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Les Ombres du Royaume
Les Ombres du Royaume
Les Ombres du Royaume
Livre électronique378 pages5 heures

Les Ombres du Royaume

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À propos de ce livre électronique

Une fantastique épopée passionnante de dragons, de magie et d’aventure.

Bronwyn et Blayke sont deux inconnus entraînés dans la même guerre. Leur monde est confronté à l'invasion par le Troisième Royaume. Alors qu'ils voyagent inconsciemment l'un vers l'autre, ils sont surveillés et chassés. Lorsque le dieu dragon intervient, il semblerait que leur monde, Talia, est sur le point de succomber sous la menace. Arriveront-ils en apprendre assez des secrets des Royaumes avant qu’il ne soit trop tard et que tous ce qu’ils aiment soient détruits ?

Le voyage des jeunes magiciens les éloigne de tout ce qu’ils ont connu pour s’enfoncer dans les ombres vers Vellonia, la ville des dragons, où une ombre encore plus sombre les attend.

LangueFrançais
ÉditeurBadPress
Date de sortie8 mars 2021
ISBN9781393744252
Les Ombres du Royaume
Auteur

Dionne Lister

I love writing and sharing my stories but I wish they wouldn't keep me awake at night.I'm from Sydney and when I'm not writing I'm tweeting, reading or doing sporty stuff.I'm a USA Today bestselling author, and I've been named by iBooks as "One of 10 emerging fantasy authors you must read." Shadows of the Realm, the first fantasy novel in my Circle of Talia series, has been number one in it's genre categories on Amazon and iBooks, reaching number 1 overall on iBooks Australia. The series is complete with A Time of Darkness and Realm of Blood and Fire.

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    Aperçu du livre

    Les Ombres du Royaume - Dionne Lister

    Les Ombres du Royaume

    Dionne Lister

    Traductrice : L. L. Ishak

    Copyright © 2012 Dionne Lister

    Tous droits réservés.

    Aucune partie de ce livre ne peut être reproduite ou transmise sous quelque forme ou par quelque moyen que ce soit, électronique ou mécanique, y compris la photocopie, l'enregistrement ou système de stockage et de récupération des informations, sans l'autorisation écrite préalable de l'auteur.

    Les détails du catalogage avant publication sont disponibles à National Library of Australia www.librariesaustralia.nla.gov

    ISBN: 978-0-9873078-0-4

    DÉDICACE

    ––––––––

    A ma tante Marcia et Nonna, ce n’est plus pareil sans vous.

    REMERCIEMENTS

    Ce voyage a commencé, il y a longtemps, et je dois remercier tous ceux qui m'ont encouragé à l'époque. A ma tante Debra et Peter, merci d'avoir lu le premier exemplaire bizarre. Merci, à tous mes amis qui continuent à m'encourager, en particulier Michelle et Sol. Et, bien sûr, merci à mes formidables amis écrivains Amber, Justin, Dee, Craig, Jane, Trish, Damien et Susan (j'espère n'avoir oublié personne). Les amis, vous êtes toujours là lorsque je me retrouve seule dans mon aventure d’écriture, seule devant votre ordinateur. Un grand merci à Ciara Ballintyne qui m'a aidé à améliorer mon langage passif. Bien sûr, je n’aurais pas pu réaliser ce travail sans la patience et l’amour de mes trois garçons, David, Evan et Ben. 

    Prologue

    Dans une ferme isolée en briques, un garçon du nom de Blayke dormait sous des couvertures douillettes. Il rêvait qu’il s’enfonçait dans les flaques tièdes de l'été. L’odeur de l’herbe et de la terre envahissait ses narines.

    Il enfonça ses doigts sales dans une flaque pour essayer d’attraper une grenouille gluante. La grenouille se sauva aussitôt que ses doigts touchèrent l’eau. Des ombres noires défilèrent sur la surface en reflétant le ciel, tel un miroir.

    Le tonnerre retentit à plusieurs reprises. Des nuages épais se mirent à parader, suivant le rythme de son déchaînement couvrant brusquement les rayons du soleil. Blayke enfonça plus profond ses doigts dans la flaque qui s’obscurcissait, jusqu'à toucher une chose rugueuse et glacée, trop grande pour l’agripper. Sa main se coinça lorsqu’il voulut la ressortir de l’eau. L'adrénaline envahit son corps. Il essaya de lâcher la chose pour se libérer la main, mais en vain.

    De grosses gouttelettes d'eau du ciel s’abattirent sur lui. En quelques secondes, il était entièrement trempé. Il leva les yeux, en les plissant pour se les protéger de la pluie battante. Il se mordit la lèvre pour refouler son envie de pleurer. Son instinct lui disait qu’il devait s’enfuir. Le tonnerre l’avait entouré, une foudre tomba à quelques mètres de la flaque d'eau qui grandissait. Blayke se pencha en arrière, en se tortillant dans tous les sens, dans l’espoir vain de se libérer. Sa sueur sous l’effort, mélangée à la pluie, dégoulinait le long de son visage.

    Sa paume se décoinça de son ancrage, en lui arrachant des couches de peau. Blayke tomba en arrière, atterrissant sur la terre détrempée en s’éclaboussant. Il fixa sa main en sang. Qu’est-ce qui se passe ?

    Le sol vibrait sous lui, les tremblements suivaient le rythme lent et fort du tonnerre. La flaque se mit à bouillir en faisant des bulles de boue explosant à la surface, contaminant l’air doux des flots stagnants. Blayke s'éloigna à quatre pattes de l’eau qui montait. Avant qu’il ne réussisse à se remettre debout, la terre tremblante le rattrapa.

    Il se retrouva sur la rive de la mare en ébullition. Ses yeux se figèrent sur l'eau qui s'écoulait dans les fissures innumérables, qui se formaient les unes après les autres. Les profondeurs invisibles aspiraient avidement le liquide, aussitôt déversé par le ciel. 

    La terre trembla violemment une dernière fois, avant qu’une créature ébène ne surgisse de la cacophonie de la terre vibrante. Elle se dressa menaçante face au petit garçon.

    Blayke se sentit consumé par les cris de la créature géante. Il se blottit sur le sol, le souffle coupé. Sa main en sang palpitait et la pluie battante lui piquait la nuque. Blayke ferma les yeux et pria tous les dieux, dont il avait entendu parler, que tout disparaisse : la pluie, le tonnerre et le monstre. Peur d'une mort imminente, il éclata en sanglots.

    La pluie le cinglait toujours, mais la terre avait cessé de trembler. La créature se mit à lui parler d’une voix dominante, presque en un murmure : « Je suis venu te prendre. Regarde-moi et accepte ton destin. »

    Blayke leva la tête contre sa volonté, c’était comme si la voix possédait un pouvoir le contraignant à obéir. Un dragon noir colossal se tenait debout devant lui. Le jeune homme ressemblait à un nain comparé à sa taille, telle une fourmi aux pieds d’un vieux chêne. La créature fixa Blayke de ses yeux perçants argentés. 

    Malgré ses grands efforts, le garçon n’arrivait pas à tourner son regard de la bête. Alors, ça y est, il allait mourir, si jeune ! C’est impossible ! De nouvelles larmes coulèrent sur ses joues, lorsqu'il réalisa que sa courte vie n'avait existé que pour remplir le ventre de ce dragon, un dragon spécial sans doute, mais c’était toujours un dragon. Blayke essaya de trouver du réconfort dans la chaleur de ses larmes. La créature géante essayait de l’attraper avec ses énormes griffes.

    Elle l’attrapa d’un geste rapide et ferme et, se le fourra dans sa gueule remplie de crocs acérés.

    Blayke se réveilla en criant. Il sentait qu’il allait s'étouffer avec son propre sang. Arcon se précipita dans sa chambre, les bras levés, prêt à frapper tout intrus osant faire du mal à son garçon. Mais, à l’exception de Blayke, la chambre était vide. Il s’approcha de son neveu terrifié et le serra dans ses bras pour essayer de le calmer. Blayke éclata en sanglots et lui raconta son cauchemar. Arcon savait que Blayke venait de faire un rêve prophétique, marqué ni plus ni moins par le dieu dragon.

    Les temps dangereux et terrifiants annoncés par le Premier Cercle approchaient et le cauchemar de son neveu annonçait le pire. Arcon, l'un des magiciens les plus puissants qui ait jamais existé et membre du Cercle, pria pour qu'ils aient assez de temps pour se préparer. Leurs vies et tout Talia en dépendaient.

    Blayke finit par s'endormir. Son oncle se retira discrètement dans son bureau, où une tasse de thé chaud et les flammes hypnotisantes dans l’âtre ne l’aideraient probablement pas à dissiper ses craintes. Le mal qu'ils avaient banni, il y a plus de mille ans, allait bientôt être de retour.

    1

    Bronwyn jeta un coup d’œil par-dessus le précipice, ses yeux gris suivirent la pierre noire qu'elle venait de pousser du pied dans le vide. Une brise froide lui caressait le visage, l'odeur du début du printemps lui picotant le nez. C'était une très, très longue descente. La pierre qu'elle venait de sacrifier rebondit sur les gros rochers pour s’évanouir dans le néant et disparaître. Elle avait pensé que ce serait facile de la suivre. Mais, maintenant, qu’elle était là, debout et tendue, elle réalisa que c’était impossible. 

    Malgré tous ses efforts, elle n’arrivait pas à forcer son pied à faire ce dernier pas vers la paix. Le seul courage qu’elle eut, était de regarder en bas et de se demander comment ce serait de tomber, tomber, tomber. Elle essaya d’oublier sa peur. Elle espérait pouvoir affermir sa détermination et se pencha plus en avant. 

    Mourait-elle pendant la chute, le vent fouettant son visage alors que son corps foncerait dans les airs ? Se sentirait-elle excitée par la peur de son destin ? Ou mourait-elle en bas, lorsque sa tête cognerait les rochers ? Aurait-elle le temps de sentir la douleur ? 

    La journée de la jeune fille à peau olive avait commencé comme n'importe quel autre matin. Mais sa tante Avruellen avait tout fichu en l’air. « Bronwyn, que dirais-tu de voir le monde ? J'ai décidé que nous partions ce soir pour un long voyage. »

    « Partir ? Quoi ? Pourquoi devons-nous partir, et pour combien de temps exactement ? »

    « Je dois me rendre à une réunion du Cercle, ensuite nous irons ailleurs. »

    « Où ? »

    « Je ne sais pas. »

    « Et quand reviendrons-nous ? »

    « Je n’en suis pas sûre. »

    Bronwyn sentit des larmes lui monter aux yeux. La première chose à laquelle elle pensa fut sa meilleure amie : « Je vais dire au revoir à Corrille. »

    « J'ai bien peur que tu ne puisses pas le faire. Tu ne peux dire au revoir à personne. Personne ne doit savoir que nous partons. Maintenant, plus de questions. J'ai du travail à faire. » Avruellen donna du dos à Bronwyn et sortit de la pièce. Bronwyn avait compris que cela signifiait qu'elles ne reviendraient plus jamais. Elle savait également que sa tante connaissait probablement leur destination. Avruellen ne faisait rien sans but, elle n’était pas membre du Cercle pour rien. Bronwyn avait claqué la porte en sortant de la maison.

    À présent, Bronwyn était perchée dans le périmètre de sécurité, se détestant de ne pas avoir le courage de sauter, haïssant sa tante de la forcer à s'éloigner de ses amis et du seul foyer qu'elle ait connu. La jeune fille s’est assise un moment au bord du précipice, les bras croisés sur la poitrine, le front renfrogné pour réfléchir. Elle savait très bien que sa tante ne la laisserait pas derrière elle. Comme elle n'allait pas se tuer aujourd'hui, Bronwyn savait qu'elle devait céder à sa tante. Elle se releva en acceptant sa triste réalité et se résigna à retourner à la maison à pas lents.

    De retour à la maison, Bronwyn se rendit directement dans la cuisine, comme dans son habitude, pour découvrir les friandises qui l’attendaient. Avruellen et son renard Flux étaient assis à la table : un spectacle qui l’avait toujours fait sourire. Sa tante lui désigna une tasse de thé parfumé et des biscuits fraîchement sortis du four. Bronwyn prit sa place à la table et caressa tendrement la tête poilue de Flux.

    Elle se prélassa en s’imprégnant des arômes familiers. Flux lui poussa la main de son museau, alors qu’elle sirotait son thé. « Est-ce qu’on part ce soir ? Pourquoi pas un autre soir ou dans une semaine ? » Supplia-t-elle sa tante du regard.

    Avruellen répondit d'une voix ferme : « Tu le sais très bien, ma chérie. Beaucoup de choses dans la vie auraient été différentes, si j’avais le pouvoir de les changer. Mais, malheureusement, cela est impossible. J’en ai déjà assez dit, toute discussion est inutile. Assure-toi que ton sac soit prêt avant le coucher du soleil, nous partirons immédiatement après le dîner. » Elle se leva, le visage brièvement assombri par son propre chagrin : « J’ai beaucoup de choses à faire avant notre départ. Je ferais mieux de commencer tout de suite. » Elle sortit de la pièce d’un pas rapide. 

    Les biscuits au gingembre étaient très bons. Leur croquant était si agréable que Bronwyn, malgré sa colère, ne pouvait s’empêcher de savourer l’avant-dernier repas qu’elle prendrait à cette table. Elle se leva en avalant le dernier morceau : « Très bien, Flux, le moment d’emballer ma vie entière est arrivé. Penses-tu qu’il est trop tard pour lui faire changer d’avis ? » Flux ne répondit pas, il se contenta de la devancer à la porte. 

    Bronwyn regretta son envie de se suicider et savait qu'elle était une enfant ingrate. Toutes les leçons que sa tante lui avait apprises dans l'art de la magie, les compétences qu'elle avait acquises au cours de ces nombreuses années, visaient à la préparer au futur. Gaspiller tout ça à cause d’une crise immature était inconcevable. L’avenir lui faisait peur, elle ne se sentait pas du tout prête à l’affronter. Bronwyn repoussa son angoisse et, en adoptant les gestes rapides de sa tante, fourra rapidement les produits de première nécessité dans un sac en cuir tressé. En pensant à ce qui l'attendait, Bronwyn était convaincue pour dire que sa journée avait été la pire de sa vie. Si les prophéties étaient justes, cela ne s’améliorerait pas de sitôt.

    2

    Arcon et Blayke s'enfonçaient dans la neige profonde. Ils s'approchaient de leur grotte dans les montagnes blanches, leurs corps penchés en avant luttant contre le vent violent du nord, leurs visages brûlants de froid. Deux lapins, récemment chassés, étaient suspendus au sac d’Arcon. Cela leur avait peut-être pris toute la journée, mais au moins ils avaient réussi à attraper quelque chose à manger. La tempête de neige inattendue les avait empêchés de sortir pendant des jours. Leur réserve de rations de viande sèche, mises de côté au début de l’été, avaient été leur seule nourriture. Affamé de variété, Blayke pouvait presque sentir l’odeur des lapins rôtir sur le feu. Il eut l’eau à la bouche juste à l’idée de se régaler du jarret de lapin tendre. Il était certain que même Arcon et ses talents culinaires douteux ne pourraient pas gâcher ce repas. 

    Arcon s'arrêta sous un surplomb. Un manteau de glace avait recouvert la partie de la pierre brute. Il retira un gant et traça une série de lignes sur le rocher. Il entendit un déclic familier et la porte s'ouvrit lentement et silencieusement vers l'intérieur. Ils se précipitèrent à l'intérieur, le rocher se refermant derrière eux. Les deux hommes se précipitèrent près du feu en se bousculant, tels deux petits garçons, pour avoir une part égale de chaleur.

    Arcon retira son deuxième gant et jeta la paire sur une chaise pour les sécher. Arcon était un homme aux épaules larges, de taille moyenne, maigre, mais fort et beaucoup plus âgé que Blayke. Son visage tanné sans âge affichait les traits d’une vie de près de deux cents ans. Les yeux bleus clairs d’Arcon détenaient des secrets qu’il aurait bien aimé oublier.

    Blayke, son protégé, était le descendant d'un parent. Un garçon adorable, qui avait été confié à ses soins depuis sa naissance. Arcon lui avait enseigné plusieurs techniques de survie, y compris la chasse et le combat, ainsi que des connaissances rudimentaires du savoir-faire spirituel de l’art de la magie. Blayke avait beaucoup à apprendre et il fut à la hauteur malgré son jeune âge et son manque d’expérience.

    Arcon et Blayke voyageaient dans Talia depuis trois ans. Avant, ils habitaient à la ferme d'Arcon, où l’homme âgé avait acquis de bonnes bases. Même s'il avait voyagé plusieurs fois dans Talia durant sa vie, il avait besoin d'un endroit où se sentir chez lui, un endroit privé et à l'abri des regards désapprobateurs des gens.

    Arcon était magicien, l’art de puiser de l’énergie du Second Royaume à travers son corps de magicien et de manipuler ces forces pour soigner, aider ou faire du mal. Les personnes, qui avaient passé des années à apprendre et à comprendre les caractéristiques complexes de ces forces, savaient utiliser ce pouvoir presque parfaitement. Deux types de personnes vivent à Talia : celles qui ont peur de ce que les magiciens arrivent à faire et qui les détestent et, celles qui les comprennent et les respectent.

    Malheureusement, la majorité appartenait au premier groupe de gens.

    Les trois derniers mois passés dans les montagnes avaient fini par revigorer le compagnon d’Arcon. Mais l’ennui et le climat glacial étaient devenus trop pesants. Au début, Blayke avait beaucoup aimé ce genre de vie. La neige était une merveille. L'altitude et la chasse l’avaient aidé à endurcir son corps, à un tel point qu’il était lui-même impressionné par son physique musclé. Maintenant, cette originalité était devenue trop ordinaire, sans oublier de mentionner qu’il se disputait souvent avec Arcon sur les choses les plus futiles. 

    La nuit tomba sans qu’ils le remarquent. Les deux hommes étaient assis en tailleur sur le sol dans leur refuge sans fenêtre, devant un feu ravivé. Chacun d’eux dégustait un lapin grillé croustillant. Blayke remarqua que son oncle mangeait instinctivement, le jus parfumé ruisselait le long de son menton pour finir sur ses genoux. « Qu’est-ce qui ne va pas ? Tu es trop calme, aujourd’hui, » lui demanda Blayke.

    Avant de lever ses yeux vers Blayke, Arcon lui demanda : « Que ferais-tu si je te disais que nous quitterons ce paradis, demain ? » 

    Blayke sourit : « Je me mettrai tout de suite à préparer mon sac ! » Son sourire s’effaça en voyant l’expression sur le visage d'Arcon. Il sentait qu’une chose inquiétait le vieil homme. 

    Arcon continua dans un ton plus sobre : « Ce soir, je dois rentrer en contact avec le Cercle. J'ai besoin de toi pour m'assurer que personne ne nous espionne. » Le jeune homme acquiesça. Ce n’était pas difficile à faire et il l’avait déjà fait auparavant. Il utilisera son esprit pour parcourir l’un des couloirs éthérés jusqu’au Second Royaume, trouver le symbole approprié du point de rencontre du Cercle et surveiller les intrus à l’extérieur. C’était dangereux, du fait que ce soit une expérience extracorporelle. Les magiciens avertis, ayant de l’expérience dans le domaine, laissaient parfois une partie de leur conscience dans leur corps pendant que l’autre partie s’étendait dans le Second Royaume. L'essence du magicien inexpérimenté pourrait quitter entièrement son corps et, seul l'inconscient permettrait aux poumons de respirer et au cœur de battre. Il pourrait devenir vulnérable par le lien de l'âme, qui leur permettait de communiquer. Il pourrait être attaqué physiquement ou autre. Si un corps meurt pendant que son âme est en vie, il se retrouve condamné à une errance éternelle dans les Royaumes, à moins qu’il ait l’aptitude de posséder un autre corps. Toute attaque visant à rompre le lien d'une personne avec son corps, était mal vue des cercles des magiciens et considérée comme perverse. 

    L’agitation dans le regard d’Arcon ne laissait aucun doute sur la gravité de ses paroles : « Ce soir, ce sera différent. Cette communication est très importante. Comme tu le sais, le Cercle se réunit deux fois par an. Nous n’avons pas eu de réunion aussi importante depuis très longtemps. Tu pourrais entendre des choses déroutantes et terrifiantes, mais tu ne dois à aucun moment perdre ta concentration. Maintenant, plus que jamais, nos ennemis ne doivent pas entendre ce qui sera dit à cette réunion. S'ils apprennent la plus infime partie de ce que nous planifions... » Il laissa la suite en suspens, ne voulant pas finir sa phrase et dire qu’ils pourraient être tués. 

    Blayke fut momentanément distrait par l’image terrifiante du dragon qu’il avait vu dans son cauchemar. Il sentit des frissons. « Tu dois te concentrer plus que jamais. La plus petite erreur n'est pas une option. Si nous arrivons à la fin de la réunion sans catastrophe, tu te poseras alors beaucoup de questions, auxquelles je ne pourrais pas répondre. Tu devras vivre avec. Peux-tu me promettre ça ? »

    Arcon jeta un coup d’œil à Blayke et à son intérieur. Blayke pouvait sentir l'esprit de l'homme plus âgé à l’intérieur de sa conscience. Tous deux savaient qu’il acceptait ses conditions.

    La réunion était prévue pour minuit. Blayke s'allongea sur le sol, en faisant semblant de se reposer. Son corps était immobile, mais son esprit était très agité. Arcon se leva, se frotta le bas de son dos fatigué de sa main aux doigts épais, en traversant la grotte pour ouvrir la dalle en pierre de l’entrée. Il salua l'animal qui attendait dans l'hiver silencieux. Il lui parla d’une voix plus gaie : « Eh bien, je ne t'ai pas vu depuis deux jours.  La chasse a-t-elle été bonne ? » Le hibou blanc, perché à l’extérieur de la porte, cligna des yeux. 

    Je me demandais quand tu remarquerais que j'étais dehors à me les geler. Tu peux être parfois si inconsidéré ! Tu as de la chance que je ne te laisse pas tomber et que j’offre mes services à quelqu'un d'autre.

    Arcon tendit son bras à l'oiseau en réconciliation : « Tu ne crois pas si bien dire. Ma mère m'avait bien mis en garde de me lier à un hibou vaniteux pour devenir ma créatura, mais est-ce que je l’ai écoutée ? » Le magicien soupira, puis sourit en portant son compagnon dans la tiédeur de la grotte.

    3

    Zimapholous Accorterroza ou Zim, comme on l’appelait plus communément, planait gracieusement en direction de Vellonia, la ville des dragons. Les nombreux moutons et bovins paissant sous lui n’avaient pas du tout attiré son attention, la réunion du Cercle dominait ses pensées.

    La ville était nichée dans une vallée protégée par les flancs abrupts de deux falaises, s'élevant à mille mètres du sol. Des bâtiments imposants en pierre se dressaient fièrement, tels des arbres centenaires, au fond de la vallée surplombant la rivière. La rivière traversait la ville, dévalant en de magnifiques flots, érigés il y a des milliers d’années.

    La stèle de Vellonia était extraite des points les plus éloignés de Vérésia : Feldon au nord, Argonesse à l'est, Pollona au sud et Tyrrol à l'ouest. Chacun des quatre points offrait des énergies uniques. Les magiciens avaient établi ces énergies dans des structures invisibles pour protéger les chenaux qui reliaient leur monde de Talia au Second Royaume.

    Les falaises, surplombant la vallée, étaient parsemées de grandes gorges débouchant sur des montagnes qui offraient des espaces habitables aux dragons. Du fond verdoyant de la vallée s’élevaient de grandes flèches dorées incroyablement gigantesques, dépassant les sommets des plus hauts pics qui entouraient la ville. A l’origine, les flèches avaient été dressées pour protéger la ville. Mais, en ces temps de paix, elles ne servaient qu’à rendre la beauté de l’endroit féerique.

    Des milliers d'années de cela, une autre race avait vécu à Talia. Des créatures, dont la passion était d’anéantir tous les êtres intelligents de Talia, y compris les dragons. Les gormons sont l'incarnation même du mal. Ils se nourrissent de la peur, de la douleur et de tout ce qui est chair et sang. Ils ne ressemblent en rien aux dragons. Mais ils sont leurs égaux ou supérieurs dans presque tous les autres domaines, y compris leur capacité à voler. L’unique moyen de défendre la ville était d’insuffler des flèches de l'énergie du Second Royaume, qui riposteraient contre toute attaque prévue par leur ennemi.

    Les gormons ont été bannis de Talia à la suite d’un accord tragique entre les magiciens et les dragons.  Les gormons avaient réussi à détruire une bonne partie de Talia, avant même que la guerre ait éclaté. Les populations humaines et de dragons furent presque anéanties. Seuls ceux qui avaient réussi à se cacher dans les profondeurs de Vellonia avaient réussi à survivre. Depuis ce jour, l’alliance entre les humains et les dragons fut maintenue. Même si certains humains redoutaient toujours la puissance de ces grandes créatures, les dragons. Certaines créatures redoutables, qui se considéraient comme la race supérieure, avaient fait circuler des histoires illustrant leurs extraordinaires forces et pouvoirs. Ces mêmes dragons avaient également lancé des rumeurs, selon lesquelles certains d'entre eux aimaient manger de temps en temps des humains. Zim, cependant, était différent.

    Zimapholous commença sa descente vers Vellonia. Son sourire exposait les crocs acérés de sa gueule écailleuse. Des rayons rouges, chauds et dorés s’infiltraient jusqu'au fond de la vallée, alors que le soleil se couchait derrière lui en illuminant tout sur son passage. Les flèches semblaient être en feu, sous la brillance des rayons du soleil. Zim se demanda si elles finiraient un jour par fondre et couler dans la vallée. Les constructions, très loin en-dessous, reflétaient des tons rouges, roses et jaunes, se confondant à la couleur de la pierre. Des tons orange, vert et bleu scintillaient dans la lumière ardente pour créer une brume colorée le long de la vallée, presque aveuglante.

    Debout devant le palais, Jaz suivait la descente gracieuse de Zim, qui s’amusait dans les thermiques au-dessus de la vallée. Elle se demandait ce que son fils avait fait pendant ses deux années d'absence. Jaz avait pour habitude de lui parler dans le Second Royaume, mais Zim n’avait jamais voulu trop donner de détails, de peur que leur ennemi soit à l’écoute.

    Le jeune dragon se posa devant sa mère, ses écailles noires absorbant le soleil couchant. Les couleurs se reflétant sur son armure lisse n’étaient pas belles. En revanche, les écailles couleur argent de Jaz, était parfois si brillantes qu’on en était ébloui. Cela lui plaisait beaucoup. 

    Les dragons se frottèrent le museau, en se murmurant d'anciennes salutations dans un langage musical archaïque. Les dragons, en règle générale, étaient très cérémonieux. Cela convenait parfaitement à ces créatures imposantes. En tant que race, ils avaient une civilité personnifiée, remplie de ‘vous’, de ‘s’il vous plait’, de ‘monsieur’ et de ‘merci’. Ils pouvaient devenir assez désagréables, si les formalités n'étaient pas respectées. Aucun dragon ne voulait être considéré comme une bête idiote. Leur but était de paraître terrifiants, mais polis et cultivés.

    Dès l'atterrissage de Zim, la ville entière apprit la nouvelle du retour du fils de la reine et du roi. Lorsque le prince et sa mère se présentèrent dans la salle du trône, une foule y était déjà réunie pour les accueillir.

    La reine dragonne et son fils s'arrêtèrent un instant à l'entrée pour se faire annoncer. Le garde passa ses doigts griffus sur la grande harpe installée derrière la porte. Des notes fortes et douces résonnèrent dans toute la pièce pour faire taire la cohue. Le garde s'éclaircit la gorge et les annonça : « Faites place ! J’annonce Jazmonilly Accorterroza, la lumière éclatante de notre royaume, reine et épouse fidèle du roi Valdorryn Accorterroza II. Accompagnée de notre rayon lumineux, Zimapholous Accorterroza, fils du roi Valdorryn et de sa fidèle épouse, la reine Jazmonilly. Il revient d’un long voyage de deux ans. Il a parcouru de nombreux territoires avant de revenir se joindre à nous, aujourd'hui. » 

    Le père de Zim était installé sur son trône, qui ressemblait plutôt à une banquette. Leur longue queue et leurs grandes ailes les empêchaient de s’asseoir sur une chaise classique. Le palais était donc entièrement équipé de banquettes. Le trône de Valdorryn était en bois incrusté d’or et de platine, soutenu par des pieds sculptés illustrant les créations merveilleuses et variées de la nature. Des libellules volant par-dessus des grenouilles et des fleurs, des grands et des petits insectes nichés dans les recoins, des cerfs, des oiseaux et des vignes entrelacés autour d’arbres centenaires. Plus on scrutait les images, plus on découvrait de nouvelles créatures cachées dans le feuillage.

    Le frère aîné de Zim était debout à côté de leur père. Seule Arcèse, sa sœur cadette, n’était pas présente. Zim savait qu’elle était sûrement au temple de Crémornus, dieu du Second Royaume, à préparer la réunion du Cercle de ce soir.

    Malgré tout leur amour pour la fête, le roi des dragons s'agitait sur sa banquette, impatient de parler à son fils. Il était très excité de revoir Zim sain et sauf et de pouvoir enfin avoir des nouvelles du monde. Le roi Valdorryn s'était blessé à l'aile droite, il y a une trentaine d'années. Un incident embarrassant. Suite à une consommation excessive de baies fermentées, il avait foncé dans un arbre mal placé. Depuis, il lui était devenu impossible de parcourir de longues distances. Trop fier pour laisser paraître son handicap, il s’était confiné dans sa vallée. Il accueillait toutes les nouvelles du monde extérieur avec enthousiasme. 

    Le roi prit la parole avant que le garde ne continue son introduction : « Bienvenus à vous, ma charmante épouse et mon fils qui a beaucoup voyagé. Je vous en prie, venez vous asseoir. Mes oreilles sont impatientes d’être bercées par la douce musique de tes voyages. » L'interruption eut l'effet désiré. Le garde resta bouche bée pendant une minute, puis la referma et se retira. Zim et sa mère se rapprochèrent du trône.

    Le roi Valdorryn se leva et offrit sa place à son épouse. Il embrassa son fils en lui donnant une chaleureuse étreinte écailleuse : « Tu as bonne mine, mon fils. Alors, quoi de neuf ? Quelles nouvelles nous apportes-tu ? » Zim sourit.

    « Eh bien, Sire, j'ai vu beaucoup de choses ces dernières années et j'ai beaucoup de choses à vous raconter. Tout d'abord, je dois vous avouer que j'ai très faim. Pendant mon vol de retour, j'ai résisté à l’envie de me délecter des délicieux moutons qui paissaient dans les plaines. J’ai été aussi loin que l'île d'Orton au nord et Zamahl à l'ouest. » Le sourire de son père disparut à la mention de Zamahl. La reine et les autres dragons expirèrent de grands souffles audibles. 

    Le roi s'adressa brusquement à tous ceux qui affichaient une expression d’inquiétude : « Mon fils est fatigué et il a faim. J’aimerais qu’il aille se reposer et qu’il nous rejoigne pour le dîner de ce soir. Ce sera tout pour l’instant. » La pièce se vida rapidement. Personne ne voulait entendre parler de Zamahl. On savait peu de choses sur le continent occidental. Toute information qui arrivait à s’infiltrer était généralement des histoires terrifiantes de violences, de catastrophes et de dépravations. Les dragons craignaient que le simple fait d'y aller, signifierait y perdre son âme, vue la violence indescriptible qui y existait. Valdorryn parla à son fils, d’esprit à esprit : Retrouve-moi dans mes quartiers dans une heure. Le roi embrassa Zim et sortit. 

    Zim demanda un serviteur qu’il lui serve un repas dans sa chambre, puis entama une longue marche familière vers ses quartiers privés. Des semaines durant, sur son chemin du retour, il avait beaucoup réfléchi à la manière dont il annoncerait à son père tout ce qu'il avait appris. Mais, en arrivant sur place, il s’était rendu compte que la nouvelle à annoncer serait terrible quelque-soit les mesures prises. Tout ce que les dragons et Talia avaient redouté durant des siècles, allait bientôt se produire et, ils n'y étaient pas préparés. Sa crampe à l’estomac n'était pas due à la faim. Comment allaient-ils pouvoir gagner, cette fois-ci ? Que pouvaient-ils faire de plus ? De l’avis unanime, c’était la chance au dernier moment qui avait renvoyé les gormons de ce monde.

    Alors

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