Perle de rosée
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À propos de ce livre électronique
À PROPOS DE L'AUTEURE
Avec culture littéraire autodidacte, Brigitte Teisseire s’est inspirée des anecdotes de villages pour écrire Perle de rosée, son premier recueil de nouvelles.
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Avis sur Perle de rosée
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Aperçu du livre
Perle de rosée - Brigitte Teisseire
Nos personnages
Mathieu : Villageois. Fils de Hélène.
Peter Walker : Un Irlandais.
Yolande : Grand-mère de Paul. Veuve.
Fortune : Le conteur du village.
Paul : Petit-fils de Yolande.
Hélène : Mère de Mathieu. Veuve.
André : Professeur de piano.
Henri, Patrick, Jose et Jacques : Joueurs de boules.
Francois Lemarque : Le maire du village.
Perle de Rosée : Villageoise.
Le Père Bonnefoi : Le curé du village.
Marcel : Propriétaire du café la mule du pape.
Le retour
Ce matin-là, sur le cloître, la place du village, une fête se préparait à recevoir tous les habitants du canton.
Joyeuses et rayonnantes, les femmes, coiffées d’un chapeau de paille, menaient les derniers préparatifs, géraniums sur les balcons, sur les tables, nappes blanches ornées de pâquerettes, de bouquets de lavande et de coquelicots ; lampions multicolores qui se laissaient bercer par une légère brise.
Nous étions au mois de mai. Une douce odeur enveloppait le village, mélange de fleur d’oranger et de rose Centifolia. Sur la place, des hommes montaient une estrade. Ce soir, des acteurs de passage chanteront sous les étoiles, au rythme d’une musique semblable à la vie, libre comme eux.
À quelques rues de là, ces anciennes rues empierrées, un homme d’une trentaine d’années, sa valise à la main, flânait, le nez en l’air. Mathieu savourait ces instants. Malgré le temps passé, il retrouvait l’ambiance de jadis. Rien n’avait changé dans ces petites ruelles de son village. Prenant une profonde inspiration, il fleura avec délice les parfums qui s’échappaient le long des murs. Toutes ces habitations étaient tapissées de rosiers carminés, de jasmins, de bougainvillier… toutes ces plantes qui s’épanouissent sous le soleil de la méditerranée. Ces odeurs, ces couleurs avaient toujours éveillé chez Mathieu un bien-être. Afin de savourer ce petit moment de bonheur, il s’arrêta un instant sous un porche.
L’endroit lui était bien familier. C’était là, le mercredi, en début d’après-midi, que lui et ses potes se donnaient rendez-vous. Ils étaient cinq, inséparables. Il y avait : Claude, dit la marmotte, qui avait toujours ses yeux collés par le sommeil. Norbert, un casse-cou et un homme de la nature, pêchant le poisson de la rivière avec ses mains à la grande fierté de ses copains. Puis, Adelin et ses bravacheries. Avec lui, toute la bande faisait le tour du monde, vivant ainsi des aventures extraordinaires… grâce à son grand-oncle ! Et enfin, le petit Paul, toujours à pleurnicher. De cette bande de copains, les années écoulées, chacun mena son propre chemin. De par sa mère Hélène, Mathieu savait que Paul était resté au village. Claude, lui, était parti dans le Nord, rejoindre une Lilloise qu’il avait rencontrée au village durant un été. Quant à Norbert, il vivait en harmonie avec la nature dans les montagnes de la Provence. Restait Adelin, disparu du jour au lendemain, laissant ainsi un mystère flotter !
Mathieu reprit sa promenade.
En passant devant un salon de coiffure, une pancarte indiquait : « FERMETURE EXCEPTIONNELLE ».
— Eh oui, Yolande et Jules doivent être sur la place. Que de bons souvenirs, se dit-il.
En un bref instant, il remonta le temps, le temps de son enfance. Jules et Yolande, mariés, tenaient ce salon de coiffure. En plus de son activité, Jules était le président de « l’essor sportif gaulois ». À cette époque, le football était le seul sport pratiqué du village.
Mathieu colla son visage contre la vitre. Rien n’avait changé ! Il retrouva la salle voûtée comme avant, séparée en deux par une cloison en bois. D’un côté les hommes, de l’autre les femmes. Tous les soirs, le salon était envahi par cette bande de copains. Ils parlaient, assis dans cet étroit couloir, du match de foot du dimanche précédent. Durant un court instant, Mathieu ferma les yeux. Il revoyait Jules avec sa gitane au coin de ses lèvres, coupant les cheveux, rasant la barbe d’un client. Alors, ces gamins pouffaient de rire lorsque la cendre de la cigarette tombait sur le crâne. Quant à Yolande, elle avait bien du mal à trouver sa place parmi tous ces hommes !
— Comme il est loin ce bon temps, se dit Mathieu en descendant la rue.
Arrivé sur la place, il se dirigea vers la mule du pape, et posa sa valise. Cela faisait plusieurs années qu’il n’était pas revenu ici. Malgré la tristesse qui l’envahissait, il était heureux de se retrouver à nouveau au village. Souriant devant tout ce petit monde en effervescence, perdu dans ses pensées, Mathieu constata avec réjouissance le maintien des coutumes qui jadis l’avaient bercé. Au milieu de toutes ces femmes, il cherchait du regard une connaissance. Mais ces visages, émaciés par le soleil, le froid, aux corps noués comme un cep de vigne, étaient à présent bien loin de leur éclatante jeunesse.
Cependant, il reconnut, près de la fontaine, Yolande. Malgré les années, elle avait gardé son port de tête et l’élégance de son corps. Il faut dire qu’enfant, elle passait des heures devant son miroir, sautillant, agitant ses bras d’un geste gracile. Chez elle, tout était légèreté. Elle s’inventait des chorégraphies, rêvait de devenir une danseuse d’étoile. La vie lui désigna un autre chemin !
Mathieu commanda un pastis dans un grand verre rempli de glaçons. Malgré le soleil, l’air se faisait doux et de puissantes odeurs emplissaient son cœur meurtri. Il aperçut devant le parvis de l’église la silhouette du père Bonnefoi traînant sa longue robe noire. Grand, élancé, les bras flottants dessinant à chacun de ses pas de grandes enjambées, il ressemblait à Filopat. Cette marionnette en fil de fer qui anima notre jeunesse avec son compagnon Patafil !
Tout comme Yolande, il n’avait guère changé. C’était un dimanche, et, comme tous les dimanches, Mathieu constata que le père Bonnefoi, à la sortie de son officine, portait avec fierté encore son petit chapeau rond.
Avec délice, Mathieu replongea, une fois encore, dans son enfance.
À l’époque, le village comptait quatre occupations. Les champs de vergers, le foot, la rivière et l’église dans laquelle, accompagné de son ami Claude, Mathieu aimait se retrouver. Une fois la porte de l’église franchie, instinctivement, et ralentissant leur allure, ils se signaient, puis prenaient place dans les rangs. Parmi les scintillements des cierges, enveloppés par l’odeur de l’encens, à genoux, face à l’autel, ils se recueillaient. Les deux garçons prenaient ces instants très au sérieux et bien décidés, eux aussi, à pleurer leurs morts. Mais la vie les protégeait encore de ces moments de douleurs. Aussi, c’est dans un recueillement profond qu’ils pleuraient alors toute une zoologie : un canard, un chat, une poule et même une cigale ! Tant d’assiduité ne laissa pas le père Bonnefoi insensible, et ce fut ainsi qu’il les accompagna sur le chemin de la foi.
Deux vrais petits anges envoyés du ciel ! Aux enterrements, ils répondaient présents, aux baptêmes, ils répondaient également présents. Et la célébration de la messe, je ne vous en parle pas ! Tous les dimanches, Hélène, la tendre mère de Mathieu, après l’avoir passé au peigne fin, le cœur gonflé d’orgueil, l’envoyait auprès de Dieu le père. Chacun des garçons, vêtus d’une chasuble blanche dentelée, devenait alors enfant de chœur. Claude faisait office de pupitre, quant à Mathieu, derrière l’autel, il attendait le moment de la burette. Et comme dans tout évènement, il y avait le bouquet final ! Le père Bonnefoi, la tête haute, le torse bombé, encadré de ses deux chérubins, annonçait distinctement : « Sonnerie ! »
À ce moment précis, Claude et Mathieu agitaient une clochette, munie de plusieurs grelots. À trois reprises, ils répondaient aux ordres, attendant l’ultime :
« RRRrrroulement. »
Le père Bonnefoi roulait le « R » interminablement, tandis que ces deux anges agitaient leur clochette, le corps vibrant comme un malheureux pommier ébranlé par la tempête.
Au premier rang, Hélène, les yeux légèrement humides, badait son fils. Maurice, le père de Mathieu, surveillait la bande de chenapans qui n’était autre que, Norbert, Alebin et Paul. Tous les trois mâchouillaient les fameux chewing-gums Malabar. Et c’était à celui qui ferait les plus grosses bulles, sans oublier le gros Splash qui résonnait dans l’église. Bien entendu, tout ceci n’avait d’autre but que de déstabiliser Claude et Mathieu.
Le clocher retentit, Mathieu se leva, prit sa valise et entra dans l’église se recueillir à genoux et les mains jointes.
Quinze années avaient passé. La vie ne l’avait pas épargné. Fini le temps des canards et des poules.
Mathieu pleurait son père.
Un homme de passage
Déjà une heure ! L’exposition avait lieu dans un vieux moulin au bord de la rivière et la salle était pleine. Dehors, Mathieu, assis sur le bord d’un muret, les jambes ballantes, regardait la magie s’opérer devant lui. C’était une nuit sans lumière. Au loin, à travers les baies vitrées, des silhouettes se mouvaient comme des ombres chinoises. Seules des petites lanternes posées çà et là semblaient faire renaître une âme d’autrefois.
Depuis des années, abandonné par son propriétaire, ce vieux moulin avait cessé d’exister. Perdu parmi les herbes folles, recouvert de lierres sauvages, il s’était mis à l’abri des regards. Combien de personnes, sans lui prêter attention, passaient leur chemin ?
Et pourtant, jadis, il eut lui aussi son heure de gloire. Les paysans venant y apporter leur récolte d’olives pour en extraire l’huile, et ses roues énormes, puisaient l’eau de la rivière afin d’activer la scierie. Ah, il en a vu de belles choses, ce moulin ! Ces femmes courageuses portant leurs linges au bord de la rivière pour le lavage du printemps. Toutes joyeuses à leur besogne pour étaler ensuite leurs draps blancs sur une herbe enivrée de chlorophylle. Et le soir, à la tombée de la nuit, bercé par le silence de la rivière, il se rendait complice des premiers rendez-vous d’amour.
Puis, un beau jour, le propriétaire mit la clé sous la porte. Un procès en sa défaveur avait eu lieu : « Pas assez productif, trop de lenteur », avait-on dit !
Alors, les hommes abandonnèrent le moulin et ses vieilles pierres, marquées à tout jamais par l’empreinte d’une vie, et partirent à la conquête du modernisme. Pauvre moulin, lui qui n’avait cessé de remplir son devoir, il était aux abois. Des jours, des mois,