À propos de ce livre électronique
Elle va reprendre sa vie en mains en même temps que le hameau va renaître de ses cendres, grâce à un formidable mécène anonyme qui compte y créer un centre d’apprentissage des métiers du bâtiment, ainsi qu’un foyer de vie pour les adolescents en déshérence familiale. Son objectif est de se servir du hameau comme base de travail pour faire réaliser les travaux pratiques des élèves, une fois que le centre aura ouvert ses portes.
L’histoire se déroule sur un mois et demi, à la période estivale, dans un petit hameau berrichon en bordure de Loire, avec pour toile de fond « LA LOIRE À VELO », dans un cadre luxuriant où s’entremêlent les dialogues des quelques anciens qui peuplent encore les lieux, et qui ne mâchent pas leurs mots pour décrire la société actuelle telle qu’ils la perçoivent.
Chacun œuvre comme il peut pour vivre ou survire, avec la meilleure volonté du monde, et malgré les drames passés des uns et des autres.
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Aperçu du livre
La Malmenée - Iris Foret
La Malmenée
Iris Foret
La Malmenée
Les Éditions Chapitre.com
123, boulevard de Grenelle 75015 Paris
Un grand merci à Annie et à Michel pour leurs précieux conseils. Ils se reconnaîtront.
Toute ressemblance avec des personnes, des noms propres, des lieux privés, des noms de firmes, des situations existant ou ayant existé, ne saurait être que le fait du hasard.
© Les Éditions Chapitre.com, 2018
ISBN : 979-10-290-0905-1
img1.jpgÀ Capone, mon Beau.
Tu resteras une des lumières les plus brillantes
parmi celles qui ont éclairé mon chemin jusqu’à présent ;
au détour duquel, après l’amorce d’un virage,
il est possible d’espérer enfin
que l’ailleurs sera peut-être meilleur.
Avant-propos
Il est de ces hameaux qui se meurent par milliers dans notre beau pays, ayant souffert de cette grande vague de désertification d’après guerre, poussant les jeunes gens des campagnes vers les grandes villes anonymes aux néons pâles et aux couleurs blafardes, en leur faisant miroiter des avenirs prometteurs qui se sont finalement révélés des vies fantomatiques pour la plupart d’entre eux.
Il est de ces campagnards par milliers qui continuent à faire vivre leurs hameaux avec courage, amour et dignité, bien souvent avec des moyens dérisoires, dans la méconnaissance de leurs droits et dans le plus grand déni des puissants de ce monde glacial et métallique.
Il est de ces jeunes gens, filles et garçons, vagabonds dès la sortie de l’enfance, qui deviendraient la moelle et le sang coulant dans les artères de ces vieilles ruelles silencieuses et torturées par les affres du temps.
La confrontation entre cette jeunesse démunie et ces masures délabrées aboutirait alors à une formidable renaissance nationale. La reconstruction en profondeur d’un pays qui sombre dans la mélancolie la plus noire deviendrait un aboutissement formidable dans des dizaines de régions, qui offrent un potentiel architectural et naturel exceptionnels. Cette histoire pourrait être celle de ces milliers de hameaux où les habitants, quoi que parfois peu instruits ou mal informés, font ce qu’ils peuvent pour survivre et s’entraider afin de ne pas sombrer dans l’indifférence générale. Qu’il leur soit rendu à tous un fervent hommage à travers ce roman.
PREMIÈRE PARTIE :
Le point du jour
Le retour
Justine ouvrit les yeux lorsque le train entra en gare. Elle n’avait pas dormi durant le voyage qui la ramenait dans son hameau natal après trente ans d’absence, mais plutôt somnolé, avec par moments la désagréable impression de voguer entre deux mondes, et de ne pas rêver mais plutôt de parler aux ombres proches, virevoltant au gré des paysages traversés. Elle fit un effort pour sortir de sa torpeur et dégourdir ses membres ankylosés après un voyage de quatre heures, assise en face d’un vieux monsieur à l’allure distinguée, mais qui faisait semblant de lire, tout en dévisageant Justine à la moindre occasion, avec une étincelle malicieuse dans un regard bleu acier. Elle se mit enfin debout à l’arrêt du train, prit sa petite valise bleu marine à rayures rouges, et sortit du compartiment en adressant à son compagnon de voyage un discret – au revoir monsieur–, qui fit légèrement pencher la tête à son destinataire, en même temps qu’il lui rendit sa politesse.
La chaleur étonnante pour ce début de mois de juin la fit suffoquer sur le quai, et c’est d’un pas assuré qu’elle gagna l’endroit réservé au stationnement des taxis. Un chauffeur à l’air taciturne attendait le client dans l’un d’eux, la fenêtre conducteur grande ouverte. Elle lui demanda s’il pouvait la conduire à une quinzaine de kilomètres de la ville, dans un petit hameau berrichon en bordure de Loire. Elle lui donna l’adresse où il devrait s’arrêter et se renseigna quant au coût du trajet.
– Ça fera vingt-cinq euros ma petite dame.
Déjà, Justine commençait à élaborer de savants calculs dans sa tête alors qu’elle n’avait pas une montagne d’or devant elle, ses quelques économies devant servir à honorer les frais nécessaires à sa subsistance ; sans compter les dépenses liées à son nouvel emménagement, qu’elle devrait gérer seule depuis son divorce d’avec Mathieu. Qu’il était loin le temps où ils s’aimaient comme de jeunes tourtereaux, tout à leur bonheur et aux joies du partage, les heures heureuses comme les moments de moins bonne fortune, les temps d’ivresse comme les temps d’ennui. Après vingt-six ans de vie commune, le beau Mathieu n’avait pas trouvé mieux que de tomber follement amoureux d’une jeunette qui assurait le secrétariat de la Concession Mercédès où il confiait l’entretien régulier de son 4X4 noir, qu’il chérissait comme la prunelle de ses yeux. Et voilà qu’après tant d’années de mariage et de labeur en commun, il lui avait dit un dimanche matin de janvier, juste après le petit déjeuner servi dans la véranda joliment fleurie en toutes saisons :
– Tu sais Justine, je ne peux plus garder ça pour moi, ça me fait trop mal. Je sais que je vais te faire beaucoup de peine, mais j’ai rencontré quelqu’un il y a plusieurs mois maintenant, et nous allons bientôt avoir un enfant. Il faut que l’on divorce.
Après tout ce qu’elle avait enduré dans sa vie de jeune fille et de femme, elle ne put que rester muette de stupeur à cette annonce. Bien sûr, elle avait senti son époux plus distant ces derniers mois, mais elle mettait ça sur le compte de l’âge. À cinquante-huit ans, Mathieu avait dû faire récemment le deuil de ses parents à six mois d’intervalle l’un de l’autre. Il s’était occupé de la succession, des formalités administratives, de la vente de leur pavillon et de celle de leur véhicule. Justine se disait qu’il passait tout simplement un mauvais cap et que sa joie de vivre et sa tendresse envers elle reviendraient bientôt. Après cette annonce subite, ses beaux yeux gris vert se noyèrent dans l’instant, mais elle n’avança aucune parole, aucun reproche à l’égard de son mari, le seul être en qui elle pouvait compter aujourd’hui. Mathieu s’était levé, lui avait entouré les épaules d’un geste affectueux mais résigné, et s’était dirigé vers la salle de bains.
– Madame, on est arrivé.
Justine sursauta. Elle émergea de ses pensées et se rendit compte que le taxi était stationné juste à l’endroit qu’elle avait indiqué au chauffeur, devant l’entrée principale du pépiniériste, à environ cent mètres de la maison que l’on nommait depuis toujours –La Malmenée–. Elle sortit de son sac à main son petit porte-monnaie en cuir et lui tendit les vingt-cinq euros dus. Le chauffeur de taxi descendit de son véhicule, lui ouvrit la portière arrière et lui remit sa petite valise bleu marine à rayures, puis repartit sur le champ. En ce milieu d’après-midi, la chaleur était à son paroxysme et sa petite robe à bretelles de cotonnade rose lui collait à la peau. Il ne lui restait plus que quelques centaines de mètres à parcourir à pied, mais elle voulait maintenant avancer lentement, pas à pas, afin de se remémorer ses jeunes années, et tous les anciens qui avaient occupé ces lieux ici, bien avant son départ. Elle longea les hauts murs d’enceinte en pierres calcaires dont le sommet était recouvert de mousse, qui clôturaient les deux propriétés de part et d’autre de la route goudronnée, en prenant bien soin de se tenir le plus près possible du mur de droite qu’elle longeait, car elle savait que si deux véhicules arrivaient chacun en sens inverse, un piéton n’avait pratiquement plus de place pour évoluer et devait se coller au mur. Combien de fois, petite, avait-elle fait ce chemin pour se rendre à l’école primaire du village portuaire qui longeait le canal latéral à la Loire, et sur lequel en d’autres temps les mariniers amarraient leurs péniches pleines de blé, de ciment, de sable, et d’autres denrées de toutes sortes ? Combien de fois, plus grande, avait-elle fait ce chemin, été comme hiver, pour attendre le car en pleine nuit le matin et puis revenir en pleine nuit le soir, quand elle suivait ses cours au collège puis au lycée, situés à une vingtaine de kilomètres de la maison maternelle ?
Enfin, elle amorça le virage et prit la petite route du Pont de Pierre, à droite, et son cœur fut d’un coup plus serein. Ici, elle ne craignait plus les automobilistes peu aguerris. Elle passa devant la belle maison bourgeoise de Marie-Rose, qui annonçait le début des habitations, laissant à sa gauche un bras de Loire quasiment asséché à cette époque, bordé des hauts saules pleureurs qui abritaient la faune et la flore soigneusement cachées, pour continuer à y déambuler paisiblement. Puis ce fut au tour de quelques habitations vétustes, avant d’arriver à hauteur du Château, auquel succédait l’Auberge facilement reconnaissable avec ses deux tours carrées à chaque extrémité et son corps de logis au milieu. L’endroit, quoique très rustique, était plaisant à regarder, mais à cette heure-ci Romain devait être occupé à faire sa comptabilité d’aubergiste. On avait toujours dit à Justine que cette auberge avait été construite par les templiers, ce qui la plongeait quand elle était petite dans un monde étrange fait de légendes et de mystères auxquels elle s’abandonnait volontiers.
Elle passa ensuite devant la maison qui l’avait vue grandir, mais elle n’y avait pas que de bons souvenirs. Elle hâta le pas afin de la dépasser rapidement, et après avoir franchi encore une centaine de mètres, elle se retrouva sur le chemin menant à la maison qui l’attendait calmement, en contrebas, lovée entre le canal et un bras de Loire, en bordure d’un petit ruisseau que l’on devinait plus qu’on ne le voyait vraiment, grâce au chant de l’eau sur les pierres.
Ça y est, elle était arrivée à la Frissonnière. Mais pourquoi était-elle revenue dans un hameau perdu au fin fond du Berry, à cinquante-trois ans, seule, avec pour tous bagages une petite valise bleu marine à rayures et quelques économies ? Elle chassa vite cette question et admira le paysage qui se dressait devant elle.
La renaissance
Il était seize heures lorsque Justine consulta sa montre-bracelet en plaqué or. Le métal commençait d’ailleurs à montrer des signes d’usure par endroits, malgré une monture délicatement ciselée. Petit bijou, souvenir d’un autre temps. Elle l’avait acheté pour une autre femme, il y a bien longtemps, lui en avait fait cadeau un soir de Noël, puis, compte tenu des circonstances de la vie qui font que certains restent alors que d’autres s’en vont vers d’autres mondes, avait décidé de la porter elle-même, quelques années après, afin de préserver le lien qui les unissait toutes les deux depuis toujours. Justine sortit le trousseau de clés que lui avait remis le notaire au moment de la signature de l’acte. Il fallait maintenant qu’elle trouve laquelle de ces clés ouvrirait la porte d’entrée principale.
La petite maison, toute en longueur, faisait partie d’un minuscule hameau, à l’écart du hameau principal, composé de trois bâtiments d’habitation seulement et de quelques remises et hangars. Sa maison était la moins jolie, la plus vétuste, mais également celle qui était la plus éloignée de la civilisation. Elle embrassa l’ensemble du regard. La première maison en pierres datant des années 1850 avait été soigneusement restaurée par des Parisiens en mal de campagne. Le terrain, légèrement en pente, était entretenu avec soin et les clôtures fraîchement repeintes en blanc. La seconde maison était accolée à la sienne, et l’on pouvait voir sur le pignon du mur une plaque commémorative en l’honneur de ses précédents occupants, désormais décédés, anciens résistants, reconnus et plébiscités par leurs pairs. Justine se remémora ces gens simples que ses grands-parents côtoyaient lorsqu’elle était petite. Elle se revoyait sous les pruniers de leur jardin, fin août, ramasser les beaux fruits jaunes gorgés du soleil d’été, qui seraient transformés en confitures et conserves par les femmes de la famille.
Puis ses yeux s’arrêtèrent sur la maison elle-même. Les persiennes en métal et la porte en bois avaient été peintes il y a longtemps dans les tons rouge-brun. La peinture s’écaillait sur de grandes surfaces. Le toit, recouvert de petites tuiles de pays, était fort moussu et les zingueries très fatiguées. Un vieux linge grisâtre pendait encore sur le fil, dans la courette située sur le côté, mais si l’on faisait abstraction de cet état de dégradation, on pouvait admirer, derrière la maison, un magnifique terrain constitué d’un grand verger et de pâturages alentour, l’ensemble en contrebas des berges du canal. Elle reconnut quelques essences d’arbres spécifiques à la région, qu’il lui faudrait faire élaguer à l’automne. Toute à ces réflexions, Justine prit la plus grande des clés et l’introduisit dans la serrure. Elle tourna sur la droite et dût consentir un léger effort du poignet afin de permettre à la porte de s’ouvrir dans un grincement de gonds rouillés. Elle n’aperçut au début que la pénombre, et son nez fut contrarié par une odeur de renfermé et d’humidité qui contrastait avec la chaleur extérieure et le parfum suave de l’herbe et des fleurs des champs qui inondait les terres environnantes.
Son premier réflexe fut d’ouvrir les deux grandes fenêtres de la salle à manger donnant sur le chemin d’accès. Elle découvrit des murs jaunis par le temps et une grande pièce occupée par des meubles d’époque qui n’étaient plus au goût du jour. L’ensemble n’était pas en harmonie avec le sol, recouvert de petits carreaux gris et bleus. À trois mètres devant elle se trouvait le coin cuisine, dont la faïence vert foncé n’était pas non plus du plus bel effet. La maison comprenait une salle de bains, des toilettes et deux chambres, donnant chacune d’un côté différent, la plus grande ayant vue sur le terrain situé à l’arrière de la maison. Malgré son papier peint à grosses fleurs roses, Justine sut tout de suite que ce serait sa chambre. L’autre pièce, plus petite, donnait sur le chemin d’accès, celui-ci rejoignant plus haut les berges du canal. La maison était finalement à l’embranchement de deux voies, celle menant au minuscule hameau, et l’ancien chemin de halage menant sur les bords du canal. Elle s’attarda sur la salle de bains, qui comprenait un lavabo et une baignoire en émail blanc avec douche intégrée. Les murs étaient recouverts d’une faïence murale orange, dont Justine devrait bien s’accommoder. De toute façon, la mode était revenue aux années soixante-dix, tout le monde raffolait du « vintage », alors finalement, cette pièce-là était dans le ton. Elle aurait juste à l’agrémenter avec quelques accessoires de toilette blancs modernes et un tapis assorti.
C’est alors qu’elle se rendit compte qu’elle avait oublié de prévoir la remise en service de l’eau et de l’électricité. Elle devrait s’y atteler dès le lendemain lundi. Ce soir, elle se contenterait d’une toilette de chat, comme la vie lui avait enseigné à le faire quand on a pas d’autre choix. Son second travail fut d’ouvrir toutes les autres fenêtres de la maison afin de faire pénétrer le maximum de chaleur et de lumière à l’intérieur ; en même temps que cela permettrait d’aérer les pièces et de faire disparaître cette odeur de renfermé. Elle remarqua à cette occasion que les rideaux étaient restés accrochés aux fenêtres, mais étaient désormais d’un gris sale, tout comme le morceau de linge resté pendu sur le fil dehors. Sa première semaine s’annonçait riche en travaux de tous ordres. Cela ne lui faisait pas peur. Seule l’effrayait l’idée que ses maux de tête affreux viennent l’importuner dans sa tâche quotidienne. Elle savait que son fragile squelette serait mis à rude épreuve dans les jours à venir.
La maison était donc restée en l’état. C’est comme si ses occupants l’avaient quittée pour une heure ou deux mais n’étaient finalement jamais revenus. Le notaire lui avait bien expliqué le contexte au cours du premier rendez-vous, en février dernier. Les anciens propriétaires, dont elle gardait un souvenir très flou de sa petite enfance, car ils étaient déjà âgés à cette époque, étaient décédés l’un après l’autre sans laisser d’enfants. Les héritiers susceptibles d’acquérir la maison, en l’occurrence deux neveux, n’avaient ni le goût ni les moyens financiers de le faire et avaient préféré vendre le bien, cela leur permettant de récupérer quelques milliers d’euros chacun. C’est ainsi
