Vendanges amoureuses

La propriété de Marthe était située dans la campagne, entre Chalon-sur-Saône et Mâcon.

Le point de vue y était magnifique et, par temps clair, on pouvait apercevoir les Alpes enneigées. À chaque saison, ses couleurs, ses camaïeux de bleu, de rose, de doré. Les coteaux et les vignes s’étendaient à perte de vue et Marthe, chaque matin, contemplait sa réussite avec satisfaction.

Dix hectares d’un saint-véran renommé dans le monde entier, placé sur les meilleures tables de la planète.

Il en avait fallu des sacrifices pour en arriver là !

Diriger une propriété viticole n’était pas simple, surtout quand, comme Marthe, on avait hérité de cette lourde charge au décès prématuré de son mari.

Quand il était mort dans un accident de la route, elle n’avait que 28 ans et deux petits enfants à sa charge.

Elle ne connaissait rien au vin, se contentant d’entretenir la maison, de s’occuper de Stéphanie et Yoann et de se faire belle pour son mari qui se démenait vingt-quatre heures sur vingt-quatre pour faire décoller l’entreprise familiale moribonde.

Il y croyait dur comme fer et avait dû batailler avec ses parents qui ne croyaient pas en un retour aux vieilles méthodes pour faire un vin digne de ce nom.

C’était les années 1980, autant dire que Marc était en avance sur son temps ! Tous les villageois l’avaient pris pour un fou quand il avait acheté deux chevaux de trait et avait commencé à entretenir la vigne ainsi. Les coûts de production avaient dangereusement grimpé car il fallait beaucoup de main-d’œuvre, mais à la première récolte, il avait su qu’il tenait quelque chose de spécial. L’année d’après, un célèbre guide de vin américain avait fait un papier sur Marc et c’était parti.

Tout allait bien dans leur vie. Marthe et Marc s’aimaient et trouvaient toujours du temps pour s’échapper de la grande demeure familiale. Il n’était pas rare qu’ils fassent l’amour au beau milieu des vignes, comme des adolescents.