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Le dilemme de Devin
Le dilemme de Devin
Le dilemme de Devin
Livre électronique376 pages5 heures

Le dilemme de Devin

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À propos de ce livre électronique

Brighton, Angleterre, 1856.

Pour Devin Bennett, notaire débutant, rien n'est plus important que de faire avancer sa carrière. L'amour et le futur ne font pas partie de ses préoccupations quotidiennes.

Puis, il rencontre Harry. Femme de chambre et chaperonne de la fille du client de Devin, Harry est intelligente, captivante et occupe les pensées du jeune homme jour et nuit.

Mais Devin sait qu'Harry lui cache quelque chose, un secret qui pourrait les séparer et envoyer Harry à l'autre bout du monde...

LangueFrançais
ÉditeurNext Chapter
Date de sortie14 janv. 2021
ISBN9781393428152
Le dilemme de Devin
Auteur

Simone Beaudelaire

In the world of the written word, Simone Beaudelaire strives for technical excellence while advancing a worldview in which the sacred and the sensual blend into stories of people whose relationships are founded in faith but are no less passionate for it. Unapologetically explicit, yet undeniably classy, Beaudelaire’s 20+ novels aim to make readers think, cry, pray... and get a little hot and bothered. In real life, the author’s alter-ego teaches composition at a community college in a small western Kansas town, where she lives with her four children, three cats, and husband – fellow author Edwin Stark. As both romance writer and academic, Beaudelaire devotes herself to promoting the rhetorical value of the romance in hopes of overcoming the stigma associated with literature’s biggest female-centered genre.

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    Aperçu du livre

    Le dilemme de Devin - Simone Beaudelaire

    Chapitre 1

    — Harry ! Harry, viens ici, s’il te plaît. J’ai besoin de toi.

    Après un soupir, Harry reposa son livre et se leva. Cela suffit à réveiller la douleur que lui causaient ses bottines trop grandes, un don de sa cousine. Son jupon de seconde main tomba en cascade jusqu’au sol, bloquant ses pas. Il faut que je prenne le temps d’ajuster cette horreur. Mais elle savait parfaitement qu’elle n’en fera rien. Cela faisait des mois que ce jupon entravait ses mouvements, mais à chacun de ses moments libres, c’était d’un roman dont elle choisissait de se munir, non d’une aiguille.

    — Harry, dépêche-toi, s’il te plaît !

    D’un pas rapide, Harry traversa le couloir menant de sa petite chambre sous les corniches à la chambre plus large de sa cousine, située au deuxième étage. Elle prit soin d’éviter les lattes de parquet et de ne marcher que sur le tapis afin de rester la plus discrète possible malgré la lourdeur de ses bottines. Un tel boucan attirerait sans aucun doute l’attention d’oncle Malcom... à nouveau. C’est la dernière chose que je désire faire.

    Elle arriva devant la porte de sa cousine et tourna d’un côté puis de l’autre la poignée en cristal grinçante, jusqu’à ce qu’elle se décide finalement à céder, et entra dans la pièce.

    — Que se passe-t-il, Fanny ? demanda-t-elle.

    Mais alors que les mots franchirent ses lèvres, Harry devina d’elle-même la cause de cet appel. Sa cousine Fanny se tenait au centre de la pièce dans ses dessous, se murmurant à voix basse alors qu’elle tentait de lacer son corset par elle-même en s’appuyant contre la tête de lit en marbre gravé. La pâleur de son front brillait de sueur et contrastait avec les cheveux noirs qui y étaient collés.

    — Fanny, arrête, commanda Harry. Nous avons déjà resserré ton corset, te souviens-tu ? Tu n’as pas besoin de le faire davantage.

    — Ce n’est pas suffisant, répondit Fanny d’une voix plaintive, ses lèvres délicates plissées en moue.

    —  Et pourquoi cela ?

    Harry traversa la pièce pour aller coiffer les cheveux de Fanny vers l’arrière, dégageant ainsi son visage.

    — Il n’est pas nécessaire de te mettre dans un tel état, ne penses-tu pas ? Ta silhouette est déjà parfaitement définie. Pourquoi te forcer à resserrer davantage tes liens ?

    Fanny baissa son regard vers sa poitrine généreuse, sa taille fine, définie par des années de port du corset, et ses hanches d’une rondeur parfaite.

    — Après que William m’ait fait sa demande, je considérerais ne plus resserrer mes liens, mais jusqu’à ce que cela se produise, je ne peux me permettre de me laisser aller. Et s’il me fallait trouver un nouveau prétendant ?

    Harry ferma les yeux et inspira profondément. Ses propres vêtements, bien que plus amples, restreignaient déjà ses mouvements, mais pas jusqu’à l’empêcher de respirer. Elle ne pouvait imaginer que l’on désire perdre en confort simplement pour plaire.

    — Cela n’arrivera pas, insista-t-elle. William t’adore. Il a obtenu la permission de ton père de te faire la cour. Vous serez mariés avant que l’envie ne puisse te passer. Mais qu’arrivera-t-il si tu t’évanouis ce soir ? Tu seras privée d’amusement, et les liens de ton corset finiront par être défaits de toute manière.

    Fanny conserva son expression crispée.

    — Cela t’est facile à dire, tu n’as pas à t’inquiéter de trouver un mari décent.

    Harry se mordit la lèvre.

    — En effet.

    Et je te remercie de me rappeler que j’ai laissé une situation médiocre n’offrant que peu d’avantages pour le compte d’une situation domestique qui n’en a aucun. Elle se contenta de soupirer, consciente que Fanny n’avait aucunement l’intention de lui être désagréable.

    — Peu importe. Je continue de penser que tout se passera comme nous l’attendons. Tu n’as aucune raison de t’inquiéter. Même si, par le plus grand des malheurs, quelque chose arrivait à William, tu resterais courtisée par nombre de partis intéressés, que ton corset soit serré à t’en couper la respiration ou non.

    — Le penses-tu vraiment ?

    Fanny semblait en prise aux doutes, ses grands yeux bleus inquiets dévorant une large partie de son visage en cœur pâle.

    — J’en suis certaine, répondit Harry avant de tapoter gentiment l’épaule de sa cousine. Je pense maintenant que tu devrais te rafraîchir un peu le visage, puis je t’aiderais à t’habiller. Ce soir est un grand soir pour toi.

    Le visage de Fanny s’illumina alors qu’elle se souvint de son très cher William. Étant elle-même plus intéressée par les livres, Harry avait toujours éprouvé des difficultés à comprendre l’obsession de sa cousine avec son apparence, bien que, elle ne pouvait que se l’admettre, cette dernière l’aiderait très certainement plus à se garantir une existence confortable que n’importe quel ouvrage ayant jamais été écrit. Tu n’aurais guère été populaire de toute manière, Harry Fletcher. Pas avec tes... Elle interrompit ses pensées, sachant où elles la mèneraient. D’un pas lent et précis, s’assurant de marcher avec légèreté sur le parquet pour ne pas causer trop de bruit, elle s’approcha de l’armoire en bois sculpté. Derrière les larges portes aux finitions rouges se trouvaient de nombreuses robes, chacune coûtant bien plus que son salaire annuel. Harry en sortit la robe du soir en dentelle bleu nuit que sa cousine avait tout spécialement fait réaliser pour cette occasion.

    — Cette chaleur est insupportable, commenta Fanny en se rafraîchissant le visage d’eau froide.

    — En effet, répondit Harry, tandis qu’elle sortait délicatement la robe de l’armoire pour la placer sur les draps en brocart doré du lit. Ton père a-t-il annoncé quand nous partirions ?

    — Pour Brighton ?

    Fanny se détourna de l’aiguière posée près du miroir sur sa commode et s’approcha de la fenêtre, n’écartant que très légèrement les rideaux pour avoir un aperçu de la rue bruyante et poussiéreuse qui se trouvait plus bas.

    — Il a dit que cela ne dépendait que de moi. Si je parviens à amener William à faire sa demande dans la semaine qui vient ou peu après, nous aurons à attendre que tous les arrangements soient effectués. Dans le cas contraire, nous partirons la semaine prochaine, et il devra venir nous retrouver... ou attendre la saison suivante.

    Harry grimaça, certaine que Fanny ne serait satisfaite d’aucune de ces options. Il semblerait que mon quotidien se complique davantage dans les mois à venir.

    Fanny s’éloigna de la fenêtre, et Harry se dirigea vers sa cousine pour l’aider à enfiler son corset et à en nouer les liens, une étape délicate. Dieu merci, elle ne désire pas le serrer davantage. Cela pourrait être dangereux. Mais Fanny ne s’inquiétait guère de sa santé, seulement de sa beauté, et Harry n’avait d’autre choix que d’accepter ses décisions.

    * * *

    Devin rejeta le document sur son bureau et leva brusquement les bras pour s’étirer, un geste maladroit qui lui fit renverser sa tasse de thé sur son travail.

    — Fichtre ! grogna-t-il.

    Il se leva d’un bond et tenta d’essuyer le liquide tiède avant qu’il ne tache le bois. Le testament qu’il était en train de rédiger était maintenant complètement illisible, et il ne lui restait d’autre choix que de tout recommencer.

    — J’aime mon emploi, j’aime mon emploi, j’aime mon emploi..., tenta-t-il de se convaincre. Après tout, rien ne pourrait être pire que de travailler dans cette usine bruyante et étouffante sous les ordres de Père et de Chris.

    Devin inspira profondément puis déchira le document abîmé avant de le jeter à la poubelle. Au moins, tu n’as pas renversé l’encrier, imbécile. Trop énervé contre sa personne pour recommencer le document qui lui avait pris plusieurs heures de rédaction, Devin se leva lentement, réussissant pour une fois à ne pas se cogner la tête contre l’une des poutres basses, et se lança à la recherche d’une tasse de thé n’ayant pas pour but de détruire son travail.

    Devin s’extirpa de son bureau, qui n’était à peine plus qu’une boîte ornée de rideaux en brocart marron, et se retrouva aveuglé par le soleil de juin. Il se lança dans une rue bordée d’un côté de maisons étroites aux façades colorées et de l’autre, du bâtiment qui accueillait son bureau sur une partie de son rez-de-chaussée. De nombreux magasins et commerces variés se battaient pour l’attention des premiers voyageurs en provenance de Londres, avec leurs vitrines remplies de dentelles, de chapeaux, de jouets, de cigarettes et d’autres objets et services tapageurs. Après moi, le déluge, se laissa divaguer Devin. Il ralentit le pas lorsqu’il se souvint qu’il n’était attendu nulle part. Ses affaires étaient calmes mais restaient suffisantes à ses besoins. Il attendait maintenant les mondains qui envahissaient Brighton au milieu de l’été. Plus qu’une semaine. Une semaine seulement, et la solitude délicieuse qui caractérisait la côte et qui le soulageait après de nombreuses heures passées à écrire penché sur son bureau dans une obscurité presque aveuglante, sera dissipée par des jeunes filles aux tenues luxueuses tentant désespérément d’être remarquées par un gentleman titré, riche, jeune, attirant et agréable. En autres mots, un fantasme.

    Devin soupira à nouveau, l’air frais de l’océan ne suffisant pour une fois pas à soulager sa mélancolie. Une semaine seulement avant que ce diable de Sir Fletcher n’arrive et ne me réclame son testament... celui que je viens de ruiner entièrement. S’il en est satisfait, il me demandera alors de rédiger le contrat de mariage de sa fille. S’il ne l’est pas, je perdrai mon client le plus important. Au souvenir de la pression qui habitait son dos et ses mains alors qu’il se penchait heure après heure sur son travail et qui lui donnait l’impression d’avoir bien plus que ses 25 ans, Devin réalisa qu’il se laissait dangereusement distraire par cette agréable balade au coucher de soleil. Il faut que je recommence ce testament.

    Il pénétra dans son salon de thé préféré et s’assit, guettant patiemment l’arrivée de la propriétaire, madame Murphy, veuve de son état, mais dont la vigueur en faisait l’une des personnes favorites de Devin. Pour se distraire, il étudia la décoration étouffante de l’endroit. Des étoffes parées de rayures d’un rose intense occupaient le dessus des tables et les bords des fenêtres. Cette teinte vaguement agressive semblait avoir pour but de forcer à la bonne humeur, même quand elle n’était absolument pas recherchée.

    Comme Devin s’y attendait, Margaret Murphy apparut à ses côtés en un instant, un plateau sur lequel étaient posés deux tasses de thé brûlantes et une assiette de scones dans les mains.

    — Bonjour, monsieur Bennett, annonça-t-elle du ton neutre et professionnel qui ne manquait de le surprendre à chaque fois, avant de s’asseoir à sa table. Comment une personne si passionnée peut-elle possiblement paraître si calme ?

    — Madame Murphy, répondit-t-il en imitant la neutralité de sa voix.

    Les yeux de la femme scintillèrent d’amusement à cet échange discret.

    — Comment se porte le monde légal ? demanda-t-elle.

    — Plutôt bien, répondit-t-il simplement, ne désirant pas parler travail. Et le monde des affaires ?

    — Lentement, soupira-t-elle. J’attends la semaine prochaine avec impatience, bien que je serai obligée de travailler d’autant plus dur lorsqu’ils seront arrivés.

    — Je comprends, acquiesça-t-il.

    Devin laissa descendre son regard, attiré par la profondeur du décolleté de la robe légèrement démodée dont elle était vêtue, avant de reporter son attention sur son visage. Il but lentement son thé et grignota un scone à petites bouchées, laissant leurs regards transmettre les paroles qu’il ne leur était pas possible d’exprimer en public.

    — Aurez-vous besoin de mon aide avec les pavés de votre jardin ce soir ? demanda-t-il finalement à voix basse, bien que la seule autre personne présente dans le salon n’était qu’une vieille dame si sourde que même crier à son oreille ne suffirait pas à attirer son attention.

    — Je pense que oui, répondit madame Murphy, se mordant la lèvre pour se retenir de rire. Une vieille veuve comme moi devrait se montrer heureuse d’avoir un ami jeune, grand et fort qui puisse l’aider avec son jardinage.

    Jardinage ? C’est ainsi que l’on parle de la chose maintenant ? Devin accompagna sa pensée d’un sourire. Aucune graine ne sera semée, mais cela n’a pas d’importance. C’est une métaphore parfaitement acceptable.

    — Il me faut retourner travailler, annonça-t-il en reposant sa tasse.

    Le scone, bien que moelleux et friable comme d’ordinaire, sembla pour une fois difficile à déguster et ne restera qu’à moitié mangé dans l’assiette. Madame Murphy fronça les sourcils à la vue de ce dernier.

    — Je vous retrouve à 19 heures.

    Il lança un clin d’œil à son amante, ce qui suffit à lui rendre le sourire, et sortit du salon de thé. Finis ce testament, Bennett, et tu mériteras enfin un moment entre les draps de ta rouquine préférée. Le sourire aux lèvres, il remonta la rue ensoleillée jusqu’à son espace de travail, où l’attendait son bureau, enfin sec. Cette fois, je vais le terminer.

    Chapitre 2

    Harry se tenait bien droite, assise sur une chaise dotée d’un dossier en bois et d’un coussin brodé. L’armature de son corset de seconde main l’irritait et s’insérait douloureusement dans la peau sous ses bras, et un côté particulièrement agressif semblait décidé à faire autant de mal que possible. Si seulement je pouvais me mettre en tenue de nuit. Il est déjà 3 heures du matin passées. Harry n’était pas particulièrement adepte des soirées s’étirant longuement dans la nuit qui semblaient être une habitude mondaine, principalement car elle se trouvait alors obligée de rester, non seulement éveillée, mais également habillée jusqu’à ce que la tenue de sa cousine soit replacée dans l’armoire, que ses bijoux aient retrouvé leur place dans leur coffret, que ses chaussures soient brossées et ses bas envoyés au nettoyage. Mais tout cela ne pouvait être effectué que si Fanny se décidait à la laisser travailler. Et ce soir, sans la moindre surprise, elle semblait préférer rester allongée sur son lit en chemise de nuit et retracer en détail les événements de la soirée.

    —Et donc, une fois nos fiançailles annoncées, Père est resté à mes côtés toute la soirée. Je n’ai pas pu passer un moment seule avec mon futur époux. Quelle attitude ridicule. S’il s’imagine que William et moi ne nous sommes jamais embrassés, il se trompe entièrement.

    Elle se laissa tomber sur le dos puis frotta une zone de peau irritée par son corset. Harry sourit.

    — La seule chose qu’il désire est d’éviter un scandale, tu le sais bien, répondit-elle tout en observant attentivement l’une des délicates chaussures de danse blanches de Fanny, à la recherche de la moindre tache ou saleté. Elles me paraissent propres, mais il faudra que je les regarde davantage demain, à la lumière.

    — Un homme embrassant sa promise ne mérite pas de recevoir plus qu’un simple sourire, peu importe si la personne qui en témoigne est une vieille fille propre sur elle, se plaignit Fanny tout en balançant son poids sur un coude pour pouvoir retirer les barrettes de sa chevelure noire soyeuse.

    — Fort malheureusement, les vieilles filles propres sur elles sont celles qui favorisent les rencontres entre futurs époux, rappela Harry à sa cousine.

    — Je suis si impatiente d’être mariée, déclara Fanny, oubliant le sujet des vieilles filles pour se concentrer à nouveau sur son futur éclatant. Personne ne pourra alors plus me dire de ne pas embrasser mon William.

    Il sera attendu de toi un peu plus que de simples baisers. J’espère que cela te sera expliqué avant le mariage ou tu seras très certainement très surprise. Il est regrettable que ta mère soit décédée... Je ne suis pas sûre d’être assez renseignée sur le sujet pour t’être de bon conseil.

    — Cela est vrai, convint Harry, mais tu continueras d’être jugée si tu agis ainsi en public.

    — Peu importe ! dit Fanny en rejetant le commentaire d’un geste de la main. Je n’aurais pas besoin de démontrer mon affection en public. Nous aurons toute l’intimité dont nous rêvons en privé, une fois mariés.

    — En effet, acquiesça Harry.

    Elle se leva de sa chaise avec un grognement de douleur pour aller glisser les chaussures dans l’armoire avant de s’intéresser au corset de Fanny qui gisait abandonné sur le sol. Il a l’air propre. Je pense pouvoir me contenter de le ranger.

    Avez-vous discuté de la date qui célébrera cet événement tant attendu ?

    Père n’est pas encore prêt, répondit Fanny après un soupir. Il insiste pour ne rien organiser jusqu’à ce que les documents nécessaires soient rédigés et signés.

    — Je vois, répondit Harry. Et combien de temps cela prendra-t-il ?

    — Je n’en ai aucune idée ! s’exclama Fanny avec un geste théâtral de la main. Il a marmonné quelque chose concernant un « jeune notaire de Brighton », mais je ne sais guère ce que cela signifie.

    Harry fut surprise par l’ignorance de sa cousine sur le sujet et entreprit de lui expliquer la situation.

    — Après le décès de monsieur Phillips, son ancien notaire, ton père a recherché un remplaçant compétent. Il a demandé à un jeune homme de Brighton de rédiger un testament et lui a dit que s’il le jugeait réussi, il le garderait à son service pour lui faire écrire tous les documents légaux de ta famille. Et donc, je pense pouvoir affirmer que lorsque nous nous débuterons notre séjour au bord de la mer, il vérifiera l’avancée du travail du jeune notaire et s’il en est satisfait, ton contrat de mariage sera rédigé.

    — Mais... Mais ce n’est que dans une semaine ! se plaignit Fanny.

    Harry saisit la robe de chambre reposant sur la chaise de sa cousine et l’apporta jusqu’au lit. Je ne devrais pas lui dire que s’il consent à rédiger les documents, cette semaine ne sera que le début de l’attente.

    — Du calme, voyons.

    Elle tendit sa robe de chambre à Fanny avant de lui tapoter doucement le bras.

    — Tout finira bien, tu verras. Ton père ne souhaite que vous protéger, toi et tes intérêts. William et toi serez mariés avant que tu ne puisses t’habituer à l’idée. Tu devrais dormir, maintenant. Si tu veux que je sois assez éveillée pour pouvoir préparer tes habits pour le voyage, il me faut me reposer un peu.

    La moue de Fanny se transforma en un sourire joyeux.

    — Tu deviens une véritable vieille femme, Harry. Tu ne penses qu’à dormir.

    Seulement parce que je n’ai pas la chance de pouvoir passer la moitié de la journée au lit, petite dinde. Mais Fanny ne comprendrait pas, et Harry refusait de se laisser entraîner dans une nouvelle conversation qui pourrait s’éterniser. Un sourire froid sur les lèvres, elle s’excusa pour la nuit.

    * * *

    Devin relâcha un grognement de satisfaction alors que le plaisir l’envahit par roulements, un sentiment qui lui évoqua étrangement les vagues de la mer s’écrasant sur les plages de galets de la ville. Il se perdit dans la sensation de cette peau de femme chaude et voluptueuse contre la sienne et dans les petits cris doux de jouissance se mêlant aux siens. Lorsque son esprit s’éclaircit finalement, il fut accueilli par l’image du joli visage parsemé de taches de rousseur de Margaret Murphy, de ses yeux verts brillant de plaisir et de ses lèvres roses et souples, prêtes à recevoir un nouveau baiser. Il embrassa longuement et abondamment la peau nue de la belle rousse toute en formes et se détendit dans son étreinte, prenant soin de s’appuyer sur ses coudes pour ne pas l’écraser sous son poids.

    — Margaret ? dit-il avec douceur.

    — Hm ?

    Elle gesticula contre lui. Devin fit descendre sa main vers la protection qui leur permettait de s’ébattre avec plaisir, inquiet qu’elle se soit déchirée, et se retira de son amante.

    — Oh..., geignit-elle.

    — Désolé, je n’ai plus de force, s’excusa-t-il en retirant la protection en lin de son érection faiblissante avant de se lever. Je voulais te dire... Il nous faut rester discrets pendant quelques temps.

    Margaret s’appuya sur un coude, un geste qui mis encore plus en valeur sa poitrine généreuse.

    — Que se passe-t-il, mon cœur ?

    Bien qu’il savait parfaitement qu’elle utilisait ce mot tendre pour tout le monde, l’entendre dérangea Devin. Ce qu’il y avait entre eux n’était qu’une amitié agréable avec de bons côtés occasionnels, mais pas de l’amour. Et pourtant, il ne jugea pas utile de le mentionner. Il jeta le préservatif et commença à s’habiller.

    — J’ai un nouveau client qui arrive en ville. Enfin, il n’est pas encore un client, mais si je réussis à effectuer ce qu’il attend de moi, il est possible qu’il devienne l’opportunité dont ma carrière a besoin. Il est riche, possède un titre moyen et nécessite la rédaction de nombre de documents légaux.

    — Ne t’enfuis pas si vite, dit Margaret. Reste un instant de plus et explique-moi pourquoi la présence de cet homme signifie que je dois me passer de mon jouet favori.

    Il leva les yeux au ciel. Son jouet favori. Légèrement insulté par ce surnom qu’elle pensait doux, il reprit la parole.

    — Il est connu pour être un homme puritain. Il n’est intéressé ni par les scandales ou les rumeurs ni par toute autre activité jugée inconvenante. Pour parler clairement, il semble avoir un balai dans le derrière. Il ne s’associera pas à un notaire fréquentant des femmes à la vertu discutable.

    Dans une tentative d’adoucir ses paroles, il posa un genou sur le lit et se pencha en avant pour déposer un baiser sur le nez parsemé de taches de rousseur de Margaret. Elle tordit la bouche en une légère grimace mais ne fit pas le moindre geste pour nier cette accusation. Et tu fais bien. Je sais parfaitement que je suis loin d’être ton seul « jouet ».

    — Très bien, répondit-t-elle, ses yeux verts affichant un éclat calculateur.

    Elle doit déjà être en train de réfléchir à qui pourrait me remplacer dans son lit le mardi tant que je suis occupé. Il haussa les épaules et s’assit sur la chaise de boudoir blanche ornée d’un coussin rose brodé pour pouvoir enfiler ses chaussures à son aise. De cet angle, le confort oppressant de cette chambre tout en dentelle pastel et crème sembla se refermer sur lui, lui coupant le souffle. La chambre de Margaret reflète sa personnalité. Un mélange étouffant entre mère surprotectrice et amante trop enthousiaste. Devin réalisa soudainement que leur affaire, peu importe la façon dont elle pourrait être décrite, était en train de sombrer. J’espère pouvoir rester son ami, mais cette intimité entre nous n’a plus lieu d’être. Il n’était pas certain de ce qui avait entraîné ce changement d’esprit, mais il ne pouvait qu’accepter que son intérêt physique pour Margaret avait fortement diminué au fil du temps. Et pourquoi ne serait-ce pas le cas ? Après tout, ni elle ni toi n’avez cherché à faire évoluer cette relation. Comme si elle avait été destinée à n’être que temporaire depuis le début. Il ouvrit la bouche pour parler mais ne sut quoi dire. Il se contenta donc de partir.

    Devin se glissa dans l’allée derrière la maison de Margaret et s’engagea silencieusement dans une rue vide et banale, bordée de chaque côté d’une rangée de magasins fermés. Les vitrines sombres au contenu indiscernable semblaient refléter la silhouette d’un homme honteux. Frissonnant, il accéléra le pas, émergeant d’entre les bâtiments pour se retrouver sur un chemin menant à la plage. Il put alors apprécier le son des roulements de la mer recouvrir celui de la plage, où se mêlaient la conversation discrète des insectes nocturnes et le cri strident occasionnel d’un oiseau. La nature, à qui l’on pouvait toujours faire confiance, avait réussi à réaliser ce que le sexe n’avait pas pu : alléger chez Devin la tension liée à son travail, et l’aider à se détendre et à apaiser son esprit.

    En chemin, il s’imagina voir des documents filer comme par magie du bout de ses doigts et disparaître dans le sol, absorbés par la terre. Les étoiles scintillaient avec force comme pour se moquer de la culpabilité qu’il ressentait. Imbécile, semblaient-elles dire, soulager tes besoins auprès d’une femme consentante est tout à fait naturel. Et pourtant, on lui avait appris que rien ne valait mieux que l’amour. Que le mariage, et non une affaire sans importance, était le secret de la joie véritable. Ses parents lui avaient prouvé au quotidien par leur comportement, comme l’avait fait son frère, mais il ne réussissait simplement pas à satisfaire les besoins de son corps. Être piégé entre moralité de petite bourgeoisie et désir lié à sa jeunesse n’avait fait que le laisser profondément insatisfait et honteux de lui-même. Je suppose que Mère me dirait de trouver une épouse et qu’elle connaît la personne qu’il me faut. Mais je ne suis pas Christopher. Et je ne suis pas prêt.

    Repoussant ces rêveries inutiles, il se força également à se débarrasser de toute pensée liée au travail. Son esprit laissa s’envoler des feuilles vierges jusqu’au ciel, les regardant disparaître parmi les nuages, et lui fit imaginer de l’encre s’écouler du bout de ses chaussures et creuser des sillons dans le sable. Devin continua son chemin, sentant son agitation nerveuse être remplacée par de la fatigue. Parfait. Il semblerait que je puisse dormir ce soir. Du whisky ne sera pas nécessaire.

    Et finalement, peu après la sortie de la ville, apparut un petit cottage bercé de ténèbres. Devin avait préféré la proximité de la mer à celle de la ville et à l’attrait d’un large logement, et ne l’avait jamais regretté. Le charmant petit édifice présentait des murs en pierre couverts de lierre et bordés d’un lit de roses. Bien que la nuit ait noirci les couleurs dans des teintes de gris, les senteurs de la mer, des fleurs et de sa maison restaient les mêmes. Devin prit une grande inspiration et sourit. Il se dirigea vers la porte et une fois à l’intérieur, traversa le couloir, heureux de faire un ménage rapide et de déplier ses draps blancs fraîchement nettoyés avant de s’endormir aisément au son des vagues.

    * * *

    Lorsque les bagages furent finalement organisés, ils se mirent en route. Fanny s’assoupit dans un sommeil léger, la tête appuyée contre la fenêtre, indifférente au paysage campagnard qui défilait. Après un trop long moment, oncle Malcom avait finalement accepté de laisser les jeunes femmes apprécier paix et intimité et s’était éclipsé dans un autre compartiment. Harry s’assit confortablement dans son siège et tira un roman de sa sacoche. Elle se laissa bercer par la prose lyrique de Jane Austen, oubliant ses propres soucis pour se perdre dans ceux des protagonistes, qui semblaient pouvoir être résolus par une histoire d’amour si belle qu’elle en devenait irréaliste. Cela n’est pas pour moi, c’est certain. Elle ne s’attendait guère à jamais rencontrer un héros romantique qui la taquinerait et qui l’amuserait avant de finalement la secourir de la prospective d’une vie de travail acharné. La seule chose qu’elle pouvait imaginer pour son futur était de suivre Fanny une fois qu’elle

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