Découvrez des millions d'e-books, de livres audio et bien plus encore avec un essai gratuit

Seulement $11.99/mois après la période d'essai. Annulez à tout moment.

La Vague Écarlate
La Vague Écarlate
La Vague Écarlate
Livre électronique426 pages7 heures

La Vague Écarlate

Évaluation : 0 sur 5 étoiles

()

Lire l'aperçu

À propos de ce livre électronique

Ersilia Alves, petite duchesse de Cerbère à la beauté désarmante, porte le signe d'un destin cruel et à dix-sept ans renaît des ténèbres de sa propre existence, avec une démarche claudicante qui jette l'opprobe sur sa perfection.
Astolfo des Chavaux, comte de Rennes, la quarantaine endurcie, libertin notoire, s'occupe d'elle selon la volonté de son père, affrontant l'inattendue vague de sentiments qui les agite tous les deux.
Feroz, mystérieux et ultime pirate, à l'habillement baroque et au visage dissimulé, commande la Vague Écarlate, un antique galion aux voiles rouges comme le sang versé des nombreux ennemis de son capitaine.
Avec en toile de fond la France de 1789 en ébullition, un roi otage d'un peuple, une mutation profonde de la société mettant en péril une classe entière de la population, les destins d'une femme qui porte  en elle le néant et d'un homme sans identité vont s'entrecroiser.
Quel est le secret du pirate à la plume rouge ? Et quelle force cache le Bijou ressuscité de Cerbère ?
Coups de théâtre, rivalités familiales et revirements de situation inattendus laisseront place à un amour qui saura combattre la douleur et ouvrir son coeur au futur.

LangueFrançais
ÉditeurBadPress
Date de sortie21 juin 2016
ISBN9781507145326
La Vague Écarlate

Auteurs associés

Lié à La Vague Écarlate

Livres électroniques liés

Fiction d'action et d'aventure pour vous

Voir plus

Articles associés

Catégories liées

Avis sur La Vague Écarlate

Évaluation : 0 sur 5 étoiles
0 évaluation

0 notation0 avis

Qu'avez-vous pensé ?

Appuyer pour évaluer

L'avis doit comporter au moins 10 mots

    Aperçu du livre

    La Vague Écarlate - Barbara Risoli

    Barbara Risoli

    La Vague Écarlate

    (France 1789)

    Roman

    De genre historique et sentimental

    Copyright 2013 Barbara Risoli

    Tous droits réservés

    A tous ceux qui s’en sont allés pour toujours

    CHAPITRE I

    ––––––––

    Cerbère (Languedoc) – 12 août 1789

    Elle s'arrêta au sommet de l'escalier et regarda le salon et les convives : nombreux, trop nombreux, immobiles comme elle, incrédules de la voir là, comme si elle n'était qu'un fantôme. Cela faisait dix ans que personne n'avait plus de nouvelles d'Ersilia Alves, fille du duc Juan Alves de Cerbère, depuis le jour où un accident l'avait sans doute tuée. Sans doute. Les personnes présentes la regardèrent avec insistance, la mettant au centre d'une attention dont elle se serait bien passée. Elle serra l'extrémité argentée de la canne dissimulée dans l'ample robe verte qui rehaussait davantage sa taille et son physique parfait. Apparemment.

    Ses longs cheveux noirs avaient été coiffés par sa fidèle nourrice Mélina, qui se tenait derrière elle, dans l'angle du couloir qu'Ersilia avait parcouru lentement, des larmes au bord des yeux. Elle n'avait pas pleuré mais le nœud dans sa gorge rendait sa respiration haletante. La jeune fille fut sur le point de faire demi-tour mais une toux discrète derrière elle l'en empêcha. Elle aurait donné son âme, ou plutôt ce qu'il en restait, pour se volatiliser dans l'air tout comme aurait pu le faire le spectre que tous croyaient avoir devant les yeux à cet instant. Toutefois elle réussit à fixer son regard sur le bas des marches où elle reconnut ses parents, ses frères, quelques amis qu'elle n'avait plus vus depuis des années. Cette réception était en son honneur, pour ses dix-sept ans, mais personne ne le savait, officiellement il s'agissait d'un des nombreux banquets dont son père raffolait. Elle avait prié Dieu et la famille pour qu'on ne l'oblige pas à y paraitre, mais cela n'avait pas marché et maintenant, aussi sublime que fausse, elle était là, s'apprêtant à affronter un événement insupportable après des années de solitude et de silence. Elle continuait à se sentir dans les dispositions imposées par son destin : les diamants dans ses cheveux n'atténuaient pas la douleur, sa robe en damas, cousue exprès pour elle, n'allégeait pas ce sentiment  d'infériorité qui la tenaillait depuis que ses rêves d'enfant s'étaient brisés sur les récifs aiguisés de la côte, sous le palais familial.

    Un soupir inaudible échappa à Sigfrido, fascinant dans son uniforme de capitaine de la Garde Royale, admiré par toutes les femmes ici présentes. Il était revenu le jour même, après le grand événement qui, dans la capitale, avait sanctionné la fin du système exclusivement féodal du Royaume. Ce 5 août 1789 resterait une date mémorable et importante pour les aristocrates en faveur de cet évènement et pour ceux qui en tremblaient d'avance. La sécurité du souverain qui n'avait pas l'intention de ratifier ce décret, avait été renforcée et Sigfrido était l'un des gardes du corps de Louis XVI. Son excellent travail et son zèle à accomplir sa tâche lui avaient permis d'obtenir une permission exceptionnelle afin de réfléchir à tout ce qui était en train de se jouer. Ses yeux bleus et perçants comme des lames n'arrêtaient pas de fixer sa sœur, différente de lui à bien des égards. Sa mâchoire tendue et sa respiration haletante trahissaient le malaise que lui procurait ce retour. C'était un jeune homme de vingt-cinq ans, fier et vaniteux, attentif à la forme, à l'aspect et aux modes, perfectionniste et respectueux de son devoir à accomplir. A côté de lui se tenait son frère, Oscar. Légèrement plus petit, les cheveux bruns mal coiffés, lui en revanche regardait Ersilia avec admiration. Il trouvait sa sœur très belle, même s’il ressentait à distance la timidité et la peur qu’elle éprouvait. Il allait la rejoindre, conscient de devoir l'aider, mais la voix de Sigfrido l'en empêcha.

    – Et pourtant j'ai prié Dieu afin qu'elle refuse de se présenter, – l'entendit-il susurrer les dents serrées.

    Les deux frères ne s'entendaient pas, leurs rapports étaient froids et distants, seul l'éloignement du capitaine pour des raisons de service les aidait à se tolérer. Le motif de leur désaccord était justement leur sœur qu'Oscar avait toujours soutenue alors que Sigfrido avait fait le choix de l'oublier, incapable de supporter les ténèbres dans lesquelles elle était tombée et où elle avait entraîné ses proches. Elle n'était plus la petite sœur d'il y a dix ans, elle avait cessé de l'être quand la vérité avait été prononcée.

    – Il y a une chose que l'armée n'a pas su t'enseigner... – répondit Oscar en évitant le regard glacé de son frère.

    Sigfrido eu un soupir exaspéré, il était habitué aux piques acérées de son frère.

    – ... c'est à te taire lorsque tu n'as que des stupidités à proférer, – conclut celui-ci en tentant de rejoindre la jeune femme à la limite de la crise de panique.

    – Tu le dis toi-même que sa présence est une stupidité... –  murmura l'officier, mais un regard noir et menaçant le contraignit à se taire.

    – Dis-le, Sig... et je te jure que je te fracasse le nez devant tout le monde, et tu sais que j'en suis capable, – dit Oscar menaçant.

    – Mon nom est Sigfrido. –

    Le fils cadet du duc abandonna l'aîné à ses admiratrices et à sa haine injustifiée envers celle qui n'avait pas eu autant de chance que lui, ou plutôt envers celle dont le sort s'était joué sur un simple coup de dé et pour qui le destin, des années plus tôt, avait eu la main plutôt lourde.

    Il rejoignit le sommet des marches en regardant Ersilia qui tremblait, sentant ses frissons de peur, et la tendresse qu'il éprouva pour elle le bouleversa, l'incitant à monter les marches deux par deux pour la rejoindre et lui proposer son bras avec galanterie : il était son frère, elle était sa sœur depuis toujours. Complice, il lui sourit, ignorant ses yeux brillants et encore plus beaux parés des ténèbres qui l'habitaient.

    – Ramène-moi dans ma chambre, Oscar, je t'en prie, – dit Ersilia d'un petit filet de voix, tellement vibrante qu'elle en était convaincante.

    Oscar savait que s'il lui avait obéi, elle lui en aurait été reconnaissante pour le restant de sa vie, mais il n'avait pas besoin de sa reconnaissance, il n'avait plus besoin de la satisfaire pour la rendre heureuse car au bout du compte, heureuse elle ne le serait jamais. Tout ce qu'elle y aurait gagné aurait été une peau claire qui ne connaîtrait jamais le soleil et un silence assourdissant. Non, il ne l'aurait pas rendue heureuse, alors avec toute la fermeté de son amour pour elle, il prit son bras libre et le posa sur le sien pour l'inviter tacitement à descendre la première marche qui serait ensuite suivie de toutes les autres, avec son aide.

    – Je ne vais pas pouvoir, – affirma Ersilia, brisée.

    – Tu te trompes, comme toujours, – la rassura-t-il légèrement, et ce premier pas fut houleux, gauche, épuisant, branlant, accroché à la canne que les invités découvrirent le souffle coupé. Cette femme était donc vraiment Ersilia ; elle n'était pas morte sur les récifs et elle était boiteuse, une imperfection dans la pureté d'une beauté en devenir, ténébreuse et mystérieuse, fragile. La fierté de sa démarche fut anéantie par cet unique pas. La fille du duc en eut honte, ainsi que des suivants, jusqu'à la fin des marches, là où sa mère, maintenant seule, l'attendait orgueilleusement. C'était la première fois qu'elle voyait sa fille dans la foule, sous les projecteurs de la vie, élégante comme une reine. Elle la saisit par les mains et chercha son regard baissé sans le rencontrer.

    – Ton père t'attend dans le petit bureau, Ersilia, – lui murmura-t-elle, lui laissant envisager l'entreprise titanesque de traverser la salle.

    Ersilia secoua sa tête brune et une larme échappa à son contrôle. Oscar s'en rendit compte et, gentiment, lui tendit de nouveau le bras. La douceur d'il y a quelques instants avait disparu de son visage.

    Année 1779

    C'était une journée d'été, sans doute au cours du mois de juillet, elle n'arrivait jamais à s'en souvenir avec exactitude car tout s'était éteint d'un seul coup : le soleil, la vie, sa respiration même, bloquée dans sa poitrine pendant un long moment. C'était l'été parce qu'il faisait très chaud et la chemise d'Oscar la rafraîchissait un peu, contrairement aux habits légers que sa maman l'obligeait à porter sans qu'ils ne fussent réellement légers. Elle s'était mise en colère, sa mère, parce qu'elle ne voulait pas qu'elle s'habille comme un garçon, qu'elle joue comme un garçon, qu'elle passe ses après-midi avec ses frères qui avaient eux, bien d'autres habitudes. Elle, au contraire, aurait dû broder, cuisiner ou tout simplement lire un livre à l'ombre des feuillages que la brise maritime agitait, brise en provenance de l'océan situé juste sous l'immense parc du palais des Alves, nobles de la petite ville de Cerbère, à la frontière du royaume d'Espagne.

    Le duc était né à Madrid, tandis que sa femme était une marquise parisienne. Elle s'appelait Clelia, elle était jeune, elle avait les caractéristiques des femmes du nord, blonde avec de grands yeux bleus, un ange dans tous ses aspects. Tant de douceur était inefficace pour contenir les rebellions enfantines d'Ersilia, vive et alerte, plus intéressée par les épées que par la dentelle de ses robes. La petite adorait jouer courir après ses frères, à guerroyer avec des armes en bois et les chevaux étaient sa grande passion !  Elle montait comme un garçon, elle galopait dans les chemins, refusant les poneys, leur préférant les étalons les plus farouches des écuries réputées du duc, aussi réputées que ne l'était son vin du Roussillon.

    Ce jour-là, elle avait voulu chevaucher une des meilleures montures avec la complicité d'Oscar qui, comme elle, était toujours à la recherche de jeux dangereux. Sigfrido s'était joint à eux pour cette aventure secrète tandis que les adultes conversaient aimablement avec les invités qui fréquentaient le palais. Ils étaient partis dans une entreprise qui les avait fait traverser tout le parc jusqu'à sa limite extrême représentée par le vide : un précipice sur la mer tranquille et illuminée par le soleil haut dans le ciel. Le cheval s'était arrêté prudemment et Ersilia avait mis pied à terre pour attendre ses frères avec son épée en bois à la main. Elle les avait vus arriver et les défiait, hautaine, embrassée par le vent, effleurée par la lumière aveuglante. En se reculant pour se préparer au combat, le terrain aride avait cédé sous ses pieds sans lui donner seulement le temps de comprendre, de chercher une voie pour s'enfuir. Elle était tombée en heurtant plusieurs fois les rochers. Les branches d'un pin maritime l'avaient embrochée au niveau de la hanche, la faisant s'évanouir sous l'effet de la douleur. Puis l'obscurité. Le vide. Souvenirs vagues. Le visage d'un homme qu'elle n'avait plus revu par la suite. Des voix qui lui disaient où elle était, ce qu'elle devait faire, où elle devait passer. Un bateau, les bras de cet homme inconnu mais en qui elle avait confiance, assise sur ses jambes musclées. Puis les ténèbres, d'autres ténèbres, sa vie brisée, le docteur qui lui avait dit des choses terribles, la condamnant à boiter pour le restant de sa vie à cause des profondes lésions qu’elle avait à la hanche. La noirceur des années, de ses meilleures années, la fin de sa vivacité, son sentiment d'impuissance, le mal-être, les infections vaincues de justesse, et puis la fatigue et le désir de rester dans ces ténèbres qu'un moment elle avait craintes. Et puis sa propre fin. Pour toujours.

    – Que veut notre père ? – demanda Ersilia tout en parcourant l'espace qui la séparait de la porte du petit bureau. Oscar ne répondit pas, il semblait contrarié.

    – Pourquoi cette humiliation ? J'ai fait quelque chose de mal qui mérite une punition ? – insista la jeune femme en tremblant.

    Son frère secoua la tête, retrouvant difficilement un sourire forcé et amer. Il ne partageait pas les espérances de leur père, il entrevoyait une situation bien plus grave pour Ersilia tout en espérant se tromper tandis qu'il frappait à la porte du bureau à la place de sa sœur. Il la laissa seule lorsque la voix enjouée du duc lui dit d'entrer. Ersilia le regarda s'éloigner et ouvrit timidement la porte qu'elle franchit à l'aide de sa canne. Elle la referma et attendit, les yeux dirigés vers le sol. Un miroir incliné sur la cheminée renvoyait son image, permettant à celui qui était assis dans le fauteuil de pouvoir l'observer tout en lui tournant le dos. L'homme assis s'attarda sur le visage de la jeune fille, sur ses épaules abaissées, la tête inclinée et les mains posées sur le pommeau d'argent de la canne qui scintillait à la lueur des bougies. Il prit une longue bouffée de son cigare, croisa les jambes en regardant Juan Alves qui lui était assis derrière le bureau, face à elle.

    – Vous m'avez convoquée, Père. Je suis ici comme vous le souhaitez, mais je vous prie de m'écouter, – murmura Ersilia avec la voix brisée.

    Elle n'était pas intimidée, son père était un homme compréhensif et absolument pas autoritaire, mais elle était encore terrifiée d'avoir dû passer dans cette salle quelques instants auparavant, avec sa démarche claudicante qui avait rythmé le temps comme une horloge, avec tous ces regards sur elle et tous ces chuchotements qu'elle était certaine d'avoir entendus.

    – Je ne suis pas en état de supporter tout ça, Père. Permettez-moi de retourner dans ma chambre, je vous en prie. –

    Elle était décidée à mettre fin à ces moments terribles. Elle ne s'était pas rendu compte qu'il y avait un invité occupé à fumer car elle n'avait toujours pas levé les yeux du sol. Ce fut l'odeur du tabac qui l'alerta, réveillant en elle d'étranges sensations qu'elle n'eut pas la force d'analyser.

    – Cette fête est en ton honneur, Ersilia, – lui fit remarquer le duc, l'invitant à s'avancer sans qu'elle ne lui obéisse. Elle avait toujours honte en présence de sa famille, elle savait que chacun de ses mouvements gauches leur rappelait à tous la douleur du jour de l'accident, de ceux qui ont suivi et de toutes ces années après cette chute.

    – Dites leur à tous que je ne me sens pas bien, ils comprendront. Nombreux sont ceux qui ne savent même pas qui je suis, – suggéra-t-elle à son père, confiante devant son visage détendu.

    – Mais ce serait un mensonge, et mentir n'est pas une bonne chose, – l'interrompit l'invité.

    Cette voix inimitable, inoubliable, ironique et profonde, fière et rassurante la transperça. Elle tressaillit sous le regard secret de l'invité qui demeurait immobile, les jambes toujours croisées, le cigare en train de s'éteindre dans un cendrier en or. Ersilia leva le regard et vit la main aux longs doigts, le poignet orné d’une bordure en dentelle blanche, la lueur d'un anneau précieux, la manche de la veste en velours sombre. Elle pensait se tromper, il était passé tellement de temps. Puis elle prit conscience qu'il l'observait à travers le miroir et elle se redressa, prête à disparaître. Elle se sentait en cage, prise entre deux feux. Elle implora son père du regard, en relevant franchement la tête, les yeux sombres et tremblants comme deux étoiles noires.

    – J'ai toujours su que ta fille serait devenue une véritable beauté, même si toute petite c'était une peste et une rebelle, – dit l'inconnu qui ne l'était pas tant que ça, en riant.

    Il se leva, dévoilant ses larges épaules, sa grandeur, sa prestance. Ersilia déglutit. Elle tressaillit lorsqu'il se tourna vers elle et rencontra ses yeux, les mêmes yeux qu'auparavant.

    Elle se souvenait bien du meilleur ami de son père, sa joie de vivre, cette façon d'être si naïve et pourtant attentionnée, au caractère tranché. Elle n'avait pas oublié celui qu'elle avait toujours considéré comme une sorte d'oncle, tout en sachant qu'il ne l'était pas. Dix années ne l'avaient pas changé, le noir de ses cheveux était resté noir, ainsi que l'abime de son regard, son sourire sardonique incliné sur ses lèvres serrées. Son élégance de jadis était la même, le blanc de sa chemise faisant toujours ressortir les teintes sombres de ses habits coûteux. Elle remarqua la broche de diamants qu'il n'avait jamais omis de porter aussi bien en été qu'en hiver, dans la chaleur comme dans le froid, un objet dont il n'était jamais disposé à se séparer depuis son plus jeune âge sans une raison importante, tout simplement parce qu'il le trouvait très beau et unique par sa grandeur et son éclat. Elle fermait son manteau ou enserrait sa gorge avec un foulard blanc comme en cet instant. Malgré sa frayeur, elle l'observa attentivement, en ressentant dans son cœur une espèce de joie réfrénée, un retour dans le passé qu'elle espérait. Pétrifiée, elle ne dit rien, le visage inexpressif, pâle et tendue. Lorsqu'il s'approcha d'elle, elle se raidit, étreignant sa canne au point que ses phalanges devinrent blanches.

    – On ne salue pas un vieil ami ? – lui demanda le comte d'un ton assuré, effronté par certains côtés, oubliant les règles en usage à adopter en présence d'une femme.

    C'était sa façon d'être, il avait toujours été comme ça, même si le titre qu'il portait avait pour lui une importance capitale et ne devait jamais être remis en cause. Il acceptait les opportuns,  tout comme il savait poser des barrières infranchissables. Avec Juan, l'amitié était quelque chose qui était plus important que la fierté, car Astolfo des Chavaux pouvait se révéler féroce, froid et calculateur. Juan comptait sur ces deux dernières qualités : la froideur nécessaire pour affronter l'entêtement de sa fille, et le calcul qui la ferait peut-être sortir de son apathie. Il lui avait demandé franchement de sauver sa fille, il l'avait même imploré devant son premier refus de revenir à Cerbère. Comme pour Sigfrido, la terrible chute de cette gamine l'avait blessé et il avait essayé d'effacer ce jour terrible. C'est lui qui l'avait alors sauvée, en se précipitant lui aussi dans le vide et en réussissant à la détacher de ces branches sanguinolentes pour se jeter dans la barque qu'il avait eu l'idée de faire placer en dessous d'eux. Puis il avait senti le sang sur la peau chaude. Depuis, il n'était plus jamais revenu, brisé par ce sentiment d'injustice vis à vis de Dieu, devant cette cruauté réservée à une innocente. Peut-être était-il fascinant, fier et puissant, mais il n'avait jamais été courageux devant l'adversité de la vie et s'il existait des chemins possibles pour se détourner de la douleur, il les avait alors parcourus un nombre incalculable de fois.

    Ersilia essaya de parler. Astolfo lui souriait d'une façon douce, désormais à quelques centimètres d'elle, la dépassant de toute sa taille même si elle n'était pas spécialement petite. Il abaissa le regard pour l'encourager à parler.

    – Astolfo... – réussit à murmurer la fille de Juan, rougissante, fixant le sol, oscillant sur sa canne.

    Le comte se mit à rire et lui prit les mains à l'improviste, laissant la canne choir bruyamment sur le sol. Il soutint Ersilia et l'observa attentivement, accordant toute son attention à son visage encore abaissé. Juan n'intervint pas, il savait quelle torture ce contact devait être pour sa fille, comme n'importe quel autre contact. Derrière la porte, la musique se fit entendre, allégeant l'atmosphère, le brouhaha des conversations devint joyeux, les talons des chaussures et des bottes se mirent à rythmer une danse en cours.

    – Dis-moi quelque chose, Ersilia, – demanda-t-il.

    Finalement elle leva ses yeux de chaton sur lui, et pendant un moment, il fut perturbé par l'immense tristesse qu'il y lut, ainsi que la peur aveugle qu'elle était impuissante à dissimuler. Il réussit à rester de marbre et à conserver son sourire ironique sur ses lèvres qui révélaient une dentition parfaite. Il avait quarante ans, mais il dégageait toujours un charme irrésistible,  impossible à ne pas remarquer, surtout pour elle qui n'avait aucune expérience ou si peu, des hommes.

    – Tu es ici avec ton père qui n'est pas réputé pour ses aptitudes à se divertir alors que dans la pièce d'à côté il y a une fête qui bat son plein. Pour quelle raison ? – interrogea-t-il en avançant son visage vers le sien et en sentant la chaleur folle qui était en train de la consumer, partant de son cœur pour converger vers son cerveau et la trahir. Il connaissait les femmes et Ersilia n'était pas une exception. Elle lui adressa un sourire vague et amer.

    – En ton honneur, si je ne me trompe pas, – ajouta-t-il scandalisé.

    – C'est le jour de son anniversaire, – dit son père dans le dos du comte qui ouvrit de grands yeux, ce qui eut pour effet de la perturber davantage.

    – Alors nous devons aller faire la fête, – dit-il en la prenant par la taille et en la conduisant vers la porte tout en la soutenant habilement de façon à ce qu'elle n'eut pas besoin d’utiliser sa canne ramassée entre temps. Il la sentit se raidir comme une mule mais il vainquit sa rébellion d'une légère poussée dans le dos. Quelques pas en avant qui pour elle furent un calvaire pathétique aux côtés d'un homme à la démarche aisée, et la porte s'ouvrit sous la poussée du comte.

    – Non, – soupira-t-elle sur le seuil de la salle, assourdie par la musique, atterrée à l'idée d'avancer et de sentir les regards des invités posés sur elle.

    Elle n'eut pas le temps d'éviter l'inévitable. Elle se retrouva soudain entre les bras de l'ami de son père. Rapidement, ils rejoignirent le centre de la salle où les couples dansaient.  La musique se fit plus lente comme par enchantement, plus probablement sur un ordre donné discrètement par le comte. Ersilia ne savait pas danser, elle ne pouvait pas le faire, sa jambe la faisait déjà souffrir, la honte la pétrifiait sur place.  Pourtant Astolfo se mit à l'entraîner dans un monde inconnu pour elle, la main sur sa taille était de fer, il la soutenait avec une facilité quasiment magique et les pas de danse s'ajustaient à sa lenteur, à sa maladresse, obtenant une cadence agréable et douce qui la firent se détendre : les yeux fermés pleins de larmes, en sécurité dans les bras du comte.

    – Je pourrais te soulever comme une plume et berner tout le monde, mais ce serait trop facile pour toi, – lui dit-il en se moquant d'elle et en captant un regard merveilleux, brillant et noyé de larmes.

    – Tu es revenu pour m'humilier et je ne comprends pas pourquoi, – se lamenta-t-elle en fronçant les sourcils.

    – L'humiliation est bien autre chose, petite Ersilia. Avant de l'apprendre, tu pourrais bien connaître le bonheur, – lui susurra-t-il à l'oreille avec son ton de séducteur.

    Sigfrido surgit aux côtés d'Oscar qui hébété, regardait sa sœur au centre de la salle de bal. Pendant un moment il avait réussi à ignorer Astolfo pour l'admirer elle, si belle et peut-être heureuse. Peut-être.

    – Ne me dis pas que c'est ça la surprise de notre père pour notre petite infirme ? – commenta l'officier.

    Ces paroles mirent Oscar en colère qui lui répondit avec un regard haineux :

    – Je t'ai prévenu, Sig. Répète encore une fois ce que tu viens de dire et je te casse la figure ! –

    – Ne t'arrête pas à ces bagatelles, petit frère. Te rends-tu compte que ce monstre est revenu fréquenter notre honorable maison ? – le modéra Sigfrido tout en suivant d'un regard acéré le couple qui paraissait bien à l'aise.

    Oscar ne répondit rien, pour la première fois depuis des années, il était d'accord avec ce dandy en uniforme qui était tout son contraire.

    – Comme tu la vois là, le prix à payer en échange d'un sourire d'Ersilia me semble un peu élevé, – ajouta Sigfrido tout en s'allumant un cigare avec nonchalance.

    Son frère l'observa puis dit :

    – Notre père n'a pas voulu entendre raison, Mère et moi l'avons pourtant averti mais il compte sur l'intelligence d'Ersilia, – l'informa-t-il sèchement.

    – Je veux bien croire qu'Ersilia est intelligente, elle promettait déjà lorsqu'elle était gamine, mais cela fait des années qu'elle vit recluse et se retrouver dans les bras d'un libertin séducteur sans scrupule risque de laisser peu de place au raisonnement dans son esprit, – ricana-t-il.

    – Il est vieux, – dit Oscar en cherchant à s'en convaincre.

    – J'espère que tu as raison, – coupa son frère en éteignant brusquement son cigare pour s'approcher fièrement d'une des nombreuses femmes qui le fixait intensément en espérant attirer son attention, et l'inviter à danser.

    Oscar l'observa et serra les dents de colère, il ne supportait pas que son frère ait raison mais celui-ci avait exprimé les mêmes doutes que sa mère et lui nourrissaient en leur sein. Pourtant  le duc avait entièrement confiance en son ami, allant même jusqu'à affirmer qu'il ne ferait jamais de mal à Ersilia.

    Le duc Juan Alves apparut à la porte du petit bureau qu'il referma derrière lui. Triomphant et satisfait, il observa le couple qui dansait tandis que la duchesse le rejoignait de sa démarche élégante.

    – Etes-vous sûr de votre choix, Juan ? – lui demanda-t-elle en le vouvoyant pour marquer sa contrariété.

    Son mari serra la mâchoire sans même la gratifier d'un regard, il était tendu et attentif, il était en train d'assister à ce qu'il voulait qualifier de succès et au fond de lui-même, il était déjà satisfait car sa fille, son unique fille, très belle et pleine de ressources, était en train de danser même si elle boitait. Il ne daigna pas répondre et son regard fermé fut la confirmation que Clelia redoutait.

    – Nous allons payer cher la vie que nous voulons redonner à notre fille, – dit-elle en énonçant ces mots comme une sentence.

    – Peu importe le prix à payer pour elle, Clelia, peu importe, – affirma le duc.

    Cela avait été excitant, inattendu. Tout. Elle n'aurait jamais cru pouvoir danser à une fête donnée en son honneur. Non. Ersilia ferma les yeux dans l'ombre de sa chambre, le soleil, tel un tyran, frappait déjà contre les fenêtres, la chaleur de la journée à venir promettait d'être torride et désagréable. Son cœur battait à tout rompre dans sa poitrine, cela faisait des années que ce n'était plus arrivé et elle restait là à l'écouter, comme enchantée par cette mélodie envoûtante. Elle se souvint. Chaque moment repassait de façon nette devant ses yeux qu'elle tenait fermés dans la pénombre à laquelle ils étaient habitués.  Elle se sentait physiquement fatiguée, affaiblie par tant de mouvements après la torpeur du sommeil dans laquelle ses membres avaient été plongés. Se lever était toujours pour elle un effort démesuré pour l'inutilité que chaque journée représentait, mais maintenant elle était fatiguée et avait mal à sa jambe diminuée. Elle se pelotonna sous le drap léger et enlaça un coussin, parcourant de nouveau le chemin de ses rêves, de ses pensées, des visions oniriques qu'elle affectionnait et qui constituaient depuis toujours son véritable et unique univers. La soirée précédente avait été un rêve elle aussi, un rêve qui ne se reproduirait jamais, elle le savait. Elle sourit, heureuse, peut-être. Elle soupira en tremblant, l'image soudaine du comte devant ses yeux, son regard, son sourire et surtout sa force parce que s'il était vrai qu'elle avait maintenu le rythme, c'était aussi vrai que c'était lui qui l'avait soutenue jusqu'à la fin grâce à un jeu insoupçonnable de ses bras. C'était un homme fort, comme autrefois. Comme elle se le rappelait lorsqu'il était plus jeune et fier, et parfois irrespectueux. Elle retourna dans le passé rapidement, vers ces jours pleins d'espérance et de conviction quand elle se sentait invincible avec une épée de bois dans la main.

    Soudain sa porte s'ouvrit et elle sursauta, tirée brutalement de ses pensées. La lumière provenant de la fenêtre grande ouverte après l'ouverture des gros rideaux de velours vert bouteille puis des tentures roses, l'enveloppa de toute part. La brise marine entra dans sa chambre, fraîche, mais toujours tiède. Épouvantée, Ersilia s'assit en surmontant la douleur de sa jambe et se recula jusqu'à la tête de son lit, le drap plaqué contre sa poitrine. Incrédule, elle cligna des yeux en cherchant une éventuelle aide inexistante.

    – Je suppose que cette paresse matinale est due au fait qu'hier soir tu étais plus fatiguée que d'habitude, – dit Astolfo en se tournant vers elle et en la mettant dans un grand embarras.

    Même Oscar n'était pas autorisé à pénétrer dans sa chambre sans frapper.  Elle rougit de crainte de le laisser voir plus qu'il ne devrait.  Elle ne répondit pas, atterrée devant l'impudence de cet homme qui continuait à la regarder ironiquement en insistant délibérément.

    – C'est pratiquement l'heure de déjeuner, le soleil est déjà haut dans le ciel et une journée intense nous attend. Melina va t'aider, elle arrive ! – conclut le comte qui sortit à grandes enjambées et croisa la nourrice intimidée et soumise qui referma la porte de la chambre. Ersilia l'interrogea du regard mais la femme fit semblant de ne pas comprendre.

    – Je ne me lèverai pas, – dit-elle peu après en voyant sa nourrice préparer une de ses robes grises et dénuées de tout ornement.

    – Dites-le au comte, Mademoiselle, et moi je n'insisterai pas, – répondit la nourrice machinalement.

    – Pourquoi devrais-je lui rendre des comptes ? Je n'en comprends pas la raison. –

    – Si je peux être sincère, moi non plus je n'en comprends pas la raison mais j'exécute les ordres, – lui répondit la nourrice en haussant le ton.

    Ersilia demeura perplexe.  Désormais il était dit que les choses allaient changer, elle en avait l'intuition.  Elle y réfléchit un bon moment. 

    La table pour le déjeuner avait été dressée sur la terrasse qui dominait la mer, la pergola recouverte de glycine protégeait les convives des rayons du soleil. La brise marine atténuait la chaleur. Astolfo était accoudé au parapet et observait le scintillement des flots frôlés par les mouettes inquiètes et affamées, son éternel cigare à la main. Il perçut dans son dos l'arrivée de Juan. Il écouta son pas puis aspira une dernière bouffée avant de jeter le mégot vers les rochers, tout en bas.

    – Cerbère est un paradis éloigné de Paris, – dit-il en choisissant un sujet de conversation quelconque pour l'empêcher d'aller au but, – même si ces derniers temps il est facile d'être un paradis vu ce qui se passe dans notre Capitale. Après ce 4 août, rien ne sera plus comme avant, – ajouta-t-il, amer.

    Juan s'accouda à ses côtés sans voir la mer devant lui.

    – Sale temps, je m'en rends bien compte, – dit-il en acquiesçant.

    – Les temps changent à toute vitesse, mais nous sommes très peu à l'avoir compris. Le Roi ne s'en rend pas compte. Les temps vont être très difficiles pour nous qui avons du sang bleu dans les veines, – dit l'invité, manifestement inquiet.

    – Qu'en penses-tu Astolfo ? – l'interrompit brutalement Juan en le fixant droit dans les yeux.

    C'était un homme au caractère bien trempé, ni violent, ni autoritaire, mais décidé et sûr de lui, habitué à regarder les gens face à face, peu enclin à éviter ses responsabilités. C'était l'opposé de son ami, c'est pourquoi il croyait en lui, parce que s'il échouait, cela aurait signifié que lui avait raison.

    – De quoi ? – temporisa le comte, cherchant un autre cigare dans la poche de sa veste rigoureusement bleue, bleue comme la nuit, jamais noire.

    – Ne tergiverse donc pas, tu sais bien qu'avec moi ça ne marche pas. Dis-moi ce que tu penses de ma fille, s'il y a de l'espoir, – protesta-t-il.

    – Je ne suis pas médecin, – lui fit remarquer le comte.

    – Ersilia n'est pas malade. –

    Astolfo sourit et se détendit. Dans le fond, il était venu à Cerbère pour elle, à la demande d'un père désespéré, il n'avait aucune raison d'avoir des secrets.

    – Diminuée par une saleté de mal, ta fille, laisse-moi te le dire, – annonça-t-il clairement.

    – Diminuée comme l'a voulu le destin, – dit le duc, exaspéré, fatigué et préoccupé.

    – Comme vous tous l'avez voulu, ne cherchez donc pas d’excuse infantile. Vous avez encouragé son désespoir et maintenant elle est désespérée, profondément, véritablement désespérée, son âme est en morceaux. –

    Il ne tergiversait pas, énonçant son avis de manière sèche, directe, terrible. Peut-être.

    Juan l'observa attentivement.

    – Je ne sais pas s'il y a de l'espoir, Juan. Je ne peux pas le savoir. –

    Il n'ajouta rien et s'occupa de son cigare, ce qui lui évitait toujours de s’énerver.

    – Je n'ai aucune autre idée, à part celle de l'envoyer dans un couvent, Astolfo. Mais je ne veux pas le faire, je ne le ferai pas, elle devra alors vivre dans cette maudite chambre obscure à regarder passer les jours ! – répliqua le duc en tapant du pied sur le sol.

    Le dos à la mer, Astolfo toussa pour faire taire son ami. À cet instant, Ersilia et sa mère arrivèrent pour se mettre à table, marchant prudemment avec la canne qui rythmait sa marche. Le duc tressaillit et se retourna.

    – Nous avons déjà obtenu un résultat, – chuchota Astolfo, un coude sur le parapet. 

    Ersilia ne déjeunait jamais avec le reste de la famille. Juan déglutit. Oui, ils avaient déjà obtenu un résultat. Derrière les deux femmes se présentèrent également les frères, Sigfrido dans son uniforme impeccable qui était comme une seconde peau, Oscar vêtu simplement, de retour après être allé inspecter les vignes du Roussillon.

    Une fois sa mère assise, Ersilia s'installa tandis que leur hôte, tel un faucon aux aguets, se plantait devant elle. Il la fixa avec une expression indéfinissable sur le visage tandis que les autres observaient en silence.

    – J'attendais un peu plus de considération pour mon retour, – commenta-t-il durement.

    Elle le regarda sans comprendre.

    – Voilà certainement une robe oubliée par une servante, – ajouta-t-il cruellement.

    Ersilia, profondément choquée, sursauta sur sa chaise et réussit à soutenir son regard sans en croire ses oreilles.

    – Aussi grise que celle de l'écolière que tu n'es pas, – persifla-t-il en la domptant du regard.

    Ersilia baissa les yeux.

    – Ne fais pas ça, Ersilia ! Tiens droite cette tête et retourne dans ta chambre te changer, – lui ordonna-t-il.

    Comme elle ne bougeait pas, il fit le tour de la table et saisit la canne que la jeune fille tenait dans sa main et la posa sur la table en faisant trembler toute la vaisselle.

    – Sers-toi de ton meilleur ami et remonte cet escalier pour aller passer une robe digne du comte Astolfo des Chavaux de Rennes ! –

    Elle se leva d’instinct, faisant tomber sa chaise derrière

    Vous aimez cet aperçu ?
    Page 1 sur 1