CONTE DE NOËL “La triomphante”
1 Elle a eu si mal que la douleur s’est annulée, éteinte d’un coup. Il lui est impossible d’esquisser un geste, elle ose à peine respirer. Des images de sa vie défilent derrière ses paupières closes, Divine pense être morte ou pas loin. On dit que c’est ainsi quand on va mourir. On revoit tout ce qu’on a vécu, en accéléré. On ne porte sur tout cela aucun jugement, car on n’est déjà plus de ce monde. On est détaché de soi, on s’en fout pas mal, on ne désire rien. Dans la rue, les haut-parleurs fixés aux murs des immeubles par la mairie braillent des chants de Noël. C’est au moins la quinzième fois qu’elle entend ce qui lui donne l’impression que quelqu’un, quelque part, se paie sa tête. Elle n’a ni l’envie ni la force de se lamenter sur son sort. Tout ce qu’elle se dit, c’est qu’elle l’a bien cherché. C’est sa faute si son corps est échoué là, dans la remise de son petit restaurant. C’est sa faute parce qu’elle a toujours mal placé son amour, choisi des hommes pour leurs failles, leurs fragilités. Elle ne les a aimés que pour ce qu’ils étaient, se souciant peu de ce qu’ils possédaient ou non. Elle aurait bien assez pour deux, assez d’espace, assez à manger, assez de ce qu’il faut pour vivre décemment. Mais rares sont les hommes capables de se laisser aimer quand ils n’ont pas les moyens
Vous lisez un aperçu, inscrivez-vous pour lire la suite.
Démarrez vos 30 jours gratuits