Les Veillées des chaumières

Le trésor de l’Américain

Louisette l’avait tout de suite remarqué sur un des chars des libérateurs, quand ils avaient triomphalement, à l’automne 1944, pénétré dans le village, sous les bravos de la foule amassée le long de la rue principale. Sa haute taille avoisinant les deux mètres, ses cheveux roux coupés court sous le calot, son regard bleu et les sourires qu’il distribuait généreusement à l’entour l’avaient d’emblée séduite. Le char s’était ensuite arrêté devant la mairie et les soldats avaient distribué du chocolat aux habitants en liesse qui agitaient de petits drapeaux. Alors, lui aussi avait aperçu la jolie jeune fille, qui n’avait pas baissé les yeux quand il avait planté son regard dans le sien.

Le hasard avait bien fait les choses. Ce fut dans la ferme de ses parents qu’il vint bientôt se ravitailler en lait et en œufs. Ils s’étaient tout de suite reconnus quand il était entré dans la sombre cuisine pour payer son père, Gaspard Didier, qui trouva là un juteux moyen d’arrondir ses fins de mois, en ces temps où les affaires reprenaient difficilement.

Dès lors, Louisette s’arrangea pour se précipiter au-devant de la Jeep quand elle l’entendait arriver et servir elle-même « l’Amerloque », comme sa famille l’appelait. Ils faisaient la causette, lui dans un français approximatif mais compréhensible. Elle était charmée par son accent étrange et la manière nonchalante qu’il avait de mâcher perpétuellement ces fameux chewinggums, inconnus d’elle jusqu’alors. Il lui en offrit, ainsi que des tablettes de chocolat qu’elle partageait avec sa sœur. Leurs bras se frôlaient au-dessus des bidons de lait et les regards qu’il lui jetait alors étaient sans équivoque.

Ils firent bientôt plus amplement connaissance : il s’appelait William, avait trente ans et possédait dans le Kentucky une ferme qu’il avait hâte de retrouver quand il retournerait aux États-Unis, lorsque son temps en France serait terminé. Puis un soir, dans la grange obscure, tout naturellement, il l’embrassa. C’était la première fois pour Louisette, qui n’avait que dix-huit ans. Il lui murmura qu’il la trouvait belle, et c’était vrai qu’elle passait pour une

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