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La pierre d’Elzyrion
La pierre d’Elzyrion
La pierre d’Elzyrion
Livre électronique495 pages6 heures

La pierre d’Elzyrion

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À propos de ce livre électronique

Hanté par les dernières paroles de l’homme qu’il a vu mourir sous ses yeux, Kiam n’a qu’une idée en tête : se rendre sur Oméros. Malgré les efforts de ses compagnons pour l’en dissuader, ils se retrouvent tous les quatre projetés sur le royaume de l’eau.

C’est en cherchant à percer l’énigme de son passé que Kiam découvrira par l’oracle d’Éodès l’effroyable futur qui l’attend. Confronté à un choix douloureux, il partira pour la citadelle sous-marine d’Epsée dans l’espoir de mettre la main sur la pierre d’Elzyrion, l’arme la plus redoutable d’Oméros. Malgré les embûches qui parsèmeront son chemin, Kiam tentera de changer le cours de son destin, pour le meilleur ou peut-être bien pour le pire…
LangueFrançais
Date de sortie18 janv. 2021
ISBN9782898084225
La pierre d’Elzyrion
Auteur

Nadine Bertholet

Native de Laval, Nadine Bertholet a joué la globe-trotteuse pendant sa jeune vingtaine avant de s’atteler à l’écriture de son premier roman. Inspirée par l’interaction avec les jeunes étudiants sous sa responsabilité lors de son travail en tant que technicienne en travaux pratiques dans des écoles, elle transpose dans ses textes l’attitude parfois cocasse, souvent attachante, de ces jeunes gens qui découvrent tranquillement ce que sera la vie adulte.

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    Aperçu du livre

    La pierre d’Elzyrion - Nadine Bertholet

    ose.

    1

    L’OBSESSION DE KIAM

    Une brise vivifiante soufflait sur les hautes montagnes rocheuses, caressant le visage de Kiam. Assis sur un banc de pierre, il admirait la vue à partir du promontoire surplombant la faille centrale d’Utholin. Là même où, plusieurs mois auparavant, l’avait conduit Serbert au lendemain de son arrivée sur Airazeth.

    Depuis son retour de Terzirus, Kiam avait pris l’habitude de s’y rendre seul, espérant que la quiétude de ce haut lieu apaiserait son esprit tourmenté. Les dernières paroles prononcées par le traître de Fumervar le hantaient toujours, sinon plus qu’au premier jour. Chaque nuit, il revoyait en rêve l’expression d’ahurissement d’Évrath alors qu’il posait les yeux sur son visage et semblait en reconnaître les traits.

    Lorsque Kiam avait partagé ses inquiétudes avec Serbert, celui-ci lui avait répondu de manière évasive, n’apportant aucun éclaircissement à ses questionnements. Espérant obtenir de meilleurs résultats auprès d’Abélone, Kiam s’était confié à elle dès leur retour à Utholin. Or, à l’instar du mage d’Airazeth, elle s’était contentée de dire qu’Évrath devait l’avoir confondu avec quelqu’un d’autre.

    La façon dont sa tutrice et Serbert avaient éludé la question laissait présager qu’ils en savaient davantage sur Évrath qu’ils le prétendaient. Cette persistante impression ne rassurait aucunement Kiam, d’autant plus qu’elle piquait sa curiosité. Poussé par cette dernière, il se rendait tous les jours à la bibliothèque secrète d’Utholin dans l’espoir d’y découvrir des informations sur le traître de Fumervar.

    L’accès à ce lieu interdit facilité depuis la découverte d’un mécanisme permettant l’ouverture de la porte dissimulée dans la paroi de la falaise, Kiam pouvait y accéder aisément chaque fois que l’envie lui en prenait. Malgré les innombrables heures qu’il consacra à la recherche d’indices, il n’en trouva aucun qui put le satisfaire. Évrath étant originaire du monde du feu, nul registre ni manuscrit n’en faisait mention.

    En dépit de ses vains efforts, Kiam persévérait dans ses recherches, puisqu’il croyait en l’existence d’un lien entre Évrath et lui. D’une façon qu’il n’aurait pu s’expliquer, il sentait que la nature du lien les unissant n’était autre qu’un évènement survenu dix ans auparavant. Un évènement d’une telle gravité qu’il les avait obligés, son père et lui, à quitter Oméros.

    Cette impression entêtante, virulente, s’était sournoisement insinuée dans son esprit, et elle le préoccupait davantage chaque jour, telle une infection dont il ne parvenait plus à se débarrasser. C’est afin de réfléchir à cette obsédante pensée qu’il se rendait sur le promontoire dès que l’occasion se présentait. Toutefois, au lieu d’y puiser un certain apaisement, il en revenait toujours plus animé par cette idée.

    Ce jour-ci ne faisait pas exception. Voilà déjà deux heures que Kiam se tenait sur le banc, laissant voguer son esprit afin de faire le vide. Tandis qu’il admirait la saisissante cité d’Utholin, il lui passa par la tête une idée si saugrenue qu’il rit d’abord de lui-même. Puis, réfléchissant plus sérieusement à l’ébauche de plan qui se dessinait dans son esprit, il se surprit à trouver l’audacieuse idée fort intéressante.

    Éprouvant une soudaine exaltation, Kiam se redressa d’un bond et, le regard quasi halluciné, quitta précipitamment le promontoire. Il s’engagea dans l’escalier tournant autour d’une large colonne. Au terme d’une longue descente, au lieu d’emprunter le couloir principal menant aux quartiers de Serbert, il se faufila dans la noirceur d’un passage plus restreint. Au bout de l’étroit tunnel, la clarté du soleil l’aveugla, mais il ne ralentit pas sa course pour autant. Clignant des paupières, il s’élança dans la marée d’individus qui circulaient dans l’artère principale d’Utholin. Entraîné par la foule, il se dirigea à l’autre extrémité de l’allée et bifurqua dans le corridor de droite que formaient les vertigineuses montagnes de pierre.

    Occupée par les étals des marchands d’Utholin et des cités avoisinantes, la vallée dans laquelle il déboucha grouillait de monde. Kiam promena son regard sur la masse de gens fourmillant sur la place, incapable d’y retrouver ses compagnons. Exhalant un soupir de découragement, il se résigna à parcourir les multiples allées bondées du marché, les yeux à l’affût du moindre signe de ses camarades, qu’il savait dans les environs.

    Il fut toutefois détourné de ses recherches par les effluves alléchants que dégageaient les pâtisseries encore chaudes garnissant le présentoir devant lui. Kiam s’y arrêta et, salivant à leur simple vue, décida d’en acheter une demi-douzaine. Il remit à la dame drapée de jaune deux lupirtes et cinq clorpins, puis poursuivit son chemin.

    Tandis qu’il s’engageait dans l’avant-dernière allée, Kiam aperçut le marchand grassouillet au visage perpétuellement écarlate qui s’essayait à tout coup de lui vendre une de ses infectes drugnes.

    — Allons, mon garçon ! Prends-en une. Je t’assure que tu vas adorer, tenta de le convaincre le marchand pour la centième fois.

    Kiam considéra avec dédain le fruit verdâtre dégageant une odeur désagréable et secoua la tête en retroussant le nez. Jamais il n’avait osé y goûter, et ce n’était pas aujourd’hui qu’il s’y risquerait.

    Le mouvement d’une tache blanche au bout de l’allée capta l’attention de Kiam. Il se faufila parmi le flot de villageois et finit par apercevoir Pottam, qui sautillait sur place devant un présentoir, s’escrimant à en voir la marchandise, dont l’odeur lui avait fort probablement titillé les narines.

    — Tu fais ton exercice matinal ? C’est excellent ! Ça te fera perdre les quelques kilos que tu as en trop, le taquina Kiam, comme il rejoignait son petit compagnon.

    — Hirk ! Des kilos en trop ? Moi ? s’exclama la beloute d’un ton offensé en cessant de bondir. Et toi, est-che que tu t’es vu ? Tu reshembles à un manche à balai ! Cha ne te ferait pas de tort de groshir un peu.

    — Ah bien, merci, c’est gentil ! riposta Kiam, qui, nullement vexé par le commentaire de Pottam, lui sourit avec amusement.

    Leurs mésaventures survenues sur Terzirus lui avaient occasionné une perte de poids importante. Préoccupé depuis leur retour par le mystère entourant le traître de Fumervar, Kiam manquait d’appétit. Après quelques bouchées seulement, il se sentait devenir nauséeux et se voyait dans l’incapacité d’avaler quoi que ce soit d’autre. Le peu de nourriture qu’il ingérait ne lui permettait donc pas de reprendre le poids perdu lors de son séjour sur le royaume de la terre, ce qui commençait sérieusement à inquiéter ses proches.

    — Ah, te voilà ! s’égaya Jolick, qui venait de surgir de derrière une pile de barils. Tu étais passé où, encore ?

    — Sur le promontoire, voyons ! Tu parles d’une question ! répondit Flarente, qui venait de les rejoindre, un panier de murnilles à la main. Il y va tellement souvent que je pense qu’il y passe même ses nuits.

    L’apprenti druide se tourna vers la demoiselle et lui vola un fruit.

    — Je me doutais bien qu’il était sur le promontoire. C’était plutôt une façon de parler, s’expliqua-t-il, avant de croquer dans la chair juteuse de la murnille.

    Un liquide clair s’échappa de ses lèvres, et Jolick l’essuya du revers de la main, avant de reprendre la parole.

    — J’aimerais bien savoir ce qui te pousse à te rendre là-haut si souvent. Y rencontrerais-tu en cachette une jolie jeune fille ? l’agaça l’apprenti druide, un sourire malicieux éclairant son visage délicat.

    Kiam lâcha un rire moqueur.

    — Je n’ai pas vraiment la tête aux doux rendez-vous, avoua-t-il.

    — As-tu seulement une tête ? le taquina Flarente.

    — Bien sûr ! Et pour preuve, lorsque vient le temps de penser à mes amis, j’ai encore toute ma tête, rétorqua Kiam en brandissant le sac de pâtisseries.

    — Oh, shuper ! s’exclama Pottam, la mine ravie. Je me dishais jushtement qu’il faudrait que je grignote un petit quelque choshe.

    — Et ta dernière collation remonte à quand ? Cinq minutes ? se moqua Kiam.

    — Haush, je dirais plutôt shept, s’esclaffa la beloute.

    — Un fruit serait un meilleur choix pour ta ligne, lui conseilla d’un ton badin la demoiselle en tendant à la beloute le panier de murnilles.

    Une femme aux bras chargés d’emplettes chercha à se frayer un chemin parmi la foule. Ce faisant, elle bouscula sans ménagement Flarente, qui laissa tomber les murnilles au sol. Insultée, la jeune fille décocha un regard noir à la dame, qui ne daigna même pas s’excuser.

    — Je pense qu’on ferait mieux de se trouver un endroit plus tranquille. Pourquoi pas de l’autre côté des portes ? suggéra Kiam tandis qu’il se penchait pour récupérer les fruits.

    — Bonne idée, approuva Jolick.

    Les quatre compagnons quittèrent la frénésie du marché et se dirigèrent vers l’immense arche de pierre pointant vers le ciel. Ils franchirent les hautes portes de bois et se retrouvèrent sur la saillie rocheuse bordée d’un côté par les montagnes protégeant Utholin et de l’autre par une balustrade de fer forgé. Sur la place, de nombreuses personnes s’affairaient à décharger leur marchandise. Kiam et ses amis contournèrent l’attroupement et avisèrent un coin plus isolé, près d’un briset hors service depuis plusieurs jours déjà. Seules deux des trois plates-formes assurant la liaison entre Utholin et les cités s’étendant au pied des montagnes pouvaient être utilisées, ce qui compliquait grandement les allées et venues des marchands.

    Cet inconvénient bénéficia toutefois à Kiam et à ses comparses, qui purent s’installer dans la courte allée menant au briset défectueux afin de déguster leur collation en paix.

    Sa pâtisserie terminée, Kiam laissa porter son regard au loin, admirant la vue que la hauteur d’Utholin lui offrait. Perdu dans ses pensées, il sursauta lorsque Jolick lui adressa la parole.

    — Tu sembles soucieux. Est-ce encore cette histoire concernant le traître de Fumervar qui t’inquiète ?

    — Cette histoire me torturera l’esprit jusqu’au jour où j’éclaircirai enfin la question, mentionna Kiam avec une certaine tristesse dans la voix.

    Il brûlait d’envie de partager avec ses copains l’audacieuse idée qui germait en lui. Toutefois, craignant leur désapprobation, il préférait aborder le sujet de façon réfléchie afin de les amener à voir d’abord les avantages de son plan plutôt que ses failles.

    — Et comment comptes-tu éclaircir la question, Kiam ? Ni Serbert ni Abélone n’ont pu te répondre, alors qui le pourrait ? lui demanda Flarente, préoccupée par le comportement obsessif de son ami à l’égard d’Évrath.

    — Je serais plutôt porté à dire qu’ils n’ont pas voulu me répondre, allégua Kiam d’un ton lourd de sens.

    Sur le point de mordre dans une deuxième pâtisserie, Pottam s’immobilisa et dévisagea Kiam, l’air franchement surpris.

    — Qu’est-che que tu inshinues, au jushte ? Qu’ils shauraient vraiment quelque choshe à propos d’Évrath ?

    Kiam répondit par un grognement affirmatif.

    — Dans che cas, pourquoi est-che qu’ils te mentiraient ?

    — Pour me protéger. Voyez-vous, j’ai l’étrange pressentiment qu’Évrath a un lien quelconque avec mon passé sur Oméros. Il est évident qu’Abélone, Serbert et même mon oncle me cachent la vérité au sujet des deux années que j’y ai vécu. Pourquoi ? Probablement parce que ce qui s’y est passé est grave…, très grave.

    — Abélone ne te parle jamais de cette époque ? s’informa Jolick, qui, venant de terminer sa pâtisserie, s’essuya les mains sur son pantalon kaki.

    Kiam secoua la tête.

    — Effectivement, c’est louche, murmura l’apprenti druide.

    — Pas du tout, répliqua Flarente. On ne sait pas vraiment si Abélone se trouvait sur Oméros lorsque tu y habitais avec ton père. Alors, peut-être est-ce vrai qu’elle ignore ce qui a provoqué votre départ. C’est un sujet que ton père préférait peut-être éviter d’aborder, même avec elle. Donc, si j’étais toi, je ne tirerais pas de conclusion de son silence. Ni de celui de Serbert.

    — Tu fais erreur, répondit Kiam. Rappelle-toi. J’ai surpris à plusieurs reprises des conversations entre Abélone et Serbert alors qu’ils me croyaient endormi. J’ai donc la preuve qu’elle sait ce qui s’est passé sur Oméros. Je crois justement qu’elle refusait que j’accompagne mon oncle sur Terzirus parce qu’elle craignait que quelqu’un en lien avec ces évènements me reconnaisse. Enfin, c’est mon impression.

    — Probablement Évrath, déclara Jolick en lançant dans le vide le noyau de la murnille qu’il venait de manger.

    — Shi ch’est le cas, elle ne devrait plus sh’en faire, puishqu’il est mort, dit Pottam.

    — Oui, sauf que son complice court toujours, et ça m’inquiète, admit Kiam.

    — Ça ne fait que quelques semaines. Il faut leur laisser un peu de temps, souligna Flarente. Ils finiront bien par découvrir son identité.

    — Quelques semaines, c’est déjà trop, grommela Kiam.

    Adressant un regard compatissant à Kiam, la jeune fille posa son unique main sur le bras de son ami.

    — De savoir que l’on me cache des informations sur mon passé me fatigue aussi tu sais, dit Flarente, un voile de tristesse couvrant ses yeux ambrés. Je suis donc à même de comprendre ce que tu ressens. Cependant, les seules personnes pouvant te répondre ne le font pas pour une raison qui nous échappe. Tu as passé des jours entiers à la bibliothèque, manquant de te faire pincer plus d’une fois par les conseillers de Serbert. Tout ça pour ne trouver aucun renseignement sur Évrath ni sur de possibles évènements survenus sur Oméros il y a une dizaine d’années. Je suis désolée de te le dire, mais je crois que c’est une cause perdue, Kiam.

    Croyant le moment propice pour faire part à ses camarades du plan qu’il tramait, Kiam sentit une grande nervosité le gagner tandis qu’il répondait :

    — Non, pas si je cherche au bon endroit.

    — Et quel est cet endroit ? Quand même pas le bureau de Serbert ? demanda Flarente avec exaspération.

    — Si Serbert t’y surprend, tu seras pendu par les oreilles, c’est moi qui te le dis ! blagua Jolick.

    Un rire amusé secoua la beloute.

    — Désholé, mais t’imaginer dans chette groteshque poshishion me donne le fou rire. Par contre, à bien y pensher, cha ne doit pas être très plaishant de she faire pendre par les oreilles. Alors, mieux vaut éviter de te faire pincher.

    Nerveux à l’idée de dévoiler son plan à ses camarades, Kiam ne répondit au commentaire de la beloute que par un timide sourire. Conservant son sérieux, il les regarda tour à tour, ce qui inquiéta davantage Flarente.

    — Qu’est-ce que tu mijotes, encore ? s’informa-t-elle, une soudaine appréhension perceptible dans la voix.

    — Le bureau de Serbert ne serait pas une mauvaise idée, mais ce n’est pas ce que j’ai en tête.

    — Cesse de nous faire languir et dis-nous où tu souhaites poursuivre tes recherches ! s’impatienta la demoiselle.

    Prenant une profonde inspiration, Kiam lâcha :

    — Oméros…

    Interloqués par sa déclaration, Jolick, Flarente et Pottam le considérèrent avec une franche consternation.

    — Tu ne parles quand même pas sérieusement ? lui demanda Jolick.

    D’un geste de la tête, Kiam répondit par l’affirmative. À la surprise générale, Flarente éclata de rire, s’attirant les regards étonnés de ses camarades.

    — Ha ! Ha ! Ha ! Tu nous fais marcher, c’est ça ? D’accord, tu nous as bien eus. Alors, maintenant, dis-nous quel est ton véritable plan.

    — Mais… je n’ai pas d’autre plan, rétorqua Kiam, décontenancé par la réaction de son amie. Je ne blague pas quand je dis que je voudrais aller sur Oméros.

    Un silence de plomb s’abattit sur le petit groupe installé en retrait du va-et-vient des villageois et des marchands. Le visage de Flarente se vida de toute expression tandis que ses yeux le dévisageaient avec insistance.

    — Franchement ! finit-elle par dire, rompant l’inconfortable silence. Et comment comptes-tu te rendre sur Oméros ? Jamais personne ne voudra t’y emmener. Surtout pas après les mésaventures qui nous sont arrivées sur Terzirus.

    — Qui a dit que je comptais demander la permission à qui que ce soit ? rétorqua Kiam d’un ton frondeur, piqué au vif par la rebuffade de la demoiselle, bien qu’il s’y fût attendu.

    — Tu ne pourras jamais te servir du tupafier d’Utholin, Kiam. L’accès en est constamment surveillé, le raisonna l’apprenti druide.

    — Il existe des tupafiers secrets ici aussi, vous savez. Celui que mon père utilisait à Brisblione en est la preuve. Il faut simplement découvrir où ils sont situés.

    — Même si tu parvenais à mettre la main sur une carte indiquant leur emplacement, le moyen de parvenir au tupafier secret le plus près demeurerait un problème d’envergure, renchérit Jolick.

    Kiam jeta un coup d’œil en direction de l’immense caverne perçant la paroi de la montagne, là où l’on entreposait des caisses de marchandises aux côtés des cages abritant les majestueux dragons crachant de l’air.

    — On pourrait emprunter un des venlorks ? suggéra-t-il.

    Flarente émit un ricanement moqueur.

    — Toi qui as tellement peur de ces dragons, tu serais prêt à en monter un ?

    — S’il le faut, répondit Kiam, insulté.

    L’instant d’une seconde, Jolick l’observa avec une réelle admiration. L’audace et l’entêtement avec lesquels Kiam persistait à atteindre ses buts le fascinaient. Toutefois, sachant le plan de son ami fort peu réaliste, il tenta de lui faire entendre raison.

    — Je ne doute pas que tu aies le courage d’essayer, mais tu n’irais pas bien loin. L’absence prolongée d’un venlork alerterait le gardien en service, qui utiliserait aussitôt le sifflet pour que le venlork rebrousse chemin et réintègre sa cage.

    Les gens d’Utholin considéraient comme crucial que les venlorks conservent une certaine liberté. C’est pourquoi les cages avaient été aménagées de façon à permettre aux puissants dragons de circuler à leur guise. En général, les venlorks ne s’absentaient que pour de courtes périodes, volant gracieusement au-dessus des montagnes afin de se délier les muscles. Il arrivait cependant que l’un d’eux vole vers des contrées lointaines. Dans de telles occasions, le gardien employait un sifflet correspondant au venlork manquant. Le son produit par l’instrument voyageait sur des distances impressionnantes, si bien que peu importe où le dragon se trouvait, son ouïe aiguisée captait l’appel, et il rappliquait à Utholin aussi vite que possible.

    — Tu as raison, je n’y avais pas pensé, admit Kiam dans un soupir résigné.

    Déçu de voir ses projets avorter aussi rapidement, Kiam se releva et s’appuya contre la rambarde. Sur sa droite, un des brisets fonctionnels flottait dans les airs, remontant lentement vers Utholin. S’entassaient à son bord plusieurs personnes ainsi que des caisses de marchandises destinées à être vendues au marché.

    Tandis qu’il observait les gens évacuer la plate-forme en file indienne, Kiam songea qu’utiliser un briset pourrait être la solution à son dilemme. Toutefois, en y réfléchissant bien, rien ne garantissait qu’une fois parvenu au pied des montagnes, il trouverait un moyen de transport pour se rendre jusqu’au tupafier secret le plus proche. L’option du briset, tout comme les venlorks, n’était donc pas envisageable pour quitter Utholin.

    Un éclat doré attira l’attention de Kiam. Levant les yeux vers le ciel, il aperçut un petit engin volant décrire une série de cercles concentriques. Ce dernier perdit graduellement de l’altitude et vint se poser parmi les autres appareils du même type qui s’alignaient sur la corniche prévue à cet effet.

    Promenant son regard sur la multitude d’aéronefs immobilisés, Kiam sentit une vague d’espoir renaître en lui.

    2

    ACCORDS ET DÉSACCORDS

    Depuis le jour du marché, Kiam n’avait pas eu l’occasion de se consacrer à l’élaboration de son plan. Dès le lendemain, accompagné de Flarente et Pottam, il avait assisté à sa toute première journée de classe, repoussée de plusieurs semaines en raison de leur séjour prolongé sur Terzirus.

    Kiam aurait volontiers reporté les leçons d’une autre semaine ou deux afin de profiter de ses journées pour mijoter son projet. La discipline et la rigueur qu’exigeait sa présence en classe ne lui permettaient pas de se consacrer à ses recherches personnelles. Zovrane, la tutrice de Flarente, les assaillait de devoirs. Seul Pottam en était exempté, puisqu’il n’assistait aux cours qu’à titre informel. Il préférait tenir compagnie à Kiam et Flarente plutôt que de passer de grandes journées livré à lui-même. Seule exigence de la part de Zovrane : que la beloute ne dérange pas ses compagnons pendant les cours. Elle tolérait même qu’elle pose des questions pertinentes en lien avec le sujet abordé.

    Pottam prenait tant de plaisir à la bombarder de questions que Zovrane dut lui imposer une limite de dix par jour afin de ne pas prendre un retard considérable sur son programme.

    Le premier devoir que Kiam eut à faire occupa toute sa soirée, de sorte que lorsqu’il l’eut enfin terminé, Abélone l’obligea à se mettre au lit. Le même scénario se répéta les jours suivants. Zovrane les surchargeait de travaux à un point tel que Kiam ne trouvait ni le temps ni l’énergie pour poursuivre ses propres investigations. Le seul moment pendant lequel il réussissait à réfléchir un tant soit peu à son projet était lors des interminables récits de Zovrane sur la création d’Airazeth et les différentes époques marquant l’histoire du monde de l’air. Ce n’est pas que le sujet ne le fascinait pas, seulement cela faisait beaucoup de noms et de dates à retenir. Sans compter que le ton monotone avec lequel leur enseignante relatait les faits le plongeait quasi instantanément dans un état semi-comateux.

    Dès qu’il perdait le fil des chapitres de l’histoire que leur racontait Zovrane, Kiam laissait voguer ses pensées vers son ambitieux projet. De temps à autre, la tutrice de Flarente le surprenait à la fixer d’un regard absent, l’esprit visiblement à cent lieues de là. Écoutant l’institutrice d’une oreille distraite, il ne réagissait pas une fois sur deux lorsqu’elle prononçait son nom.

    Zovrane demeurait cependant indulgente à son égard, en raison de sa récente venue sur Airazeth. Abélone s’était longuement entretenue avec elle afin de partager ses inquiétudes par rapport à Kiam. Elle s’était même permis de lui raconter sommairement les mésaventures du garçon, qui se succédaient depuis le récent décès de son père. Étant donné les épreuves qu’il avait surmontées en un si court laps de temps, Zovrane faisait preuve de tolérance envers lui et ne se formalisait pas de le voir parfois distrait en classe.

    Il n’était d’ailleurs pas le seul à souffrir d’un déficit d’attention. Plus d’une fois, Kiam et Flarente surprirent Pottam à dormir, la tête appuyée contre son petit bureau, ponctuant de bruyants ronflements les exposés de Zovrane. Il tenait parfois du miracle que l’institutrice ne soit pas déconcentrée par la respiration sifflante de la beloute. Le seul moment où elle dut s’interrompre, prise d’un fou rire, fut lorsque Pottam, parti pour le pays des songes, chuta de son banc et s’étala de tout son long sur le sol sans que le choc l’eût réveillé.

    Avec le début des cours, les trois compagnons n’eurent pas la moindre occasion de voir Jolick. Ce dernier avait repris ses leçons auprès de son maître et travaillait d’arrache-pied en vue de l’épreuve qui lui donnerait la chance de rejoindre les rangs des apprentis druides du niveau suivant. Parce que la préparation de potions élémentaires lui avait posé problème par le passé, jamais Jolick n’avait pu accéder jusqu’à ce jour au troisième niveau.

    Les mésaventures des derniers mois lui avaient fait prendre un retard considérable par rapport aux autres apprentis druides. Par contre, ses rocambolesques péripéties avaient également eu un impact positif sur son apprentissage. Jolick avait acquis de nouvelles connaissances et gagné en confiance. Son maître était agréablement surpris de voir qu’il se débrouillait avec bien plus d’aisance qu’auparavant, malgré le retard accumulé.

    Cela ne lui rendait toutefois pas les choses plus faciles. Tout comme Zovrane, son maître le submergeait de travaux pratiques et de lectures. Afin que l’écart entre les autres apprentis druides et Jolick ne se creuse pas davantage, son maître comptait lui faire passer l’épreuve qui, si accomplie avec brio, lui permettrait de franchir un niveau.

    Surchargé de travail afin de parfaire sa formation élémentaire, Jolick n’avait donc pu rendre visite à ses camarades avant plusieurs jours. Il s’en voulait de les délaisser ainsi, surtout Kiam, qu’il sentait troublé depuis leur retour de Terzirus. Sa culpabilité ne fut cependant plus qu’un vague souvenir lorsqu’il constata que ses compagnons, à l’exception de la beloute, croulaient autant que lui, sinon plus, sous les travaux.

    — Zovrane va nous enterrer vivants avec la tonne de devoirs qu’elle nous impose, se plaignit Kiam, heureux de la visite de Jolick, qui lui fournissait une excellente raison pour prendre une pause d’étude.

    — C’est pareil pour moi, vous savez, les informa l’apprenti druide, poussant un soupir de découragement. Irmash est tellement impressionné par mes progrès qu’il espère me voir rejoindre les rangs des apprentis du niveau intermédiaire, et ce, dès la semaine prochaine.

    — Mais c’est une excellente nouvelle ! le félicita Kiam.

    — Elle sera excellente si je réussis l’épreuve. D’ici là, il ne me reste que quelques jours pour réviser la matière et m’exercer à la préparation de nombreuses potions. De plus, les autres apprentis ont eu vent de notre escapade sur Terzirus. Alors, pour la première fois de ma vie, ils s’intéressent à moi pour autre chose que mes piètres talents de druide. Ils me trouvent tout à coup plus intéressant et me posent mille et une questions. Ils sont si souvent après moi que je commence sérieusement à m’ennuyer du temps où ils m’ignoraient.

    — Tu connais la célébrité, mon vieux ! Tu vois, ceux qui te tournaient en ridicule ont enfin compris à quel point tu es le meilleur des apprentis druides.

    — Le meilleur des apprentis druides ? répéta Flarente en relevant le nez de ses livres. Tu n’exagères pas un peu ? Je te rappelle qu’une bonne partie des potions qu’il a préparées ont tourné à la catastrophe.

    — Tu ne seras jamais capable d’admettre que je m’améliore, n’est-ce pas ? lui reprocha Jolick, vexé par le commentaire de la jeune fille.

    — Ah ça, pour t’améliorer, tu t’améliores ! Tes potions ne sentent plus la crotte de dragon !

    Le sourire coquin qu’elle adressa à Jolick confirma à ce dernier qu’elle ne faisait que le taquiner.

    — J’aurais bien aimé vous voir enduits de chette poshion peshtilenshielle ! ricana Pottam, qui, exempt de devoirs, se prélassait devant l’âtre.

    Sa bonne humeur retrouvée, l’apprenti druide suggéra à la blague :

    — Je pourrais refaire la potion, si tu veux.

    — Non ! s’opposa vigoureusement Flarente. Il est hors de question que tu oses même penser à refaire cette abomination !

    — Ha ! Ha ! Ne t’inquiète pas. Je n’ai pas plus envie que toi de la préparer, avoua Jolick en retroussant le nez au souvenir de l’odeur infecte que dégageait la potion utilisée pour annuler les effets du sort d’invisibilité de Serbert.

    Examinant les livres parsemant la table, Jolick en saisit un et lut à voix haute le titre de l’ouvrage.

    — Traité des grandes guerres d’Airazeth. Ça doit être assez assommant, commenta-t-il en reposant l’épais volume.

    — À qui le dis-tu ! soupira Kiam. Tellement assommant que, le soir, je n’ai même plus la force de réfléchir à…

    Kiam s’interrompit. Il jeta un regard en direction de la porte s’ouvrant sur le petit salon, où Abélone discutait avec une voisine. Dans un murmure, il dit :

    — … à mon petit projet, avant de tomber endormi.

    — C’est aussi bien ainsi, selon moi, marmonna Flarente pour elle-même.

    L’oreille fine de Jolick perçut l’allusion de la demoiselle, mais celui-ci ne releva pas le commentaire. Il partageait néanmoins son avis. Tous deux considéraient que la dernière idée de Kiam, celle d’utiliser un engin volant pour accéder à un tupafier secret, s’avouait être aussi hardie et irréaliste que celle de monter à dos de venlork. Toutefois, ni lui ni Flarente n’avaient réussi à le convaincre du ridicule de la chose. Il espérait qu’avec le temps, Kiam finirait par comprendre que sa nouvelle idée n’était rien d’autre qu’une lubie.

    — Tu comptes faire quoi ? demanda l’apprenti druide en s’adressant à Kiam.

    — Essayer de terminer cette fichue recherche sur Fulmör le plus vite possible avant que je devienne fou, répondit-il d’un air découragé en posant le front sur la pile de feuilles raturées lui servant de brouillon.

    — Qui est che Fulmör, déjà ? s’informa Pottam, qui se souvenait vaguement d’avoir entendu Zovrane, entre deux roupillons, prononcer ce nom.

    — Le premier tyran qu’a connu Airazeth, lui rappela Flarente.

    — Ah oui ! Cha me revient maintenant !

    Jolick secoua la tête comme si quelque chose ne lui convenait pas.

    — En fait, je voulais plutôt savoir ce que tu comptais faire à propos de ton projet, précisa-t-il en baissant le ton.

    Kiam se redressa, la question ravivant en lui une certaine flamme. Ses yeux vairons brillant d’un vif éclat, il déclara :

    — J’aimerais me rendre à la bibliothèque dès que nous aurons une journée de congé.

    — Mais nous y avons déjà passé des jours entiers ! Et pour rien, dois-je te le rappeler ? souligna Flarente, lassée de passer de longues journées à fouiller dans les livres poussiéreux. Qu’espères-tu y trouver, cette fois-ci ?

    — Un mode d’emploi.

    — Kiam, même si tu apprends dans un bouquin comment faire fonctionner un de ces aéronefs, ça ne veut pas dire que tu seras capable de le manœuvrer.

    Surpris par la perspicacité de la demoiselle, Kiam la toisa d’un œil provocateur.

    — Ça ne doit pas être si sorcier…

    — Sorcier ou non, tu ne connais même pas l’emplacement des tupafiers secrets. Alors, à quoi bon vouloir utiliser un appareil volant si tu ne sais pas où il faut aller ! rétorqua Flarente.

    — J’ai bon espoir de dénicher cette information sous peu, déclara Kiam, sourd aux protestations de son amie.

    La jeune fille considéra Kiam avec une profonde exaspération teintée de découragement. Employant un ton plus neutre, elle essaya une fois encore de lui faire entendre raison.

    — Ma vie consiste aussi en une véritable énigme, peut-être même davantage que la tienne. Je t’accorde que nous avons passé beaucoup de temps à éplucher des livres de la bibliothèque afin d’y découvrir un indice qui pourrait me lancer sur la piste de mon passé. Comme nos efforts ont été vains, j’ai dû me résigner à abandonner les recherches. Tu devrais prendre exemple sur moi, Kiam, et te concentrer sur autre chose. Tu gagnerais à mettre dans tes études l’énergie que tu dépenses à essayer de résoudre des mystères qui sont au-delà de ta compréhension.

    — Si toi, tu as décidé d’abandonner la partie aussi facilement, ça ne sera pas mon cas. Je n’ai pas l’intention de lâcher prise, s’entêta Kiam. Peut-être qu’au fond, ton passé ne t’intéresse pas. La quête de la vérité ne t’habite pas autant que moi, tout simplement.

    — Tout simplement ? répéta Flarente en haussant le ton. Tu crois que les choses sont aussi simples que ça ? Tu crois que lorsque je me couche, le soir, je ne pense jamais à ce qu’était ma vie avant de tout oublier ? Tu crois que je me fous éperdument de savoir pourquoi je ne me souviens de rien ? Penses-y deux secondes, Kiam. Ce sont dix années de ma vie qui demeurent un constant mystère pour moi. Dix ! Tandis que toi, tu cherches à savoir ce qui s’est passé avant ton deuxième anniversaire. Honnêtement, qui se souvient de ses deux premières années de vie ? Personne ! Pas étonnant que tu ne trouves rien sur le sujet, puisque, mis à part manger, pleurer et salir tes culottes, rien de notable n’a dû se produire pendant cette courte période.

    Le visage rougi par l’émotion, la demoiselle darda un regard furibond sur Kiam avant de poursuivre sa diatribe.

    — Tu sauras qu’il ne se passe pas une seule journée sans que je me pose mille et une questions sur mon passé nébuleux. Est-ce que je vous casse constamment les oreilles avec ça pour autant ? Non ! Parce que peu importe les efforts que je mettrais à déterrer la vérité, je ne la connaîtrais jamais en totalité. Plus je creuserais, plus je voudrais savoir, ce qui entraînerait une perpétuelle quête qui finirait par saper toute mon énergie ou me rendre folle. Je me conforte donc en me disant que la vérité viendra à moi, d’elle-même, le jour venu. D’ici là, je prends mon mal en patience. Tu devrais adopter la même philosophie, Kiam. Pour le bien de tous…

    Enveloppés d’un silence embarrassé, les autres ne pipèrent mot. Dans la pièce attenante, les deux femmes bavardaient toujours allégrement, signe qu’elles n’avaient pas été alertées par les récriminations de Flarente. Dans l’âtre, les flammes crépitèrent, rompant l’atmosphère de malaise.

    — Désolé de t’avoir insultée, s’excusa Kiam. Je ne pensais pas que ton passé te préoccupait toujours autant.

    — Bien sûr que si, confirma la demoiselle. Est-ce que tu arriverais à ne plus y penser, toi ?

    Arborant un air repentant, Kiam répondit par la négative.

    — Eh bien, moi non plus. Toutefois, je conserve mes questionnements pour moi-même, puisque nos recherches ont été infructueuses jusqu’à maintenant. Je n’abandonne pas ; j’attends simplement le moment opportun. Laisse la poussière retomber un peu. Peut-être même que Serbert viendra éventuellement t’en parler.

    — Je n’y compte pas trop, maugréa Kiam en tapotant son crayon sur la table.

    — Je shuis du même avis que Flarente, mentionna Pottam. On vient tout jushte de revenir de Tershirush. Shi tu laishes un peu de temps à Abélone, peut-être accheptera-t-elle enfin de te dire la vérité.

    — Et pour quelle raison déciderait-elle, tout à coup, de me parler de mon passé ?

    — Parce que tu vieillis, répondit Flarente. Tu deviens en âge de connaître la vérité. Elle s’en fait beaucoup pour toi, mais elle est consciente qu’elle ne pourra pas éternellement te couver.

    Kiam s’appuya contre le dossier de sa chaise et croisa les bras. Fronçant les sourcils, il dit :

    — Eh bien, moi, je reste convaincu qu’elle gardera le secret de mon passé jusqu’à la veille de sa mort.

    — Tu risques d’attendre longtemps, dans ce cas. À ce que l’on raconte, les jawobes ont une espérance de vie phénoménale, l’agaça Jolick.

    — Je n’aurai certainement pas la patience d’attendre tout ce temps, répondit Kiam. C’est pourquoi je poursuivrai mes recherches, que ça vous plaise ou non. Vous n’êtes pas obligés de m’aider. Si tu préfères, Flarente, tu pourras rester sagement chez toi à t’échiner sur ta pile de devoirs.

    — C’est ce que je prévois faire ! Jolick et Pottam devraient d’ailleurs suivre mon exemple. Peut-être que de te retrouver seul te fera paraître la chose bien ennuyeuse.

    Roulant les yeux d’un air agacé, Kiam se tourna vers l’apprenti druide.

    — Est-ce que tu te plies aux exigences de madame, ou bien tu souhaites m’accompagner ?

    Le teint de Jolick rosit légèrement.

    — Je voudrais bien t’assister dans tes recherches cette fois encore, mais je dois me consacrer à la préparation de l’épreuve qui aura lieu dans quelques jours. Je ne peux pas me permettre de l’échouer. Mon maître fonde beaucoup d’espoir sur moi, malgré le retard important que j’ai sur les autres apprentis. Je ne veux pas le décevoir de nouveau. C’est pourquoi il faut absolument que je révise encore et encore toutes les potions que les maîtres druides évaluateurs risquent de me demander.

    — Et si je t’aidais à préparer ton test ? Ton étude irait plus vite, et tu pourrais ensuite m’accorder un peu de temps, proposa Kiam, qui, devant se l’avouer, ne souhaitait pas entreprendre ses démarches seul.

    Jolick parut hésiter.

    — Laisse-le tranquille ! intervint Flarente. Tu en

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