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Keldor Tome 2: La renaissance
Keldor Tome 2: La renaissance
Keldor Tome 2: La renaissance
Livre électronique457 pages6 heures

Keldor Tome 2: La renaissance

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À propos de ce livre électronique

Tandis que Glodaar réussit finalement à percer le sombre secret de Jayras, Garin et ses vaillants guerriers parcourent les terres de l’Est, à l’affût du moindre indice leur permettant de retrouver la trace du cadet des princes. Aidés par une mystérieuse jeune femme, les Keldoriens s’apprêtent à affronter un ennemi bien plus puissant que les drents.

De la ville de Kahl à la forteresse d’Eowang, ils foulent le sol beldarien, entretenant l’espoir de tirer Mennderik hors des griffes de leur ennemi.

Le retrouveront-ils avant que Jayras n’étende son emprise sur le jeune héritier ?
LangueFrançais
Date de sortie12 août 2020
ISBN9782897753511
Keldor Tome 2: La renaissance

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    Aperçu du livre

    Keldor Tome 2 - Bruno Mercille

    Keldor

    La renaissance

    Bruno Mercille

    Prologue

    C

    ’était un de ces après-midi automnaux durant lesquels il faisait bon vivre à Keldor. Le ciel d’un bleu immaculé était totalement dégarni de sa blancheur opaque occasionnelle. Le soleil brillait avec aplomb et sa chaleur venait compenser la fraicheur de l’air préhivernal qui sévissait depuis peu.

    Au château, le peuple de Keldor se préparait lentement mais sûrement à affronter une autre saison blanche tenace. Les récoltes des champs avaient été plus qu’abondantes, comme à l’accoutumée. La réserve de grains et de céréales était suffisante au point où les habitants pourraient subvenir à leurs besoins jusqu’à la fin du prochain printemps. Les troupeaux de bétail étaient cloisonnés et chaque animal soutiendrait la satiété du bon peuple.

    Les soldats de la garde royale ne se consacraient pas aux tâches provisoires. Pour eux, les saisons s’enchainaient et elles étaient presque toutes similaires. À l’exception de quelques variations des stratégies de guerre, leur préparation était quasi identique l’été comme l’hiver.

    Garin, l’ainé de la descendance de Daryuk, faisait son chemin subtilement et était sur le point de rejoindre le monde des hommes. Chevelure brunâtre et yeux couleur noisette, il était de loin le plus grand et le plus costaud de sa génération, et ce, malgré le fait qu’il venait de célébrer son quatorzième anniversaire.

    Garin avait toujours été attiré par la robustesse et les jeux de bousculade avec ses cousins et amis. Pour cette raison, il avait commencé très tôt à imiter les soldats de la garde royale et il avait tissé des liens étroits avec Fraygor, premier digne guerrier de Keldor. Dès qu’il en avait l’occasion, le jeune prince courait à toutes jambes pour aller rejoindre son lieu d’apprentissage.

    Les hommes de Fraygor servaient Keldor avec loyauté depuis de nombreuses décennies. Pour atteindre leur inégalé niveau de perfection, ces soldats avaient jadis adopté une rigueur et une éthique de travail sans reproche face à l’entrainement. Le militarisme était pour eux une façon de vivre.

    S’ils mettaient l’accent sur la défense du royaume, soit le fait premier de protéger la famille de Daryuk, les héritiers, de surcroit, venaient en tête de liste. C’était entre autres pour cette raison que Fraygor accepta de devenir le mentor militaire de Garin malgré son jeune âge.

    Plus le grand guerrier passait de temps avec l’ainé des princes, plus ce dernier était en sécurité. De plus, ce serait un jour à son tour de commander les troupes de Keldor si besoin était. Toutes les raisons étaient réunies pour prendre en charge le futur roi.

    Lors de chaque séance d’entrainement que Garin tenait avec Fraygor, le maitre insistait toujours sur la résistance et la résilience. Le jeune prince bénéficiait d’une constitution hors-norme. Déjà à l’adolescence, il était en mesure de suivre la cadence dictée par les soldats de la garde royale. Fraygor voulait exploiter cette facette de son protégé, mais avant tout, il devait lui enseigner à ne jamais abandonner, à toujours continuer à lutter pour sauver sa vie et celle de ses éventuels compères.

    Garin et Fraygor s’adonnaient à l’entrainement à l’épée et pour ne pas risquer de blesser le prince, tous deux utilisaient des bâtons contondants en guise d’équipement. Les armes étaient recouvertes d’acier pour simuler le poids d’une lame réelle.

    Les soldats peaufinaient leur art non loin de là et jetaient un œil de temps en temps en direction du jeune gaillard pour voir comment il se débrouillait face à son maitre. Drogor, l’un des guerriers les plus expérimentés de la garde royale, en faisait de même. L’imposant combattant aux cheveux noirs à peine frisés et aux iris marron laissait paraitre un léger sourire de satisfaction durant la séance.

    Alors que Garin se sentait plus qu’à l’aise dans son entrainement, Fraygor fit un clin d’œil à Drogor, et ce, à l’insu du jeune homme. En l’espace d’un vif coup de vent, un soldat de la garnison accompagné de Drogor bondit sur le prince et tenta de le maitriser pour lui donner du fil à retordre.

    Ils l’empoignèrent par les bras et la taille tout en s’assurant de gêner ses mouvements. Garin, stupéfait par la tournure de la situation, en laissa tomber son bâton par mégarde. Ayant été pris par surprise, l’héritier ne savait plus comment réagir.

    — Mais que faites-vous ? Lâchez-moi ! s’écria Garin. Ne voyez-vous donc pas que je suis en plein combat contre Fraygor ?

    Les gardes firent fi du commandement du jeune homme et maintinrent leur emprise. Le maitre se tenait bien droit et observait la réaction du prince de ses yeux verts. À l’aide du revers de la main, il dégagea de son visage les multiples tresses de couleur châtaine.

    — Qu’allez-vous faire Monseigneur ? interrogea-t-il. Allez-vous les laisser vous engourdir ? Qu’en serait-il s’ils étaient des drents ? Succomberiez-vous dans la peur ?

    — Les drents ? questionna Garin tout en essayant de se défaire de la domination des gardes.

    Fraygor s’était toujours gardé de parler de cette race d’humanoïdes à son protégé. Le temps était toutefois venu pour le jeune novice d’en apprendre davantage sur ses éventuels ennemis.

    — Oui, les drents, répondit le maitre guerrier. Ces abominables bipèdes, mi-hommes, mi-loups, qui font trois têtes de plus que vous et qui n’ont aucune pitié pour leurs adversaires. Vous les combattrez un jour et vous gouterez à leur ténacité.

    Avec un léger sourire amusé, Fraygor enchaina.

    — Pour le moment, vous ne faites face qu’à des humains et ils ne sont que deux, alors défendez-vous !

    Les deux soldats tirèrent profit de la force qu’ils avaient par rapport à Garin. Un nouveau défi se tenait devant le prince et il était hors de question de faire marche arrière. Voyant que ses assaillants ne lui laissaient aucune chance, le jeune homme prit une grande inspiration et commença à s’agiter de tout son corps.

    Une ouverture tout juste suffisante se créa dans la région de son épaule gauche et Garin en profita pour décocher un coup de coude qui alla se loger directement au cou d’un des soldats. Sous la force de l’impact, ce dernier lâcha prise et dans un réflexe instinctif, il porta ses deux mains à sa gorge pour tenter de calmer la douleur.

    Garin était fier de lui, mais le combat n’était pas encore terminé ! Drogor, toujours debout, prit position derrière le prince et resserra subitement sa prise autour de sa taille. Garin sentit une importante pression sur sa cage thoracique et il avait de la difficulté à remplir ses poumons d’air. Il lui était seulement possible de les gonfler à la moitié de leur capacité.

    Dans le feu de l’action, il savait qu’il ne pourrait résister indéfiniment à cet assaut. Le jeune prince était émerveillé par la force de Drogor, mais également prisonnier de la poigne de fer du soldat. L’imposant membre de la garde royale souleva Garin du sol et augmenta d’un cran son emprise sur sa victime.

    — Oh oh, voilà qui est intéressant, nota Fraygor. N’abandonnez jamais votre combat, jeune maitre. Chaque parcelle d’énergie qu’il vous reste doit être canalisée pour vous sortir d’embarras. Vous êtes le digne descendant de Daryuk de Keldor. Quoiqu’il arrive, vous devez lutter pour votre vie. Servez-vous de vos jambes, enchaina-t-il.

    Voyant que le prince commençait à manquer d’air et de force, Drogor relâcha subtilement sa prise sur sa cible. Garin put enfin emplir ses poumons et après avoir fait le plein, il asséna une frappe de talon directement sur le tibia du soldat.

    Le coup était vif, sec et aussitôt l’impact réalisé, l’homme tomba à genoux, relâchant sa prise et libérant Garin. Le choc n’était pas assez violent pour causer une fracture de l’os, mais l’était tout de même assez pour créer une vive douleur à la jambe de Drogor.

    — Précisément ! s’exclama Fraygor. C’est exactement ce que vous devez faire !

    Au même moment, Garin reprit son bâton et vint le positionner sous la gorge de l’homme au tibia amoché.

    — Rendez-vous ! s’écria le prince, à bout de souffle. Abandonnez et je ne dirai rien de tout ceci à vos camarades.

    — Ne soyez pas arrogant lorsque vous vainquez votre adversaire, jeune maitre, affirma Fraygor. Restez toujours humble, dans la défaite comme dans la victoire. Ce genre d’attitude a mené bon nombre d’hommes à leur perte.

    — Compris Fraygor, acquiesça le prince. Je suis désolé.

    Dans un geste noble, Garin tendit la main à Drogor et l’aida à se relever. Il alla ensuite s’informer de l’état de santé du premier soldat à avoir lâché prise.

    — Allez-vous bien, monsieur ? demanda Garin.

    — Ne vous en faites pas Monseigneur, répondit l’homme au cou meurtri. Ce n’est qu’une ecchymose. Je m’en remettrai.

    — Ce sera tout pour aujourd’hui, Garin, déclara Fraygor. Vous vous êtes bien débrouillé et je suis fier de vous. Vous serez un grand guerrier avant longtemps.

    — Merci, Fraygor, on se voit demain !

    Lors de chaque séance d’entrainement, au début et à la fin, Garin effectuait le traditionnel salut des soldats de Keldor. Malgré son jeune âge, Garin adorait exécuter le keldorin. Ce geste symbolique le rapprochait toujours un peu plus des gardes et de son éventuel rôle de souverain. L’héritier honora donc les hommes et se dirigea, le torse bombé, vers l’extérieur du château pour aller se reposer paisiblement.

    De son côté, Mennderik, jeune frère de Garin, n’était pas du tout attiré par le combat. Bien qu’il n’était qu’un gamin qui allait souffler ses huit bougies sous peu, il préférait de loin s’amuser, rôder près de la cuisine et courir dans les bois entourant le château.

    Mennderik n’avait pas la robustesse de son frère, son corps frêle indiquant une certaine fragilité. Ses cheveux lisses d’un brun miroité jumelés à ses yeux verts lui portaient quelques ressemblances avec ses cousines, Amalie et Milania. Sur le plan de la forme physique et de la constitution, il avait plutôt hérité de la génétique de sa défunte mère, la reine Glaella. Bien qu’il ne l’avait jamais connue, tous voyaient en lui celle qui lui avait donné la vie.

    L’activité favorite du jeune prince était sans nul doute de passer son temps dans la cuisine du château à s’imprégner des odeurs qui émanaient des marmites. Quand ce n’était pas l’arôme du ragoût assaisonné de fines herbes, c’était le doux parfum du pain fraichement sorti du four à bois ancestral qui faisait vibrer ses petites voies nasales.

    Les chefs avaient l’habitude de voir Mennderik trainer dans la place et ils trouvaient divertissant le fait de lui tenir compagnie pendant leur labeur. Lorsque les miches étaient prêtes, ils en réservaient toujours une pour le prince. Allaient-ils la lui remettre sans effort ? Bien sûr que non. Il devait la mériter ! À tour de rôle, les cuisiniers se plaisaient à proposer une énigme en échange d’une pièce de pain bien chaud.

    — Je suis ardu à trouver et souvent encore plus pénible à conserver, dit Colbert, l’un des chefs apprentis.

    — Euh, hum, hésita Mennderik. Je ne sais pas.

    — Je cesse d’être dès l’instant où l’on me découvre. Qui suis-je ? ajouta le cuisinier, amusé.

    — Elle est difficile votre énigme aujourd’hui ! répliqua Mennderik.

    Les sourcils froncés, le regard pensif, les yeux immobiles… Les signes étaient nombreux sur le visage du jeune héritier. Il ne voulait pas s’avouer vaincu, même s’il l’était. Il s’avança avec ruse devant le cuisinier et lui afficha son plus beau sourire empreint de malice.

    — Un indice, un indice ?

    — D’accord, répondit Colbert. Je peux être léger comme une plume flottant au gré du vent ou immensément lourd telle une pierre au fond de l’abime. Je peux être facile à porter tout comme je peux être un fardeau à trainer.

    Mennderik prit quelques instants pour réfléchir pour finalement abandonner, l’air désappointé.

    — Je ne sais pas, dit-il en haussant faiblement les épaules à quelques occasions.

    — Le secret, dévoila le cuistot, c’est le secret ! Ne l’oubliez jamais, jeune maitre.

    Mennderik tourna les talons avec l’idée d’aller s’amuser dans les bois quand le chef mit la main sur son épaule.

    — Ne désespérez pas, petit seigneur, expliqua l’homme au ventre bien rond. Un esprit affuté vaut parfois mieux qu’un bras bien musclé ! Tenez, prenez ceci pour votre effort.

    Il tendit une miche de pain bien chaude et moelleuse au prince qui afficha instantanément un large sourire sur son visage.

    — Merci, Colbert, répondit Mennderik tout en franchissant le seuil de la porte en maintenant fermement le fruit de ses efforts entre ses petites mains souillées.

    Il s’arrêta quelques pas plus loin, à l’orée des bois, et s’assit sur le sol afin d’y déguster son bien. Le vent faisait valser les vieux arbres qui bordaient le château et dont les racines avaient été enterrées il y a de cela près de trois cents ans. Des bribes de brise venaient entremêler la tignasse bien crasseuse du jeune homme. Après avoir englouti sa récompense, il se laissa choir sur le dos, profitant ainsi du superbe spectacle que le ciel lui offrait.

    Le soleil perçait les ramures colorées de l’automne tandis que les teintes flamboyantes des variétés de feuilles se multipliaient à perte de vue. Chaque coup de vent qui freinait sa course sur le visage de Mennderik transportait une réconfortante odeur de paysage en mutation. Une pluie de feuilles prêtes à recouvrir la terre déferlait devant ses yeux. Le jeune héritier se mit à rouler sur le sol humide, attirant avec lui des amas de végétaux qui lui tapissaient le corps. Si c’était ça la vie d’un prince, Mennderik voudrait que ce moment soit éternel et qu’elle en soit ainsi faite.

    « Que serait une journée idéale sans une promenade dans les bois ? » songea-t-il.

    En moins de deux, il bondit sur ses pieds et fixa du regard les sentiers forestiers. Tout juste avant d’entamer sa course, il entendit une voix lointaine l’appeler.

    — Mennderik, attends-moi !

    C’était Garin, son grand frère.

    — Tu connais très bien les règles. Notre père nous interdit de nous promener seuls dans les bois.

    — Je sais, répondit Mennderik, la mine basse. Que veux-tu qu’il m’arrive, nous sommes tout près du château. Ne sommes-nous pas en sécurité ?

    — Oui, nous le sommes, rétorqua le gaillard. Laisse-moi tout de même t’accompagner. Voyons qui de nous deux est le plus rapide !

    Sans avertissement et avec un sourire béat imprimé sur le visage, il décampa vers les sentiers en s’assurant que son frangin relèverait le défi. Les deux héritiers couraient non loin l’un de l’autre dans les bois et le temps filait tel l’éclair par moments orageux.

    Garin se trémoussait devant son frère sachant que leurs deux entités se trouvaient à quelques enjambées. Ses oreilles captaient les sons environnants comme le lourd bruit du vent qui s’abattait sur les arbres centenaires. Les troncs meurtris par le temps craquant sans se briser, le chant des oiseaux, ainsi que les paroles, les rires et les cris de joie de Mennderik venaient également pimenter l’ambiance actuelle.

    L’ainé avait un net avantage concernant les capacités physiques et c’est pour quoi il laissait Mennderik le rattraper pour ensuite le distancer à nouveau. Ils enjambaient les racines qui sortaient du sol tout en essayant d’esquiver les feuilles mortes qui dégringolaient du haut des arbres. Ils étaient tellement habitués à courir dans les bois que leurs chevilles s’étaient endurcies, leur permettant de mettre les pieds sur des objets surélevés ou même dans de minuscules fosses sans en ressentir les contrecoups.

    Le costaud jeune homme était en transe, bercé par cette belle journée qui leur était offerte quand un sentiment particulier lui fit prendre conscience. Sa peau était redevenue humide. Bien qu’ils étaient dans les bois, l’air ambiant n’arrivait plus à assécher la sueur qui s’était accumulée sur son tissu corporel. S’arrêtant net, Garin s’aperçut que le vent avait cessé de souffler dans la région. Même les feuilles avaient stoppé leur chute. C’était soudainement le calme plat, plus un son était audible. Les arbres étaient redevenus immobiles tandis que les oiseaux s’étaient tus. Dans un sursaut spontané et en ouvrant grand les yeux, le gaillard avait compris qu’ils n’étaient plus seuls.

    — Mennderik ! s’exclama-t-il.

    Comme un prédateur l’aurait fait pour surprendre sa proie, Garin se retourna vivement en direction opposée. Il se rendit alors compte que son frère cadet avait de la compagnie.

    Un inconnu se tenait debout derrière Mennderik et le maintenait finement par les épaules. Le grand homme était tout de noir vêtu et son visage était masqué par l’ombre que lui procurait son capuchon. La cape qu’il arborait était imprimée d’un sigle qui était inconnu de Garin. Malgré sa bonne éducation, jamais il n’avait vu pareille image. Cet homme ne venait visiblement pas du royaume de Keldor. Garin s’avança rapidement pour prêter secours à son frère, immobile, mais il dut s’arrêter promptement lorsque leur assaillant sortit une fine lame qu’il pointa à la gorge de Mennderik.

    L’inconnu n’avait toujours pas prononcé un mot et Garin le vissait du regard sans broncher. Ses globes oculaires alternaient entre la partie ombragée de l’homme et le visage effrayé de Mennderik.

    — Qui êtes-vous, que voulez-vous ?

    L’homme ne broncha point.

    — Mennderik, est-ce que tu vas bien ?

    Son frère, glacé par la peur, ne répondit pas. Garin tenta tant bien que mal de se rapprocher furtivement, mais l’homme au visage ombragé se contenta de demeurer immobile derrière Mennderik.

    Garin réussit à ajuster sa position pour être en mesure de voir les détails de l’arme qui faisait pression sur la peau du jeune prince. Sa portion tranchante était d’une couleur rouge sang et sur le dessus était orné un serpent à la langue de vipère. Était-ce l’adrénaline, la peur ou quelque autre sentiment qui avait pris naissance dans le corps de Garin, mais il aurait juré avoir vu le reptile s’animer sur la lame affutée !

    Étant à une portée raisonnable de l’homme mystère, Garin serra les poings et se prépara à l’assaut. La majorité de son poids se trouvait sur le bout de ses pieds et il était prêt à bondir. Au moment où il allait se propulser sur son adversaire pour insérer une distance sécuritaire entre l’étrange lame et le cou de son frère, Mennderik ouvrit grands la bouche et les yeux.

    Quatre hommes arrivèrent rapidement derrière Garin à son insu et saisirent les bras de l’ainé pour l’empêcher d’atteindre sa cible. Dans un élan héroïque, le prince réussit à dégager son bras droit et il asséna un coup de poing en plein visage de l’un des hommes de main. La force de la frappe était telle qu’il en perdit conscience.

    Sans en rester là et en pivotant son corps vers l’arrière-droite, Garin put se défaire presque entièrement de sa prise et il brutalisa un autre de ses adversaires du fait d’un puissant coup de pied avant. L’individu tomba sur le sol, le souffle coupé par l’impact.

    Voyant qu’ils auraient de la difficulté à maitriser le jeune combattant, l’un des hommes dégaina son épée et vint la positionner tout juste sous la gorge de Garin de façon à sectionner son artère carotide en cas de besoin. Garin comprit qu’il ne pouvait rivaliser avec ses quatre adversaires. Il ouvrit les bras et pivota lentement vers son frère, tournant le dos à l’homme armé. Toujours avec la lame affutée de l’épée à la gorge, il s’agenouilla, le souffle court et la rage d’impuissance au cœur.

    L’individu qui avait fait connaissance avec la botte de Garin rejoignit le groupe tandis que celui au visage aplati reprenait lentement ses esprits. Les deux héritiers se fixaient du regard à cet instant alors que le monde autour d’eux parut s’arrêter. Les souvenirs de leur tendre enfance refirent surface et une fin tragique semblait imminente. Les yeux de Garin se remplirent d’eau à la simple idée de voir son frère se faire trancher la gorge.

    Alors que l’homme à l’épée amorça l’élan qui allait envoyer Garin rejoindre ses aïeux, Mennderik commença à ressentir une forte chaleur parcourir son enveloppe charnelle, comme si son sang avait atteint le point d’ébullition. Garin, qui ne quittait pas son cadet des yeux, constata alors que son langage corporel avait rapidement changé.

    Le regard de peur qui était apparent sur le visage de Mennderik avait fait place à l’incompréhension et le doute. Dans un mouvement d’une fluidité parfaite, le bourreau de l’ainé éleva ses bras vers le ciel, serrant fermement la poignée de son épée.

    Son plan, qui était de mettre le jeune prince hors d’état de nuire, allait enfin se concrétiser. Soudainement, le visage de Mennderik se tint d’une vive rougeur et un cri ahurissant sortit de sa bouche. De ses yeux, Garin aperçut une lueur grisâtre émaner de son frère telle une onde de choc. Ni Garin ni Mennderik ne comprirent ce qui venait de se passer.

    Quelques secondes s’écoulèrent et voyant que sa propre tête reposait toujours sur ses épaules, Garin regarda derrière lui, intrigué et effrayé à la fois. Il constata que le bourreau avait encore les mains levées bien haut dans les airs, mais quelque chose avait freiné son élan. Plutôt que d’entendre le son de la tête de Garin tomber et rouler au sol, celui d’un grommellement brisa le silence. L’homme ne bougeait plus, il était prisonnier dans le temps. Ni même sa gorge ou ses lèvres arrivaient à rompre l’inertie pour former un mot. Il ne pouvait que marmonner.

    À quelques pas de là, Mennderik observait la situation, incrédule. Il comprit alors que son frère et lui avaient une chance de s’enfuir. Du bout des doigts, il repoussa délicatement la lame rouge serpentée et l’éloigna de son cou. Stupéfait, Garin fit un bond rapide pour se dégager de sa fâcheuse position et se dirigea vers son frère pour lui prêter assistance.

    Au moment où Garin arriva à la hauteur de Mennderik, les deux princes s’empoignèrent la main et se préparèrent à prendre leurs jambes à leur cou pour rentrer hâtivement au château. Étant plus habile à la course, Garin était situé devant Mennderik et le tirait par le bras. Soudainement, le cadet freina brusquement en adoptant une position stable au sol avec ses pieds. En quelques enjambées, il rebroussa chemin et se rendit face à celui qui l’avait retenu en laisse, avant de le regarder attentivement. Garin rejoignit son frère et, sans même réfléchir, il repoussa de la main le capuchon de l’homme au visage ombragé.

    L’inconnu qui se tenait devant eux arborait des traits peu communs. Cheveux longs argentés, cicatrices multiples dans la figure, yeux d’un noir perçant, teint trop pâle et toujours immobile. Mennderik fixait sans relâche l’individu d’une façon intense et plutôt mystérieuse.

    Au moment de fuir les lieux, Mennderik aperçut un semblant de sourire se greffer au visage de l’homme aux cheveux d’argent, uniquement d’un coin de la bouche et en sautillant comme s’il lui était quasi impossible d’activer ses muscles faciaux. Les deux héritiers en avaient assez et prirent alors la fuite en direction du château pour raconter ce qui s’était passé à la garde royale.

    Après une course folle et effrénée, Garin et Mennderik arrivèrent finalement aux abords de l’édifice, exténués. Ils avaient l’impression qu’ils avaient filé à toute vitesse durant des heures tellement ils étaient épuisés, mais en réalité, seulement un quart de lieue séparait les deux emplacements. Ils pénétrèrent enfin dans l’enceinte du château et appelèrent à l’aide.

    — Fraygor, gardes ! s’écria Garin, haleté. Nous avons été attaqués !

    Un premier soldat vint sécuriser les héritiers. Voyant qu’ils ne plaisantaient pas, il les conduisit auprès de Fraygor.

    — Que s’est-il passé, Garin ? questionna-t-il.

    — Nous nous promenions dans la forêt près du château et nous avons été agressés par cinq hommes armés. Nous étions tout près du vieux chêne.

    Aussitôt les faits établis, Fraygor envoya une patrouille de soldats en direction des bois pour retracer les assaillants. Quatre cavaliers foulèrent le sol automnal du seuil du royaume et partirent à la chasse à l’homme. Quant à eux, les deux héritiers furent immédiatement reconduits dans leurs quartiers afin de se faire examiner.

    Voyant que le cadet des princes semblait évasif, le chef de la garde alla d’abord au chevet de Mennderik, qui venait de s’allonger sur son lit. Ce dernier était d’une habituelle joie de vivre, toujours souriant, jouissant de l’innocence pure d’un enfant. Mais pas cette fois. Il se contentait de quelques balbutiements et arborait un regard vide de sens. Ses paupières clignaient à peine et ses pupilles étaient anormalement plus volumineuses. Fraygor vint s’asseoir aux abords de son lit et mit une main sur le dos du gamin en guise de réconfort.

    — Que s’est-il passé dans les bois, Mennderik ?

    L’héritier maintint le silence et se contenta de se tourner sur le côté, les yeux creux. Ne voulant pas le bousculer outre mesure, Fraygor quitta la pièce et partit quérir de l’information auprès de Garin.

    En s’approchant des quartiers de l’ainé, il entendit des murmures de mécontentement raisonner aux quatre coins de l’endroit. Garin saurait lui fournir les renseignements dont il avait besoin pour mettre en lumière cette délicate situation. Fraygor arriva à la chambre du prince et s’aperçut que la porte était restée ouverte. Il s’installa tout près de l’arche et observa son protégé. Garin parcourait de long en large la suite royale dans laquelle il habitait. Le son des pas répétitifs qui émanait de ses talons laissait supposer à Fraygor qu’il n’était pas satisfait de la situation.

    — Monseigneur, est-ce que tout va bien ? demanda Fraygor.

    — Ah, Fraygor, c’est vous. Je ne vous ai pas entendu arriver. Tout comme je ne les ai pas entendus non plus. Je m’en veux tellement…

    — Racontez-moi ce qui s’est passé. Mes soldats ne tarderont pas à revenir avec les coupables de cette agression.

    — Mon frère et moi courions dans les bois quand un homme est sorti de nulle part et l’a capturé. J’ai essayé de l’en empêcher, mais il avait une lame pointée sur sa gorge.

    Garin prit une pause de quelques secondes durant laquelle Fraygor dénota toute la colère qui habitait le jeune héritier. Rarement il avait vu le fils du roi dans un tel état.

    — Poursuivez, je vous en prie, continua Fraygor.

    — Sur cette lame, il y avait… Non, ce n’est pas possible, j’ai dû rêver. Cela se peut-il, Fraygor ? questionna Garin.

    — Tout dépend de ce qu’il y avait sur son arme, altesse. Racontez-moi, car cela me semble vous tracasser au plus haut point. Dites-moi, qu’y avait-il de si dérangeant ?

    — Un serpent gravé sur la lame, ajouta Garin, dubitatif. Et il bougeait en plus ! Et sa cape… Qu’était cet emblème ? Je ne l’avais jamais remarqué auparavant.

    — Est-ce que ce symbole était rond et illustrait des montagnes enneigées ?

    — Comment le savez-vous ? interrogea Garin. L’avez-vous déjà vu ?

    — Parlez-moi de l’homme. À quoi ressemblait-il ?

    — Il avait des cheveux de couleur argent et de grands yeux noirs. Il avait plusieurs coupures au visage, mais il ne saignait pas. J’aurais bien aimé lui en ajouter une, affirma Garin en fronçant les sourcils.

    — Le nord… Mais que veulent les hommes du Nord ? se demanda Fraygor à voix basse.

    — C’est à ce moment que tout a basculé. C’est là que j’ai failli à ma tâche de protéger mon petit frère. Quatre individus sont arrivés et ont essayé de me capturer pour me détacher la tête du corps. J’ai réussi à en assommer deux, mais je ne pouvais rien contre leur épée. J’ai échoué. Pardonnez-moi Fraygor.

    L’homme aguerri s’avança, saisit Garin par les épaules et le fixa droit dans les yeux.

    — Vous n’avez pas failli, jeune combattant. Si c’était le cas, nous n’aurions pas cette discussion en ce moment. Au contraire, vous avez réussi à vous libérer et à ramener votre frère avec vous, en vie. Ne soyez pas trop sévère avec vous-même. Un jour, vous deviendrez un grand guerrier.

    Garin acquiesça de la tête.

    — Au fait, comment vous êtes-vous échappé si vous étiez sous l’emprise d’une épée ?

    — Ça, je ne sais pas, nota Garin, tout en haussant les épaules à de multiples reprises. Les hommes ont tous arrêté de bouger en même temps. J’ai remarqué que…

    — Quoi, qu’avez-vous vu ?

    — Le visage de Mennderik a changé de couleur et ses yeux ne parlaient plus, murmura-t-il. Puis, plus rien. Quand nous avons constaté qu’ils étaient tous immobiles, nous nous sommes enfuis.

    — Reposez-vous, Votre Altesse, poursuivit Fraygor. Je vais aller démêler tout ça.

    — Si seulement j’étais plus fort…

    — Ne vous en faites pas, ajouta-t-il en lui tapotant l’épaule gauche en guise de félicitations. Demain, nous reprendrons l’entrainement.

    Sur ces paroles encourageantes, Fraygor quitta les quartiers du prince. Durant ce temps, le groupe de cavaliers s’affairait à retrouver les assaillants afin qu’ils répondent de leurs actes. Fraygor avait été très clair. Personne ne touche aux héritiers. Pour cette raison, revenir bredouilles n’était pas une option pour les gardes.

    Ces derniers étaient d’excellents pisteurs, car ils chassaient avec Fraygor depuis de nombreuses années. En plus de connaitre les environs de fond en comble, c’était une question de temps avant qu’ils découvrent la scène du crime. Selon la brève et rudimentaire description que Garin leur avait fournie, l’endroit où devaient se trouver les individus se situait à quelques foulées de cheval. Arrivés près du vieux chêne, ils remarquèrent que les cinq hommes avaient quitté les lieux. Étant habitués à pister leurs proies à la chasse, les cavaliers descendirent de leur monture et commencèrent à inspecter les environs. Ils désiraient à tout prix retrouver ceux qui avaient voulu s’en prendre aux héritiers.

    Les scènes de combat laissaient généralement des traces, surtout à l’automne où la terre humide était recouverte d’un épais matelas de feuilles ayant déserté les hautes branches. Ce devait être une formalité pour les quatre cavaliers que de faire parler le sol afin de retrouver les assaillants. Pourtant, aucun indice ne laissait croire qu’une telle situation s’était produite dans les environs. La verdure était normalement épandue, soulevant maints questionnements.

    Les soldats de la garde royale étaient débrouillards et dévoués à leur cause, mais n’arrivaient pas à retrouver l’emplacement de la scène. Faisant preuve de persévérance, ils décidèrent de scruter les environs de façon plus large. Toujours aucun signe de combat. Même les traces laissées par les deux princes courant dans la forêt étaient imperceptibles à l’œil nu. Les feuilles qui avaient été déplacées durant l’agression ainsi que les empreintes de pas dans la terre humide avaient complètement disparu, comme si cette histoire avait été inventée de toutes pièces. Quelques heures plus tard, le groupe de guerriers revint bredouille, sans même retrouver ni les coupables ni l’emplacement de la scène.

    Fraygor fit quérir les cavaliers pour qu’ils leur fassent part du résultat de leur recherche. Une fois le keldorin effectué, les soldats racontèrent tout dans les moindres détails.

    — Nous avons inspecté toute la région de fond en comble et nous n’avons trouvé aucun signe de lutte, répondit l’un des soldats.

    — Le sol était étrangement normal, surenchérit un autre combattant. Aucune trace de pas d’individus. Pas même d’animaux ! Le secteur était comme si personne ne s’y était aventuré depuis des lustres. Nous avons fouillé, encore et encore, mais en vain.

    — C’est bien ce que je craignais, annonça Fraygor à voix basse et en abaissant la tête.

    Sur un ton ferme et en fixant ses hommes directement dans les yeux, il conclut la conversation.

    — À partir de maintenant, les princes devront être accompagnés s’ils sortent du château. Nous ne pouvons nous permettre que cette situation se reproduise.

    — Oui, Fraygor, répondirent à l’unisson les quatre cavaliers. Nous aviserons vos soldats et tel en sera fait.

    Les guerriers saluèrent Fraygor à la manière de Keldor et prirent le chemin de la garnison. Fraygor se retourna, perplexe. En portant sa main au menton, il se questionna concernant les intentions de ces mystérieux individus.

    Ne voulant pas semer de doute dans la tête de ses soldats, il garda sa réflexion pour lui tout en sachant fort bien que le temps n’avait pas effacé les traces imprégnées dans le sol. Les hommes du royaume des Pics avaient fait du bon boulot pour camoufler la scène. De l’excellent travail même.

    De leur côté, dès que les princes eurent recouvré leurs esprits, Garin fit la promesse solennelle de ne plus jamais laisser quelqu’un s’attaquer à son frère. Il reprit alors son entrainement pour devenir encore plus fort et plus rapide que jamais. Quant à Mennderik, il investit la majeure partie de son temps à la bibliothèque du château dans le but de tenter de comprendre ce qui s’était passé. D’où venait cette chaleur ? Qu’était donc cette lueur qui paralysa les hommes et permit leur fuite et leur salut ?

    Chapitre premier

    Vers le col

    A

    lors qu’il entamait seulement sa deuxième journée à la suite de son miraculeux réveil, Glodaar était très heureux de sillonner les routes du royaume à nouveau. Accompagné du jeune soldat Dweric, l’enchanteur faisait son chemin vers l’est, dans le but de franchir le col d’Unederi.

    Les trois semaines qu’il venait de passer dans un sommeil comateux avaient laissé des séquelles chez le vieil homme. Le temps était dorénavant à la rémission et Glodaar tentait tant bien que mal de recouvrer ses souvenirs perdus en raison de la surutilisation de ses pouvoirs. À l’occasion, l’enchanteur puisait dans ses mémoires. Lorsqu’il s’exécutait, une multitude de plis ondulés étaient perceptibles sur son front.

    Sa longue chevelure cendrée était laissée à elle-même, si bien qu’il ne s’en préoccupait que très rarement. Pour cette raison, le Keldorien paraissait souvent désordonné. Par contre, ses yeux, bordés par d’épais sourcils grisonnants, attiraient davantage l’attention. Ses iris anormalement volumineux étaient teintés d’un noir profond et lui conféraient cette capacité d’absorber les gens d’un simple regard.

    Sa peau était empreinte d’une multitude

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