Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

La société de Voktalzarth
La société de Voktalzarth
La société de Voktalzarth
Livre électronique662 pages9 heures

La société de Voktalzarth

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Suite au mystérieux décès de son père, Kiam Tasgall est emmené de force sur Airazeth, une des quatre lunes invisibles de la Terre, et dont il ignorait jusqu’alors l’existence.

Kiam cherchera par mille et un subterfuges à découvrir la vérité qu’on lui cache. Ses actions le plongeront malgré lui au cœur d’une intrigue complexe.

Accompagné d’un apprenti druide au talent incertain, d’une demoiselle au tempérament aussi flamboyant que sa chevelure et d’une beloute à l’appétit sans fin, Kiam se lancera dans une quête périlleuse à la recherche d’indices qui, tout au long de ses aventures, le lieront de façon inexplicable à l’énigmatique société de Voktalzarth.

Terrifiantes créatures, trahisons, tornades, labyrinthe des chimères et mont Invisible ne sont que quelques-unes des épreuves qui paveront leur chemin, au bout duquel Kiam découvrira la troublante vérité sur cette organisation secrète.
LangueFrançais
Date de sortie18 janv. 2021
ISBN9782898084164
La société de Voktalzarth
Auteur

Nadine Bertholet

Native de Laval, Nadine Bertholet a joué la globe-trotteuse pendant sa jeune vingtaine avant de s’atteler à l’écriture de son premier roman. Inspirée par l’interaction avec les jeunes étudiants sous sa responsabilité lors de son travail en tant que technicienne en travaux pratiques dans des écoles, elle transpose dans ses textes l’attitude parfois cocasse, souvent attachante, de ces jeunes gens qui découvrent tranquillement ce que sera la vie adulte.

Auteurs associés

Lié à La société de Voktalzarth

Titres dans cette série (4)

Voir plus

Livres électroniques liés

Fantasy pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur La société de Voktalzarth

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    La société de Voktalzarth - Nadine Bertholet

    construit.

    1

    UN MALHEUR N’ARRIVE JAMAIS SEUL

    La lune brillait dans la noirceur d’un ciel d’automne, nimbant d’une lueur argentée les maisons d’un village niché au creux d’une vallée. Au travers des carreaux d’une fenêtre filtrait un rayon lumineux qui s’échouait sur un lit, dont les couvertures en bataille recouvraient les jambes d’un jeune garçon assis en tailleur.

    Les paupières enflées, les yeux rougis et les narines irritées par une utilisation excessive de papiers mouchoirs, celui-ci fixait d’un regard brouillé par les larmes un coffret de bois posé devant lui. D’une main tremblotante, il le saisit et, du bout de son index, effleura le sillon méandreux qui décrivait de façon sophistiquée la lettre V gravée à même la surface arrondie du couvercle.

    Soupesant le boîtier, il le retourna maintes fois avant de se décider à en vérifier le contenu. Il dégagea enfin de l’œillet doré le fermoir en forme de crochet et souleva le couvercle bombé qui bascula en un long grincement sur ses charnières. Sitôt, une sensation de fourmillement envahit les mains du garçon. L’étrange engourdissement se diffusa ensuite dans son corps tout entier à une vitesse fulgurante, tel un intense frisson lui faisant dresser les poils de la nuque, puis s’estompa peu à peu.

    Effrayé, le garçon demeura immobile, retenant inconsciemment sa respiration. Une fois le curieux phénomène disparu, il jeta un œil à l’intérieur du coffret de bois. Au fond de ce dernier reposait une splendide pierre rouge. Avec une infinie délicatesse, il s’empara du prisme hexagonal en le saisissant par les deux extrémités proéminentes, puis l’éleva dans la trajectoire du rayon de lune.

    Alors qu’il admirait la surface miroitante de la gemme d’un rouge intense et translucide, il perçut un subtil flamboiement à l’intérieur de celle-ci. Rapprochant le mystérieux objet de ses yeux, le garçon constata qu’une lueur semblable à la braise d’un feu scintillait en son centre.

    Hypnotisé par la beauté de la pierre écarlate, il la contempla pendant de longues minutes avant de s’effondrer en pleurs sur son lit, étouffant dans son oreiller le seul mot qui lui venait en tête :

    — Pourquoi ? POURQUOI ?

    Le soleil avait tiré sa révérence depuis déjà plusieurs heures lorsque Kiam s’était enfin décidé à aller se coucher ce soir-là. Comme il passait devant le bureau de son père, Darwen, il avait été surpris d’entendre un bruit assourdi alors qu’il le savait parti en voyage d’affaires pour plusieurs jours. « Serait-il revenu plus tôt que prévu ? » s’était alors questionné Kiam.

    Intrigué, il avait frappé quelques coups à la porte, mais n’avait obtenu aucune réponse. Il s’était alors empressé de jeter un coup d’œil à la pièce par l’entrebâillement afin de s’assurer qu’aucun intrus ne s’y trouvait. Son regard avait aussitôt été attiré par des traînées rougeâtres parsemant le plancher. Envahi par une folle inquiétude, Kiam s’était précipité dans la pièce pour y découvrir son père, inconscient, étendu sur le sol derrière le bureau d’acajou, ses yeux sans éclat fixant le plafond.

    Sous le choc de cette macabre découverte, la vision de Kiam s’était embrouillée jusqu’à devenir complètement noire. Ses jambes, molles comme du coton, avaient cédé sous son poids, et il s’était effondré sur le corps inerte de son père. « Non ! Papa, réveille-toi ! » avait-il crié en secouant son père. Mais l’homme n’avait point réagi, demeurant immobile, les traits figés dans une expression de stupeur. « Papa ! Tu ne peux pas mourir ! Tu ne peux pas me faire ça ! »

    Pleurant à chaudes larmes, Kiam avait cherché à se saisir de la main gauche de son père et avait sursauté de dégoût en sentant une matière poisseuse l’en recouvrir. Il avait alors remarqué des boursouflures de chair sanguinolente, là où auraient dû se trouver l’annulaire, le majeur et l’index. Les trois doigts sectionnés avaient disparu, de même que la bague ornant l’un d’eux depuis de nombreuses années. Pris d’un haut-le-cœur, Kiam avait relâché la main mutilée. Elle était retombée mollement sur le sol, où une flaque de sang s’était accumulée.

    Dans un état de bouleversement intense, Kiam avait perdu toute notion de ce qui l’entourait. Il n’avait pas remarqué qu’une silhouette vêtue d’une longue tunique africaine s’était profilée dans l’embrasure de la porte. Abélone l’avait interpellé, mais il n’avait pas daigné répondre, puisque sa voix lui avait semblé n’être qu’un lointain écho venant d’un autre monde.

    La femme à la peau couleur café s’était aussitôt alarmée du mutisme inhabituel de Kiam, dont elle prenait soin depuis onze ans, assumant en quelque sorte le rôle de sa mère, Mériziel, décédée alors que le garçon n'était âgé que de deux ans.

    En découvrant la gravité de la situation, Abélone s’était précipitée au chevet de Darwen et avait palpé son cou dans l’espoir d’y déceler un pouls. Elle avait tenté de réanimer l’homme, mais devant l’implacable vérité, elle avait dû se résigner à cesser de se battre contre l’ennemi le plus redoutable : la mort. « Ce n’est pas possible, ce n’est pas possible ! » avait-elle répété en s’effondrant au sol, s’abandonnant à son chagrin.

    Ses yeux, qui s’étaient attardés sur les sombres traces maculant le plancher, s’étaient soudainement écarquillés de frayeur. Se relevant d’un bond, Abélone avait suivi les traînées de sang jusqu’à une bibliothèque débordant de livres poussiéreux. « Saperloche ! s’était-elle écriée, visiblement agitée. Il ne faut pas rester ici. Allez, viens, Kiam ! »

    Étendu sur le torse de son père, pleurant tout son saoul, le garçon n’avait nullement réagi aux ordres d’Abélone. Elle avait tenté de l’attirer vers elle, mais il s’était accroché avec l’énergie du désespoir à la dépouille de Darwen. Sa préceptrice n’avait eu d’autre choix que de le prendre de force, s’attirant les foudres de Kiam, qui s’était furieusement débattu en hurlant à s’en faire éclater les poumons.

    Alors qu’il avait senti la veste de son père lui glisser des doigts, il s’était agrippé au bras droit de Darwen. En exécutant cette manœuvre désespérée, sa main avait buté contre un objet dissimulé sous le membre inerte de l’homme. Sans réfléchir, il s’était empressé de s’en emparer. Abélone avait tiré profit de ce court moment d’inattention, et Kiam s’était vu trop facilement séparé du corps sans vie de Darwen. Furieux, il s’était démené en pestant contre sa tutrice tandis qu’elle le transportait jusqu’à sa chambre.

    Ce n’est qu’à cet endroit qu’elle l’avait libéré de son emprise et avait brutalement refermé la porte derrière elle, manquant de peu de casser le nez de Kiam, qui s’était élancé à sa suite. Offensé par l’impolitesse d’Abélone, il avait tourné la poignée et hurlé de fureur en constatant qu’elle était verrouillée.

    Profondément affligée, Abélone était demeurée assise quelques instants dans l’escalier, le cœur brisé par les pleurs du garçon, qui donnait des coups de poing contre la porte en hurlant de rage et de chagrin. Les joues inondées de larmes, elle s’était mentalement exhortée à redescendre à l’étage inférieur afin de procéder à la dure tâche qui lui incombait.

    Kiam ne se réveilla que très tard au cours de la nuit. Désorienté, il regarda par la fenêtre et constata que la lune brillait toujours dans un ciel d’encre. Avait-il fait un cauchemar ? La mort de son père n’était-elle qu’un mauvais rêve ?

    La sensation d’une masse au niveau de son abdomen le ramena brutalement à la réalité. Il glissa la main sous les draps et en extirpa une pierre rouge. Il eut soudain l’impression qu’une main invisible lui serra les entrailles. Submergé par une indicible douleur, il éclata en sanglots, déversant sur son oreiller un torrent de larmes.

    Au même instant, Abélone s’introduisit dans la chambre de Kiam. Comme celui-ci n’eut aucune réaction, elle s’approcha du lit et se pencha de façon à voir son visage. Refusant de croiser les yeux sombres d’Abélone, Kiam posa plutôt son regard sur les étranges symboles marquant la peau brune de sa tutrice. Présentes seulement au niveau des tempes et des paumes, les inscriptions légèrement surélevées, semblables à des hiéroglyphes, avaient toujours fasciné Kiam. Jamais Abélone n’avait voulu lui révéler l’origine de ces marques inusitées, pas plus que la raison pour laquelle elle portait toujours un turban orange, qui recouvrait ses cheveux ainsi que ses oreilles.

    Tout un mystère entourait le foulard couleur d’automne ornant sa tête. Jamais personne ne l’avait vue sans cette singulière coiffe, pas même Kiam. « Pourquoi ne l’enlevait-elle jamais ? » s’était-il si souvent demandé. Tentait-elle de dissimuler une vilaine cicatrice ou une horrible malformation ? Au fil des onze années passées en la présence d’Abélone, Kiam avait inventé un nombre incroyable de théories expliquant la curieuse apparence de sa tutrice. Mais aucune d’entre elles n’avait été satisfaisante pour l’insatiable curiosité du garçon.

    Oh ! Il avait bien tenté de lui enlever son turban. Cependant, à sa toute première tentative, Abélone avait éclaté d’une telle fureur que Kiam avait été dissuadé à jamais de répéter l’expérience.

    Une grimace amère contracta le visage du garçon à l’évocation de ce désagréable souvenir. Abélone, le cœur douloureux de voir ainsi souffrir son protégé, déposa une main sur sa tête. S’attendant à ce qu’il réagisse violemment après qu’elle l’eut traité d’une si injuste façon, elle resta surprise de constater qu’il ne la repoussait pas. Au contraire, il s’élança dans ses bras et l’étreignit de toutes ses forces, pleurant de douleur à s’en fendre le crâne.

    — Pourquoi, Abélone ? Pourquoi papa est-il mort ? demanda-t-il en reniflant bruyamment.

    La femme plongea son regard dans celui de Kiam. Les larmes inondant ses yeux faisaient étinceler l’iris gris acier de son œil gauche, détonnant avec le bleu azur qui teintait celui de son œil droit. Même après tant d’années, Abélone s’émerveillait encore de la saisissante particularité des yeux de Kiam. Caressant tendrement la joue mouillée du garçon, elle dit dans un long soupir :

    — Si seulement je le savais. La seule blessure visible est celle de sa main gauche.

    — Il n’a quand même pas pu mourir juste parce qu’il a perdu trois doigts ? sanglota Kiam.

    — Il a peut-être succombé à une crise cardiaque.

    — NON ! hurla Kiam. Papa est bien trop jeune pour mourir de cette façon. Ce sont les vieux qui meurent de ça !

    — Kiam, il n’y a pas d’âge pour mourir, tu sais. C’est un dur moment pour toi, et je tiens à ce que tu saches que je suis là, le consola-t-elle.

    Le sourire qu’elle voulait réconfortant s’effaça subitement, et ses traits se contractèrent en une expression de profonde affliction.

    — Kiam, je suis venue te chercher parce que nous devons partir.

    — Partir ? Mais pourquoi doit-on par…

    — Je ne peux pas te l’expliquer maintenant, car nous devons faire vite, le coupa-t-elle, visiblement très anxieuse. Prends ton sac de voyage et remplis-le de linge. N’apporte que l’essentiel. Aucun livre, souvenir ou autre bidule inutile. Juste l’essentiel, Kiam, et fais-le vite, très vite.

    — Il n’en est pas question ! Je ne partirai pas d’ici ! Pas sans savoir pourquoi ! s’égosilla le garçon.

    — Kiam, fais ce que je te dis, un point c’est tout ! C’est une question de vie ou de mort, alors obéis !

    Le faciès furibond de Kiam se mua en une expression d’ahurissement.

    — Une question de vie ou de mort ? Ce n’est pas sérieux, non ?

    Devant le refus de Kiam de coopérer, Abélone le saisit par les épaules et planta son regard pénétrant droit dans le sien en lui disant :

    — Kiam, nous n’avons pas une seconde à perdre. Nous courons sans doute un grave danger…

    2

    ÉTRANGES PHÉNOMÈNES

    En danger ? Mais qu’est-ce qu’Abélone lui racontait là ? Voyons, c’était insensé ! Elle ne pouvait pas dire cela sérieusement ! Kiam ne voyait qu’une seule explication aux divagations de sa tutrice : la mort de Darwen l’affectait à un point tel qu’elle était devenue complètement timbrée.

    Kiam ruminait cette affreuse pensée en fixant Abélone d’un air incrédule tandis qu’elle s’évertuait à lui expliquer l’urgence de la situation. Malgré l’absurdité de ses paroles, Kiam se vit dans l’obligation de lui obéir ; elle ne lui en laissa pas le choix. Abélone plongea sa tête ceinturée d’une écharpe orangée dans le placard et en ressortit un sac de voyage qu’elle balança d’un geste impatient vers Kiam. Celui-ci le rattrapa de justesse avant qu’il le heurte en plein visage.

    — Je ne t’accorde qu’une quinzaine de minutes pour te préparer. Nous avons déjà assez perdu de temps, dit-elle en quittant la chambre, prenant soin de verrouiller la porte à double tour.

    Kiam projeta violemment son sac sur la porte en pestant contre Abélone. Il se laissa retomber sur ses draps, étouffant un cri de colère dans son oreiller. Pourquoi s’entêtait-elle à dire qu’ils étaient en danger ? Elle devait être totalement dénuée de compassion pour le bousculer de cette manière, si tôt après la découverte de son père, mort. N’avait-elle donc pas de cœur ?

    Furieux, il asséna une série de coups de poing sur son matelas. Partagé entre sa rancœur contre les agissements insensés d’Abélone et la douleur provoquée par la perte de son père, Kiam fut incapable de retenir les larmes inondant ses yeux.

    À contrecœur, il se conforma à l’ultimatum décrété par Abélone et rassembla au centre de la pièce de nombreuses paires de chaussettes et plus de caleçons que nécessaire. À l’amas de sous-vêtements gisant sur le sol il ajouta sa trousse de survie en forêt comprenant une boussole, un canif, une gourde et quelques pansements. Affligé par la mort de son père, il enfourna le tout dans son sac sans se rendre compte qu’il avait oublié d’ajouter au moins un pantalon et un chandail.

    Ses préparatifs terminés, il essuya du revers de la manche de son pyjama les pleurs qui ruisselaient sur ses joues. Jetant un dernier coup d’œil à sa chambre, son regard s’arrêta sur son lit, où le coffret de bois reposait, à moitié dissimulé sous les couvertures. Kiam souleva les draps et récupéra la pierre rouge au centre scintillant. Avec prudence, il releva le couvercle bombé du boîtier. Curieusement, aucune sensation d’engourdissement ne se manifesta cette fois-ci. Lorsqu’il déposa le joyau dans le coffret, il remarqua une inscription au fond de celui-ci : « Regarde toujours au-delà des apparences ».

    Songeant à ce que cela pouvait bien signifier, Kiam fixa l’écrin sans broncher, hésitant à le prendre avec lui. Or, lorsqu’il entendit la clé tourner dans la serrure, mû par une profonde intuition, il s’empressa de dissimuler le coffret dans son sac de voyage.

    Abélone apparut dans la chambre en coup de vent, un fourre-tout suspendu à son épaule. Observant Kiam, qui peinait à refermer son sac, elle dit d’un ton trahissant sa nervosité :

    — Bon, tu es prêt ? Nous ne devons pas nous attarder ici. Mets tes chaussures et suis-moi.

    Kiam voulut protester, mais le regard qu’Abélone lui jeta l’en dissuada. Après qu’il eut enfilé ses chaussures, ils descendirent au rez-de-chaussée et, au grand étonnement du garçon, passèrent devant la porte d’entrée sans qu’Abélone y prête attention. Elle s’arrêta plutôt devant le cabinet de travail de Darwen. Kiam la considéra d’un œil perplexe, se questionnant sur les motivations de sa tutrice de faire le piquet à cet endroit plutôt que de quitter la maison.

    Sa consternation devint encore plus grande lorsqu’elle ouvrit la porte et disparut dans la pénombre de la pièce. Kiam attendit sur le seuil, n’osant pas le franchir. La voix d’Abélone s’éleva du fond du bureau, lui intimant de venir la rejoindre sur-le-champ. Son cœur battant la chamade, il pénétra à son tour dans la pièce.

    À peine eut-il exécuté deux enjambées qu’il ne put empêcher son regard de se diriger à l’endroit où le corps inerte de son père gisait quelques heures auparavant. Il tressaillit de stupeur lorsqu’il constata que Darwen était toujours étendu sur le plancher.

    — Papa ! s’écria-t-il en s’élançant vers la dépouille de l’homme au teint devenu crayeux.

    Abélone l’arrêta toutefois avant qu’il n’atteigne son défunt père.

    — Laisse-moi ! rugit-il en se tortillant comme un ver.

    Abélone parvint à le maîtriser en resserrant davantage ses bras autour de lui.

    — Kiam, la situation est plus compliquée que tu ne le croies. Si je pouvais t’épargner cette torture, je le ferais, mais il faut partir. Et nous n’y arriverons pas, si tu n’y mets pas du tien.

    Kiam fit pivoter sa tête vers l’arrière et, jetant un regard courroucé à sa tutrice, lui balança :

    — T’aider est bien la dernière chose que je souhaite en ce moment !

    Abélone grommela, contrariée du refus de Kiam de coopérer. Mais devait-elle s’attendre à autre chose de la part d’un jeune garçon de treize ans dont le père décédé reposait à deux pas de lui ?

    — Pourquoi me fais-tu ça ? Pourquoi me ramener ici alors que tu n’arrêtes pas de répéter que nous devons partir ? ragea Kiam en se décarcassant dans l’espoir de se dégager des bras d’Abélone, qui le serraient comme un étau.

    — Tu vas comprendre dans deux secondes, expliqua-t-elle en entraînant le garçon chahuteur vers la bibliothèque bondée de livres aux reliures défraîchies.

    Abélone s’immobilisa devant une statue de taille humaine représentant une déesse grecque. D’un mouvement vif, elle caressa l’arrière de la tête de la sculpture en marbre. Un grincement sourd se fit alors entendre tandis qu’à leurs pieds se dévoilait une trappe. Kiam cessa aussitôt de se débattre et observa avec méfiance l’ouverture qui s’agrandissait dans le plancher, révélant un étroit et long escalier en pierre en bas duquel vacillait une lueur.

    — Allez, dépêchons ! dit Abélone en guidant le garçon vers la trappe.

    — On ne va quand même pas laisser papa comme ça ! se récria Kiam, qui refusait d’avancer.

    — On ne peut plus rien pour lui.

    — Mais, c’est inhumain ! Abélone, tu ne peux pas faire ça !

    Sa tutrice ne lui laissa pas le temps de rouspéter davantage. Elle le tira vigoureusement par le bras, l’entraînant dans le mystérieux escalier. Après avoir descendu une dizaine de marches, Abélone abaissa un levier dissimulé au fond d’une cavité creusée dans le mur de pierre. Sitôt enclenché, le raclement d’une lourde pierre résonna au-dessus d’eux. Il ne fallut qu’un court instant pour que l’ouverture du passage secret disparaisse complètement.

    Enfin libéré de l’emprise d’Abélone, Kiam se rua au sommet de l’escalier et essaya de soulever la dalle de pierre qui en obstruait l’issue. Il s’acharna bien inutilement, puisqu’elle ne bougea pas d’un millimètre.

    — Tu perds ton temps, Kiam.

    Ignorant la douleur qui vrillait ses mains, il donna un coup de poing rageur sur le bloc de pierre.

    — Je comprends ton bouleversement. Et je t’assure que nous n’abandonnons pas Darwen. Quelqu’un viendra s’en occuper, mais pas avant que nous ayons quitté les lieux, dit Abélone afin de convaincre Kiam de la suivre.

    Tenaillé par un sentiment d’impuissance face à cette frustrante situation, Kiam se vit contraint d’obéir à sa tutrice. Lorsqu’il la rejoignit dans un silence boudeur, Abélone se plaqua contre le mur, bloquant ainsi l’accès au levier, et lui ordonna de prendre les devants. Sans lui accorder un seul regard, il poursuivit la descente en maugréant intérieurement. Comment pouvait-elle lui faire une chose pareille ? Et s’ils étaient réellement en danger, pourquoi fuir par une trappe secrète, et non par la porte d’entrée, comme le ferait toute personne pourvue de bon sens ?

    Tandis qu’il ruminait ces pensées, Kiam descendait avec prudence les marches irrégulières aux contours assombris. Une odeur de moisissure imprégnait l’atmosphère, chatouillant désagréablement ses narines. La dernière marche franchie, ils s’engagèrent tous deux dans un couloir bordé de murs suintant l’humidité. L’un d’eux supportait une torche, dont la flamme brillait d’une vive intensité. Abélone la saisit et la tendit à Kiam, avant de prendre les devants.

    — Prends-la, lui ordonna-t-elle.

    Kiam lui décocha un regard chargé de reproches, mais empoigna néanmoins le flambeau sans dire un mot. Tandis qu’ils poursuivaient leur chemin en silence, Kiam fut ébloui par l’incroyable éclat de la torche qu’il brandissait devant lui. Intrigué, il la regarda de plus près et remarqua que le feu ne produisait aucun crépitement, aucune volute de fumée, et que les flammes ne dansaient pas sous l’effet de l’air qu’il déplaçait en marchant.

    Dans un élan de curiosité totalement absurde, Kiam approcha un doigt de la flamme. Au lieu de se brûler, comme il s’y attendait, son index rencontra une surface dure, transparente et… froide ! Comment le feu pouvait-il être dépourvu de chaleur ? Kiam était si stupéfait de sa découverte qu’il ne s’aperçut pas qu’Abélone avait cessé d’avancer et il la heurta de plein fouet.

    — Saperloche, Kiam ! Regarde où tu mets les pieds ! Et veux-tu arrêter de fixer la torche de cet air idiot !

    — Abélone, regarde ! La flamme ! Elle… elle n’est pas normale du tout ! s’inquiéta Kiam en pointant d’un doigt tremblotant l’objet en question.

    — Tu es perspicace. Ce feu n’est pas normal du tout, admit-elle, insistant sur les derniers mots. Il s’agit d’une flamme lorphinée.

    — Une flamme lorphi… quoi ?

    — Lorphinée, répéta Abélone. La flamme est emprisonnée dans une larme de lorphin. Ce liquide cristallin devient solide au contact du feu et protège celui-ci contre les agressions externes telles que le vent et la pluie, ce qui lui permet de brûler dans sa petite coquille transparente, et ce, éternellement. Cependant, les larmes de lorphin confèrent aussi au feu une puissance phénoménale lorsque la paroi le protégeant est endommagée. Alors, tout compte fait, mieux vaut que je reprenne la torche, dit Abélone, lui arrachant le flambeau plutôt qu’il le lui donnât.

    — Mais… mais c’est impossible ! déclara Kiam, incrédule. Le feu ne peut pas brûler sans oxygène, je l’ai appris à l’école. En plus, des lorphins, ça n’existe même pas ! Ton histoire est sans queue ni tête, Abélone.

    — Écoute Kiam, ce n’est ni l’endroit ni le moment pour t’expliquer ce qu’est un lorphin, rétorqua impatiemment la femme au teint basané. Alors, garde tes questions pour toi et aide-moi plutôt à ouvrir la porte.

    — La porte ! ? Quelle porte ?

    Détournant son regard de la flamme éternelle, Kiam remarqua qu’une porte de bois bloquait le passage.

    — Ah, bien oui. Cette porte-là, constata-t-il, encore abasourdi par le récit saugrenu d’Abélone.

    Exécutant les ordres d’Abélone, Kiam poussa le panneau de bois. Celui-ci tourna sur ses gonds rouillés en produisant un grincement strident. De l’autre côté se révéla un caveau en pierre, que nimbait d’une lumière ambrée la flamme lorphinée. Une tranchée peu profonde et à peine plus large qu’une main parcourait la pièce, formant un cercle parfait au centre duquel se dressait un socle cylindrique supportant une large rondelle indigo. Ce curieux dispositif consistait en l’unique mobilier.

    Ignorant la raison pour laquelle Abélone l’avait attiré dans cette pièce sans issue, Kiam la considéra d’un œil interrogateur.

    — À quoi ça rime, tout ça ? Tu prétends qu’on est en danger, qu’on doit quitter la maison, mais tu nous amènes ici, dans un caveau puant qui ne donne sur absolument rien ! Tu es tombée sur la tête ou quoi ?

    — Je sais que ça te semble bizarre, mais fais-moi confiance, répondit Abélone tandis qu’elle glissait la torche lorphinée dans un anneau fixé au mur.

    — Je n’ai pas envie de te faire confiance ! Je veux juste qu’on s’occupe de mon père que tu as abandonné là-haut ! s’indigna Kiam, qui commençait sérieusement à en avoir assez de cette nuit abracadabrante.

    — J’ai autant de peine que toi, tu sais…

    — Ouais, bien ça ne paraît pas vraiment !

    — Ça suffit ! gronda Abélone. Place-toi au centre du cercle et reste tranquille !

    Grognant de mécontentement, Kiam enjamba l’étroit canal creusé dans le sol pierreux et s’arrêta face à la pastille bleue surélevée. Tenté par sa curiosité, il posa la main sur celle-ci. Lorsqu’il l’en retira, une délicate lumière bleutée apparut à la surface, reproduisant la forme exacte de sa main, puis s’estompa en quelques secondes. Amusé par le curieux phénomène, Kiam traça les contours d’un triangle sur le disque. Le dessin prit forme, rayonnant d’une lueur indigo, avant de disparaître.

    — Ne touche pas à ça ! le réprimanda Abélone en poussant le garçon.

    Elle s’installa devant le dispositif circulaire et en caressa le pourtour, qui s’illumina.

    — Au nom des quatre fils, Omirkos, Airikior, Fumerkus et Terkis, je t’implore de nous ouvrir les voies de ce tupafier, proclama Abélone d’une voix retentissante.

    — Mais qu’est-ce que tu baragouines là ?

    — Chut ! lâcha-t-elle sèchement en pointant son index vers la plaque circulaire. Regarde…

    Des symboles cabalistiques se formèrent à la surface de la rondelle, puis une vive lumière apparut dans la tranchée, dessinant un cercle bleu au sol.

    — Mais qu’est-ce qui se passe ? s’inquiéta Kiam.

    Le cerceau lumineux commença alors à s’étirer vers le plafond, créant un dôme au-dessus de leur tête. Au moment même où un éclair bleuté s’abattait sur la plaque circulaire, Abélone s’écria :

    — UTHOLIN !

    — Hein ? lança Kiam, consterné par ce qu’il voyait.

    Il ressentit alors une violente secousse, suivie d’une sensation de vertige. Une force inconnue le plaqua brutalement contre la paroi azurée du dôme, d’où il ne put se décoller tant l’ahurissante pression comprimait son corps. C’est alors qu’une éclatante lumière illumina la salle, aveuglant Kiam, qui, étourdi par la soudaine impression de vertige, s’évanouit.

    3

    UTHOLIN

    Kiam reprit peu à peu connaissance et grogna de mécontentement en sentant Abélone lui tapoter les joues. Il entrouvrit les paupières pour les refermer aussitôt, grimaçant de douleur devant l’aveuglante luminosité.

    — Mais que s’est-il passé, Abélone ? Suis-je mort ? s’inquiéta-t-il.

    Un rire moqueur retentit à ses côtés.

    — Laisse-moi te dire que si tu étais réellement mort, le bon Dieu, dans son infinie sagesse, t’aurait enlevé l’usage de la parole, le nargua sa tutrice.

    La voix d’Abélone rassura Kiam. Il n’était pas mort, seulement assommé. Il demeura étendu, le temps que ses yeux s’adaptent à l’éblouissante clarté. Lorsque ce fut fait, la première chose qu’il distingua clairement fut le socle supportant la rondelle bleue. Puis, levant la tête, il resta stupéfait de voir briller le soleil dans un ciel sans nuage.

    — Mais… comment est-ce possible ? s’alarma Kiam, qui, n’en croyant pas ses yeux, se releva d’un bond.

    Il pivota sur lui-même pour découvrir qu’il se trouvait au cœur d’une crevasse circulaire bordée de hauts rochers.

    — Oh bon sens ! Ça y est ! C’est moi qui perds la tête maintenant ! dit-il en chancelant sous le coup de l’émotion. Abélone, je t’en supplie, dis-moi que c’est juste un mauvais rêve !

    — Kiam, ressaisis-toi ! ordonna-t-elle en le remuant énergiquement. Ce n’est pas le moment de perdre connaissance à nouveau. Une fois est bien assez pour aujourd’hui !

    — Je… je ne rêve pas ?

    — Tout ceci est un peu troublant pour toi, je sais. Mais il s’agit bien de la réalité.

    — Un peu troublant, tu dis ? s’offusqua Kiam. Il y a de quoi devenir cinglé, oui ! Il y a deux minutes, nous étions dans un caveau sous la maison, et là, tout d’un coup, nous voilà je ne sais trop où. En plus, il faisait encore nuit lorsque tu es venu me chercher, tandis que là, le soleil est sur le point de me rôtir comme un méchoui !

    Abélone serra tendrement le garçon dans ses bras.

    — Je m’excuse pour tout ce chamboulement, mais je dois d’abord et avant tout assurer ta sécurité. Je te promets de tout t’expliquer, une fois que nous serons à l’abri.

    Kiam repoussa Abélone et la toisa avec défiance.

    — Je n’en peux plus de t’entendre dire que nous n’avons pas le temps, que nous devons fuir parce que nous sommes en danger, regimba Kiam. J’ai le droit de savoir ce qui se passe, là, maintenant ! Et ne me dis surtout pas qu’on n’a pas le temps, parce que tu en as bien trouvé tout à l’heure pour faire tes simagrées, et voilà où nous en sommes ! Perdus au beau milieu d’une roche ! s’insurgea Kiam, levant les deux bras dans les airs pour souligner ses propos.

    — Mes simagrées revêtaient une grande importance afin que nous puissions parvenir à Airazeth.

    — Airazeth ? Mais où diable se trouve Airazeth ? Je n’ai jamais entendu parler de cette ville !

    — Airazeth n’est pas une ville, souffla-t-elle sèchement. Trêve de bavardage, nous devons partir. Suis-moi et tâche de rester tranquille, cette fois.

    — Il est hors de question que je te suive, s’opposa Kiam en croisant les bras.

    — Ne joue pas à ce petit jeu-là avec moi, Kiam Tasgall !

    Ignorant les protestations du garçon, Abélone le traîna de force vers un rocher, derrière lequel s’ouvrait une faille dans la falaise. Kiam dut se résoudre à suivre sa tutrice, mais il lui fit payer cher son entêtement en se plaignant constamment de la fraîcheur des lieux, des fortes bourrasques de vent qui s’engouffraient dans le passage, des moustiques qui tournaient autour de lui, du mutisme de sa tutrice, de la situation rocambolesque qu’il vivait et de la faim qui le tenaillait.

    Après quelques sinueux détours, ils débouchèrent sur une étroite corniche à flanc de falaise, où une vue imprenable des environs s’offrit à eux.

    — Mais, nous sommes au beau milieu d’une chaîne de montagnes ! s’exclama-t-il, bouche bée.

    — Tu vois ! Tu es encore capable de formuler une phrase sans te plaindre, l’agaça Abélone, un sourire narquois dessiné sur ses lèvres.

    — Ha ! Ha ! Très drôle ! Non mais, est-ce que ces satanés moustiques vont finir par me ficher la paix ! ronchonna-t-il tandis qu’un insecte lui taquinait l’oreille.

    — Ce ne sont pas des moustiques.

    — Ah non ? Ce sont des éléphants, peut-être ? dit Kiam d’un ton sarcastique.

    Abélone lui décocha un regard réprobateur.

    — Ce sont des sentinelles. Et tâche de ne pas leur faire de mal, sinon tu en verras rappliquer une centaine.

    — Des sentinelles ! ?

    Kiam suivit des yeux une minuscule bestiole qui voltigeait devant lui. Vu la rapidité avec laquelle elle se mouvait, il ne distingua qu’un corps velu muni d’ailes frétillantes.

    — Et quoi encore ? soupira-t-il en haussant les épaules.

    L’insecte vint alors se poser sur le bout de son nez. Avant que la petite créature ne reprenne son envol, Kiam crut apercevoir sur celle-ci le reflet argenté d’un casque et le miroitement d’une épée miniature.

    — Alors, tu viens ? demanda Abélone, faisant sursauter Kiam, qui cherchait à se convaincre qu’il venait d’être victime d’hallucinations. Nous sommes presque arrivés à la cité.

    Kiam dévisagea sa tutrice avec étonnement.

    — Je ne savais pas qu’il y avait une cité dans le sous-sol !

    — Nous ne sommes plus dans le sous-sol, Kiam.

    — Mais je ne sais pas, moi ! Tu ne m’expliques rien de ce qui se passe !

    Levant les yeux au ciel, Abélone laissa échapper un long soupir.

    — Tu sauras bien assez vite ce qu’est la cité, alors cesse de te plaindre et suis-moi.

    Abélone emprunta une volée de marches menant à un long passage creusé dans le roc, au bout duquel chatoyait une lueur orangée. Kiam lui emboîta le pas, s’exhortant mentalement à ne pas écrabouiller les sentinelles qui voletaient autour de lui. Le tunnel déboucha sur une caverne éclairée par une multitude de torches murales. Kiam s’approcha de l’une d’elles, observant avec fascination les flammes emprisonnées dans la coquille transparente.

    L’arrivée inopinée d’un homme de haute stature tira le garçon de sa contemplation. Obnubilé par le charisme et la prestance que dégageait l’inconnu, Kiam fixa d’un air hébété celui qui venait à leur rencontre. Même si plusieurs rides se dessinaient sur son visage au teint pâle, l’individu semblait sans âge. Son crâne était nu et luisant, à l’exception de deux épaisses mèches de cheveux prenant naissance au haut de son front et courant vers l’arrière de sa tête. Réunis à la nuque par un ruban noir, les deux épis grisâtres terminaient leur course dans le bas du dos de l’homme. Sa longue tunique cendrée dissimulait ses pieds, donnant l’impression qu’il flottait tandis qu’il avançait lentement vers eux.

    Sans prononcer une seule parole, il leva la main devant lui. En réponse à ce geste, les sentinelles se retirèrent de la caverne.

    Une voix posée, empreinte d’une grande sagesse, résonna alors dans la crypte :

    — Fo avum nxuvu Ohusiru ! Dlus tsoemev zu qilm qiev moerm ua molym !

    — Hirbilv, Muvhuva, répondit Abélone en s’inclinant légèrement.

    Kiam demeura stupéfait de les entendre dialoguer dans ce langage incompréhensible. Ce dialecte à la consonance mélodieuse ne lui était toutefois pas étranger, éveillant en lui le vague souvenir d’une mystérieuse conversation surprise un jour entre Abélone et son père.

    Égaré dans ses pensées, Kiam tressaillit lorsque l’homme se posta devant lui. Subjugué par le caractère envoûtant des yeux sans iris de l’inconnu, Kiam se surprit à ne plus pouvoir en détacher son regard.

    — Kiam, pour l’amour ! Qu’est-ce que tu attends pour offrir tes salutations à Serbert ? le morigéna Abélone en lui administrant une légère tape derrière la tête.

    — Bonjour, monsieur. Enchantant… euh… je veux dire, enchanté de faire votre connaissance, cafouilla-t-il, captivé par les larges pupilles noires de l’homme.

    L’étranger examina le garçon de la tête aux pieds, ses traits raffinés exprimant une expression indicible. Kiam suivit le regard de Serbert et prit soudain conscience qu’il portait son vieux pyjama aux motifs ridiculement enfantins. Quel imbécile ! Dans l’énervement causé par leur départ précipité, il avait oublié de se changer. Embarrassé, Kiam sentit son visage prendre la couleur d’une pivoine.

    — Bu mlem voqe zu au vunuqiev zorm fo zufulvu, Peof, psalmodia Serbert d’une voix aux inflexions chantantes.

    — Peof ru tovsu tom riavu sorklu, déclara Abélone à l’intention de l’homme dont le visage dépourvu de pilosité s’illumina d’un grand sourire.

    — Ox ! Es yola zirm vufuzeuv o nu tvihsufu, articula l’individu.

    De son ample robe grise, Serbert extirpa une gemme oblongue aux reflets verdâtres, qu’il appuya sur le front de Kiam. Le contact de la pierre froide avec sa peau fit frissonner ce dernier. L’effet de fraîcheur se transforma toutefois en une insoutenable sensation de brûlure. Dans un gémissement de douleur, Kiam écarta vivement le bras de l’homme et plaqua sa main contre son front lancinant. Une folle angoisse s’empara de lui lorsqu’il réalisa que le joyau incandescent s’incrustait peu à peu dans sa chair.

    — Enlevez-moi cette saloperie ! hurla Kiam, pris de panique.

    Kiam tenta d’agripper la pierre, mais celle-ci disparut d’un seul coup sous sa peau, arrachant un cri de souffrance au garçon. De ses doigts agités de tremblements, il tâta son front et n’y découvrit aucune trace du joyau qui venait de s’y enfoncer. La pierre s’était volatilisée, de même que la douleur.

    — Mais qu’est-ce que c’était que cette cochonnerie-là ? Qu’est-ce que vous m’avez fait ? fulmina Kiam, dardant un regard ulcéré sur l’homme au visage impassible.

    — Il était impératif que tu intègres l’argolythe, déclara Serbert d’un ton qui se voulait apaisant.

    — Quoi ? Vous parlez notre langue ? s’indigna Kiam. Vous n’auriez pas pu le dire avant ? J’aurais compris ce que vous comptiez me faire subir et je m’y serais opposé !

    Abélone échangea un regard avec l’étranger, puis s’agenouilla devant le garçon.

    — Kiam, Serbert ne parle pas notre langue…

    — Ah non ? Et ce qu’il vient de dire, c’était du chinois ?

    — Non. C’était de l’imru, précisa Abélone.

    — C’est n’importe quoi ! lâcha effrontément Kiam.

    — L’argolythe que ton corps a intégré, non sans douleur, con…

    — C’est avant que j’aurais aimé savoir que ça ne serait pas sans douleur ! la coupa Kiam.

    — Je sais, mon chéri, mais il te fallait subir cette épreuve. L’argolythe est une pierre magique qui transmet, à la personne qui l’intègre, les facultés de comprendre et de converser dans la plupart des dialectes existants. Ce n’est donc pas Serbert qui parle notre langue, mais toi qui saisis désormais le sens de ses paroles.

    Kiam fronça les sourcils, croyant Abélone sérieusement dérangée. Comment pouvait-elle affirmer de telles sottises ? Décidément, son cas n’allait pas en s’améliorant. Toutefois, malgré l’invraisemblance de ses propos, un léger doute s’insinua dans l’esprit de Kiam. Il n’aurait pas osé se l’avouer, mais en son for intérieur, il sentait la magie de l’argolythe opérer. Cette sensation de chaleur au niveau de son front le laissait perplexe. « Et si Abélone disait vrai ? », se surprit-il à penser.

    — Je suis très heureux de faire ta connaissance, Kiam. Sois le bienvenu à Utholin, prononça Serbert d’une voix empreinte d’une grande sérénité.

    Accordant de nouveau son attention à Abélone, l’homme reprit :

    — Vous devez être affamés. Venez avec moi, nous vous avons préparé de quoi vous sustenter.

    « Et c’est reparti ! », songea Kiam, qui n’en pouvait plus de passer son temps à suivre quelqu’un sans jamais savoir pourquoi. Il se retint toutefois de passer un commentaire devant l’intimidant inconnu tandis qu’il les guidait dans un dédale de galeries souterraines. Sa curiosité le titillant davantage que sa faim, Kiam s’empressa de poser quelques questions à sa tutrice.

    — Comment se fait-il que ce Serbert attendait notre arrivée ? chuchota-t-il afin que seule Abélone l’entende.

    — Tout vient à point à qui sait attendre, jeune Kiam, déclara Serbert.

    Stupéfait que l’homme aux allures de prophète ait pu entendre ce qu’il disait, Kiam se renfrogna et poursuivit le chemin en silence. Serbert s’arrêta devant une porte de bois au fond d’un couloir et invita les nouveaux arrivants à en franchir le seuil. Deux fauteuils, quelques étagères garnies de curieux objets et une table basse regorgeant de victuailles occupaient la pièce dans laquelle ils se trouvaient.

    — Vous êtes ici dans les quartiers principaux d’Utholin. Même si très peu de gens y habitent, plusieurs appartements privés y sont aménagés afin d’accueillir d’importants visiteurs. Des vêtements propres ont été mis à votre disposition dans vos chambres respectives. Prenez le temps nécessaire pour vous installer, dit Serbert en quittant la pièce.

    Kiam jeta un regard inquiet à Abélone, mais celle-ci s’éclipsa sans dire un mot derrière une porte près du foyer.

    — Parfait ! dit-il d’un ton grognon en se dirigeant vers la seconde porte.

    De dimensions réduites, la chambre ne comportait aucune fenêtre et n’était agrémentée que de très peu de mobilier. Faisant office de lit, un épais matelas reposait dans une cavité creusée à même la paroi rocheuse. Des vêtements soigneusement pliés étaient déposés sur une chaise de bois. Kiam se débarrassa avec empressement de son pyjama et enfila ses nouveaux habits : un modeste pantalon de toile couleur lin accompagné d’une courte tunique blanche. L’ensemble lui parut démodé, mais quant au confort, il n’avait rien à redire. Il reluqua la paire de bottillons en cuir traînant près de la porte, mais préféra conserver ses vieilles chaussures.

    Kiam regarda le matelas d’un air dubitatif, puis décida de s’y allonger afin d’en évaluer la qualité. Exténué par la nuit abracadabrante qu’il venait de vivre, il s’assoupit doucement.

    À peine quelques minutes plus tard, il fut tiré de son sommeil par les sourds grondements que produisait son estomac. Affamé, il se rendit dans la pièce principale, salivant à la vue de l’alléchante nourriture qui l’attendait sur la table.

    Alors qu’il se gavait de pain sucré, des voix lui parvinrent de la chambre d’Abélone. Il s’en approcha furtivement et risqua un œil par le mince entrebâillement de la porte. Kiam aperçut sa tutrice, assise sur une chaise, tenant à la main une tasse fumante.

    — Pauvre petit. J’espère qu’il s’en remettra, soupira-t-elle. Darwen n’a jamais voulu lui révéler la vérité au sujet de sa famille. Peut-être aurait-il mieux fallu qu’il sache dès le début afin d’être préparé à une situation comme celle-ci. Quel choc ce doit être pour lui…

    — C’est un brave garçon. Il saura s’adapter facilement, la rassura Serbert. Mieux vaut d’abord lui laisser le temps d’apprivoiser son nouvel environnement. Chaque chose en son temps. Le jour viendra où il sera prêt à entendre la vérité, et je serai là pour la lui expliquer.

    — Je t’avertis, Serbert. Tu ne l’auras pas facile. Il a tout un caractère !

    — À l’image de son père…

    Un sourire triste se dessina sur les traits tirés d’Abélone.

    — Je te laisse encore un peu de temps. Je reviendrai plus tard, annonça Serbert.

    — Merci pour la tisane.

    Kiam eut tout juste le temps de retourner en vitesse dans sa chambre, avant que Serbert ne sorte de celle d’Abélone. Le cœur bondissant dans sa poitrine, le souffle haletant, il s’appuya contre le mur de pierre et se laissa choir au sol.

    — La vérité au sujet de ma famille ?

    Sous le choc des propos qu’il venait de surprendre, Kiam se mit à trembler. Il ressassa les paroles de sa tutrice afin d’en saisir le sens, sans toutefois y parvenir. Le corps secoué de sanglots, ses pensées embrouillées par son désarroi, Kiam s’étendit sur le sol et succomba à la fatigue qui le terrassait.

    Le lendemain matin, la voix d’Abélone réveilla Kiam. Encore somnolent, il grogna et tourna le dos à sa tutrice. Celle-ci posa un plateau chargé de nourriture sur le lit. Les divins effluves qui s’en dégagèrent calmèrent aussitôt la mauvaise humeur du garçon. Lorsqu’il souleva ses paupières alourdies, il parut étonné d’être allongé sur sa couchette.

    — En venant te chercher pour le souper, hier soir, je t’ai trouvé recroquevillé sur le plancher. Je me suis dit que tu serais plus à l’aise dans ton lit. Je t’y ai donc transporté, expliqua Abélone en caressant les cheveux ondulés de Kiam. Comment se fait-il que tu te sois endormi par terre ?

    Le souvenir des troublants propos d’Abélone raviva une sourde douleur dans la poitrine du garçon.

    — Je… j’en sais rien, mentit Kiam, le regard fuyant.

    Se saisissant d’une pâtisserie, il la mangea sans appétit.

    — Serbert aimerait te rencontrer, lui annonça Abélone.

    Le cœur de Kiam défaillit. L’étranger comptait-il lui révéler la vérité au sujet de sa famille ? Anxieux, il ne put avaler une bouchée de plus. Prétextant une soudaine envie, il demanda à Abélone de l’emmener à la salle de bain. Lorsqu’il y fut, il éclaboussa son visage d’eau froide. Sa toilette terminée et ses idées éclaircies, il rejoignit sa tutrice, bien résolu à tirer les vers du nez à Serbert.

    — On y va ?

    Abélone acquiesça et conduisit Kiam au bout d’un couloir, où Serbert les attendait devant une haute porte ouvragée.

    — Bonjour, Kiam. Je crois venu le temps, après une bonne nuit de sommeil, de répondre à tes questions, annonça-t-il en franchissant la porte.

    De l’autre côté, une salle occupée par une immense table au-dessus de laquelle tournoyaient, autour d’une boule de feu, plusieurs sphères de couleurs et de grosseurs différentes. D’un geste de la main, Serbert invita le garçon à s’approcher de l’étrange dispositif. Kiam s’exécuta, observant avec fascination les sphères colorées se mouvoir par elles-mêmes, sans être rattachées à quoi que ce soit.

    — Est-ce que tu reconnais ceci ? demanda l’homme inspirant la sagesse.

    — On dirait le système solaire, répondit Kiam.

    — Tu as parfaitement raison. Cependant, n’y remarques-tu rien de différent ?

    — Eh bien, les planètes tournent comme par magie.

    — Je t’accorde ce point, mais n’y vois-tu pas quelque chose de tout aussi… particulier ?

    Kiam examina plus attentivement le système au mécanisme déconcertant.

    — Ah bien ça alors ! Il y a cinq lunes qui gravitent autour de la planète Terre ! s’exclama-t-il. Pourquoi représenter le système solaire de cette façon, alors que ce n’est pas la réalité ?

    Serbert joignit ses deux mains. L’air solennel, il prit la parole :

    — Dans un passé lointain, alors que la couche externe de la Terre n’était qu’une croûte solide infertile, elle a été heurtée par un corps céleste. L’impact a projeté dans l’espace de nombreux morceaux de la planète, qui se sont dispersés en anneaux autour de celle-ci. Avec le temps, ces fragments se sont agglomérés pour former cinq satellites naturels. Voici la Lune que tu connais, affirma Serbert en pointant du doigt une sphère d’un gris pâle. Les quatre autres satellites existent réellement, mais…

    — Quoi ! ? s’offusqua Kiam. Vous êtes qui, vous, pour prétendre qu’il existe quatre autres lunes ?

    — Kiam, reste poli ! ordonna Abélone.

    — Je resterai poli lorsqu’on cessera de me raconter des âneries !

    — Ce ne sont pas des âneries, rétorqua sa tutrice.

    — Mais son histoire ne tient pas debout ! S’il existait d’autres lunes, quelqu’un les aurait forcément vues. Mais ce n’est pas le cas !

    — Les quatre autres satellites ne sont pas visibles par les habitants de la Terre, car des boucliers magiques ont été créés autour d’eux afin qu’aucun terrien ne puisse découvrir leur existence.

    — Bien oui, c’est ça ! Et moi, j’ai trois mille ans !

    — Saperloche, Kiam ! Tu voulais des réponses, alors tais-toi et écoute, nom d’une pipelette ! le sermonna Abélone.

    Kiam prit un air renfrogné, mais laissa néanmoins la parole à Serbert.

    — Je comprends ton scepticisme, Kiam. Seulement, ici, tu dois faire preuve d’un minimum d’ouverture d’esprit, déclara Serbert, nullement déconcerté par le caractère explosif du jeune garçon.

    — Esprit ouvert ou pas, votre histoire à la noix ne fonctionne pas ! Quatre lunes invisibles. Pfff ! Franchement ! C’est complètement ridicule ! Et pourquoi en masquer quatre, et pas cinq, hein ?

    — Parce qu’il n’y a rien à protéger sur la Lune que tu connais. Ce n’est toutefois pas le cas pour les quatre autres satellites sur lesquels vivent des myriades d’êtres vivants, expliqua Serbert.

    — Euh… vous essayez de me faire croire qu’il y a de la vie sur les autres planètes ?

    — Ce ne sont pas des planètes, mais des satellites, puisqu’ils gravitent autour de la Terre, et non autour du Soleil, clarifia l’homme au visage sans âge.

    — Bah… planètes, satellites, lunes, trucmuches, peu importe, car de toute façon, je ne vous crois pas, dit platement Kiam.

    — Alors, s’il faut le voir pour le croire, déclara l’étranger, qui les invita à le suivre.

    Kiam et Abélone rejoignirent le grand homme derrière un immense rideau topaze camouflant une trouée dans le mur de la salle.

    Ils se retrouvèrent sur un balcon de pierre donnant sur un panorama montagneux baigné par la lumière dorée du soleil.

    — Il fait toujours jour ici ou quoi ? demanda bêtement Kiam.

    — Bien sûr que non. Seulement, tu as dormi pas loin de quinze heures, lui répondit Abélone. Tu en avais besoin.

    S’appuyant contre la rambarde, Serbert lui indiqua :

    — Regarde sur ta droite…

    Kiam s’exécuta et écarquilla les yeux de surprise lorsqu’il aperçut dans le ciel une gigantesque sphère bleutée recouverte de grandes taches blanches ici et là.

    — C’est… pas po… possible ! bégaya-t-il en se retournant vers Serbert, une expression de profonde hébétude peinte sur son visage devenu livide.

    Il fixa le regard perçant de l’homme mystérieux, comme s’il y cherchait désespérément une explication plausible à ce qu’il venait de voir.

    — C’est une farce, un genre de trucage, c’est ça ?

    Le faciès de Serbert demeura impassible tandis qu’il remuait la tête de gauche à droite. Kiam sentit aussitôt la panique s’emparer de lui.

    — Est-ce que quelqu’un va enfin m’expliquer ce qui se passe ? lâcha-t-il, partagé entre la fureur et l’affolement. Comment se fait-il que je puisse voir la planète Terre, alors que je suis censé y habiter ?

    Abélone posa une main sur l’épaule du garçon afin de le calmer.

    — Parce que nous sommes actuellement sur Airazeth, un des satellites de la Terre, avoua Serbert d’un ton pondéré.

    — Mais qu’est-ce que c’est que ce charabia de merde ? jura le garçon, les joues en feu.

    — Kiam ! fulmina Abélone. Surveille ton langage. Tu ne sais pas à qui tu t’adresses.

    — NON, JUSTEMENT ! hurla Kiam avec promptitude. Je ne sais pas qui est cet hurluberlu qui prétend des trucs tout à fait idiots. Là, j’en ai ras le bol de cette histoire de fous ! Je veux rentrer à la maison !

    — Kiam, Serbert est un sage homme, et tu peux lui faire confiance, crois-moi.

    Kiam la toisa d’un regard anguleux, visiblement en prise avec un débat intérieur.

    — Même si ce vieux fou disait la vérité, comment aurions-nous pu aboutir ici en l’espace de deux minutes ? En criant lapin, peut-être ?

    — Non, mais pas loin ! se moqua Abélone, souhaitant alléger l’atmosphère.

    Sa plaisanterie fut mal reçue par le garçon, qui émit un grognement agacé. Avant que la situation ne s’envenime, Serbert intima à Kiam de s’approcher de la balustrade de pierre.

    — Tu vois les gens, tout en bas ?

    Kiam dirigea son regard vers l’endroit indiqué et aperçut plusieurs personnes s’activer au creux d’un large puits naturel, l’endroit même où, la veille, il avait repris connaissance après avoir été foudroyé par un éclair bleu.

    — Porte bien attention à ce qui va s’y produire.

    D’un air exacerbé, Kiam épia les gens tandis qu’ils s’affairaient dans la crevasse. Après un court laps de temps, les cinq individus se rassemblèrent à l’intérieur du cercle formé par un sillon creusé dans le sol rocheux. Soudain, des phénomènes lui semblant étrangement familiers se produisirent : une lumière éclaira l’étroit canal, un dôme azuré emprisonna les hommes, et un faisceau bleuté jaillit du sommet de la voûte, provoquant une puissante déflagration qui résonna longuement dans les montagnes grises. La vive lumière s’estompa, et la coupole bleuâtre se rétracta, laissant le gouffre circulaire totalement désert.

    — Mais… je deviens fou ou quoi ? s’écria Kiam. Où sont-ils passés ?

    — On appelle ce système un « TUPAFIER » : Transatteleur universel permettant un accès facile et instantané à l’ensemble des royaumes. Il s’agit d’un moyen de transport extrêmement rapide et sécuritaire, conçu pour voyager entre les différents mondes en une vitesse éclair, expliqua Serbert.

    — Éclair, c’est le cas de le dire ! Ce truc est si aveuglant qu’il a failli me brûler

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1