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Alliance de Mensonges
Alliance de Mensonges
Alliance de Mensonges
Livre électronique353 pages3 heures

Alliance de Mensonges

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À propos de ce livre électronique

Par une nuit pluvieuse comme l’Angleterre en connaît tant, Daniel Elliott trouve la mort, seul au volant de sa voiture. Grace, sa femme, est anéantie. Et même si leur mariage n’était pas parfait, Grace ne se résout pas à affronter l’avenir sans lui.

Elle découvre bientôt qu'elle connaissait mal son mari. Des secrets sont révélés : un nom d’emprunt, une étrange liste de chiffres, une maison en Floride, et une maîtresse qui est la copie conforme de Grace.

Terrifiée mais déterminée, elle s’envole pour la Floride. Elle est traquée par la pègre… et par cette autre femme. A son grand étonnement, le bel agent du FBI, Jack West, accepte de se charger de l’affaire. Grace et lui ont autrefois vécu une histoire. Et bien qu’elle s’y refuse, elle tombe à nouveau amoureuse de lui.

Le danger les guette à chaque tournant tandis que Grace et Jack naviguent dans les eaux troubles du crime du sud de la Floride pour découvrir la vérité qui se cache derrière l'Alliance de mensonges.

LangueFrançais
ÉditeurBadPress
Date de sortie1 avr. 2021
ISBN9781071566206
Alliance de Mensonges
Auteur

Victoria Howard

Born and raised in the Pittsburgh area, Howard trained horses at The Meadows in the late ‘70s and Pompano Park in the early ‘80s. With her husband, Pennsylvania auto magnate John Howard, she not only owned and campaigned super stars like Efishnc and Neutrality (trained by Bruce Nickells), but at one time was a guest commentator on The Meadows Racing Network, besides appearing in numerous commercials with her longtime friend, legend Roger Huston. Later, in her second career as a published author, Victoria not only wrote The Voice: The Story of Roger Huston, but she also penned The Kentucky Horse Park: Paradise Found and Gunner: An Enchanting Tale Of A Racehorse---the inspiring story of a Standardbred rescued from obscurity who became a decorated police horse. Victoria also co-wrote Roosevelt Raceway: Where It All Began, Meadow Skipper: The Untold Story and several children’s books on Standardbred horses and horseracing. Howard knows what she writes about, having lived through and personally been acquainted with many of the horses, horsemen, and families you’ll be reading about in Harness Racing in the Keystone State. Today, Howard lives in Florida with her dog, Max, and is the proud “Mom” to many racehorses.

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    Aperçu du livre

    Alliance de Mensonges - Victoria Howard

    Chapitre Un

    Grace Elliott suivait le cercueil de son mari sur l’allée pavée qui reliait l’église au cimetière, en prenant garde de ne pas déraper sur les pierres trempées par la pluie. Elle frissonna et remonta le col de sa veste de tailleur, le tenant fermement fermé sur son cou tandis que la pluie hivernale traversait ses vêtements et la glaçait jusqu’aux os.

    Elle se sentait vide à l’intérieur. Vide, et coupable.

    L’accident de Daniel était sa faute. S’ils ne s’étaient pas disputés avant qu’il parte pour la conférence, il serait sans doute encore en vie.

    La petite église du douzième siècle se dressait sur une colline, à la limite du village, sa pierre jaune des Costwolds s’était patinée avec l’âge. Des stèles couvertes de mousse ponctuaient le cimetière, leurs inscriptions étaient usées et à peine lisibles. Perché au sommet d’un if noueux, un corbeau croassait. Même les anges installés au-dessus des monuments funéraires semblaient lui faire les gros yeux.

    Grace redressa les épaules et garda les yeux rivés sur la seule couronne de chrysanthèmes jaunes, de solidagos et d’eucalyptus posée sur le cercueil.

    À part sa meilleure amie enceinte jusqu’au bout des ongles, Olivia, seule une demi-douzaine de proches était agglutinée autour de la tombe béante. Daniel avait de nombreux amis et autant d’associés d’affaires. Où étaient-ils ? Elle oscillait entre colère et tristesse. Il se sentait tellement apprécié ; pourtant, il n’était plus réduit qu’à cela, un être presque oublié le jour même de ses funérailles. Elle observa le petit groupe. L’associé de Daniel, Shaun, et son épouse… Comment s’appelait-elle déjà ? Grace faisait de son mieux pour s’en souvenir. Mary ? Margaret ? Non, Margot, c’était ça. Et puis, il y avait Liz, la secrétaire de Daniel, droite comme un I sur le côté, qui s’épongeait sans cesse les yeux avec son mouchoir froissé.

    Elle ne connaissait pas le petit homme d’âge moyen, élégamment vêtu, à la mâchoire carrée. Elle identifia néanmoins deux des amis du club de golf de Daniel, qui avaient renoncé à leur séance quotidienne pour être présents.

    Quoi qu’il en soit, la personne dont elle avait le plus besoin était absente.

    Malgré de nombreux appels sur le portable de Catherine et autant de messages laissés sur sa boîte vocale, sa sœur restait silencieuse. Il n’était pas rare que Catherine ne s’occupe que d’elle-même. Elle avait toujours été du genre égoïste, à faire ses petites affaires et laisser tomber la famille. Et aujourd’hui, ce n’était pas différent. Et pourtant si, parce que Catherine laissait Grace toute seule au moment où elle avait le plus besoin de sa sœur.

    Tête baissée, Grace prit place près du prêtre, devant la tombe, avec un tel sentiment d’abandon qu’elle n’avait pas la force de pleurer.

    La voix du prêtre résonna dans l’assistance.

    - Nous avons confié notre frère, Daniel, à la grâce de Dieu, et nous allons à présent porter sa dépouille en terre. La terre retourne à la terre, la cendre à la cendre, la poussière à la poussière.

    Elle luttait pour retenir ses larmes et se concentrer sur l’éloge, tandis que le chagrin et la culpabilité lui brisaient le cœur. Peut-être aurait-elle dû organiser une veillée, pour les collègues et les amis de Daniel, mais comme ses parents étaient décédés et qu’on ne trouvait sa sœur nulle part, elle n’aurait pas pu écouter leurs condoléances et les platitudes d’usage toute seule.

    Sur l’invitation du prêtre, elle avança et ramassa une poignée de terre qu’elle fit glisser entre ses doigts pour la parsemer sur le cercueil. La cérémonie achevée, les proches se regroupèrent autour d’elle. Shaun fut le premier à la rejoindre et lui prit la main.

    - Je voulais juste te dire combien Margot et moi sommes désolés. C’est un moment très pénible pour toi, Grace, et si nous pouvons t’aider en quoi que ce soit, je t’en prie, n’hésite pas. Daniel était un bon ami, et mon associé.

    - Merci Shaun. Daniel… Daniel aurait été heureux que tu ne l’oublies pas. Tu as vraiment été gentil de vider son bureau et de me rapporter ses effets personnels, je sais que tu es très occupé.

    - Ça ne m’a pas dérangé, Grace. Pas du tout.

    Shaun se pencha vers elle et l’embrassa sur la joue.

    - On reste en contact.

    L’un après l’autre, les autres vinrent lui présenter leurs respects puis s’éloignèrent en silence. Seule Olivia resta près d’elle.

    - Ma pauvre, pauvre chérie, dit-elle en passant un bras autour des épaules de Grace. Tu es là, et où est ta sœur ? Est-ce qu’elle s’en moque ?

    - Tu sais bien que non, Olivia. Je suis certaine qu’elle serait venue si elle avait appris, mais je n’ai pas réussi à la joindre. Elle a sa carrière, et…

    - Et une sœur, qu’elle laisse seule au cœur de la tempête le jour le plus noir de sa vie. Je t’assure, Grace, je ne sais pas comment tu tiens le coup.

    Grace frissonna.

    - Ce n’est pas le cas.

    Elle s’effondra sur l’épaule d’Olivia et éclata en sanglots. Olivia l’entourait de ses bras comme un enfant. Comme l’enfant qu’elle aurait bientôt, se dit Grace. Une perte de plus, réalisa-t-elle. Elle n’aurait jamais d’enfant maintenant que Daniel était parti.

    - Oh, Grace. Je sais que tu l’aimais terriblement.

    - Je l’aimais. Je l’aime. Qu’est-ce que je vais faire maintenant, Olivia ? Comment vais-je continuer sans lui ?

    - Je suis là pour toi, ma chérie, et Tom aussi. D’une façon ou d’une autre, nous nous en sortirons ensemble.

    Grace renifla et se moucha.

    - Je… J’aimerais rester seule quelques instants. Ça ne t’ennuie pas ?

    Olivia plissa les yeux.

    - Tu es sûre ?

    - Oui. Je dois lui dire au revoir. Il le faut. Je ne serai pas longue.

    - Prends tout le temps qu’il te faut. Je t’attends dans la voiture.

    Incapable de dire un mot, Grace hocha simplement la tête. Elle joignit ses mains fines et baissa la tête pour dissimuler la douleur dans ses yeux. Elle se sentait vide. Un élan de chagrin la traversa, menaçant de mettre à mal sa résolution de ne plus pleurer.

    Elle resta au pied de la tombe, ignorant la pluie qui dégoulinait du bord du chapeau qu’elle avait emprunté jusque sur sa nuque, les yeux rivés sur la plaque de cuivre ruisselante sur le cercueil.

    Daniel Elliott. 1971-2009

    Les larmes l’aveuglaient. Daniel était trop jeune pour mourir. À trente-huit ans, il était le plus jeune associé d’un cabinet comptable international. Et il était son pilier, son seul et inébranlable pilier depuis dix courtes années. Comment allait-elle supporter son absence ?

    Contenant à peine ses émotions, elle rejoignit le parking en empruntant les mêmes pavés mouillés. Un homme surgit sous le porche recouvert de mousse, la faisant sursauter. Elle reconnut l’élégant inconnu du cimetière.

    Il ôta son chapeau.

    - Madame Elliott ?

    - Oui ?

    - Je vous présente mes condoléances pour la perte de votre mari.

    - Merci. Merci d’être venu. Mais si cela ne vous dérange pas, j’aimerais rester seule.

    Grace se retourna, mais il la saisit par le bras avec la puissance d’un boxeur. Elle grimaça. Il relâcha l’emprise sur son bras sans pour autant la libérer.

    - Ce que j’ai à vous dire ne prendra qu’une seconde.

    Grace sentit la colère monter.

    - Je ne sais pas même pas qui vous êtes. Je viens d’inhumer mon mari. Ayez un peu de cœur !

    Il sourit.

    - Un cœur ? Voilà un choix de mot intéressant. Les cœurs ne sont pas de mise dans ma profession, madame Elliott. Les informations, si.

    Elle releva la tête brusquement.

    - Les informations ? Quel genre d’informations ?

    - Le genre que vous êtes sur le point de fournir.

    Grace haussa involontairement les épaules. La noirceur impénétrable de son regard et la façon dont sa langue sifflait à la fin de ses phrases lui faisait penser à un serpent. Elle jeta un œil derrière elle. Olivia lui faisait signe depuis l’intérieur de la voiture, soucieuse de rejoindre son mari, Tom, le vétérinaire du coin, pour l’aider dans ses interventions chirurgicales de l’après-midi.

    - Je dois y aller maintenant. Mon amie m’attend.

    - Je sais que l’instant est très mal choisi pour parler de tout ça, mais je vous assure que ça ne prendra que quelques minutes. Votre défunt mari s’occupait de mes intérêts professionnels.

    - Dans ce cas, je vous suggère de vous adresser à Shaun, l’associé de Daniel. C’est lui qui reprend tous ses clients.

    - Je ne me suis peut-être mal fait comprendre, madame Elliott. Ça n’a rien à voir avec le cabinet de votre mari.

    Sa langue siffla à nouveau.

    - Daniel et moi avions un accord privé. Il avait accès à des informations, disons, très sensibles. Je voulais juste m’assurer qu’elles ne tombent pas entre de mauvaises mains.

    Effrayée, Grace essaya de se dégager mais il serra plus fort.

    - Qui que vous soyez, laissez-moi partir.

    - Dans un instant, madame Elliott.

    - Vous me faites mal !

    Les lèvres de l’inconnu se tordirent en un sourire cynique.

    - Très bien, c’est voulu.

    - Je vais hurler. Quelqu’un va venir.

    - Nous sommes plutôt seuls ici. Si je le voulais, je vous garantis que je pourrais vous tuer sur place.

    Grace retint sa respiration. Elle savait qu’il avait raison.

    - Que voulez-vous de moi ? Qui êtes-vous ?

    - Votre mari conservait des dossiers qui ont une grande importance pour moi.

    - Tous les dossiers des clients sont conservés au cabinet.

    L’étranger secoua la tête.

    - Pas des dossiers papier. Des dossiers électroniques, des disques informatiques.

    - Que les informations que vous demandez soient sur papier ou sur un ordinateur, je vous assure que je n’ai rien qui vous appartienne.

    Avec un sourire suffisant, sans ciller, il lui relâcha le bras.

    - Vous dites la vérité.

    - Bien sûr que oui.

    - C’est une bonne chose. Je sais quand les femmes mentent. Vous ne voudriez pas me mentir, madame Elliott. Jamais. Ce ne serait pas de bon augure pour vous. À présent, je vais vous laisser partir. Vous allez être en retard à votre rendez-vous avec l’avocat de votre mari.

    - Comment le savez-vous ?

    Ses doigts se raidirent autour de la bandoulière de son sac, au point que ses ongles pénétrèrent dans la paume de sa main.

    - C’est mon job de savoir des choses. Au fait, vous avez parlé à votre sœur dernièrement ?

    Grace releva brusquement la tête.

    - Ça ne vous regarde pas.

    L’homme se contenta de sourire.

    - Non. Évidemment. Je ne vous retiens pas davantage, madame Elliott. Je vous recontacte bientôt.

    Il tourna les talons et s’engagea dans la brume.

    La sueur coulait le long de la colonne vertébrale de Grace, la peur avait remplacé la colère. Son cœur tambourinait sous ses côtes.

    - Attendez ! S’il vous plaît ! Catherine a des ennuis ? Si vous savez quoi que soit sur elle, dites-le moi, je vous en prie.

    Il ne se retourna pas.

    - Au revoir, madame Elliott.

    Elle le regarda partir. Qui était-il ? Quelqu’un d’assez violent pour inspirer la peur, ça, c’était sûr. Qu’est-ce que Catherine avait à voir avec les disques informatiques de l’inconnu, se demandait-elle. Et comment était-il au courant pour le rendez-vous avec l’avocat ? L’avait-il deviné par hasard ?

    Elle prit une profonde et irrégulière inspiration et quitta le porche pour se précipiter vers la voiture.

    - Qui c’était ? demanda Olivia tandis que Grace s’installait sur le siège passager.

    - L’un des clients de Daniel.

    Grace se frotta nonchalamment le bras.

    - Je lui ai dit d’aller voir Shaun.

    Elle se retourna sur son siège pour regarder vers le porche, mais l’inconnu avait disparu.

    - Alors, ne t'en fais pas, ma chérie, répondit Olivia.

    Elle passa la première et desserra le frein à main.

    - Tu es sûre que tu ne veux pas que je t’accompagne chez l’avocat ?

    - C’est gentil, mais non. Je crois que je dois y aller seule.

    Olivia soupira.

    - Bon, alors je te déposerai en ville. Mais sache que je n’approuve pas.

    - Ça ira. D’ailleurs, tu ne m’as pas dit que l’une des infirmières vétérinaires avait la grippe ?

    - Rufus, l’assistant de Tom, l’a attrapée aussi. Sinon, Tom serait venu aux obsèques. C’est très dur de trouver un remplaçant au pied levé. Et tu sais dans quel état Tom se met quand il doit assumer ses obligations sociales et son travail auprès de ses patients. Mais si tu veux que je reste, je suis certaine qu’il s’en tirera parfaitement tout seul pendant encore une heure ou deux. Puis-je te faire changer d’avis ?

    - Tom et toi avez été fantastiques. Je ne sais pas ce que j’aurais fait sans votre aide. Et, merci pour le chapeau. J’espère que la pluie ne l’a pas abîmé.

    Elle ôta le chapeau et le déposa sur la banquette arrière.

    - Chérie, ne t’en fais pas. Les amis sont faits pour ça.

    Grace se tourna et sourit à la femme sur le siège d’à côté. Les cheveux noirs d’Olivia étaient coupés au carré, et malgré la tristesse des circonstances, ses yeux bleus rayonnaient de bonheur. La grossesse lui allait bien.

    - Je dois m’habituer à rester seule. En plus, tu dois penser au bébé. Tu devrais rester assise les pieds levés chez toi, pas me servir de nounou.

    - Eh bien, je dois admettre que je commence à me sentir fatiguée, et mes chevilles gonflent quand je reste debout trop longtemps. Mais si tu veux que je reste jusqu’à ce que ta capricieuse de sœur t’appelle, ça ne me pose pas de problème.

    Grace secoua la tête.

    - Non, vraiment, ça ira.

    - Ah, nous y sommes.

    Olivia gara la voiture sur une place libre devant la pharmacie.

    - Je t’appelle ce soir pour être certaine que tu vas bien.

    Grace descendit du siège passager. C’était jour de marché, et la petite ville des Costwolds grouillait d’acheteurs de Noël. Sur le trottoir de la grande avenue animée qui menait au cabinet d’avocats, Grace se sentait anxieuse. Elle détestait avoir affaire à des gens hauts placés. Daniel insistait toujours pour tout gérer lui-même.

    Lorsqu’elle passa devant la vitrine du marchand de chaussures, Grace aperçut son reflet. Elle avait l’air décharné, elle faisait bien plus que ses trente-deux ans. La veste du tailleur en laine noire qu’elle avait acheté à la hâte tombait sur ses épaules, et lui donnait des airs d’anorexique. Ses joues normalement roses étaient pâles, et des cercles sombres creusaient ses yeux d’un bleu profond. Même ses cheveux châtains manquaient d’éclat. Peut-être aurait-elle dû les lâcher, au lieu de les ramasser en chignon, ça lui creusait encore plus les joues. Elle haussa les épaules. Il était trop tard pour s’inquiéter de son apparence à présent.

    Elle prit une longue inspiration puis poussa la porte du cabinet d’avocats. Le claquement de ses talons résonnait sur le sol en marbre. Elle eut à peine le temps de s’attarder sur le décor car une réceptionniste impeccablement maquillée la conduisit dans la salle de conférence ou un vieil homme à lunettes était installé derrière un énorme bureau. Il se leva dès qu’elle pénétra dans la salle.

    - Madame Elliott, asseyez-vous, je vous en prie. Je suis navré de vous avoir fait venir ici, surtout un jour comme celui-ci, mais il vaut mieux, pour toutes les parties concernées, que cette affaire se règle rapidement. J’espère que vous accepterez mes condoléances pour le départ prématuré de votre époux. Le choc a dû être terrible pour vous.

    - Oui, en effet. Votre lettre m’a surprise, elle aussi. J’ignorais que Daniel avait rédigé un testament.

    Les mains de Grace s’agitaient sur ses genoux.

    - Je ne pensais pas que c’était nécessaire puisque nous avions mis la maison à nos deux noms et que nous avions un compte commun.

    À son grand désarroi, sa voix se fissura.

    - Monsieur Elliott l’a rédigé très récemment. Évidemment, cela simplifie les choses du point de vue juridique, mais je suis étonné qu’il n’en ait pas discuté d’abord avec vous. Il vous laisse tout son patrimoine, comme vous vous y attendiez. Applegate Cottage, vous l’avez dit, est votre propriété conjointe, à vous et votre mari, aussi sa part vous revient-elle automatiquement. Je suis certain que vous serez soulagée de savoir que son assurance vie est suffisante pour rembourser le reste de l’emprunt, vous n’avez plus à vous en soucier. Il n’y a qu’un seul autre legs, à une certaine demoiselle Catherine Peterson.

    - Catherine ? Daniel a couché ma sœur sur son testament ? Vous savez pourquoi ?

    - Un testament est très personnel, madame Elliott, vous le savez sans doute. Il ne m’appartient pas de demander à mes clients le pourquoi de leurs décisions.

    - Non, non, bien sûr que non.

    Grace baissa la tête et examina ses mains en écoutant distraitement l’avocat. Elle était envahie d’un sentiment de colère mêlé de confusion. Pourquoi Daniel avait-il jugé utile de rédiger un testament ? Et pourquoi avait-il fait de Catherine l’une de ses bénéficiaires ?

    - La succession devrait être réglée d’ici quatre à six semaines et tout devrait être finalisé d’ici six mois. Je me suis déjà entretenu avec votre banque et j’ai organisé le transfert du compte épargne de votre mari à votre nom. Vous devrez prendre rendez-vous avec le directeur et signer quelques documents, mais cela ira plutôt vite. Concernant la maison de la plage en Floride, je crains que votre avocat aux États-Unis doive s’occuper de son transfert à votre nom.

    Grace releva brusquement la tête.

    - Excusez-moi ? Une maison en Floride ? Un avocat aux États-Unis ? Je ne comprends pas. Nous ne possédons rien à l’étranger.

    L’avocat examina les documents qu’il avait sous les yeux.

    - En fait, si, madame Elliott.

    Il ôta ses lunettes de vue et lui sourit avec bienveillance.

    - Je vous assure qu’il n’y a pas d’erreur. Votre mari a acheté la maison de Gasparilla Island il y a quelques mois. J’ai une copie de l’acte d’achat ici, dans le dossier. Comme je vous l’ai dit, Maître Parous, votre avocat aux États-Unis, pourra s’occuper du transfert à votre nom. Maintenant, avez-vous des questions à me poser ?

    - Maître Parous ?

    - Oui, c’est ça.

    Il tendit à Grace une carte de visite.

    - Je lui ai déjà parlé et je lui ai faxé un exemplaire du testament. Il me semble fort compétent. Je suis sûr qu’il règlera toutes les formalités juridiques rapidement et avec professionnalisme.

    Grace examina la carte. Maître Zachary Parous, Avocat. Sous le patronyme délicatement imprimé, il y avait un numéro de téléphone et une adresse à Miami. Elle resta assise, sidérée. Pourquoi Daniel ne lui avait-il pas dit qu’il avait acheté une maison en Floride ?

    Son esprit refusait d’assimiler tout ce qu’on venait de lui dire. Elle s’apprêtait à demander comment Daniel avait eu les moyens de s’offrir une deuxième maison quand l’avocat poussa un tas de papiers de l’autre côté du bureau.

    - Si vous pouviez signer ces documents, madame Elliott, je pourrais me mettre au travail. Madame Elliott ?

    - Pardon ? Ma signature ? Oui, bien sûr.

    Elle signa chaque feuille sans la lire. Daniel lui disait toujours ce qu’elle signait. Daniel…

    Il faisait nuit quand Grace quitta le cabinet d’avocats. Tout s’était enfin calmé dehors. Elle avançait sans réfléchir, sans émotion, comme les bonshommes en carton des parcs d’attraction. Elle héla un taxi et donna son adresse au chauffeur.

    Lorsqu’elle traversa le couloir de sa maison, la maison que Daniel avaient partagée et aimée, la douleur se déversa en torrent. Elle déposa son sac sur la table puis se rendit directement dans le bureau. Le bureau de Daniel, la seule pièce de la maison dans laquelle elle n’avait jamais mis les pieds, même pour faire la poussière.

    Grace laissa la main sur la poignée, et s’attendit presque à entendre sa voix puissante lui reprocher de le déranger. Elle avait ignoré son avertissement une seule fois, et la dispute qui avait suivi l’avait bouleversée. Depuis, elle respectait ses désirs. Tous.

    Mais Daniel n’était plus là pour désirer quoi que ce soit.

    Elle ouvrit la porte et entra. Ça sentait le renfermé. Elle se dit que l’odeur entêtante du tabac à pipe était incrustée dans les meubles, mais elle avait une autre sensation. Il était là, vivant d’une façon ou d’une autre, mais invisible à ses yeux. Elle se débattit avec le loquet de la fenêtre et l’ouvrit en grand, insensible à l’air glacial qui inondait la pièce.

    Un vieux fauteuil de cuir, qui avait autrefois appartenu au père de Daniel, était installé tout près de la cheminée en pierre souillée de suie dans l’âtre de laquelle reposaient les cendres d’une bûche à demi consumée. Un grand bureau en chêne dont le plateau était recouvert d’une fine pellicule de poussière, remplissait la largeur de la baie vitrée. L’éphéméride indiquait la date du dix-sept novembre, le jour où Daniel était parti pour sa conférence. Elle déchira les pages, sans prendre la peine de lire le proverbe imprimé sous la date, et les jeta dans la corbeille à papier.

    Le visage de Daniel, et le sien, lui souriaient dans le cadre argenté posé au coin du bureau. Elle le prit et l’épousseta du bout des doigts.

    - Quels autres secrets m’as-tu encore cachés ?

    Les yeux marron insondables de Daniel semblaient tout regarder, sauf elle. Le cœur lourd, elle replaça le cadre sur le bureau. Elle se laissa tomber dans le fauteuil et prit sa tête douloureuse entre ses mains. Leur mariage n’avait pas été parfait, ils avaient eu leur lot de hauts et de bas, comme tous les autres couples, mais jamais elle n’aurait cru que Daniel avait des secrets. Il fallait se rendre à l’évidence, les dernières heures lui avaient prouvé le contraire.

    Elle s’adossa et se frotta les tempes. Rien de ce que lui avait dit l’avocat n’avait de sens. Ils n’étaient pas riches. Sur leur compte commun, du moins la dernière fois qu’elle l’avait consulté, il y avait moins de deux mille livres. Lorsqu’ils avaient acheté Applegate Cottage, quatre ans plus tôt, ils avaient avancé les dix pour cent d’apport minimum et avaient emprunté le reste à la banque. Alors, où avait-il trouvé l’argent pour acheter une maison en Amérique, se demandait-elle. Et plus important encore, pourquoi Daniel ne lui en avait-il rien dit ?

    Le bureau comptait sept tiroirs, trois de chaque côté et un au milieu. Elle fit glisser ses doigts sur la poignée de cuivre du tiroir central. Un peu comme une intruse, elle l’ouvrit. Il était vide. L’un après l’autre, elle ouvrit les six autres tiroirs. Hormis quelques enveloppes de toutes tailles, quelques reçus de carte de crédit, un coupe-papier en forme de poignard et quelques piles de rechange pour le dictaphone dont Daniel se servait parfois, elle ne trouva rien qui concerne la maison de la plage.

    L’attaché-case de Daniel, que la police avait retrouvé dans sa voiture, ainsi que ses effets personnels ramenés du bureau, étaient rangés dans un carton près de la porte. Elle sortit du fauteuil, ramassa le carton et le déposa sur le bureau. Elle en vida minutieusement le contenu : un agenda, une boîte de Post-it, une calculatrice et une photo encadrée de Catherine et elle. Elle posa l’agenda sur le côté, remit les autres objets dans le carton et le posa par terre.

    Elle lui avait offert l’attaché-case de chez Raffaello pour son trentième anniversaire. Il avait coûté deux semaines de courses, mais elle ne les avait pas regrettées en voyant le sourire inonder son visage en ouvrant le paquet. Ses doigts effleurèrent la peau de vachette maintenant éraflée et usée.

    Elle souleva les loquets pour ouvrir la mallette, mais rien ne se produisit. Elle inséra le bout des doigts de sa main droite dans le cadre et appuya sur la poignée. L’attache d’un côté céda, et elle réalisa que la force de l’impact avec tordu la structure. Avec précaution, elle fit glisser la lame du coupe-papier dans la serrure de l’autre côté et la fit tourner brusquement. On entendit un déclic et la serrure s’ouvrit. À l’intérieur reposaient le MacBook de Daniel et plusieurs dossiers en papier kraft. Elle fouilla les compartiments intérieurs l’un après l’autre mais n’y trouva rien d’intéressant.

    Une partie de la doublure de soie s’était détachée du cadre. Lorsque Grace passa les doigts sur le bord, elle sentit quelque chose en dessous. Elle retira le tissu et découvrit une enveloppe cachetée au fond de la mallette. Elle l’ouvrit et la fit tourner dans sa main.

    Pourquoi se donner autant de peine pour dissimuler quelque chose d’aussi banal qu’une enveloppe. Elle glissa un ongle sous le rabat et l’ouvrit. Un passeport et un petit morceau de papier vinrent se poser sur le buvard. Une série de chiffres, formés par l’écriture brouillonne inimitable de Daniel, le recouvrait. Perplexe, elle compta les chiffres. Vingt-quatre. Daniel était fasciné par les chiffres et il imaginait souvent des énigmes pour se détendre. Était-ce quelque chose sur lequel il travaillait, ou la combinaison du coffre, au bureau ?

    La dernière hypothèse semblait la plus probable, pourtant, Daniel avait une mémoire photographique. Il ne lui était jamais nécessaire de noter quoi que ce soit.

    Grace ouvrit le passeport à la dernière page, celle avec la photo. Le visage de Daniel la regardait. Seulement, le passeport n’était pas à son nom, mais au nom de Lionel Lattide.

    L’appréhension la gagna. Elle tenta de reprendre sa respiration sans y parvenir. Plus elle luttait pour maîtriser sa respiration, plus elle était terrifiée. Des gouttes de sueur perlaient sur son front. Elle essaya de se convaincre de se détendre, comme le médecin le lui avait dit, mais c’était impossible.

    Elle tituba jusque dans la cuisine. Son médicament était posé sur l’étagère, près du réfrigérateur. Sur

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