Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

La Comtesse Des Ténèbres
La Comtesse Des Ténèbres
La Comtesse Des Ténèbres
Livre électronique457 pages6 heures

La Comtesse Des Ténèbres

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Une femme qui fuit son passé, un mariage arrangé et plein d'intrigues. Paris 1795. Marie Thérèse Charlotte de Bourbon vit enfermée depuis trois ans entre les murs de la Tour du Temple, prisonnière des révolutionnaires français. Elle a vu mourir l'un après l'autre tous ses proches et a subi la plus terrible des humiliations, le viol. Elle craint n'avoir aucun échappatoire quand on lui propose d'être échangée contre douze prisonniers de guerre. Le même soir, tandis qu'il erre dans l'univers du jeu et des prostituées, Léonard Cornelius Van der Valck reçoit la visite d'un noble autrichien qui lui fait une offre qu'il ne peut pas refuser : l'Empereur en personne lui demande de prendre sous son aile sa cousine, l'unique rescapée de la famille royale française. Mais il y a une condition de taille : le rusé libertin devra épouser la jeune femme, tombée enceinte durant sa détention. Ces deux personnes si différentes l'une de l'autre parviendront-elles à se faire confiance ? Charlotte pourra-t-elle dépasser le traumatisme des violences qu'elle a subies pour ouvrir enfin son coeur au véritable amour ? Passions brûlantes, enlèvements, échange de personnes et intrigues politiques se succèdent pour donner vie à un roman dans lequel l'amour et le courage accompagnent le lecteur, page après page.
LangueFrançais
Date de sortie30 janv. 2018
ISBN9781547515325
La Comtesse Des Ténèbres

Auteurs associés

Lié à La Comtesse Des Ténèbres

Livres électroniques liés

Romance historique pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur La Comtesse Des Ténèbres

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    La Comtesse Des Ténèbres - Laura Gay

    langue

    Laura Gay

    La Comtesse des Ténèbres

    Première édition 2014

    Tous les contenus de cette œuvre sont protégés par la loi

    Sur les droits d’auteur

    Couverture : Le masque secret Fotolia

    http://it.fotolia.com

    PROLOGUE

    Paris, tour du Temple, septembre 1795

    Charlotte ouvrit brusquement les yeux, réveillée par un bruit de pas.

    Elle détestait se réveiller en pleine nuit, en proie à l'appréhension ou à la terreur au moindre petit bruit. Elle tenta de calmer les battements furieux de son cœur : elle se raidit, recroquevillée contre le mur de pierre de sa prison en serrant autour d'elle la lourde couverture de laine.

    Elle vivait recluse dans ces murs humides depuis trois années environ, depuis qu'elle avait été arrêtée en même temps que les autres membres de sa famille, par les révolutionnaires français. Son existence sereine avait brusquement cessé pour être remplacée uniquement par la peur et la douleur. Un à un, ses proches avaient abandonné ce monde : d'abord son père puis sa mère, sa tante Elisabeth et enfin son petit frère adoré, âgé seulement de dix ans.

    Une larme glissa le long de sa joue et elle se dépêcha de l'essuyer avec la manche usée de la robe qu'elle avait sur le dos. Auparavant elle possédait des vêtements élégants, fabriqués par les meilleurs couturiers avec les étoffes les plus précieuses qui soient. Comme cette époque lui semblait désormais lointaine !

    Elle avait souvent l'impression de penser à son ancienne vie comme si ce n'était qu'un rêve lointain qui n'existerait que dans son imagination.

    Elle entendit de nouveau un bruit de pas et son rythme cardiaque s'accéléra. Elle tendit l'oreille, cherchant à savoir si les pas se rapprochaient mais le bruit des battements de son cœur se superposait à toute autre rumeur. Elle s'imposa de respirer à un rythme régulier. Les pas se rapprochèrent avec une lenteur exaspérante et elle commença à ressentir des tremblements nerveux dans ses bras et dans ses jambes. Terrorisée, elle se recroquevilla encore plus en position fœtale.

    Puis les pas s'arrêtèrent.

    Quelqu'un se tenait derrière la lourde porte en bois de sa cellule et elle se mit à trembler encore plus à l'idée qu'ils étaient là pour l'emmener.

    Elle ne voulait pas mourir.

    La porte s'ouvrit dans un grincement horrible. Charlotte retint son souffle tout en soulevant le regard vers la silhouette sombre qui se découpait sur le seuil de sa cellule. Un garde se faufila à l'intérieur. Il était grand, massif, le nez légèrement crochu.

    - Que voulez-vous ? demanda Charlotte en murmurant tout en se redressant. La couverture retomba sur les pierres grises du sol et elle sentit un frisson la parcourir, frisson qui n'avait aucun rapport avec la température qui régnait dans la tour.

    L'homme avança vers elle, les lèvres étirées par un sourire énigmatique. Il l'attrapa par le bras, pointant sur elle ses yeux affamés semblables à ceux d'un fauve.

    - Tu ne te sens pas seule dans cette cellule ? Tu veux un peu de compagnie ?

    Son haleine empestait le vin. Charlotte tenta de se dérober à la prise mais le garde la tenait bien, lui serrant le poignet à le casser. Un hurlement de douleur lui brûla la gorge.

    - Laissez-moi, je vous en conjure !

    - Tu m'en conjures ? dit l'homme, amusé, la fille du défunt roi qui m'en conjure, moi ! Comme c'est amusant.

    Charlotte se débattit. Elle était terrorisée. Ces yeux avides qui la fixaient la perturbaient. Elle aurait voulu parler, lui demander ce qu'il avait l'intention de lui faire... Mais les paroles ne voulaient pas sortir.

    Il lui prit le menton, le soulevant suffisamment pour pouvoir la regarder dans les yeux.

    - Tu es une véritable beauté. Noble, chaste et sacro-sainte. Intouchable pour quelqu'un comme moi, n'est-ce pas ?

    Charlotte se mit à trembler. Elle ne comprenait pas ce que cet homme voulait d'elle, mais elle était certaine que ce n'était rien de bon. Puis il regarda sa poitrine mise en évidence par le décolleté de sa robe. Il la poussa contre le mur, pressant son ventre contre le sien.

    - Ta peau si pâle m'excite, murmura-t-il en effleurant sa joue du dos de sa main, elle est si blanche, on dirait celle d'une poupée de porcelaine.

    Elle sursauta comme s'il l'avait giflée. Cette main... Elle éprouvait du dégoût pour ce qu'il était en train de lui faire. Elle tenta de lui opposer un peu de résistance mais la poigne du garde se renforça.

    - Dis-moi, quel âge as-tu ?

    Cette demande la prit par surprise.

    - Dix... dix-sept ans, monsieur, balbutia-t-elle, confuse.

    - Dix-sept ans. Tu es assez âgée alors. Tu ne veux pas connaître le plaisir qu'un homme peut procurer à une femme ?

    Charlotte frissonna. Elle ignorait tout de ces choses-là. Pourtant elle avait bien entendu parler de ça quelquefois, mais la dynamique de l'accouplement restait pour elle un mystère. Elle n'imaginait pas qu'on puisse en retirer du plaisir. Tout ce qu'elle éprouvait pour cet homme qui pressait son corps en sueur contre le sien n'était que du dégoût.

    À cet instant, elle sentit quelque chose de dur contre sa hanche. Elle abaissa le regard en craignant qu'il ne la menace avec une épée. Mais elle réalisa avec horreur que ce n'était pas une épée.

    Elle déglutit.

    - Je vous en prie...

    L'homme la tira d'un coup sec en avant en tentant de délacer le bustier de sa robe.

    - Garde tes prières pour les saints, lui dit-il ironiquement tandis que l'étoffe se déchirait et qu'il prenait ses seins dans ses mains rugueuses. Elle se raidit. Elle aurait voulu hurler mais qui pouvait bien venir à son secours dans cette prison ? Depuis qu'elle était prisonnière ici, tout le monde se moquait d'elle. Elle n'était l'objet d'aucune marque de respect : on se gaussait d'elle et on la tournait en dérision. On écrivait même des chansons obscènes à son égard et elle recevait toutes sortes d'insultes.

    Elle essaya de pousser pour se libérer, mais c'était inutile. Il était trop fort. Tout à coup, il la gifla si violemment qu'il l'étourdit :

    - Reste tranquille ! Ca va te plaire, tu vas voir. Tu vas ouvrir tes jambes pour moi comme une vulgaire fille de joie. J'ai hâte de voir comment jouit une princesse.

    Des larmes silencieuses se mirent à couler sur son visage. Ce n'était pas possible qu'il lui fasse ça. Sa virginité était la seule chose qui lui restait, on ne pouvait quand même pas la priver de ce bien si précieux pour elle.

    - Non, s'il vous plait, non !

    En riant très fort, l'homme souleva ses jupons. Elle le vit déboutonner sa culotte et avancer sur elle comme un animal. Tout ce qu'elle ressentit ensuite ne fut que douleur et humiliation. Le garde profana son corps à grands coups de plus en plus rapides. Charlotte hurla de toutes ses forces mais les coups ne cessèrent pas. Elle eut la sensation qu'ils la lacéraient intérieurement, allant même jusqu'à transpercer son âme.

    Le sang commença à couler entre ses jambes, salissant ses dessous. Mais quelle importance, à cet instant ? Elle resta immobile, les yeux fermés et pleins de larmes tandis que le monstre achevait ce qu'il avait commencé. Elle le sentit trembler et déverser sa semence en elle. Puis il s'essuya avec un morceau de sa chemise et reboutonna sa culotte, un sourire satisfait sur les lèvres.

    - Tu n'es pas mal, princesse. Peut-être que je reviendrai te voir un de ces soirs, qu'en dis-tu ?

    Charlotte ne répondit pas. Ses forces l'avaient abandonnée. Elle se sentait souillée dans son cœur et dans son âme. Elle aurait voulu se laver, frotter sa peau jusqu'à s'écorcher, tout en sachant que la douleur qu'elle avait éprouvée ne pouvait pas s'enfuir avec le savon. Elle allait la tourmenter pour l'éternité.

    Un instant après, elle entendit la porte de sa cellule se refermer dans son dos et elle se laissa tomber sur le sol. Ses jambes ne la soutenaient plus. Elle se recroquevilla contre le mur, cherchant à se couvrir avec ses mains.

    Puis elle pleura. Elle pleura toutes les larmes de son corps. 

    CHAPITRE 1

    Paris, décembre 1795

    Léonard Cornelius Van der Valck était assis à une table de jeu avec un verre d'un excellent Madère dans une main et dans l'autre une poignée de cartes. Il avait l'habitude de consacrer tous son temps libre à ses amis dans des lieux de débauche. Jeux de hasard, filles faciles et grosses sommes d'argent étaient son pain quotidien. Tout, pour fuir l'ennui et l'inquiétude qui l'opprimaient habituellement.

    - C'est à vous de distribuer, lui dit un baronnet anglais, assis à sa droite.

    Au même moment, une superbe beauté brune à la poitrine provocante et au décolleté vertigineux s'approcha de lui en se déhanchant de façon à bien mettre en évidence tous ses atours.

    Selon toute probabilité, Léonard allait finir par la mettre dans son lit après quelques verres supplémentaires et un gain victorieux. À cette idée, il se mit à sourire :

    - Ne soyez pas trop pressé, Fairfax, répondit-il au baronnet, la nuit ne fait que commencer.

    Il lança un regard fugace à la brune et commença à mélanger les cartes lorsqu'un homme à l'élégance sobre et aux traits aristocrates l'interrompit :

    - Monsieur Van der Valck ? demanda-t-il prudemment.

    Léonard leva les yeux et fronça les sourcils, regardant curieusement le nouveau venu. Son accent étranger était plutôt marqué. Il devait être autrichien, sans doute un diplomate expérimenté. Ce qui était sûr, c'est qu'il ne l'avait jamais vu auparavant.

    - Je peux savoir à qui j'ai l'honneur ?

    L'homme s'arrêta à un pas de lui, le regard impénétrable. Il semblait ne pas apprécier cet endroit ni le climat dissolu qui y régnait. Ce devait être un type plutôt ennuyeux.

    - Je suis le comte Brank, au service de l'Empereur d'Autriche.

    - Et en quoi puis-je vous aider, messire comte ?

    - Il s'agit d'une question d'ordre privé. Si vous voulez bien me suivre dans un endroit plus discret, je serais alors heureux de vous exposer les raisons de ma présence ici.

    Léonard retint un sourire. Si cet homme pensait lui ruiner sa soirée, il se trompait énormément. Rien ni personne ne pourrait l’éloigner de cette table de jeu et de cette femme consentante.

    - Et qu'est-ce qui vous fait croire que je suis intéressé par ces raisons ? Comme vous pouvez le constater, je suis plutôt occupé en ce moment.

    Le comte se raidit. Il n'avait évidemment pas l'habitude d'essuyer des refus.

    - Peut-être qu'une substantielle somme d'argent pourrait augmenter votre curiosité.

    - Peut-être, admit Léonard, cela dépend de ce que vous entendez par substantielle.

    - Je n'ai pas de temps à perdre, monsieur, s'impatienta Brank, voulez-vous me suivre, s'il vous plait ? J'ai autant hâte que vous de mettre fin à cette discussion.

    Léonard s'excusa auprès de ses camarades de jeu et se leva. Il espérait que tout cela se conclurait rapidement pour pouvoir retourner avec ses amis et la beauté brune prometteuse. Mais il craignait que l'affaire ne soit compliquée et ne lui attire que des ennuis.

    Le comte le précéda jusqu'à un salon privé, les clubs de luxe comme celui-ci en avaient toujours un, et il attendit que Van der Valck entrât pour refermer la porte d'un coup sec.

    - Eh bien ? l'encouragea-t-il visiblement impatient, de quoi s'agit-il ?

    - C'est une question plutôt sérieuse. Il vaut mieux que nous nous mettions à l'aise.

    Léonard grogna. Il prit place dans un élégant fauteuil damassé et attendit que son interlocuteur fasse de même avant de lever un regard inquisiteur vers lui.

    Finalement Brank se décida à parler :

    - Comme vous le savez, l'Empereur a une cousine qui est retenue prisonnière par les révolutionnaires français...

    - Allez droit au but, messire comte. Je n'ai pas l'intention de vous consacrer toute la soirée.

    - Il s'agit d'une question diplomatique très sérieuse et très délicate qui ne peut pas se solutionner en quelques mots. Ayez donc la courtoisie de vous taire et de me laisser poursuivre.

    Tout en râlant un peu, Léonard se prépara à écouter.

    Il lui fut conté l'histoire d'une infortunée jeune fille de sang royal, faite prisonnière puis libérée récemment en échange de douze prisonniers de guerre. Il se demanda avec colère ce qu'il venait faire lui dans tout ça, jusqu'à ce qu'enfin cela devint évident.

    - Vous êtes en train de me demander de m'occuper de cette jeune fille pour le restant de mes jours ? Vous me prenez pour une nourrice sans doute ?

    Son ton scandalisé fit bondir le comte autrichien sur ses pieds.

    - Ce n'est pas moi qui vous le demande. C'est un ordre de l'Empereur en personne !

    L'affaire devenait beaucoup plus compliquée qu'elle ne paraissait.

    Décidément pire que tout ce à quoi il pouvait s'attendre. Il était clair qu'on ne pouvait pas répondre non à l'Empereur.

    - Pourquoi moi ? se contenta-t-il de demander, incrédule qu'une telle malchance puisse lui tomber dessus.

    - Vous êtes la personne la plus adaptée pour cette mission. Vous endossez l'habit diplomatique avec un succès discret, vous êtes jeune et attirant et surtout vous n'êtes pas marié.

    - Qu'est-ce que mon statut de célibataire a à voir avec tout le reste ?

    Le comte s'alluma un cigare avec une lenteur exaspérante. Il en tira une bouffée et enfin continua :

    - Il vous est demandé d'épouser cette jeune fille, monsieur. Elle a été violée durant son emprisonnement et elle attend désormais un enfant. Les noces seront indispensables pour faire taire les mauvaises langues.

    Léonard devint pâle. Il dut attraper le verre de rhum qui lui avait été gentiment offert et de le boire d'un seul coup pour se ressaisir.

    - Malédiction ! fut sa seule réponse.

    Le carrosse avançait à toute allure sur la route pavée qui conduisait à la frontière suisse. Charlotte se pencha à la fenêtre, l'air inquiet, et soupira. Elle voyageait depuis de nombreuses heures et elle était anxieuse d'arriver à destination. On lui avait dit que le but de ce voyage était une petite ville à la frontière du nom de Huningue. Encore incertaine sur l'identité de la personne qui l'attendait là-bas, elle espérait qu'il s'agirait de quelqu'un d'amical. Elle avait tellement besoin de réconfort après toutes les épreuves qu'elle avait traversées au cours de ces dernières années.

    - Éloignez-vous de la fenêtre, madame[1], lui intima la voix acide de son accompagnatrice.

    C'était une femme rigide et grincheuse que Charlotte jugeait incapable d'éprouver la moindre empathie. La personne la moins indiquée pour une assoiffée d'affection comme elle.

    Elle s'abandonna sur la banquette et se mit à jouer distraitement avec le bord en dentelle de la robe qu'elle portait. C'était un vêtement d'une élégance discrète, plus montante que ce que la mode exigeait et d'une taille supérieure à la sienne, de telle sorte qu'elle puisse cacher l'embarrassante rotondité de son ventre. Le gris sombre du tissu lui donnait plus l'aspect d'une institutrice que celui d'une princesse et sa coupe de cheveux accentuait ce côté sévère : on les lui avait coiffés en un chignon rigide sur sa nuque. Seules quelques mèches blondes avaient pu accidentellement échapper aux barrettes et voletaient maintenant tranquillement à cause du vent.

    - Quand arrivons-nous ? se décida-t-elle à demander d'un ton plaintif.

    Elle sentait le besoin de se dégourdir les jambes et de respirer à pleins poumons l'air pur de la montagne. Malgré le froid mordant de l'hiver, elle désirait ardemment de toutes ses forces se retrouver dehors et pouvoir enfin embrasser de grands espaces sans murs autour d'elle pour l'emprisonner.

    - Bientôt maintenant.

    Son accompagnatrice croisa les bras et ajouta :

    - Essayez d'être patiente, madame.

    Elle aurait voulu lui répondre qu'elle avait usé toute sa patience durant ses années de réclusion mais elle se mordit la langue et se remit à regarder par la fenêtre.

    Ils étaient en train de traverser l'Alsace et la vue des étendues enneigées l'apaisa un peu.

    Finalement le carrosse s'immobilisa en face d'une construction en pierre à trois étages, avec un toit en tuiles rouges. L'enseigne au-dessus de la porte indiquait qu'il s'agissait d'un hôtel pour les voyageurs, l'Hôtel du Corbeau.

    Charlotte arrangea son pesant manteau en fourrure et attendit que le cocher ne vienne ouvrir la portière pour l'aider à descendre.

    Elle nota avec surprise qu'il y avait deux personnes à l'attendre. L'une d'entre elles, un jeune homme grand et mince, était debout, très droit, devant le carrosse. Son visage lui était familier et ses yeux se remplirent de larmes en le reconnaissant.

    - Louis Antoine ! s'exclama-t-elle en courant se jeter dans ses bras, c'est vraiment vous ?

    Le jeune homme aux cheveux longs et châtains et au visage ovale l'étreignit brièvement avant de se reculer en lui souriant de façon gauche :

    - C'est un plaisir de te revoir, cousine, lui dit-il.

    Puis il se tourna vers l'autre personne qui se tenait discrètement en retrait.

    Charlotte suivit son regard et se retrouva à fixer une paire d'yeux gris, froids comme de la glace.

    L'inconnu s'avança prudemment. Il avait une démarche décidée qui lui sembla immédiatement odieuse. Ses cheveux étaient noirs et plus courts que ne l'exigeait la mode. Le visage était un peu anguleux mais d'une beauté à couper le souffle. En revanche, ses lèvres fines étaient incurvées en ce qui lui parut un sourire forcé, de convenance.

    Le cousin se dépêcha de faire les présentations :

    - Voici Léonard Van der Valck, un diplomate hollandais.

    L'homme aux yeux de glace lui prit la main et la baisa. Charlotte fut parcourue par un frisson improvisé tandis qu'une rougeur intense empourprait ses joues toutes pâles. Elle retira sa main comme si elle s'était brûlée et elle détourna immédiatement le regard. Elle se demanda ce que cet inconnu faisait là et elle se sentit gênée en sa présence.

    - Je suis très honoré de faire votre connaissance, madame, dit l'homme d'une voix basse et rauque, mais d'un ton qui semblait démentir ses propos.

    Elle lui adressa un léger signe de tête et s'efforça de sourire tout en se laissant conduire vers l'entrée de l'hôtel par son cousin.

    - J'imagine que vous avez besoin de vous rafraîchir et de vous changer, lui dit Louis Antoine d'un ton prévenant.

    Elle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule vers Van der Valck qui la fixait toujours, une expression indéchiffrable au fond de ses yeux gris.

    - Que fait cet homme ici ? murmura-t-elle, troublée.

    Le cousin sourit de façon énigmatique tout en lui ouvrant la porte de l'hôtel :

    - Nous en parlerons plus tard, lui répondit-il en hâtant le pas.

    Charlotte ne put que se résoudre à le suivre. 

    Dès qu'ils se retrouvèrent à l'intérieur de l'Hôtel du Corbeau, Louis Antoine lui présenta celle qui allait être sa servante durant ce bref séjour. Il s'agissait d'une jeune fille aux cheveux cuivrés et au sourire gentil. Remarquant son air fatigué, celle-ci se préoccupa aussitôt de l'accompagner dans sa chambre afin de lui préparer un bain chaud.

    Son chaperon, Madame de Soucy, s'étant elle aussi retirée afin de se rafraîchir un peu, Charlotte soupira de soulagement. Cette femme ne lui inspirait qu'une forte antipathie et elle en ignorait le motif. Peut-être que ses années de captivité avait développé en elle une défiance naturelle envers les représentants du genre humain, la rendant désormais réticente à accorder d'emblée sa confiance à ceux qu'elle côtoyait.

    Elle laissa sa domestique l'aider à quitter ses habits poussiéreux puis à se glisser dans la baignoire, ressentant immédiatement un immense soulagement. Elle ferma les yeux tandis qu'elle se laissait savonner et ses pensées se tournèrent vers son cousin.

    Cela avait été une surprise de le trouver là à l'attendre. Louis Antoine était le fils ainé du frère de son père, le comte d'Artois, et dès le jour de sa naissance, leurs deux familles réunies avaient envisagé à les marier tous les deux. La chose ne lui avait jamais déplu.

    Louis Antoine avait des atouts non négligeables : la beauté, l'élégance et la bonté d'âme. Dans ses rêves d'adolescente, il avait incarné son idéal de prince charmant qui accourait sur son cheval blanc pour la conduire dans un château où ils auraient vécu heureux. Et voilà qu'elle le retrouvait là, juste après sa libération, avec son regard amoureux et son sourire tranquille. Pendant un court instant, elle avait voulu qu'il l'étreigne et pouvoir pleurer sur son épaule pour chasser tous ces souvenirs pénibles de ces dernières années. Heureusement, elle n'avait pas oublié qu'une vraie femme du monde ne montre pas une telle faiblesse en public.

    Elle laissa échapper un soupir et dut faire un effort pour ne pas se laisser aller et tomber entre les bras de Morphée.

    Léonard Van der Valck resta immobile à fixer la porte fermée de l'hôtel, après que Charlotte se fut éloignée avec son cousin. Il lui paraissait encore incroyable qu'il allait bientôt se marier avec cette créature fragile aux yeux apeurés. Et quels yeux ! Il ne pouvait nier qu'il avait été ébranlé à la simple vue de leur profondeur bleutée qui n'était pas sans lui rappeler les cieux sans nuage du printemps. Ses cheveux en revanche avaient la couleur des champs de blé, un blond doré avec quelques mèches un peu plus claires qui les rendaient encore plus brillants. Il se demanda ce qu'il pourrait éprouver en caressant cette masse soyeuse.

    Bon sang. Il était entraîné malgré lui sur un terrain dangereux. Se sentir attiré par cette jeune fille était la chose la plus mauvaise à faire, d'autant plus que leur mariage ne serait qu'un mariage de convenance.

    C'était ça, l'accord. Il allait lui donner son nom - ou pour être plus précis, un faux nom vu que son identité devait rester secrète - mais il ne dormirait pas dans son lit. Lorsque le comte Brank lui avait développé le plan, ce détail ne lui avait pas déplu. Il ne ressentait pas la plus petite envie de mettre dans son lit celle qui, pour lui, n'était qu'une parfaite inconnue, et plutôt une gêne énervante.

    Évidemment, il n'avait pas imaginé qu'elle puisse être aussi belle.

    Pourtant il était clair que cette jeune fille n'éprouvait  aucune sympathie pour lui. Lorsqu'il lui avait baisé la main, elle l'avait retirée en toute hâte, comme si elle avait été mordue par un serpent. Et le bref coup d'œil qu'elle lui avait lancé n'avait pas été encourageant. Bah, il n'aurait pas dû en être étonné. Il ne devait pas oublier qu'elle était la fille d'un roi alors que lui n'était qu'un humble diplomate sans aucun titre de noblesse même si dans peu de temps, il allait accéder à la charge de comte. Il était normal que cette jeune femme soit habituée à avoir à faire à des hommes bien différents de lui. Des hommes plus raffinés et sûrement moins libertins.

    Un sourire sarcastique illumina son visage. Et pourtant, ce libertin allait épouser cette jeune princesse en grand secret. S'il avait raconté cela autour de lui, personne ne l'aurait cru.

    Après le bain, la servante aida Charlotte à enfiler une robe propre. C'était un modèle pas très différent de la précédente mis à part sa couleur qui était prune très sombre et qui mettait en évidence de façon étonnante sa carnation très claire.

    Avant, elle aimait les teintes plus ténues et les couleurs pastel mais maintenant elles ne lui convenaient plus. Elle avait décidé de porter le deuil pour le restant de ses jours et elle s'était juré de ne plus endosser d'habits aux couleurs voyantes. Elle donna un rapide coup d'œil dans son miroir pour arranger du mieux possible les mèches blondes à l'intérieur de son chapeau qui avait une voilette, dans les mêmes tons que ceux de sa robe.

    À cet instant, quelqu'un frappa à la porte.

    Sur son ordre, la servante alla ouvrir et une jeune femme entra à pas décidés pour venir s'arrêter en face d'elle.

    Charlotte écarquilla les yeux de surprise en la reconnaissant :

    - Ernestine... c'est vraiment vous ?

    Sa voix trembla légèrement  tandis qu'elle fixait celle qui avait été sa compagne de jeux durant son enfance.

    - Oui, c'est moi, répondit la jeune fille qui lui ressemblait beaucoup, vue de loin.

    Elles avaient à peu près la même taille, elles étaient toutes les deux blondes aux yeux bleus. Même leur âge était le même. Pourtant Ernestine avait un nez un peu plus prononcé et son sourire était plus crispé, son air rigide et sévère.

    Charlotte s'avança pour l'étreindre fraternellement. Dans le fond, Ernestine avait été pour elle ce qui s'apparentait le plus à une sœur. À la mort de sa mère, une domestique du nom de Philippine Lambriquet, la famille de Charlotte avait pris Ernestine sous son aile protectrice. Elles avaient grandi ensemble, jouant aux mêmes jeux et étudiant avec les mêmes précepteurs.

    - Que faites-vous ici ? se décida-t-elle enfin à lui demander.

    Ernestine était bien la dernière personne qu'elle se serait attendue à trouver ici, dans cet endroit perdu dans les montagnes.

    - J'ai été convoquée par votre famille, répondit celle-ci.

    - Oh !

    Ҫa aussi, c'était une surprise. Peut-être avaient-ils pensé qu'elle pourrait avoir besoin d'une présence amicale, se dit-elle, troublée par cette délicate intention.

    Mais Ernestine anéantit d'un seul coup toutes ces gentilles hypothèses :

    - Vous ne poursuivrez pas votre voyage pour Vienne, comme cela vous a été annoncé précédemment, expliqua-t-elle d'un ton froid et implacable.

    - Comment ?

    La voix de Charlotte se fêla brusquement. Que voulait-elle dire ?

    - C'est moi qui vais continuer le voyage et qui vais prendre votre place dans les jours qui viennent.

    Les yeux de Charlotte s'agrandirent sous l'effet de la stupeur et de l'incrédulité.

    - Que dites-vous ? Moi...

    - Vous avez été jugée inapte à reprendre la place qui vous revenait de droit, l'interrompit Ernestine d'un ton coupant.

    Elle lui lança un regard méprisant en lui indiquant le léger renflement de son ventre :

    - Vous attendez un enfant, n'est-ce pas ?

    Charlotte tressaillit à cette demande aussi directe. Une dame d'honneur digne de ce nom ne se serait jamais permis de mentionner son état mais évidemment Ernestine avait oublié les règles du Bon ton.

    - Moi...non... balbutia-t-elle, confuse, avant que son interlocutrice ne l'interrompt de nouveau avec un air de défi :

    - Vous rendez-vous compte, ma chère Charlotte, que votre réputation est ruinée. Vous ne pourrez plus contracter un bon mariage. Vous ne servez plus à rien, vous comprenez ?

    Les yeux de Charlotte se remplirent de larmes. Était-il possible que sa famille veuille se débarrasser d'elle ? Était-ce de sa faute à elle si elle avait été violée ?  Ce n'est pas elle qui avait fait le choix de se jeter dans les bras de ce garde. Et pourtant, elle n'était pas sans savoir qu'elle resterait aux yeux des gens, une fille facile avec un fils bâtard.

    Même Louis Antoine n'aurait pu faire abstraction de ça. Évidemment, il ne l'aurait plus voulu comme femme. C'était tout à fait compréhensible.

    - Et donc que vais-je devenir ? se décida-t-elle à demander le plus dignement possible.

    Ernestine lui sourit en coin :

    - Vous allez épouser un diplomate hollandais. Il vous a déjà été présenté, si je ne m'abuse.

    Son sourire s'accentua tandis qu'elle ajoutait :

    - On dit que c'est un libertin sans scrupule et un joueur invétéré. Certainement pas quelqu'un à la hauteur d'une princesse comme vous mais il sera largement récompensé et donc il ne tiendra pas compte de la honte qu’il y a à épouser une femme qui porte en son sein la progéniture d'un autre.

    Les paroles d'Ernestine blessèrent mortellement Charlotte, mais ce qui lui causa une angoisse brûlante fut le fait d'apprendre qu'elle allait épouser Léonard Van der Valck. L'inquiétante silhouette qui s'était présentée à son arrivée. L’homme aux yeux de glace.

    Elle frissonna à cette seule pensée et secoua la tête :

    - Non, ce n'est pas possible.

    Ernestine lui adressa un regard triomphant : un sourire glacé s'afficha sur son visage tandis qu'elle la regardait haineusement.

    - Pourquoi semblez-vous vous réjouir de ma situation ? J'ai été retenue prisonnière, vous n'avez pas la moindre idée de ce que cela implique, de comment j'ai été traitée...

    Son estomac se révulsa à cette seule pensée.

    Ernestine ne changea pas d'expression un seul instant.

    - Vous vous êtes toujours crue meilleure que moi, n'est-ce pas ? lui dit-elle avec rage, vous avez même détourné sur vous toute l'affection de mon père. Il n'avait d'yeux que pour vous et je n'ai eu droit qu'à des miettes de son amour. Maintenant arrive enfin pour moi le temps de la rédemption.

    Charlotte la fixa, confuse :

    - Votre père ? Je ne comprends pas...

    - Vous n'avez pas encore deviné ? Votre père était aussi mon père. Nous sommes sœurs.

    Un court instant Charlotte eut l'impression de vivre en plein cauchemar. Pourtant ce que soutenait Ernestine était vrai, son père avait été infidèle même s'il paraissait être le plus fidèle des maris. À la différence de ses prédécesseurs, il n'avait jamais eu de maîtresse attitrée.

    Elle fut envahie par une nausée inqualifiable à la seule idée de son père dans les bras d'une autre femme que sa mère.

    Elle ouvrit la bouche pour respirer. Elle se sentait sur le point de suffoquer comme souvent cela se produisait lorsque quelque chose la bouleversait. Puis elle saisit la poignée de la porte et l'ouvrit. Elle s'enfuit dans le couloir, des larmes plein les yeux.

    CHAPITRE 2

    Léonard était en train de monter les escaliers pour rejoindre sa chambre lorsqu'il aperçut une ombre fugitive arriver en courant vers lui. Elle semblait bouleversée, à tel point qu'elle ne se rendit pas compte qu'elle se jetait dans ses bras. Il voulut faire un écart pour l'éviter mais il n'en eut pas le temps. En un éclair elle était sur lui, mue par la force d'un ouragan.

    Juste au moment du choc, Charlotte leva ses yeux pleins de larmes et le reconnut.

    - Monsieur Van der Valck...

    - Vous pleurez, lui fit-il remarquer, stupéfait, que vous arrive-t-il ?

    La voir dans cet état le remuait également.

    Charlotte, après un moment d'hésitation, éclata en sanglots en enfouissant son visage contre sa poitrine.

    - Damnation ! jura-t-il à voix basse.

    Il détestait les jeunes filles en pleurs mais cette fois-ci, il en fut bouleversé. Cette jeune femme avait suffisamment souffert ces derniers temps. Elle avait perdu tous ses proches, avait été emprisonnée et avait été violée. Brusquement, il ressentit le besoin de la réconforter même s'il n'avait aucune idée de comment s'y prendre.

    - Allez, ne pleurez pas, la pria-t-il à voix basse tout en lui soulevant le visage de façon à plonger dans ses yeux bleus.

    Elle semblait si innocente et si pure que cela lui faisait mal de la voir dans cet état-là.

    Charlotte renifla et essuya ses larmes avec le dos de sa main.

    - Ex...Excusez-moi, balbutia-t-elle, j'ai trempé votre chemise...

    Van der Valck réprima un sourire.

    - Ne vous préoccupez pas de cela. Tenez.

    Il lui tendit un mouchoir que la jeune fille saisit avec sa petite main tandis qu'elle était encore secouée par les sanglots.

    - Pour quelle raison pleurez-vous ? Quelqu'un vous a-t-il manqué de respect ?

    Charlotte se raidit. Elle se rappela des paroles d'Ernestine : elle allait bientôt devoir épouser cet homme. Elle se repentit soudain d'avoir pleuré devant lui. Elle n'aurait pas dû se montrer aussi faible, d'autant plus que pour Van der Valck, elle n'était rien d'autre qu'une affaire lucrative.

    Ernestine avait été claire : il avait accepté de l'épouser contre de l'argent. Une fois qu'il aurait obtenu ce qu'il voulait, il allait probablement l’enfermer dans une riche demeure, oubliant même son existence. Elle n'était pas suffisamment sotte pour croire que leurs rapports allaient se teinter d'affection.

    D'un seul coup, son estomac se contracta sous l'effet de la rage et ses doigts serrèrent convulsivement le mouchoir.

    - Qu'est-ce que cela peut bien vous faire ? répondit-elle hargneusement.

    Léonard la regarda avec méfiance. Il avait perçu son brusque changement d'humeur mais il n'en comprenait pas la signification. Peut-être avait-elle appris la nouvelle de leur mariage ? C'était pour cela qu'elle était en larmes ? Effectivement, il ne pouvait pas lui en vouloir. Aucune jeune fille innocente n'aurait désiré épouser un démon comme lui. Pourtant cette pensée le dérangea.

    - C'est mon devoir de m'assurer de votre bien-être. C'est pour cette raison que je vais être payé, madame.

    L'allusion au fait que pour lui, tout cela n'était qu'un travail rétribué, la blessa profondément. Elle se mordit les lèvres et se dégagea de cette étreinte inopportune.

    - N'ayez pas peur, lui répondit-elle de façon glacée, vous n'allez pas perdre votre gagne-pain par ma faute. Je n'aurais pas dû pleurer mais comme vous le savez, j'ai perdu ma famille et j'ai été prise d'un brusque sentiment de mélancolie. Toutefois je ne vous importunerai plus avec mes soucis. Veuillez m'excuser.

    Elle s'éloigna avant qu'il ne puisse lui répondre autre chose. Léonard la regarda partir et se sentit irrité. Comment osait-elle, cette damnée gamine, le traiter de la sorte ? Si c'étaient les prémisses de leur vie de couple, alors cela ne présageait en rien d’une existence future agréable. Il claqua la langue sèchement et continua à monter les escaliers.

    Pendant ce temps, Charlotte était sortie de l'hôtel pour essayer de se calmer. La neige commençait à tomber et il soufflait un vent glacé qui pénétrait ses os. Pourtant, elle préférait encore ce mauvais temps à la compagnie de Van der Valck ou d'Ernestine.

    Elle était convaincue d'avoir laissé derrière elle les jours les plus difficiles de son existence mais en cet instant, elle n'en était plus absolument sûre. En effet, elle était prédestinée à un mariage avec un homme qu'elle méprisait et elle venait de découvrir qu'elle avait une sœur qui la haïssait. Que pouvait-il lui arriver de pire ?

    Elle entendit des pas derrière elle et elle se retourna, le visage livide. Son cousin était près d'elle et la dévisageait avec sérieux.

    - Mademoiselle Lambriquet m'a dit qu'elle vous avait parlé, commença-t-il gauchement, j'aurais préféré vous annoncer moi-même la nouvelle.

    Elle fronça les sourcils :

    - Et cela aurait changé quelque chose ? Vous pensez que vous auriez réussi à adoucir la pilule peut-être ?

    - Charlotte...

    - Taisez-vous, s'il vous plait. Rien que vous ne puissiez dire ou faire ne pourra me calmer. J'ai été vendue à ce diplomate hollandais et personne n'a pris la peine de me demander ce que j'en pensais.

    Louis Antoine

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1