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Keldor: La succession
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Livre électronique362 pages5 heures

Keldor: La succession

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À propos de ce livre électronique

En ce jour de l’an de grâce 567 de la 7e ère, Daryuk, roi légitime de Keldor, tire sa révérence après un règne long et prospère. Tandis que le banquet du couronnement de l’un de ses deux fils est sur le point de commencer, une menace grandissante se masse aux confins du royaume. Les drents, jadis tenus à distance par les cavaliers de la garde royale, descendent des montagnes à l’est et forcent la ville de Tian à sonner l’alarme.

Au moment de céder sa couronne, Daryuk monte sur le podium pour saluer ses fidèles sujets lorsqu’un vieil homme sort des coulisses promptement et s’effondre à ses pieds. Le ciel s’obscurcit, laissant présager que le changement de garde amènera son lot d’ennuis sur le royaume.
LangueFrançais
Date de sortie23 sept. 2019
ISBN9782897752750
Keldor: La succession

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    Aperçu du livre

    Keldor - Bruno Mercille

    Prologue

    Le royaume de Keldor suivait le cours que le temps lui imposait. Le chaos était sur le point de régner et c’était à l’an 237 de la 6e ère que Derik, roi incontesté de Keldor, prit la décision d’en conclure avec le mal. Il n’avait pas vraiment le choix, les armées du Nord étant massées aux confins territoriaux.

    Derik était un monarque de nature pacifique, pour qui la guerre était une solution de dernier recours. Il était toujours parvenu à maintenir l’harmonie dans son royaume grâce au dialogue et au partage. Voilà pourtant de multiples lunes déjà que les conflits avaient remplacé le calme qui régnait dans son domaine.

    Jusque lors, les terres de Keldor étaient immensément riches de ressources, ce qui faisait l’envie des belligérants venus du Nord. Le peuple libre de Keldor vivait en parfaite harmonie et tous contribuaient à la pérennité du royaume. La famille royale chérissait son peuple avant tout et refusait catégoriquement que ses habitants souffrent d’un quelconque mal, que ce soit d’un simple inconfort ou encore d’une famine extrême.

    La relation que les Keldoriens entretenaient avec la nature et la terre était singulière. Conscients que sans elle, ils ne seraient rien, les citoyens du royaume faisaient de l’agriculture un art passionnel. Tout était planifié et chaque coup de bêche avait son importance.

    Les quatre villes et villages formant le splendide royaume de Keldor avaient chacun leur rôle à jouer. Au sud, le village portuaire de Garund s’acquittait des tâches maritimes. Les quelques navires de pêche respectaient avec véhémence les produits de la mer. Chaque prise devait servir à nourrir les habitants de Keldor et lorsque les réserves étaient saturées, les marins restaient au port.

    À l’est, la ville de Tian était la fière gardienne des montagnes. Quiconque voulait s’aventurer au col d’Unederi devait préalablement transiter par Tian. Les soldats du royaume de Keldor y avaient établi une base stratégique dans le but de mieux contrôler les allées et venues de par les montagnes.

    Malgré l’étendue de la ville, peu de Keldoriens habitaient à Tian en raison du microclimat local qui sévissait dans la région. Le col d’Unederi amenait régulièrement de grandes quantités de précipitations et la position géographique de la ville par rapport à la montagne faisait en sorte que le soleil brillait de ses chauds rayons quelques heures par jour seulement. Néanmoins, les habitants de Tian étaient des gens coriaces et il était impensable pour eux de quitter cet endroit. Même les hivers les plus rudes ne venaient jamais à bout de ces inexorables et fiers citoyens.

    Finalement, le Nord était bordé par la cité de Maaken, qui avait pour rôle principal de fournir le bétail et les végétaux nécessaires aux habitants du royaume. Son emplacement géographique était propice à l’agriculture, car les courants marins provoqués par la mer de Keldor et la mer des Vents apportaient chaleur et pluie sur les terres riveraines.

    Maaken était le fief de Keldor. Si le royaume était aussi prospère, c’était en grande partie grâce à la puissance économique de la cité. D’innombrables terres cultivables ornaient la région nordique tandis que les abondants troupeaux de bêtes erraient candidement dans les pacages. De nombreux convois de marchands allaient et venaient afin de distribuer les vivres et fournitures à travers le royaume.

    Le prince Eraomyr, fils ainé du roi, avait pour tâche primordiale de coordonner ce fabuleux système de partage mis en place par son aïeul. Il parcourait fréquemment les routes du royaume escorté par sa garde rapprochée. Croisant une multitude de paysans, marchands et soldats sur son chemin, tous le saluaient et le glorifiaient à la fois.

    Le prince avait à l’occasion d’étranges comportements, allant de réactions subites, impulsives et habituellement inexpliquées. De temps à autre, une perturbation climatique telle une bourrasque subite ou une averse intense empirait la situation. Ces errements survenaient généralement après une courte, mais intense période de réflexion cérébrale ou encore un effort physique digne de mention. Lui-même ne comprenait jamais ce qui se passait lorsqu’il en découlait de la sorte, mais il ne s’en faisait pas outre mesure.

    Ces agissements tombaient toutefois rapidement dans l’oubli, car l’image du valeureux guerrier prédominait sur ces biscornus écarts. En effet, Eraomyr avait été le premier descendant de la lignée royale à vaincre un drent lors d’un combat rapproché. C’était non sans peine qu’il était parvenu à enfoncer la lame affutée de son épée directement dans le cœur de son ennemi.

    Pourtant pas très costaud, le prince avait fait preuve d’une inaccoutumée habileté, qu’il ignorait lui-même. Les mestres du royaume attribuaient cette subite dextérité à un enchantement quelconque. Certains racontaient même qu’Eraomyr possédait le talent rarissime d’utiliser sa pensée afin de contrôler la matière physique. Ainsi, il se serait servi de son potentiel psychique pour guider son bras contre ce drent.

    Le calme habituel du royaume était tel que les marchands qui sillonnaient les chemins reliant les différentes villes et les villages avaient l’esprit apaisé. Aucun brigand ne s’attaquait aux passants, qu’ils soient à pied ou en charrette.

    Des airs joyeux étaient mélodieusement interprétés par les ménestrels de partout au royaume de Keldor. Lorsque venait le crépuscule, des masses d’habitants se regroupaient dans les auberges pour les écouter raconter les légendes d’autrefois. À l’aube, tous reprenaient leurs besognes dans l’allégresse et la bonne humeur.

    Quoique l’harmonie s’était emparée du royaume, de plus en plus de conflits armés survenaient à ses frontières. La majorité de ces oppositions mettaient en scène les hommes du Nord qui venaient s’aventurer sur les terres prospères de Keldor.

    Les habitants du royaume des Pics avaient consommé de façon abusive la totalité de leurs ressources et n’avaient en aucun temps respecté les périodes de jachère pourtant nécessaires au maintien de l’équilibre agricole. Quelques groupuscules de soldats des Pics venaient, sur une base maintenant régulière, sur les terres keldoriennes dans le but d’observer la garde royale. Ces séances d’étude se transformaient la plupart du temps en affrontements directs, car les hommes du Nord n’entendaient pas à plaisanter et ne faisaient de manière à personne.

    Plutôt que de prendre soin de leurs terres, ils préféraient importer leurs aliments des autres royaumes. Lorsque les sols devenaient improductifs, Cardard, sombre monarque de la région nordique des Pics, ordonnait la destruction des champs et la construction de bâtiments ayant pour mission de perfectionner les armes et moyens de défense de son armée.

    Contrairement à leurs voisins du Nord, les Keldoriens incarnaient d’exceptionnels agriculteurs et ils vénéraient la terre. Derik était bien au fait que les royaumes limitrophes étaient rarement autosuffisants quant à leurs besoins matériels et alimentaires. Pour cette raison, il s’assurait, printemps après printemps, que ses récoltes étaient convenablement prospères pour subvenir à la demande de tous les royaumes. Le cœur sur la main, il envoyait des navires parcourir les étendues d’eau afin de délivrer les biens essentiels au nord et à l’est, par-delà mers et montagnes.

    Malgré le fait que Derik lui offrait des vivres et autres fournitures, Cardard n’avait qu’une idée en tête : s’approprier l’absoluité des ressources de Keldor. Soit en s’affranchissant des terres du Sud, soit en éliminant de façon totalitaire chacun des habitants du royaume, pour ensuite prendre possession des richissimes terres cultivables. Sachant indubitablement que Derik ne lui céderait jamais ses terres, la seconde option avait été planifiée, ce qui mena les armées du Nord aux portes de Keldor.

    Le majestueux royaume du Sud était immense. Cardard devait organiser son invasion d’une main de maitre. Il savait au fond de lui-même qu’il n’avait qu’une seule chance de réussite. Son armée était largement insuffisante en nombre et il en était pleinement conscient. Il fomentait son plan depuis déjà plusieurs saisons et ce temps investi lui avait permis de se forger de puissants alliés. Grâce à une technique proscrite depuis les anciennes guerres, Cardard avait procédé à un abject croisement entre des loups et du sang d’homme. Avec les drents à ses côtés, la victoire n’était qu’une formalité.

    Cette race sanguinaire avait été créée dans le simple but d’éradiquer quiconque s’opposerait aux ardents désirs du roi Cardard. Les drents étaient de très imposantes créatures, mesurant une à deux têtes de plus que les humains.

    Cette nouvelle race d’humanoïdes bipèdes était mi-homme en bas de la ceinture et mi-loup au haut du corps. Ils avaient de robustes jambes de même que de larges chevilles. Leurs pieds étaient constitués de quatre orteils et d’un ergot affuté. Les empreintes qu’ils laissaient dans le sol mesuraient près d’une fois et demie celle d’un homme. On ne pouvait qu’imaginer la terre trembler lorsqu’ils se déplaçaient en meute.

    Les drents n’étaient pas très intelligents, mais avaient tout de même la faculté de communiquer entre eux. Les plus érudits parmi eux pouvaient également converser dans la langue commune des hommes.

    Cardard avait pensé à tout lors de l’élaboration de cette race. Non seulement les drents pouvaient se déplacer plus rapidement que les humains, ils avaient en plus les sens extrêmement bien développés. Leur ouïe leur permettait d’entendre de futiles sons tels les pas d’un soldat sur la terre ferme à près de cent mètres, ce qui leur conférait une certaine prérogative tactique. Ils étaient également dotés de nyctalopie, faculté qui leur procurait un avantage la nuit par rapport aux hommes.

    Les armées keldoriennes étaient bien au fait de la race nouvellement créée par Cardard. De temps à autre, quelques drents venaient en éclaireurs dans le royaume de Keldor, mais la garde royale était d’une efficacité sans broncher. Bien qu’effrayants lorsqu’équipés de leur meurtrière hache de guerre, les drents étaient rapidement éliminés par les cavaliers keldoriens.

    Les créatures mi-homme, mi-loup avaient certes l’avantage au corps à corps, et seuls les meilleurs combattants pouvaient espérer s’en tirer. Les drents ne pouvaient toutefois que baisser pavillon devant la portée de la lance des cavaliers keldoriens.

    Dans le royaume de Beldar, de l’autre côté du col d’Unederi, la toute puissante cité de Monaak veillait, au même titre que Tian, à ce que ceux qui empruntaient le chemin des montagnes y soient autorisés. Monaak abritait les plus valeureux guerriers de la région et cette cité, protégée sur ses flancs par la rivière découlant des plus hauts sommets, était stratégiquement bien positionnée.

    Ses fortifications avaient été construites aux abords de la rivière, ce qui rendait un assaut pratiquement irréalisable. La hauteur de ses murailles permettait aux archers d’attaquer leurs assaillants, que ceux-ci soient situés sur l’eau ou même sur l’autre rive. La rivière était large, mais pas assez profonde pour permettre aux vaisseaux ennemis de s’y aventurer. Les lourdes armes de siège présentes sur les navires rivaux devenaient donc inutiles.

    Les guerriers de Monaak avaient également fort à faire lorsque venait le temps de contrer leurs adversaires arrivant du Nord. L’Île nordique abritait en fait plusieurs meutes de drents qui s’aventuraient dans le royaume de Beldar, mais elles n’étaient jamais assez nombreuses pour réellement constituer une menace pour la cité.

    Le roi Cardard avait finalement décidé de passer à l’acte, car les vivres destinés à nourrir ses soldats commençaient à diminuer drastiquement. Il avait donc ordonné à ses armées de se mettre en marche. Tandis que des centaines de navires transportant les hommes du Nord descendaient par la mer de Keldor, les drents parcouraient les terres de Beldar ravageant tout sur leur passage.

    Cardard savait que son armée de drents ne parviendrait pas à briser les murs de Monaak. C’est pourquoi il avait fait faire un détour à ses créatures diaboliques par le sud, attaquant ainsi la cité sur la terre ferme. Les éclaireurs de Beldar avaient remarqué les milliers de drents contournant la rivière, mais ils n’avaient pas été en mesure de rentrer à temps pour avertir les sentinelles de la forteresse.

    À la nuit tombée, les drents prirent les soldats de Monaak par surprise et engagèrent un violent combat dont l’issue se fit connaitre tout juste avant l’aube. Osvaldar, un des gardes de la cité, réussit toutefois à s’échapper et à filer vers le col d’Unederi.

    Grièvement blessé durant la bataille nocturne, il peina à aligner ses pieds l’un devant l’autre. Déjà lorsqu’en santé, la traversée du col n’était pas une mince affaire. Le soldat prit alors son courage à deux mains et se promit de se rendre à Tian afin d’alerter ses homologues de Keldor.

    Osvaldar perdait beaucoup de sang et il était aisé de le suivre à la trace. Le poids de son armure commençait à l’étouffer, si bien qu’il décida de retirer quelques pièces d’équipement, qu’il laissa sur les abords du chemin. Du haut des montages, il s’arrêta quelques instants et aperçut la cité de Monaak en flammes. Impuissant face aux forces maléfiques qui venaient d’envahir le bastion de Beldar, il poursuivit sa route, les yeux humidifiés par des larmes de tristesse.

    Le valeureux guerrier réussit tant bien que mal à faire son chemin jusqu’à Tian et fit un compte rendu aux soldats de Keldor. Dès qu’Osvaldar eut terminé de raconter son récit, il ferma les yeux pour ne plus jamais les rouvrir.

    Derik avait une certaine inquiétude quant à la menace grandissante. Lorsqu’il apprit la chute de Beldar par-delà les montagnes, il fit déplacer sa famille et ses héritiers, à l’exception d’Eraomyr, au sanctuaire situé en pleine mer de Keldor. Cet endroit avait été construit par ses ancêtres il y a plus de cinq cents ans dans le but de protéger la famille royale en cas de tragédie dans le royaume.

    Personne n’avait encore réussi à prendre possession de ce sanctuaire. La forteresse était ornée de grands murs à triple épaisseur et aucun navire ni pièce d’artillerie n’avait été en mesure d’y percer une brèche. Même les plus hautes vagues de la mer de Keldor étaient incapables de briser ces gigantesques parois. Sa famille étant en sécurité, Derik reprit le chemin de la terre ferme afin de mener ses armées au combat. Eraomyr était quant à lui resté au château pour le défendre en cas d’assaut.

    Cardard savait que s’il mettait ses hommes à terre en passant par la baie de Keldor, ils auraient été une proie facile pour les archers surentrainés du château et de Maaken à la fois. Il arrêta subséquemment son choix sur un site plus stratégique pour le grand débarquement.

    Afin de maximiser ses chances de réussite, il décida de frapper sur deux fronts simultanés. Alors que ses hommes attaqueraient la cité fertile de Maaken, les drents venus de l’est par le col d’Unederi prendraient d’assaut la ville gardienne de Tian.

    Le plan de Cardard avait été mis au point à la perfection, si bien que l’échec était en aucun temps une éventuelle possibilité. Selon les écrits relatant les faits des guerres passées, aucun peuple n’avait été en mesure de se dresser contre une armée de cette ampleur.

    Le roi du Nord ignorait toutefois qu’un brave soldat, du nom d’Osvaldar, viendrait sonner l’alerte à Keldor. Grâce au courage de ce messager, Derik eut suffisamment de temps pour réunir le groupe des grands gardiens du royaume et du col d’Unederi, dont il faisait également partie.

    L’ennemi cognait désormais à ses portes et le mot d’ordre de cette rencontre fut fort simple. Il fallait organiser rapidement la défense de Keldor contre l’invasion des hommes du Nord et des drents.

    L’ouverture du col d’Unederi était suffisamment large à la base de Tian pour y laisser passer cinq ou six drents à la fois. Si les archers commençaient à décocher leurs flèches dès les premiers venus, la surprise aurait été soudainement gâchée. Plutôt que de risquer une erreur tactique cruciale, les soldats de Tian avaient usé de ruse. La majeure partie des cavaliers sur place avait formé une gigantesque muraille en forme de demi-lune à quelques centaines de pas de l’embouchure du col.

    Alors que près de la moitié des drents avaient pénétré dans la ville, soit environ deux mille, les cavaliers embusqués se sont subitement découverts et ont chargé à coups de leurs immenses lances, les drents désemparés.

    Les archers visaient les monstres qui sortaient du col tandis que les hommes à cheval s’occupaient de pourfendre ceux qui s’apprêtaient à entrer dans la ville. La coordination était d’une sublimité somptueuse, mais la surprise n’était pas totale, pas encore.

    Une armée de braves soldats s’était dissimulée dans les bois du col d’Unederi et lorsque le signal fut lancé de la tour d’observation de Tian, les troupes sortirent, au péril de leur vie, affronter les drents au corps à corps.

    Constatant qu’ils étaient pris au piège, une quantité considérable de ces créatures du mal commença à prendre panique et à fuir dans les bois. Rapidement, les drents qui avaient pourtant réussi à se rendre tout près de la ville emboitèrent le pas et rebroussèrent chemin vers les montagnes.

    Telle une guerre typique, de nombreux et valeureux Keldoriens perdirent la vie durant cette bataille. La quasi-totalité de la troupe de soldats cachée dans les bois fut anéantie, ce qui permit aux drents de s’enfuir et retourner vers le royaume de Beldar.

    Pendant ce temps, ignorant les déboires de ses créatures maléfiques, Cardard accosta au nord de Maaken, près des récifs menant à la mer des Vents. Aussitôt débarqués, aussitôt ils se mirent en route.

    L’armée d’hommes profita de la forêt clairsemée pour augmenter son niveau de protection face aux archers keldoriens. À l’abri des flèches, Cardard avait une chance de l’emporter.

    La majorité de l’armée de Keldor avait rejoint Maaken pour protéger le bétail et les récoltes. Même si la guerre se déroulait à deux lieues des champs cultivables et des pacages, les soldats se devaient de contenir les hommes du Nord pour les empêcher de se rendre sur ses terres agricoles.

    L’armée de Keldor, menée par le roi Derik sur sa monture, s’enfonça dans les bois ornant la cité de Maaken avec la ferme intention de mettre fin à la menace. Les archers étaient postés à distance de tir de la lisière de la forêt et ils étaient prêts à intervenir en cas de besoin.

    Un féroce combat s’engagea dans les bois. Bien que légèrement supérieurs en nombre, les hommes de Derik avaient un net avantage sur le terrain, endroit qu’ils connaissaient dans les moindres recoins.

    Les animaux qui habitaient généralement les bois de Maaken avaient déserté la région. Les cliquetis métalliques retentissaient aux quatre coins de la forêt et avaient remplacé le doux chant que les oiseaux offraient à qui voulait bien l’entendre.

    La garde rapprochée de Derik veillait bien sûr à la survie de leur suzerain tout en combattant bravement chaque homme du Nord qui attentait à sa vie. Derik était un habile cavalier et, armé de son épée royale, il pourfendait facilement le crâne de ses adversaires.

    Subitement, tout bascula pour le monarque. Un soldat rival sur le point de trépasser vint s’effondrer tout près de lui et la lame de son épée sectionna le tendon arrière de la patte de sa monture.

    Derik fut immédiatement projeté au sol, mais dans un élan héroïque, il se releva et continua à se battre aux côtés de ses hommes. C’est alors que, sorti de nulle part, un homme des Pics saisit une lance et la transplanta directement dans le cœur du meneur. Le souffle coupé et le regard vide, il s’agenouilla, le corps dressé vers les arbres, avant de s’abattre au sol dans un sourd vacarme.

    Malgré le trépas de Derik, les soldats keldoriens défendirent leur royaume jusqu’à la fin. Après des heures de lutte acharnée, la victoire était à la portée des combattants locaux. L’armée de Cardard était désorganisée et ses hommes commençaient à se disperser dans la forêt.

    Voyant qu’ils perdaient la guerre et qu’ils étaient incapables de se regrouper, les soldats des Pics abandonnèrent leur position et s’enfuirent vers le sud. À leur arrivée à l’orée des bois, des troupes d’archers les attendaient de pied ferme en maintenant leur arc bandé.

    La majorité des agresseurs s’y rendirent sur-le-champ alors que ceux qui étaient terrifiés par la scène qu’ils venaient de vivre s’échappèrent vers les Bois Tumultueux.

    L’armée du roi Derik avait remporté cette guerre, mais elle avait essuyé de nombreuses pertes. Les soldats de Keldor s’étaient battus avec bravoure et leur dévouement avait permis de protéger les récoltes et le bétail face au peuple venu du Nord.

    Peu après la bataille, qui fut surnommée la Boucherie de Cardard, les hommes de Maaken retournèrent dans les bois environnants afin de porter secours aux soldats du royaume blessés. Durant leur recherche sur la vaste scène de guerre, ils trouvèrent Cardard, inconscient et valsant entre la vie et la mort.

    Malgré les gestes haineux et maléfiques qu’il venait de poser, Cardard fut épargné et amené au château. Les mestres le soignèrent puis le nouveau roi de Keldor, Eraomyr, l’enferma au cachot, endroit où il termina ses sombres jours. Quant à ses hommes faits prisonniers, ils furent reconduits à leurs navires et ce fut sans leur souverain qu’ils reprirent la route vers le royaume des Pics.

    Du côté de Tian, les pertes keldoriennes furent beaucoup moins élevées qu’elles étaient anticipées. Grâce à une stratégie sans faille, mais surtout à l’héroïsme dont avait fait preuve Osvaldar, les drents furent finalement repoussés hors des limites du royaume de Keldor et confinés dans les grottes insulaires du nord-est, endroit d’où ils ne sortiront pratiquement plus. La voix qui les commandait s’était tue à jamais.

    Sur le couronnement du jeune Eraomyr, la 7e ère du temps débuta. Le nouveau monarque prit place sur le trône de Keldor et instaura des temps de paix. Après avoir nettoyé les sols des corps qui gisaient et du sang qui coulait, une cérémonie commémorative fut tenue en l’honneur de ceux et celles qui avaient perdu la vie pour protéger et sauver le royaume de cette invasion barbaresque.

    La ville de Tian fut reconstruite et elle put reprendre ses fonctions de protectrice des montagnes. La grande cité de Beldar, Monaak, ne connut pas cet honneur. Lors de sa destruction par les drents, la maladie et la mort avaient pris place entre ses murs en ruines et plus jamais un homme ne s’y était aventuré.

    Chapitre premier 

    La fin d’une époque

    En ouvrant les yeux ce matin-là, Daryuk se sentait ému et nerveux. Après tout, ce n’est pas tous les jours qu’un roi tirait sa révérence. Cette journée demeurerait historique pour le royaume, puisque l’un de ses fils serait désigné, en ce 16 juin de l’an de grâce 567 de la 7e ère, le roi légitime de Keldor.

    Daryuk siégeait sur le trône depuis fort longtemps et il avait su conserver ces valeurs qui caractérisaient si bien Keldor. Il était l’un des quatre grands gardiens du royaume et du col d’Unederi. La paix y régnait et les portes de Keldor étaient ouvertes à tous.

    À la veille de la fête du royaume, tout avait été revu afin que cette journée se forge une place dans l’immortalité de la ligne du temps.

    — Heureux que le soleil brille de mille éclats pour souligner cet inoubliable moment, dit le roi tout en s’étirant devant l’immense fenêtre de sa chambre royale.

    En pivotant sur lui-même pour faire face au mur opposé, Daryuk jeta un regard vers les deux portraits qui y étaient fixés. À cet instant, il eut toutefois une baisse momentanée de sa coutumière bonne humeur.

    — J’aurais tant souhaité que vous soyez encore parmi nous, murmura-t-il à voix basse, tout en contemplant la splendide image de sa défunte épouse, la reine Glaella.

    Ce regret lui serra la gorge. Malgré le fait que la reine mère avait trépassé il y a de nombreuses années, Daryuk en était toujours amoureux. En cette année de ses cinquante-huit ans, il ne se passait pas une seule journée sans qu’il ne s’adresse à elle.

    Sur ces paroles, le roi enfila sa tunique matinale et franchit le seuil de la porte de sa chambre. Il emboita le pas d’une allure déterminée et se dirigea vers la cuisine.

    — Bonjour Majesté, s’exclama Brel, le chancelier du roi.

    — Bonjour mon ami, répondit jovialement le monarque. Ce sera une grande journée mon cher, mais pour le moment, je dois d’abord et avant tout entretenir ma forme, enchérit-il en prenant son gros ventre à deux mains et en le serrant fermement.

    Daryuk était imposant physiquement. Il était légèrement plus grand que la moyenne des hommes, mais il était surtout bien en chair, ce qui lui procurait une costaude silhouette.

    — Tout sera fait selon vos désirs, Majesté. Nous nous entretiendrons donc après votre repas. Je vous attendrai dans mes appartements, j’ai quelque chose à vous montrer.

    — Aussitôt mon estomac repu, je vous rejoindrai.

    Le roi prit le chemin de la cuisine, guidé par son sens olfactif bien développé. Le décès soudain de sa tendre épouse l’avait privé d’une relation amoureuse digne des plus belles histoires. Pour ne pas succomber à la tourmente, Daryuk s’était alors tourné vers la nourriture en guise de réconfort.

    Du réconfort, il en avait, certes. Il chérissait sa vie et se plaisait au quotidien. Mais elle lui manquait plus que tout. Heureusement, il était bien entouré et passait la majeure partie de son temps à côtoyer ses fidèles sujets.

    Daryuk s’amusait de temps à autre à suivre le sentier de la cuisine les yeux fermés. Son odorat lui servait de guide. Plus il s’approchait de son objectif, plus il salivait à l’idée de faire le plein de vitalité.

    « Je me demande bien ce qu’ils m’ont préparé ce matin, se questionna-t-il. Je sens, hum, je sens le basilic et le poivre. Serait-ce... »

    Son plat favori venait tout juste d’être déposé sur la table lorsqu’il pénétra dans l’enceinte de la cuisine. Il ouvrit grand les yeux et aperçut son omelette au basilic et au poivre, accompagnée de quelques saucisses de cerf.

    Le roi s’assied au bout de la table comme il avait l’habitude de le faire. Sa longue chevelure, désormais grisonnante, s’échouait sur ses épaules tandis que ses grands yeux bruns contemplaient son mets préféré. Son visage était usé par le temps et la fatigue était perceptible, mais lorsque Daryuk dévorait sa nourriture, la jeunesse le gagnait à nouveau et il savourait chaque bouchée qui transitait vers son système digestif.

    — Est-ce que le repas plait à Sa Majesté ? s’enquit le chef cuistot.

    — Sublime, Colbert. Votre nourriture est sublime. Vous vous surpassez chaque fois. C’est en fait la meilleure omelette que vous m’ayez servie.

    — Tout le plaisir est pour moi, Majesté, répondit-il tout en s’inclinant. Je vous servirai tout ce que votre royal ventre voudra bien avaler, ajouta-t-il avec un petit sourire en coin.

    — Excellente nouvelle ! Mais pas aujourd’hui. Je dois être alerte, rapide et efficace pour finaliser tous les préparatifs. Demain, promis !

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