fils et son autre fille, rapidement, comme s’il ne se faisait pas confiance pour s’attarder sur des adieux. Quand il se détourna, ses yeux étaient injectés de sang, des larmes s’y accrochant — il y avait de la douleur sur son visage, mais aussi de la détermination.

    Le roi fit face à Brigitte, mais elle regardait Mather maintenant.

    — Descendez par le chemin que nous avons pris pour venir ici, lui dit-elle. Au deuxième palier, tournez à gauche. Là se trouve une porte qui vous mènera au hall principal.

    — Merci, dit Mather alors que Dendera, Nessa et Conall commençaient à disparaître dans l’autre passage.

    Hollis tenait le prince ventrallien et son visage était impassible, comme celui de Feige, parce qu’ils savaient qu’ils devaient suivre Dendera. Le reste du Dégel s’attardait, lançant des regards incertains à Mather. Il les aurait pris sans hésitation, s’il n’avait pas eu à voyager rapidement, encore plus que lorsqu’ils avaient voyagé ici depuis Hiver. De plus, les enfants avaient besoin de toute la protection possible — du groupe, seule Dendera s’était déjà vraiment battue, quoique Conall semblait aussi mortel que n’importe quel autre soldat que Mather avait vu.

    Mather ressentait toujours un pincement de réticence. Il se sentait plus fort avec son Dégel. Plus complet.

    Hollis brisa l’incertitude du Dégel avec un grognement.

    — Nous ne serons pas battus, dit-il.

    C’était une déclaration calme : le même serment que celui de leur formation.

    Mather sourit.

    — Nous ne serons pas battus.

    Hollis et Feige bougèrent, avec Eli se rapprochant pour convaincre son frère. Kiefer le suivit avec des gestes saccadés, plongeant dans le nouveau passage, le visage sombre et les épaules voûtées.

    Trace hésita, retenant son souffle comme s’il avait des questions toutes prêtes à être posées, mais il se contenta de hausser les épaules.

    — Nous ferons la course pour voir qui arrive en premier au camp, le taquina-t-il avec une esquisse de sourire.

    Il ne restait que Phil, immobile.

    — Vas-y, lui dit Mather. Les autres ont besoin de toi.

    Phil leva un sourcil en guise de défi.

    — Désolé, ex-roi, tu es pris avec moi.

    — Phil, je suis sérieux.

    La façon dont Phil le regarda ne cachait rien de son désaccord.

    — Nous sommes une équipe dans tout cela. Nous tous. Et si l’un d’entre nous se sépare du reste, il n’ira pas seul.

    La tête de Feige sortit du passage où elle avait suivi.

    — Ou l’une d’entre nous.

    Phil sourit.

    — Ou l’une d’entre nous. Ce que je dis, c’est que je viens avec toi.

    Son sourire était contagieux, sa confiance, déterminée.

    Mather s’adoucit.

    En vérité, il était soulagé de ne pas être seul.

    Quelques instants plus tard, la porte du nouveau passage se ferma d’un bruit sourd et doux, laissant Mather seul avec Jesse, Phil et Brigitte.

    Brigitte se recroquevilla sur une chaise, sa bouche ridée se pinçant. Jesse avança vers elle alors que Mather allait vers le premier passage. Il fit signe à Phil de passer, puis hésita.

    — Merci, dit Jesse à sa mère.

    Brigitte haussa les épaules.

    — Vas-y. Raelyn remarquera bientôt que je vous ai fait déplacer à mes appartements.

    Le roi serra l’épaule de sa mère de ses doigts en exerçant une pression délicate. Finalement, elle leva les yeux vers lui, le gris de ses yeux se dissipant dans ses larmes.

    — Vas-y, soupira-t-elle. Ça ira.

    La gorge de Mather se serra, puis il détourna le regard, ses yeux le piquant.

    Jesse se faufila dans le passage devant Mather.

    Brigitte ajusta sa robe et accrocha ses yeux à la porte que Raelyn ne tarderait pas à franchir avec une vengeance aussi dure que celle qu’elle avait réservée au roi estivalien. Mather n’avait vu que la fin de ce combat, l’instant où le cou du roi estivalien s’était brisé, mais cela avait été suffisant pour confirmer que Raelyn n’avait fait preuve d’aucune pitié.

    Mather s’engouffra dans la cage d’escalier en refermant la porte derrière lui. Le verrou cliqua.

    Il ne pouvait revenir en arrière, maintenant. Ni lui ni aucun d’entre eux.

    3

    Ceridwen

    L’intérieur du chariot de bordel de Simon était imprégné d’odeurs de sueur et d’encens de plumeria. L’air était chargé de fumée qui n’avait pas été correctement aérée et le plancher couvert de coussins de soie et d’édredons de satin. Ceridwen n’était jamais entrée dans l’un des chariots de son frère, malgré ses demandes répétées pour qu’elle soit une « vraie Estivalienne » en se joignant à ses exploits. Elle était maintenant là, le menton appuyé contre ses genoux, et tout ce qu’elle pouvait entendre étaient les réprimandes taquines qu’elle détestait depuis si longtemps.

    Ainsi que le bruit sec qu’avait fait le

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